Kitabı oku: «Tess», sayfa 4
11. Les Fantômes de Palmyre
Yasmin Badawi était une Syrienne chrétienne de Tadmur, connue en Occident sous le nom de Palmyre. Elle était diplômée d'Oxford et avait un doctorat en archéologie du Moyen-Orient, parlait un anglais impeccable et avait une grande culture littéraire, poétique et musicale. C'était une femme accomplie, sophistiquée et dévouée à son métier. Elle avait déjà travaillé comme archéologue avec son oncle sur l'étude et la préservation des sites antiques syriens.
Mais quand l'État Islamique avait envahi Palmyre, son mari avait été tué et elle fut capturée et mise en esclavage. Ses ravisseurs l'avaient donnée à un combattant pour un mariage forcé. En un mois, il était mort en "martyr" au combat et le combattant qui le remplaça connut le même sort. Il en fut de même pour le troisième. Considérée dès lors comme portant la malchance, Yasmin fut utilisée comme esclave sexuelle mais elle avait résisté de tout son être, tant et si bien que Daesh avait décidé de se débarrasser d'elle en la mettant à vendre aux marché d'esclaves avec d'autres femmes et filles indésirables.
C'est dans le cadre du projet de Tess en lutte contre la traite des personnes que Nicola Orsini et George Kimmel s'étaient fait passer pour des Européens musulmans désireux de rejoindre Daesh et avaient réussi à infiltrer le groupe à Raqqa. Ils s'étaient rendus au marché d'esclaves et avaient réussi à acheter trois jeunes filles yézidies ainsi qu'Yasmin mais celle-ci leur avait donné du fil à retordre, jusqu'à ce qu'elle réalisât qu'elles avaient été achetées pour être sauvées. George et Nicola les avaient fait passer à Gaziantep en Turquie, où ils s'arrangèrent pour que leurs rescapées soient prises en charge jusqu'à ce qu'elles retrouvent leurs familles. Yasmin avait accepté d'aller à New York.
Après quelques mois, Yasmin avait demandé à intégrer SRD. Qu'elle ait été brutalisée par des gens à la mentalité médiévale l'avait ébranlée mais ne l'avait pas anéantie. Avec l'aide de Tess, de Carmen et de George, elle s'était peu à peu reconstruite et était devenue un membre précieux de l'équipe. Sa connaissance des langues et de la culture arabe était sans égale, tout comme sa passion pour l'étude et la sauvegarde des trésors des civilisations passées.
Archéologue de formation, elle n'avait pas la panoplie de compétences militaires que recherchait la compagnie, comme l'aptitude à piloter des hélicoptères et des avions, ni à se servir d'armes diverses. Néanmoins, elle avait participé à la planification des opérations en Syrie et avait finalement demandé à s'entraîner comme tireur d'élite. Quand elle était étudiante à Oxford, Yasmin avait appris à jouer de l'alto et elle intégra aussi le groupe de musique de chambre Valkyries.
Tout comme il avait rasé l'ancienne ville assyrienne de Nimrod et détruit des statues dans le musée de Mossoul en Irak, l'État Islamique s'était livré à un véritable saccage de Palmyre, pillant des objets qu'il vendai à des collectionneurs sans scrupules et détruisant tout bâtiment qu'ils considérait comme idolâtre selon sa version de la foi islamique. Les membres de Daesh avait mis en ligne des vidéos montrant les monuments et les statues datant de milliers d'années qu'ils avaient détruits. Chaque fois qu'elle voyait de telles vidéos, Yasmin assistait impuissante à l'anéantissement du travail de toute une vie. Cela l'avait mise dans une colère sans pareille.
Six mois plus tôt, Yasmin avait appris que Daesh avait crucifié son oncle, chef archéologue de Palmyre. C'est le cœur brisé et assoiffée de vengeance qu'elle était retournée en Syrie où elle avait rejoint une unité de combattantes kurdes et qu'elle s'était portée volontaire pour accompagner Eva Bar-Lev, ancienne agent du Mossad, en mission secrète à Raqqa. L'objectif avait été de localiser des armes nucléaires nord-coréenne que Laurent Belcour et Daesh projetaient de faire exploser quelque part en Europe. Yasmin et Eva avaient identifié l'endroit où les bombes étaient stockées mais elles avaient été découvertes. Si Eva avait réussi à s'échapper, les djihadistes avaient capturé Yasmin. Daesh avait voulu qu'elle serve d'exemple et avait projeté de l'immoler dans une cage, tout comme ils l'avaient fait à un pilote jordanien et ami d'Efsan, une combattante kurde.
