Kitabı oku: «Contes humoristiques - Tome I», sayfa 5

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Le truc de la famille

Je n'ai jamais songé à prétendre que le célibat ne comportât point mille avantages particuliers dont la nomenclature m'entraînerait trop loin.

Mais à côté de ces profits, que de petites misères inéluctables, que d'infériorités morales, que de consternants déboires!

Vous avez beau dire, il est cent prouesses défendues à un garçon, lesquelles ne sont que jeux d'enfant pour une famille.

J'ai assisté ces jours-ci à toute une petite comédie qui m'a littéralement ravi et qui—l'avouerai-je?—m'a fort incité à convoler et à procréer.

Arrivé un peu en retard, je trouvai le train à peu près bondé. Comme mon trajet était un peu long, mon nez devint plus long encore, à l'idée de plus un bon coin de reste.

Mon attention fut vite attirée par deux jeunes enfants, un garçon et une fille, menant grand tapage de trompettes à la portière d'un wagon.

Derrière eux, debout, une femme dépoitraillée plus que de raison allaitait un nouveau-né qui piaillait comme un jeune démon.

Un monsieur—le père, évidemment, et le mari—se tenait dans le fond, fumant sa pipe à rendre la locomotive jalouse.

Mon parti fut vite pris, tant m'avait charmé ce joli tableau de famille. Je pénétrai.

Dire que je fus reçu par un sourire unanime serait une évidente exagération. Au contraire, mon arrivée détermina sur toutes ces faces un hideux rictus de mécontentement.

Un coup de sifflet et nous voilà partis.

Alors, changement à vue.

La père remet sa pipe dans son étui.

La maman remmaillote le gosse, le pose soigneusement dans le filet aux bagages et remet un peu d'ordre dans l'économie de son corsage.

Les deux aînés abandonnent leur trompette et se collent dans un coin, bien sages.

Tout ce monde s'endort, sauf moi, émerveillé de ce rapide apaisement.

L'apaisement dura jusqu'à l'approche de la prochaine station.

À ce moment, nouveau changement à vue et reprise des hostilités.

La pipe, la maman dépoitraillée, le tout-petit qui gueule, les gosses qui soufflent dans leurs trompettes.

Et puis le train repart. Paix, silence, sommeil.

Il en fut ainsi à chaque station jusqu'à Bruxelles, où je me rendais, en compagnie fortuite de ces gens.

Je vous prie de croire que pas un voyageur n'eut l'idée d'envahir notre compartiment.

Et je pensai que—peut-être bien—le monsieur à la pipe s'était marié et avait créé des enfants dans l'unique but d'éloigner de son wagon, quand il voyagerait, les intrus.

Un cliché d'arrière-saison

Un typo de mon journal vient de m'annoncer que le cliché On rentre.... On est rentré n'est pas si éculé qu'on aurait pu croire et qu'il peut servir encore une fois ou deux.

Dieu sait pourtant si on en a abusé de ce Paris qui rentre, qui n'arrête pas de rentrer!

Ça commence aux premiers jours de septembre et ça ne finit jamais.

Quand j'étais un tout petit garçon (oh! le joli petit garçon que je faisais, gentil, aimable, et combien rosse au fond!) et que je lisais les mondanités dans les grands organes, je me figurais le *Paris qui rentre* d'une drôle de façon!

Des malles à loger des familles entières, des boîtes à chapeaux beaucoup plus incomptables que les galets du littoral, des chefs de gare perdant la tête, et surtout—oh! surtout—de belles jeunes femmes un peu lasses du trajet, mais si charmantes, une fois reposées, demain.

Rien de vrai, dans tout cela.

Le train qui arrive aujourd'hui à 6 h 20 ressemble étonnamment au train qui est arrivé, voilà trois mois, à 7 h 15, et on le prendrait volontiers pour le train qui arrivera dans six mois à midi moins le quart.

Quant aux gens qui se trouvaient à Trouville cet été, ou dans leurs terres cet automne, ils étaient remplacés à Paris par d'autres gens qui se trouveront à Nice cet hiver, ou au tonnerre de Dieu ce printemps prochain.

C'est surtout à Paris qu'il n'y a personne d'indispensable.

Paris rentre!... Paris s'en va!

Et puis quoi? Si j'étais un garçon mal élevé, je sais bien ce que je dirais.

Moi aussi, je suis rentré ces jours-ci, et j'ai trouvé sur mon bureau des lettres, sans exagérer, haut comme ça.

