Kitabı oku: «Deux et deux font cinq», sayfa 6

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DRESSAGE

Dimanche dernier, aux courses d'Auteuil, je fis la rencontre du Captain Cap et je ressentis, de cette circonstance, une joie d'autant plus vive que je croyais, pour le moment, notre sympathique navigateur en rade de Bilbao.

La journée de dimanche dernier n'est pas tellement effondrée dans les abîmes de l'Histoire qu'on ne puisse se rappeler l'abominable temps qui sévissait alors.

–Mouillé pour mouillé, conclut Cap après les salutations d'usage, j'aimerais mieux me mouiller au sein de l'Australian Wine Store de l'avenue d'Eylau. Est-ce point votre avis?

–J'abonde dans votre sens, Captain.

–Alors, filons!

Et nous filâmes.

–Qu'est-ce qu'il faut servir à ces messieurs? demanda la gracieuse petite patronne.

–Ah! voilà, fit Cap. Que pourrait-on bien boire?

–Pour moi, fis-je, il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville, en sorte que je vais m'envoyer un bon petit corpse reviver.

–C'est une idée! Moi aussi, je vais m'envoyer un bon petit corpse reviver. Préparez-nous, madame, deux bons petits corpse revivers, je vous prie.

À ce moment, pénétra dans le bar un homme que Cap connaissait et qu'il me présenta.

Son nom, je ne l'entendis pas bien; mais sa fonction, vivrais-je aussi longtemps que toute une potée de patriarches, je ne l'oublierai jamais.

L'ami de Cap s'intitulait modestement: chef de musique à bord du Goubet!

Notez que le Goubet est un bateau sous-marin qui doit jauger dans les 10 tonneaux. Vous voyez d'ici l'embarquement de la fanfare!

Cet étrange fonctionnaire se mit à nous conter des histoires plus étranges encore.

Il avait passé tout l'été, affirmait-il, à dresser des moules.

–La moule ne mérite aucunement son vieux renom de stupidité. Seulement, voilà, il faut la prendre par la douceur, car c'est un mollusque essentiellement timide. Avec de la mansuétude et de la musique, on en fait ce qu'on veut.

–Allons donc!

–Parole d'honneur! Moi qui vous parle (et le Captain Cap vous dira si je suis un blagueur), je suis arrivé, jouant des airs espagnols sur la guitare, à me faire accompagner par des moules jouant des castagnettes.

–Voilà ce que j'appelle un joli résultat!

–Entendons-nous!… Je ne dis pas positivement que les moules jouaient des castagnettes; mais par un petit choc répété de leurs deux valves, elles imitaient les castagnettes, et très en mesure, je vous prie de le croire. Et rien n'était plus drôle, messieurs, que de voir tout un rocher de moules aussi parfaitement rythmiques!

–Je vous concède que cela ne devait pas constituer un spectacle banal.

Pendant tout le récit du chef de musique du Goubet, Cap n'avait rien proféré, mais son petit air inquiet ne présageait rien de bon.

Il éclata:

–En voilà-t-y pas une affaire, de dresser des moules! C'est un jeu d'enfant!… Moi, j'ai vu dix fois plus fort que ça!

Le chef de musique du Goubet ne put réprimer un léger sursaut:

–Dix fois plus fort que ça? Dix fois?

–Mille fois! J'ai vu en Californie un bonhomme qui avait dressé des oiseaux à se poser sur des fils télégraphiques selon la note qu'ils représentaient.

–Quelques explications supplémentaires ne seraient pas inutiles.

–Voici: mon bonhomme choisissait une ligne télégraphique composée de cinq fils, lesquels fils représentaient les portées d'une partition. Chacun de ses oiseaux était dressé de façon à représenter un ut, un , un mi, etc. Pour ce qui est des temps, les oiseaux blancs représentaient les blanches, les oiseaux noirs les noires, les petits oiseaux les croches, et les encore plus petits oiseaux les doubles croches. Mon homme n'allait pas plus loin.

–C'était déjà pas mal!

–Il procédait ainsi: accompagné d'immenses paniers recelant ses volatiles, il arrivait à l'endroit du spectacle. Après avoir ouvert un petit panier spécial, il indiquait le ton dans lequel s'exécuterait le morceau. Une couleuvre sortait du petit panier spécial, s'enroulait autour du poteau télégraphique et grimpait jusqu'aux fils entre lesquels elle s'enroulait de façon à figurer une clef de fa ou une clef de sol. Puis l'homme commençait à jouer son morceau sur un trombone à coulisse en osier.