Tess et son équipe avaient lancé une opération de sauvetage et combattirent Daesh à bord d'appareils d'attaque au sol Warthog A-10 et, avec l'assistance des Forces Spéciales américaines, ils purent sauver Yasmin de justesse. Depuis, l'aversion d'Yasmin pour Daesh n'avait qu'empiré ; sa rage et son besoin de vengeance avaient atteint un degré pathologique. Elle s'était mise en couple avec George mais même à ce dernier, elle avait dissimulé son intention d'aller se venger et elle était partie à la première occasion.
Les troupes syriennes et russes avaient fini par chasser Daesh de Palmyre mais le site était demeuré vulnérable ; les terroristes pouvaient reprendre le territoire. C'était à ce moment qu'Yasmin reçut un appel de Pierre Beaumont, directeur des antiquités au Louvre, qui lui demanda de prendre part à un projet à Palmyre. Yasmin reçut l'autorisation de Tess de se rendre à Paris pour rejoindre un groupe de jeunes architectes, de mathématiciens et de concepteurs qui se préparaient à produire des modèles numériques des sites historiques menacés.
L'équipe archéologique s'envola pour Damas, puis voyagea jusqu'à Palmyre, dont certaines parties avaient été détruites par les Islamistes qui avaient jugé ses monuments idolâtres. Yasmin avait travaillé pendant quatre jours avec des archéologues et des techniciens à survoler les arches et les temples dévastés à l'aide d'un drone muni d'une caméra. Ils avaient un équipement dernier cri, des drones à quatre ou six rotors qui pouvaient approcher les anciens bâtiments de très près, enregistrant chaque détail structural, chaque fissure et chaque trou, pour en produire des mesures précises. Ils mirent au point des nouvelles techniques qui permettaient de conserver des images dont des scientifiques et des archéologues pourraient se servir pour recréer des modèles numérisés, permettant à des monuments et autres sites historiques menacés d'être un jour restaurés, réparés ou reconstruits. Leur travail ne se limitait pas à Palmyre. Leurs drones survolaient une vingtaine de sites historiques en Syrie et pouvaient analyser l'impact que la guerre avait eu sur des endroits tels que Ninive, Khorsabad ainsi que le temple et le palais saccagés de Nimrod.
De retour en France, le groupe avait lancé une exposition intitulée Sites Éternels : De Bâmiyân à Palmyre au Grand Palais à Paris, où plusieurs des 40.000 images prises par l'équipe servirent de base à l'exposition. En plus des images de Palmyre, de grandes photos et vidéos 3D furent projetées en spectacle multimédia, plongeant les visiteurs dans différentes époques. Le spectacle visait à attirer l'attention sur les menaces croissantes à l’encontre du patrimoine mondial.
Tout cela était bien beau mais la soif de vengeance d'Yasmin était toujours là.
12. Des Valeurs Différentes
Tess, Jake et Aara arrivèrent dans le complexe chic de Bedminster, dans le New Jersey. Un homme à la barbe soignée les accueillit à la portière de leur Range Rover. Il était impeccablement vêtu d'un costume occidental. Chemise à un col rond et sans cravate, il arborait le style prisé des Iraniens contemporains.
« Bienvenue ! Je m'appelle Fuad, assistant en chef de Monsieur Nazari. Veuillez me suivre. »
L'homme monta le long d'un grand escalier et ouvrit l'impressionnante porte d'un élégant immeuble principal. Jake laissa Tess et Aara entrer devant lui dans le spacieux atrium de la maison. Fadime ainsi qu'un petit groupe de personnes étaient déjà rassemblés à l'autre bout de la pièce.
L'assistant fit obligeamment les présentations.
« Monsieur et Madame Vickers, je vous présente Daryush Nazari, son épouse Forouzan et leur fils Karin. Je crois que vous connaissez déjà Madame Fadime al-Saadi. »
Jake salua ses hôtes d'un sobre hochement de tête, tout comme Tess et Aara. Quand les yeux de Tess et de Fadime se croisèrent, elles se retinrent tout juste d'échanger des regards meurtriers.
Daryush Nazari offrit sa main à Jake.