S'il fallait que je répondisse personnellement, il me faudrait mobiliser toute la réserve et toute la territoriale des secrétaires de France.

Alors, qu'ai-je fait? Je répondrai, résolus-je, à un seul, tiré au sort.

L'heureux gagnant se trouve être un jeune peintre qui me demande comment s'y prendre, quand il veut travailler, pour éloigner de son atelier les fâcheux, les raseurs, les tapeurs, les fournisseurs et autres amateurs.

Oh! mon Dieu, c'est bien simple! Que cet artiste agisse à mon instar, et il s'en trouvera bien.

Depuis trois ans j'ai fait établir, à l'entrée de mon vestibule, un tourniquet par lequel on doit passer pour pénétrer chez moi.

Un invalide à ma solde exige le versement préalable de la somme d'un franc.

Vous n'avez pas idée, depuis cette inauguration, comme a diminué la cohue visiteuse!

Les raseurs y regardent à deux fois. Payer vingt sous pour embêter le monde n'est pas souvent leur apanage.

Les tapeurs sont, en large proportion, éliminés. Il n'entre plus que les tapeurs de haut vol (dans les 25.000). Ceux-là, je les laisse parler.

Quant aux créanciers, ils n'hésitent pas. Qu'est-ce que c'est que vingt sous pour un créancier?

Moi, je les laisse faire.

Ainsi, ce matin même, j'ai réglé à mon bottier une petite note de quatre-vingts francs. Il était venu vingt-cinq fois. Ça fait du trente et quelque pour cent.

Et puis, j'ai envie d'organiser des jours chics à cent sous: le vendredi, par exemple.

Un fait-divers

Jeudi dernier, les époux H... se rendaient au Théâtre Montmartre pour assister à la représentation du Vieux Caporal. Ils avaient laissé leur domicile sous la garde d'un petit chien fort intelligent qui répond au nom de Castor.

Si l'Homme est véritablement le roi de la Création, le Chien peut, sans être taxé d'exagération, en passer pour le baron tout au moins.

Castor, en particulier, est un animal extrêmement remarquable, dont les époux H... ont dit à maintes reprises:

—Castor?... Nous ne le donnerions pas pour dix mille francs!... quand ce serait le pape qui nous le demanderait!

Bien en a prix aux époux H... de cet attachement.

Ces braves gens n'en étaient pas plus tôt au deuxième acte du Vieux Caporal, que des cambrioleurs s'introduisaient dans leur domicile.

Castor, occupé en ce moment à jouer au bouchon dans la cuisine, entendit le bruit, ne reconnut pas celui de ses maîtres (le pas, bien entendu), et se tapit dans un coin, l'oreille tendue.

Une minute plus tard, sa religion était éclairée: nul doute, c'était bien à des cambrioleurs qu'il avait affaire.

À l'astuce du renard, Castor ajoute la prudence du serpent jointe à la fidélité de l'hirondelle. Seule la vaillance du lion fait défaut à ce pauvre animal.

Que faire en cette occurrence? Une angoisse folle étreignait la gorge de Castor.

Aboyer? Quelle imprudence! Les malandrins se jetteraient sur lui et l'étrangleraient, tel un poulet.

Se taire? S'enfuir? Et le devoir professionnel!

Une lueur, probablement géniale, inonda brusquement le cerveau de Castor.

Sortant à pas de loup (ce qui lui est facile ataviquement, le chien descendant du loup), Castor se précipita vers une maison en construction, sise non loin du domicile des époux H.... Saisissant dans sa gueule une des lanternes (éclairage Levent, ainsi nommé parce que la moindre brise suffit à son extinction), Castor revint en toute hâte vers le logement de ses maîtres.

La ruse eut tout le succès qu'elle méritait. Les cambrioleurs, apercevant de la lumière dans la pièce voisine, se crurent surpris et se sauvèrent par les toits (les cambrioleurs se sauvent toujours par les toits dès qu'ils sont surpris).

Il serait impossible de rendre la joie de Castor à la vue de la réussite de sa supercherie.

Quand ses maîtres rentrèrent, ils le trouvèrent se frottant encore les pattes de satisfaction.

Et il y a des gens qui disent que les bêtes n'ont pas d'âme! Imbéciles, va!