–Pardon, Cap, de vous interrompre. Un trombone à coulisse?…

–En osier. Vous n'ignorez pas que les paysans californiens sont très experts en l'art de fabriquer des trombones à coulisse avec des brins d'osier?

–Je n'ai fait que traverser la Californie sans avoir le loisir de m'attarder au moindre détail ethnographique.

–Alors, à chaque note émise par l'instrument, un oiseau s'envolait et venait se placer à la place convenable. Quand tout ce petit monde était placé, le concert commençait, chaque volatile émettant sa note à son tour.

La petite patronne de l'Australian Wine Store semblait au comble de la joie d'entendre une si mirifique imagination, et comme nous manifestions une vague méfiance, elle se chargea de venir au secours de Cap avec ces mots qu'elle prononça gravement:

–Tout ce que vient de dire le Captain est tout à fait vrai. Moi, je les ai vus, ces oiseaux mélomanes. C'était, n'est-ce pas, Cap? sur la ligne télégraphique qui va de Tahdblagtown à Loofock-Place.

LE CLOU DE L'EXPOSITION DE 1900

(PROJET CAP)

—Dites-moi, Captain, êtes-vous au courant des différents projets déposés en vue de l'Exposition de 1900?

–Je les connais depuis longtemps. Tous font preuve d'une imagination assez misérable, sauf, pourtant, celui de mon ami Otto, qui consiste en une immense escarpolette balançant des familles entières du Trocadéro à l'École militaire. Ça, ça n'est pas banal!

–En effet!… Et vous, Captain, prendrez-vous pas part à ce pacifique tournoi?

–J'y compte bien… Pour le moment, j'ai deux entreprises, une petite et une grande.

–La petite, d'abord?

–Oh! rien. Un nouveau pneu à musique.

–Tiens, tiens!

–Oui, une série, de petits accordéons que j'introduis dans l'intérieur du pneu, et qui font une musique fort divertissante, ma foi.

–Mais ce sera toujours le même air?

–Pas du tout! Au moyen d'un mécanisme ingénieux et grâce à un simple déclic, le veloceman pourra changer d'air à son gré.

–Mes félicitations, Captain, pour cette à la fois simple et charmante idée. Voilà des pneux6 qui seront plus gais que les pneux Mony, une bien détestable marque, principalement la nuit, sur route, par les temps humides.

D'habitude, le Captain Cap se refuse à goûter les plaisanteries qui résident seulement en un jeu de mots. Cette fois, il ne broncha pas et même il ajouta:

–Tenez, un bon et solide pneu, c'est le pneu gordien. On n'en vient à bout qu'à coups de sabre.

Après avoir souri, comme il convenait, de chacun notre plaisanterie, nous revînmes à des sujets plus austères.

–Et votre grande idée, Cap?

–Ah voilà!

Je dus insister.

–Ma grande idée, oui, vous avez raison, c'est une grande idée, car c'est la solution de la navigation aérienne, tout bêtement!

–Un ballon dirigeable?

–Pauvre enfant!

–Un aréostat avec force motrice tournant des ailes?

–Idiot!

–Soyez poli, Captain!

–Idiot, vous dis-je!… Avez-vous jamais vu des nuées de sauterelles?

–Jamais!

–Eh bien, mon appareil, c'est une nuée de sauterelles, dix millions de sauterelles que j'enferme dans un immense sac de gaze (de la gaze verte, bien entendu, pour ne pas fatiguer la vue de mes sauterelles).

–Bonne précaution!

–Ce sac de gaze est maintenu par une gigantesque armature en bambou, à laquelle Comiot est en train de travailler.

–Excellent constructeur, ce Comiot!

–Et non seulement il y a des sauterelles dans mon sac, mais aussi des puces, parce que les puces ont la singulière propriété d'aviver fortement l'activité des sauterelles. Le saviez-vous?

–J'ignorais ce détail.

–Chaque sauterelle représente environ, et sans se fatiguer, un excédent de force ascensionnelle de 1 gramme. Dix millions de sauterelles représentent donc une force utilisable de dix mille kilos. Hein?

–Épatant!… Mais une simple objection, Captain?

–Allez-y.

–Comment dirigez-vous tout ce petit monde-là, quand vous voulez aller au Nord et que les sauterelles se sentent un goût prononcé plutôt pour le Sud?