« Salam. Kheili Khosh Amadid. Bienvenue ! »
Jake s'était préparé à cette réunion en dépoussiérant ses connaissances du persan qu'il avait appris quand il était à la CIA.
« Halet Chetore? Comment allez-vous ? »
Nazari fut surpris et répondit : « Khoobam, mamnoon. Va shoma? Je vais très bien, merci. Et vous-même ? »
Jake demanda ensuite : «Shoma Englisi harf mizani ? Parlez-vous anglais?
— Oui, nous le parlons tous, répondit-il.
— Vous avez une superbe maison, Nazari Agha. Vous vous y plaisez ?
— En effet, oui. Nous aimons venir y passer l'été. Je crains que Téhéran ne soit une vraie chaudière en cette saison.
— J'ai été à Téhéran à plusieurs reprises pour affaires, fit part Jake. J'ai beaucoup aimé. Très belle ville. » Il pensa sage de ne pas révéler que son temps passé en Iran avait été pour des opérations secrètes pour la CIA.
Nazari fit entrer ses invités dans un grand salon magnifiquement meublé et leur offrit de s'asseoir autour d'une impressionnante table de cocktail en marbre.
« J'ai pris la liberté de nous commander du thé. »
Deux femmes en robes longues, la tête couverte, apportèrent obséquieusement les boissons.
Karin, le jeune homme, impeccablement vêtu d'un costume de couleur, sans cravate, et portant une barbiche, regarda Aara avec appréciation. Il lui sourit. La jeune fille le lui rendit avec une petite contraction de la bouche.
Nazari entama la conversation en s'adressant à Jake.
« Nous vous souhaitons la bienvenue dans notre maison et, par la grâce de Dieu, que notre disicussion sur les éventuelles fiançailles de nos chers enfants soit fructueuse. »
Jake se contenta de hocher la tête.
Fadime, contre toute attente, était vêtue sobrement d'une robe longue et ses cheveux étaient couverts. Elle prépara le terrain.
« Nous sommes réunis parce que mon frère défunt et bien-aimé Amir al-Saadi, que la paix soit avec lui, a pris des dispositions pour que sa fille Aara se marie dans une famille qui d'histoire a fait partie de notre cercle d'amis et d'alliés estimés. »
Elle fit une pause.
« Les liens entre nos familles sont anciens et à travers les temps nous avons assuré l'honneur de nos lignées en alliant soigneusement nos enfants. J'ai été chargée par mon frère de présenter sa fille pour un possible mariage avec le fils aîné de la famille Nazari, Inshallah, si Dieu le veut. »
Tess eut immédiatement en grippe le fait que l'une des personnes qu'elle appréciait le moins au monde discute de l'avenir d'Aara.
Le beau Karin se leva et s'inclina devant Aara. « Peut-être serait-il bien que je montre les jardins à Mademoiselle Aara. »
Aara, qui avait tout l'air d'un petit oiseau effrayé, ne voulait rien de moins mais Karin était persévérant. Il lui tendit la main et la courtoisie voulut qu'elle y réponde. Aara jeta un regard vers Tess qui acquiesça de la tête. La jeune fille se leva et suivit le jeune homme.
Le père Nazari prit une gorgée de thé.
« Je crois comprendre que le général al-Saadi a réservé une généreuse dot pour le mariage de sa fille. Notre religion ne l'exige pas mais je suis heureux qu'il en soit ainsi. Il est convenable qu'une femme demeure financièrement indépendante. »
L'homme n'avait manifestement aucune intention de s'adresser aux femmes présentes dans la pièce. Jake sentit Tess sur le point d'exploser, aussi prit-il l'initiative.
« Monsieur Nazari, nous comprenons que votre famille se conforme aux coutumes et pratiques islamiques. Notre préoccupation est que notre belle-fille Aara n'a pas été élevée dans cette religion. Nous aimerions discuter de la façon dont certains arrangements seront gérés dans le cas où Aara et Karin se marieraient. »
L'homme répondit à Jake.
« Je ne vois aucun problème, Monsieur Vickers. La jeune Aara se convertira à l'Islam et se conformera à nos coutumes comme il se doit. »
Tess donna instantanément voix à son irritation et ignora complètement le fait qu'en tant que femme, elle n'avait pas droit au chapitre.
« Monsieur Nazari, notre fille a été élevée en jeune femme moderne et instruite ayant des projets et des aspirations qui ne seront probablement pas compatibles avec les contraintes de la pratique islamique. Son éducation sera-t-elle un obstacle à cette union? »
Nazari parut agacé par la témérité de cette femme qui avait parlé sans permission et adressa de nouveau sa réponse à Jake.