Arfled

Voilà seulement cinq ou six ans, j'étais loin de la position brillante à laquelle je suis parvenu, beaucoup plus d'ailleurs par mon mérite—quoi qu'en disent les imbéciles—que par les femmes. À cette époque, bien humble était ma tenue, insuffisantes mes ressources, indélicats parfois mes modi vivendi, chimérique mon mobilier, illusoire mon crédit.

J'habitais alors un hôtel meublé, l'hôtel des Trois-Hémisphères, sis dans le haut de la rue des Victimes.

La clientèle de cet établissement se recrutait principalement dans le monde des cirques et des music-halls de l'univers entier.

J'y rencontrai des hommes-serpents de Chicago, des ténors de Toulouse, des clowns de Dublin et même une charmeuse de serpents de Chatou.

J'adorais la patronne; c'était d'ailleurs une exquise patronne, blonde, un peu trop forte, plus très jeune, mais encore très fraîche, avec des yeux qui ne demandaient qu'à rigoler.

J'aimais beaucoup moins le patron, et, pour mieux dire, je l'abhorrais.

J'étais en cela de l'avis d'Arfled.

Arfled? qui ça, Arfled? Comment, vous ne connaissez pas Arfled?

Anglais, très joli garçon, souple et fort, distinction exquise, possession incomplète de la langue française, mais qu'importe quand on a la mimique pour soi?

Situation sociale: clown au cirque Fernando.

—Arfled, lui dis-je un jour, quel drôle de nom vous avez!

Et il me raconta que, dans l'origine, il s'appelait Alfred, mais qu'un jour, ayant découpé dans une étoffe les lettres qui composent ce nom pour les appliquer sur un costume, la femme chargée de cet ouvrage se trompa dans la disposition et les cousit ainsi: Arfled.

Ce nouveau nom lui plut beaucoup et il le garda.

Oh! non, Arfled n'aimait pas M. Pionce, le patron des Trois-Hémisphères.

Pourquoi? Je ne saurais l'assurer, mais je m'en doute.

L'affection qu'il aurait pu porter au ménage Pionce s'était concentrée, je suppose, tout entière et trop exclusive sur Mme Pionce.

Arfled était un garçon de goût, voilà tout.

Deux fois par jour, Arfled constituait, pour la jolie Mme Pionce, un divertissement sans bornes.

Le matin, il descendait mettre sa clef au bureau de l'hôtel.

Mme Pionce s'y trouvait-elle seule, alors c'était sur toute la face d'Arfled un enchantement extatique. Ses yeux reflétaient l'azur du septième ciel. Sa bouche s'arrondissait en cul-de-poule, comme le ferait une personne qui ressentirait une transportante saveur.

Et des compliments:

—Bonnjô, médéme Pionnce, comment pôté-vô? Havé-vô passé le bonne nouite? Jamé, médéme Pionnce, jamé, vô étiez plous jaôlie qu'aujôd'houi! Bonnjô, médéme, bonne appétite!

Si, à l'heure de la descente, M. Pionce se trouvait là, Arfled prenait une tête de dogue hargneux. Il relevait le col de son pardessus, enfonçait son chapeau sur les yeux et poussait des grognements de mauvais bull.

Le soir, à la rentrée, répétition exacte des scènes ci-dessus, selon que M. Pionce se trouvait là ou pas.

Si bien qu'au seul aspect d'Arfled, Mme Pionce se sentait toute pâmée de rire.

Un matin, Arfled trouva Mme Pionce en conversation avec un locataire.

—Et M. Pionce, disait l'homme, comment va-t-il?

—Pas mieux, je vais envoyer chercher le médecin.

La physionomie d'Arfled se convulsa et, sur le ton du plus cruel désespoir, il s'informa:

—M. Pionce, il été méléde?

—Mais oui, monsieur Arfled, il a toussé toute la nuit....

—Toutte lé nouitte? Aoh! aoh! Pauv'homme!

Et le soir, Arfled s'enquit avec une sollicitude touchante du rhume de M. Pionce.

—Je vous remercie, il va un peu mieux.

Arfled joignit les mains, leva les yeux au ciel:

—Aoh! Mêci, mon Diou, mêci!

Malheureusement le mieux ne se maintint pas. Le lendemain, aggravation, vésicatoires.

Arfled faillit se trouver mal.

Le soir, un peu d'amélioration.

Arfled tomba à genoux dans le bureau et entama un cantique d'action de grâces:

Thanks, my Lord! Thanks!