–Rien de plus simple! Les sauterelles ont l'horreur du sulfure de carbone. Alors, au moyen d'un vaporisateur ad hoc, j'empoisonne l'atmosphère de la direction adverse à celle que je souhaite. Veux-je me diriger vers l'Est? je pulvérise cette puanteur sur le côté Ouest du sac, et si vous les voyiez se tirer des ailes!…

–Et quand vous voulez vous arrêter?

–Des courroies, à ma volonté, compriment la gaze et paralysent graduellement les efforts de mes insectes.

–Tous mes compliments, Captain; votre idée est géniale.

–Ah! voilà, c'est que je ne suis pas sorti de Polytechnique, moi!

COMMENTAIRES INACRIMONIEUX

SUR UNE INSTRUCTION DU GÉNÉRAL POILLOÜE DE SAINTE-BELLONE

Si l'heure sonne, à jamais bénie, de la revanche; si, quelque jour, ceux de France volent vers l'Est à l'espoir de reconquérir les chères sœurs perdues (N'y pensons jamais, parlons-en toujours! a dit Gambetta!); si… (pour la suite, voir les œuvres de Déroulède, première manière).

Si donc—pour me résumer—on déclare un jour la guerre à une grande nation voisine, qu'il me paraît superflu de désigner plus clairement, certes—oh! que certes!—je ferai mon devoir de patrouillotte, mais je demanderai à le faire au sein du douzième corps d'armée, commandé par mon vieux camarade le général Poilloüe de Saint-Mars, un vaillant guerrier, qui joint à sa loyale épée un joli bout de plume.

Un de mes lecteurs m'adresse un journal de Limoges où s'étale une merveilleuse instruction de ce général en chef sur le tir.

Rien ne saurait m'étonner du général de Saint-Mars. Est-ce pas lui qui l'année dernière commençait une circulaire par cette phrase prestigieuse et non dénuée d'imprévu:

Certes, en temps de guerre, le pied du fantassin aurait une importance capitale, etc… (sic).

Mais revenons à l'instruction du même sur le tir, car elle est fertile en perles de tous orients.

Le début n'en est pas vilain:

Le cycle de l'instruction du tir va se fermer; c'est le moment d'examiner ce qui a été fait en 1894, afin de profiter en 1895 de notre expérience de l'année écoulée.

Le fait est qu'on ne saurait choisir un moment plus propice.

Sautons quelques lignes à pieds joints et arrivons à une phrase d'une mansuétude plutôt relative, mais d'images étrangement fortes:

Le tissu des trajectoires couvrira le champ de bataille d'une nappe de fer et de plomb qui pourra devenir infranchissable en pays découvert, mais qui restera toujours déchirée et trouée par les accidents du sol naturel et du sol remué par l'outil.

Ça, c'est embêtant, de songer que des gens à l'abri pourront peut-être ne pas être tués tous, tous, tous! C'est embêtant, réellement embêtant!

Il n'y a pas que les fantassins qui seront embêtés de ne pas tuer tout le monde. Les cavaliers et les artilleurs aussi rencontreront des occasions de déboire:

Le cavalier et l'artilleur dominent les plaines, mais ne sont qu'au second rang (ô honte! ô désespoir!) dans les régions mouvementées (sic) où le premier perd sa vitesse, le second ses vues, sa puissance destructive au loin et où tous les deux deviennent alors inaptes à bénéficier (bénéficier!) du terrain.

Le couplet qui suit flatte assez mon esthétique de contribuable:

… Vous aurez alors assuré la sécurité de la patrie sur une base inébranlable, en dépensant seulement vos trésors d'intelligence et de bonne volonté, ce qui sera plus économique pour la France et moins banal que les demandes de crédits.

Un truc, ensuite, pour diminuer le poids des corps:

Votre fusil est excellent et d'une puissance terrible. Si vous le trouvez un peu lourd, allégez-le en le faisant manier constamment et dans tous les exercices par son détenteur.

Archimède n'aurait pas euréké ça.

Si l'instruction du général de Saint-Mars est rigoureusement suivie, les recrues ne s'embêteront pas, cet hiver, au tir réduit. Voyez plutôt:

Mettez tous vos soins à embellir et à perfectionner vos stands de tir réduit et toute votre ingéniosité à en faire un exercice attrayant pour les soldats.

Un bar servi par des dames, entre autres, et un lapin qu'on gagnerait chaque fois qu'on met dans le mille!