« Comme je le disais, la jeune fille se convertira à l'Islam. Elle sera instruite sur les principes de notre religion et élèvera ses enfants comme disciples d'Allah.»
Tess n'en fut pas intimidée pour autant.
« Je crains qu'un régime religieux strict ne soit un problème pour Aara. C'est une femme moderne. »
Nazari adressa ses remarques encore une fois à Jake.
« La religion ne devrait pas poser de problème. Je suis sûr que vous savez que l'Islam est l'une des trois grandes religions abrahamiques. Comme le judaïsme et le christianisme, notre religion a été fondée par un descendant d'Abraham. Nous croyons en Moïse et en Jésus, que la paix soit avec eux, ainsi qu'en la Torah et l'Évangile originels révélés au Prophète. Nous croyons aux Dix Commandements. Nous croyons en Dieu, en ses anges, ses écritures et ses prophètes, au Jour du Jugement, au paradis et à l'enfer, ainsi qu'en la sage parole et la mesure de Dieu et au libre arbitre de l'homme. Voilà les préceptes essentiels de la foi islamique. Certains pensent que nous avons un dieu différent parce que nous utilisons le nom arabe pour désigner Dieu, qui est "Allah". Ce qui est important, c'est que nous prions tous le même Dieu, que nous soyons chrétiens, juifs ou musulmans. Nous croyons que Dieu a envoyé un messager à chaque nation avec le même message : croyez en un dieu et soyez justes les uns envers les autres. »
Tess fut impressionnée par le point de vue de Nazari mais elle était loin de renoncer.
« Vous attendriez-vous à ce qu'Aara porte une tenue musulmane et se couvre la tête ? »
Nazari continua de refuser de la regarder et il continua de répondre à Jake.
« En Iran, nous préférons que les femmes portent la tenue musulmane pour la modestie et la vertu qu'elle représente, et qui font grandement défaut à la culture occidentale. Nous ne favorisons ni le libertinage, ni la convoitise. Nos femmes sont chéries, honorées, protégées. Je suis sûre que vous approuverez que la culture occidentale contemporaine a mené à un effondrement moral, à une luxure débridée, aux comportements impudents et aux grossesses non désirées.
— Vous exagérez, Monsieur Nazari, rétorqua Tess. Vous ne voulez pas reconnaître que le vrai problème auquel nous faisons face est un choc des civilisations. Les musulmans d'aujourd'hui semblent être en guerre contre le reste du monde. Pensez aux actes épouvantables de Daesh et d'Al-Qaïda, que des dirigeants comme Assad en Syrie massacrent leur propre peuple. Erdogan en Turquie essaie de revenir en arrière en voulant remettre la seule république démocratique du Moyen-Orient sous le joug de l'Islam. Vous ne pouvez tout simplement pas appeler cela des pratiques religieuses convenables. »
Nazari apparut alors comme un homme pliant sous un lourd fardeau.
« Daesh et Al-Qaïda sont en train de détourner l'Islam. Ce sont des pécheurs. Les djihadistes de Daesh pensent qu'ils pratiquent l'Islam pur mais leur théologie est fallacieuse. Ils sortent les passages du Coran hors de son contexte historique et acceptent de façon infamante les contestables hadiths "faibles", les paroles et les actes du prophète Mahomet, et en font une interprétation outrancière. Ils violent le respect du "Peuple du Livre", les juifs, les chrétiens, les zoroastriens et préconisent le meurtre de tous ceux qui sont en désaccord avec leurs vues extrémistes, principalement les musulmans chiites. Nombres de dirigeants religieux musulmans condamnent l'État Islamique. »
Tess n'en démordit pas.
« Que pouvez-vous nous dire sur la façon dont les femmes sont traitées en Iran, Monsieur Nazari ?
— Les lois iraniennes sont encore favorables aux hommes mais les femmes ont davantage accès à l'éducation et ont un rôle plus visible dans la société, comparé à d'autres pays islamiques, à l'exception de la Turquie, qui est un état laïc. Même Masoumeh Ebtekar, notre première vice-présidente et cheffe de notre Organisation de la Protection de l'Environnement, affirme que les choses vont de mieux en mieux pour les femmes.