Malgré son inquiétude et sa peine, la pauvre Mme Pionce, mise en joie par cette comédie, se tordait.

Ainsi se passa la semaine, avec des alternatives de mieux et de pire.

Un soir, Arfled rentrait.

Mme Pionce se trouvait dans le bureau de l'hôtel, entourée de quelques personnes pleines de sollicitude.

Ses traits tirés, ses yeux rouges indiquaient que cela n'allait pas mieux et que tout était peut-être fini.

Mais à la vue d'Arfled, à l'idée de la tête qu'il ferait en apprenant la fatale nouvelle, Mme Pionce oublia tout.

Elle se renversa dans son fauteuil, secouée par une crise de rire.

Et ce ne fut qu'après cinq minutes convulsives qu'elle put lui dire, d'une voix encore coupée par des éclats d'hilarité.

—Il... est... mort!

Black Christmas

I Prologue

Je veux bien encore, malgré mon extrême lassitude, malgré mon écœurement de tout ce qui se passe en ce moment, malgré mille déceptions de toutes sortes, je veux bien vous dire un conte de Noël.

Oui, mais pas un conte de Noël comme tous les autres.

Dans les coutumiers contes de Noël, il tombe de la neige, comme si le bon Dieu plumait ses angelots.

S'il ne neige pas, dans les contes de Noël, au moins le sol est durci par le froid et le talon des passants résonne joyeusement sur les pavés.

Dans mon conte de Noël de cette année, si ça ne vous fait rien, nous jouirons d'une chaleur de tous les diables, phénomène peu étonnant quand vous saurez que la chose se passe dans une plantation de La Havane.

II Le rêve d'un nègre

Mathias, un superbe nègre d'origine cafre, d'une vingtaine d'années (peut-être un peu plus, mais pas beaucoup), s'étend sur des nattes, dans un coin de sa case, et rêve mélancholieusement.

C'est demain Noël, et toutes les légendes relatives à ce divin jour lui chantent dans la tête et dans le cœur.

Mathias est un superbe nègre, mais c'est un nègre solitaire dont l'âme a du vague.

Puis une torpeur s'empare de ses sens, et voilà qu'il rêve.

Ses souliers, qu'il a mis dans la cheminée (en rêve, bien entendu, car sa case ne comporte qu'un petit poêle économique de fabrication américaine), prennent des proportions démesurées.

Ses souliers se modifient également quant à leur forme, et tendent à revêtir l'aspect d'une gondole.

Puis la gondole se met à voguer sur je ne sais quel lac d'amour, et c'est lui qui la mène, lui, Mathias.

À l'arrière, une fine brume enveloppe comme un voile... une femme peut-être?

Oui, une femme!

Un petit zéphyr de rien du tout dissipe la brume qu'absorbe l'eau du lac, et Mathias pousse un cri.

Cette femme est la femme qu'il aime.

III La belle quarteronne

Imaginez un bloc de porphyre qui serait café au lait clair, avec parfois des roseurs.

Taillez dans ce bloc une robuste et sensuelle statue de jeune fille de seize ans.

Mettez-lui d'incomptables cheveux noirs, des yeux de diamant brun, des sourcils trop fournis qui se rejoignent presque, corrigez ce que les sourcils ont d'un peu dur, par une grande bouche bonne fille, et le retroussement d'un petit nez tout à fait rigolo.

Vous aurez ainsi obtenu Maria-Anna, la fille du planteur.

IV Ce qu'était Mathias

Mathias n'était pas le premier nègre venu.

Né dans la plantation d'anciens esclaves devenus fidèles serviteurs, son intelligence et le désir d'apprendre se manifestèrent dès le jeune âge.

Fort ingénieux, il faisait tout ce qu'il voulait de ses doigts et des autres parties de son corps.

Chimiste de première force, il découvrit la synthèse de la nicotine en faisant chauffer, en vase clos, parties égales de chaux vive, de bouse de vache, avec deux ou trois ronds de betterave.

Peu après cette découverte, il recevait les palmes académiques en récompense de son beau travail sur l'Utilisation des feuilles de choux dans les cigares de la régie française4.

Par un contact habile et raisonné entre la feuille de chou et la feuille de tabac, il arriva promptement à ce remarquable résultat que la feuille de chou semblait une feuille de tabac, alors que cette dernière aurait pu facilement être employée comme vieille feuille du noyer.