Plus pittoresque encore:

Ce n'est pas seulement les tireurs académiques debout, à genoux, couchés, qu'il s'agit de former, non; ce qu'il nous faut, c'est le Tireur Panthère, courant, rampant, bondissant et cependant restant toujours maître-expert de cette trajectoire qui, dans ses mains habiles, est comme une lance de toutes les dimensions jusqu'à 3,000 mètres, dont il dirige à son gré les coups irrésistibles.

Le Tireur Panthère, hein! Quel numéro, mon vieux Charles D…, pour les Folies-Bergère!

Passons encore et arrivons au couplet final, digne des autres:

En résumé, je demande à l'infanterie du 12 e corps d'armée de concentrer tous ses efforts et tous ses moyens pour donner son maximum d'effet au fusil, ce sceptre de la reine des batailles, et dans ce but, je fais appel à toutes les initiatives et à toutes les bonnes volontés.

Le fusil, ce sceptre de la reine des batailles! Voilà un mot de la fin comme je voudrais en avoir tout le temps!

ESSAI SUR MON AMI GEORGE AURIOL

Je suis allé, hier, visiter l'Exposition des Femmes peintres et sculpteurs.

(Ouverte du 19 février au 18 mars, de 10 h. à 5 h., Palais des Champs-Élysées, pavillon Nord-Est, porte n o 5.)

Et je me suis rappelé, souriant, une petite aventure qui nous y advint, à George Auriol et à moi, voilà deux ou trois ans.

Ceux de nos abonnés (ou acheteurs au numéro) de l'étranger qui voudraient se faire une idée exacte de M. George Auriol (je ne parle pas, bien entendu, des Parisiens et de beaucoup de provinciaux pour qui la physionomie du jeune et éminent japonisant est devenue, en quelque sorte, classique), n'ont qu'à se représenter M. le comte de Douville-Maillefeu, ou plutôt ce qu'il était, M. le comte de Douville-Maillefeu, il y a trente-cinq ans.

La ressemblance ne s'arrête pas à une simple analogie physique: un observateur digne de ce nom pourrait constater, chez ces deux hommes, le même enjouement, une équivalente exaspérabilité.

Pas plus de rancune chez l'un que chez l'autre: le dos tourné, ils n'y pensent plus.

Lecteur lointain, si jamais tu rencontres Auriol, n'oppose aucun barrage au torrent de ses assertions, si chimériques qu'elles te semblent; tu serais traité, sur l'heure, à toi seul, de tas de m…! ou de espèce de t…! grossièretés purement décoratives, ne signifiant aucunement que tu vis de libéralités féminines ou que tu entretiens avec les gens de ton propre sexe des relations coupables.

Laisse passer l'orage et, bientôt, Auriol te reconnaîtra, de la meilleure grâce du monde, un gentleman tout à fait incapable de la plus mince turpitude.

Pour ce qui est de l'enjouement, Auriol rendrait des milliards de points à des cages entières de ouistitis en goguette.

Pas fier pour un sou, Auriol n'admet l'existence d'aucune barrière sociale, mondaine ou autre, et vous l'étonnez prodigieusement avec vos ça ne se fait pas, quand il aborde un gros monsieur riche (complètement inconnu de lui et fumant un gros cigare) avec ces mots:

–Vous n'auriez pas son frère?

Neuf fois sur dix, d'ailleurs, le gros monsieur riche, un peu interloqué, tire de sa poche un pur havane, l'offre à Auriol qui l'allume en disant, connaisseur: fameux!

Le passe-temps favori de George Auriol, dans la rue, consiste, lorsqu'il passe devant des épiceries, à plonger sa main dans des sacs contenant des lentilles ou tel autre légume sec.

C'est, dès lors, une série sans trêve de petits bombardements sur le chapeau des passants ou la glace des magasins.

Quand, par malheur, une boutique de verrerie (cristaux et porcelaines) se trouve sur l'itinéraire de George Auriol, à un moment où George Auriol détient encore un fort contingent de lentilles, George Auriol n'hésite pas: d'un seul coup, d'un seul, comme dit Coppée, George Auriol projette violemment toute sa provision sur la partie la mieux garnie du magasin.

Si vous n'avez pas, personnellement, passé par ce joyeux tumulte, impossible de vous faire la moindre idée du fracas total résultant des chocs de chaque haricot avec chaque cristal. Extrêmement impressionnant!