— Je le sais, répliqua Tess. J'ai vu une interview d'Ebtekar à la télé. Elle avait enjoint les Occidentaux à surmonter leur rejet du hijab. Eh bien, nous désapprouvons que le port du foulard par les Iraniennes soit décrété comme une loi. Nous y voyons encore le signe de l'oppression de la femme. »
Nazari eut l'air clairement agacé.
« Comparons l'Iran aux autres pays musulmans. En Arabie Saoudite, la loi interdit aux femmes de conduire et un parent masculin doit approuver presque toutes les décisions importantes de leur vie. De plus, elle ne peuvent occuper de charge publique. »
Jake, bien préparé comme d'habitude, se sentit obligé de corriger Nazari. « En fait, Nazari Agha, dix-sept femmes saoudiennes ont récemment été élues aux élections municipales. Mais d'un autre côté, le Grand Mufti du pays a déclaré que l'entrée des femmes en politique équivalait à ouvrir la porte au mal. Cela n'augure rien de bon pour l'avenir.»
Nazari poursuivit. « En Iran, les femmes conduisent personnellement leurs voitures et montent même en taxi. Elles peuvent occuper des fonctions publiques et représentent 65% des étudiants universitaires. À Téhéran, nous avons une compagnie de combattants du feu qui est composée exclusivement de femmes et elles portent le hijab sous leurs casques. C'est la seule compagnie de femmes-pompiers au Moyen-Orient. En outre, si les Iraniennes doivent se couvrir les cheveux, elles n'ont pas à se couvrir le visage. Elles veulent demeurer aussi attirantes que possible. Les chirurgiens esthétiques font florès en Iran. Les femmes portant un bandage sur le nez sont un phénomène courant dans les rues de Téhéran.»
Jake ne se laissa pas impressionner.
« Mais il reste que la loi iranienne traite la femme comme la moitié d'un homme. Au tribunal, il faut le témoignage de deux femmes pour que cela vaille celui qu'un homme ; un homme hérite deux fois plus de son père qu'une femme ; l'indemnisation en cas de mort accidentelle est deux fois plus élevée pour un homme que pour une femme. Les hommes ont le droit d'épouser des femmes non musulmanes mais les femmes n'ont pas la réciproque. Une femme ne peut obtenir le divorce que dans des conditions extrêmes ; un homme peut divorcer de sa femme sans motif. »
- Monsieur, comment pouvez-vous honnêtement affirmer que les droits de la femme sont compatibles avec la Charia ? intervint Tess
— La Charia est parfois difficile à comprendre, répondit Nazari. Il n'en reste pas moins que les chefs religieux, au cours des trois décennies qui ont suivi la Révolution, ont essayé de réinterpréter l'Islam en faveur des femmes. Et les femmes membres du parlement se sont employées à faire adopter des lois en faveur des femmes. Par exemple, si un homme répudie injustement sa femme, celle-ci a droit à la moitié de sa fortune. »
Alors que l'affrontement verbal se poursuivait, Tess se demanda comment Aara s'en sortait avec le jeune Karin.
13. Promenade dans le Jardin
Aara et Karin se promenaient dans les somptueux jardins du domaine, suivis de loin par deux femmes voilées.
« Qui sont les deux dames derrière nous ? demanda Aara.
— Ce sont mes tantes, répondit Karin. Il est d'usage dans notre pays que des membres de la famille tiennent compagnie à des fiancés quand ceux-ci se promènent.
— Nous ne sommes pas fiancés, souligna Aara.
— Pourquoi dites-vous cela, Mademoiselle Aara ? Nos familles sont en train de discuter de nos fiançailles en ce moment même.
— Je ne suis pas d'accord, dit Aara. Nous ne sommes ici que pour envisager les possibilités d'un mariage.
— J'en prends note, dit Karin d'un ton conciliant.
— Que faites-vous, Karin ?
— Je prends part aux affaires de mon père. Un jour, je prendrai la relève.
— De quelles affaires s'agit-il ?
— Nous avons trois usines d'armement. Nous vendons la plupart de notre production au gouvernement iranien. Nos RPG, des grenades propulsées par fusée, et nos mines terrestres sont reconnues pour leur fiabilité.
— En fait, vous fournissez des armes aux terroristes du Moyen-Orient.
— Ça n'est pas le cas. Nous vendons nos armes au gouvernement. Et nous n'avons rien à dire sur ce qu'il en fait. Si les Gardes Républicains envoient ces armes ailleurs, c'est complètement hors de notre contrôle.