Si bien qu'on pouvait dire à la Feuille de chou, comme en la fable délicieuse du poète Sâdi: «Pardon, mademoiselle, n'êtes-vous point la Feuille de tabac?» Ce à quoi la Feuille de chou aurait répondu: «Non, madame, je ne suis pas la Feuille de tabac, mais ayant beaucoup fréquenté chez elle, j'ai gardé de son parfum».

V Le réveillon

Chaque année, à la Noël (c'était une vieille coutume de la plantation), el señor S. Cargo, le propriétaire, un mulâtre fort bel homme, réunissait à sa table tout le personnel de l'hacienda.

On soupait joyeusement à la santé du petit Jésus. On mangeait, on buvait, on trinquait, on disait des bêtises. Les personnes intempérantes avaient le droit, en cette nuit, de s'en fourrer jusque-là, et même un peu plus haut.

La belle Maria-Anna présidait, et Mathias ne la perdait pas de vue.

Pauvre Mathias! Son rêve de la journée lui avait mis des fourmis un peu partout et c'étaient deux braises allumées qui lui servaient d'yeux.

Chaque fois que le regard de la jeune fille croisait le regard du nègre, chaque fois ses joues divines porphyre café au lait clair rosissaient davantage.

Au matin, Mathias, fortement encouragé par l'abus des liqueurs fermentées, alla trouver le señor S. Cargo et lui dit:

—Maître, vous savez l'homme que je suis.

—Je le sais, mon brave ami, et je n'ai qu'un mot à te dire, le mot de Mac-Mahon à un jeune homme de ta race: continue.

—Je continuerai, Maître, si vous me donnez Maria-Anna en mariage.

—Y songes-tu? Toi, un nègre!

Et ce mot fut prononcé sur un tel ton que Mathias ne crut pas devoir insister.

VI Les larmes d'un nègre

Sitôt rentré dans sa case, Mathias s'affaissa sur sa couchette et, pour la première fois de sa vie, cet homme d'ébène pleura.

Il pleura longuement, copieusement, des larmes de rage et de désespoir. Puis une lassitude physique s'empara de lui, il désira se coucher.

Un regard jeté sur son miroir lui arracha un cri.

Ses larmes sur ses joues lui avaient laissé comme une large traînée blanche.

Que s'était-il donc passé?

Oh! rien que de bien simple et de bien explicable.

Les larmes de Mathias, rendues fortement caustiques par l'excès sodo-magnésien du désespoir, détruisaient le pigment noir de la peau, et du rose apparaissait5.

Trait de lumière!

VII Mathias continue de pleurer

Mathias cacha soigneusement sa découverte à tous les quiconque de son entourage, mais chaque fois qu'il avait une minute, il courait s'enfermer chez lui, répandait par torrents de larmes de rage et s'en barbouillait, avec une petite brosse, toutes les parties du corps.

Puis, pour écarter les soupçons, il se recouvrait de cirage bien noir, et le monde n'y voyait que du bleu.

VIII Apothéose

Au bout de quelques mois, Mathias était devenu aussi blanc que M. Edmond Blanc lui-même!

Un an s'est écoulé.

C'est encore Noël et le réveillon. Tout le personnel se trouve rangé autour de la table présidée par S. Cargo et sa délicieuse fille Maria-Anna.

On n'attend plus que Mathias.

Tout à coup, un élégant gentleman, col droit irréprochable, escarpins vernis, ruban violet à la boutonnière, entre dans la salle.

Personne dans l'assistance ne le reconnaît, sauf Maria-Anna qui ne s'y trompe pas une minute, à ce regard-là!

—Mathias, s'écrie-t-elle. Mathias! Je l'aime!

Et elle s'écroule sous l'émotion.

El señor S. Cargo n'avait plus aucune objection à élever contre le mariage des deux jeunes gens.

L'hymen eut bientôt lieu.

Et ils eurent tant d'enfants, tant d'enfants, qu'on renonça bientôt à les compter!

4
  Le cigare ne se récolte pas sur les arbres, ainsi que beaucoup de personnes se l'imaginent à tort. C'est, au contraire, un produit manufacturé dont la fabrication exige beaucoup d'astuce et de tact.


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5
  Des personnes ignorantes pourront s'étonner de ce que des larmes assez caustiques pour détruire le noir, puissent respecter le rose. Parce que, tas de brutes, la coloration rose de la peau n'est pas due à un pigment, mais bien au sang qu'on aperçoit par transparence.


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09 nisan 2019
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