Vous voyez donc qu'on peut passer des matinées entières, et même des après-midi, avec George Auriol, sans s'embêter une seconde.

En sa compagnie, les aventures se succèdent, ne ressemblant pas aux précédentes et ne faisant nullement prévoir les suivantes.

C'est ainsi qu'un jour, nous fûmes abordés, Auriol et moi, par deux jeunes filles pas jolies, peut-être même pas gentilles, mais drôles! Deux drôles de jeunes filles, quoi!

Elles vinrent droit à nous et, sur un ton de gai reproche:

–Vous savez, messieurs, que vous avez été très bêtes, l'autre jour! Ce que papa nous a enlevées, quand on a été rentré à la maison!

D'abord, nous pensâmes que les jeunes filles nous prenaient pour un autre et nous ripostâmes par des réponses vagues et peu compromettantes. L'une d'elles nous demanda:

–On vous reverra un de ces jours?

–Oh! certainement!

–Surtout pas de blagues, si papa est là!

Et les drôles de fillettes nous quittèrent sur un vigoureux shake-hand.

Certainement, nous les avions vues quelque part, mais où?

Quelques jours plus tard, le mystère se dissipa.

Après déjeuner, Auriol avait eu une idée…

–Si nous allions revoir l'Exposition des Femmes peintres et sculpteurs.

–Comme tu voudras.

Et nous voilà partis, Auriol et moi.

Tous les deux, nous aimons beaucoup cette exposition, moins pour l'exposition elle-même (bien qu'il s'y rencontre des œuvres de réelle valeur, les aquarelles de madame Cécile Chennevière, entre autres) que pour le public qu'on y coudoie.

Des grosses dames très comiques, avec, bravement, au point culminant de leur mamelle gauche, le ruban violet d'officier d'académie.

Aussi d'autres dames moins fortes et moins palmées, mais, tout de même, dignes d'intérêt.

Et puis surtout, un flot de drôles de jeunes filles, souvent jolies, parfois étrangement perverses en leur candeur jouée, toujours amusantes à voir passer, à entendre papoter.

Dès notre première visite, Auriol s'était mis au ton de l'endroit.

Il consultait le livret et s'écriait, en imitant les petites mines des dames présentes:

–Ah! voici l'aquarelle de Valentine! Tiens, l'éventail de Jane!… Mais, ma chère, cette petite Lucie est très en progrès!… Pas mal du tout, ses chrysanthèmes!

Or, un jour qu'il s'était écrié:

–Délicieux, ces pastels de Josiane! Délicieux!

Le papa de Josiane était là, tout près, avec Josiane elle-même, et le papa de Josiane avait demandé à sa fille comment ce monsieur la connaissait assez intimement pour l'appeler par son petit nom.

Pour comble de malheur, tout à côté des pastels de Josiane, s'accrochait une petite nature morte de Germaine, et Auriol, avec l'inconscience du jeune âge, avait poussé cette exclamation:

–Bravo, ma petite Germaine, très réussi, ton veau froid! Réellement, on dirait du veau!

Tu l'as deviné, subtil lecteur, les jeunes filles rencontrées, les drôles de jeunes filles, c'était Josiane, c'était Germaine.

Qu'ajouterai-je?

Nous revîmes ces pittoresques personnes plusieurs fois, et,—vous me croirez si vous voulez,—elles ne devinrent jamais nos maîtresses.

UNE INDUSTRIE INTÉRESSANTE

D'un seul coup, Cap lampa le large verre de manitoba qu'on venait de lui servir, et me dit:

–Alors, ça vous embête tant que ça, la pénible incertitude où vous pataugez!

–Quelle pénible incertitude, dites-moi, Captain?

–De savoir au juste où vont les vieilles lunes?

–Moi!… Je vous assure bien, Cap, que les vieilles lunes sont parfaitement libres d'aller où bon leur semble, et que jamais je n'irai les y quérir!

Comme si son oreille eût été de granit, Cap persista:

–Et aussi les neiges d'antan, mon pauvre ami! L'angoisse vous étreint de leurs destinées!

–Ainsi que le poisson d'une pomme, je me soucie des neiges d'antan… Ah! certes, Cap, je suis torturé par une hantise, mais d'un ordre plus humain, celle-là, et j'en meurs!

Je croyais que Cap allait s'intéresser à ma peine et m'interroger. Ah! que non point!

–Et aussi les vieux confetti, n'est-ce pas? continua-t-il, immuable.