— Comme ça, vous êtes moralement absout, j'imagine, observa Aara.
— Ne perdons pas notre temps à discuter de choses qui nous échappent. Je préfère en savoir plus sur vous. Je crois savoir que vous suivez des études de musique.
— En effet, j'ai l'intention de devenir pianiste de concert.
— Intéressant. Nos chefs religieux en Iran ne sont pas friands de musique occidentale mais, récemment, ils ont permis la restauration de quelques orchestres.
— Les femmes seront-elles autorisés à jouer ?
— Je n'en suis pas sûr.
— Si je joue du piano sur scène, devrais-je porter le tchador ?
— Je pense que oui, c'est la coutume.
— Il semble donc que l'accoutrement musulman est obligatoire en Iran. Est-ce aussi valable quand une Iranienne se rend en Europe ou en Amérique ?
— Les femmes en Iran ne portent pas le même tchador restrictif qu'en Arabie Saoudite et dans les autres pays islamiques traditionnels. Pour la plupart, elles ont le droit de porter des vêtements colorés avec un foulard sur la tête. Nous préférons qu'elles s'habillent à l'iranienne quand elles sont hors du pays mais, en fait, l'Iranienne a le droit de porter ce qu'elle veut du moment que sa tenue reste chaste.
— Avez-vous eu d'autres relations, Karin ?
— J'ai connu des femmes en Europe et en Amérique, mais aucune que mon père considérerait comme acceptable. Bien entendu, si nous nous marions, je m'en débarrasserai.
— Voilà qui est réconfortant, observa Aara.
— Y a-t-il un homme dans votre vie ?
— Non. Cela ne m'intéresse pas pour le moment. De toute façon, je suis occupée par mes études.
— L'assiduité est tout à fait louable, dit Karin d'un ton condescendant.
— Quels sont vos plans pour l'avenir, Karin ? Que comptez-vous faire de votre vie à part fabriquer des armes ?
— En ce moment, c'est mon père qui prend toutes les décisions, moi je dois les appliquer. »
Aara commençait à s'agacer.
« En d'autres termes, vous ne faites rien par vous-même ?
— Je deviendrai chef de famille à la mort de mon père. Et vous-même, n'êtes-vous pas tenue de vous conformer aux désirs de votre famille ?
— Mes beaux-parents sont très protecteurs mais ils ne m'imposent pas leur volonté. Ils soutiennent mes rêves et mes envies.
— Sont-ils favorables à notre mariage ?
— Ils soutiendront mes choix et ce qui est le mieux pour moi et je peux compter sur leurs précieux conseils. »
Karin sourit.
« Vous n'êtes donc pas différente de moi. Vous devez vous plier aux désirs de vos parents.
— Pas du tout, répondit Aara. Mais mes parents m'aideront à prendre la meilleure décision me concernant.
— En Iran, nous voyons les choses différemment. Les désirs de la famille sont primordiaux et nous privilégions les intérêts familiaux sur les intérêts individuels de ceux qui la constituent.
— Merci pour la promenade, Karin. C'était agréable. On retourne maintenant ? »
Karin sentit soudain que les choses ne se passaient peut-être pas comme prévu.
« Allons-nous annoncer notre désir de nous marier ?
— Je ne crois pas, non. »
Aara se retourna et se dirigea vers la maison. Elle entra dans le salon, Karin sur ses talons. Elle sut immédiatement que les discussions entre leurs parents respectifs ne se déroulaient pas au mieux non plus.
Nazari regarda son fils, l'air interrogateur. Le jeune homme baissa les yeux.
Tess et Jake se levèrent et rejoignirent Aara.
« Merci beaucoup de votre hospitalité, Monsieur Nazari, dit Jake en tendant la main vers son hôte. Nous devons retourner à New York. »
Tess hocha la tête et se dirigea vers la porte avec Aara. Jake les suivit, leur ouvrit les portières de la voiture puis quitta la propriété.
« Je vois que nous avons tous le même avis sur cette affaire.
— Et comment, dit Tess en serrant la main d'Aara. Tout va bien, Aara. Nous voyons bien que tu ne veux rien de tout ceci. »
Les larmes montèrent aux yeux d'Aara.
« Maman, est-ce que je t'ai laissée tomber ?
— Pas le moins du monde, ma chérie. Nous sommes avec toi. Rentrons. »
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