Cette fois, je changeai mes batteries d'épaule, et, pour déconcerter son parti pris, je feignis de m'intéresser prodigieusement au sort des vieux confetti.

–Ah! les vieux confetti! m'écriai-je, les yeux blancs. Où vont les vieux confetti?

Cap tenait son homme.

–Je vais vous le dire, moi, où vont les vieux confetti.

Et pour donner un peu de cœur au ventre de Cap, je priai le garçon de nous remettre deux excellents manitoba.

–Les vieux confetti? Il n'y a pas de vieux confetti, ou plutôt, il n'y en aura plus.

–Allons donc! Et comment ce phénomène?

–À cause de la Nouvelle Société centrale de lavage des confetti parisiens, dont je préside le conseil d'administration.

–Vous m'en direz tant!

–Rien de plus curieux que le fonctionnement de cette industrie. Je sors de l'usine et j'en suis émerveillé.

–Des détails, je vous prie, Cap!

–Voici, en trois mots: Le lendemain du mardi-gras et autres jours fous, des employés à nous, munis d'un matériel ad hoc ramassent tous les confetti gisant sur le sol parisien et les rapportent au siège social, 237, rue Mazagran.

–Bon.

–On les soumet à une opération préalable qui s'appelle le triage, et qui consiste à séparer les confetti secs des confetti mouillés. Les premiers passent au ventilateur, qui les débarrasse de la poussière ambiante: c'est le dépoussiérage.

–Je l'aurais parié!

–Ceux-là, il n'y a plus qu'à leur faire subir le défroissage, opération qui consiste…

–À les défroisser.

–Précisément! au moyen d'un petit fer à repasser élevé à une certaine température… Restent les confetti mouillés. On les mène, au moyen de larges trémies épicycloïdales, dans de vastes étuves où ils se dessèchent.

–C'est ce que vous appelez le desséchage, hein?

–Précisément!… Une fois desséchés, les confetti sont violemment projetés dans une boîte dont la forme rappelle un peu celle d'un parallélipipède. Cette boîte est munie d'une petite fente imperceptible de laquelle s'échappe,—un à un,—chacun des petits disques de papier. À la sortie, le confetti est saisi par une minuscule pince à articulation et soumis à l'action d'une mignonne brosse électrique et vibratile. C'est ce que nous appelons…

–Le brossage.

–Précisément!… Une autre sélection s'impose. Parmi les confetti ainsi brossés, il s'en trouve quelques-uns maculés de matières grasses, phénomène provenant de leur contact avec les ordures ménagères. Ces derniers sont soigneusement séparés des autres.

–C'est ce que vous appelez le séparage.

–Précisément!… Les confetti gras sont trempés dans une solution de carbonate de potasse qui saponifie les matières grasses et les rend solubles. Il ne reste plus qu'à les laver à grande eau pour les débarrasser de toute réaction alcaline. Nous obtenons ce résultat au moyen du…

Lavage à grande eau.

–Précisément!… Alors, on les remet à l'étuve, on les repasse au fer chaud…

–Et voilà!

–Vous croyez que c'est tout?

–Dame!

–Eh bien! vous vous trompez. L'opération est à peine commencée.

Une nuance d'effroi se peignit dans mes yeux. Le moment sonnait, d'ailleurs, de quelque solide cock-tail.

–Vous n'ignorez pas, reprit Cap, combien il est pénible de recevoir des confetti dans la bouche ou dans l'œil?

–Croyez-moi, j'ai passé par là.

–Désormais, ce martyre sera des plus salutaires. Les confetti, au moyen d'une imbibition dans des liquides de composition variable, acquièrent des densités différentes. Les plus lourds se dirigent vers la bouche, les plus légers dans l'œil (ce calcul fut, entre parenthèses, d'une détermination assez délicate).

–Nulle peine à le croire.

–Les confetti destinés à la bouche sont imprégnés de principes balsamiques infiniment favorables au bon fonctionnement des voies respiratoires.

–Laissez-moi parier que les confetti destinés aux yeux sont chargés d'éléments tout pleins de sollicitude pour les organes de la vue.

–Ah! on ne peut rien vous cacher, à vous!

–À la vôtre, mon cher Cap!

–Dieu vous garde, mon vieil Allais.

6.J'écris pneux et non pneus ainsi que le font la plupart des bécanographes. Les mots en eu prennent un x au pluriel. Je ne vois pas pourquoi on ferait une exception pour pneu.
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07 mayıs 2019
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