Kitabı oku: «Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 2», sayfa 4
§ X
L'armée des Grisons avait attiré l'attention du cabinet de Vienne; elle le devait spécialement à sa première dénomination d'armée de réserve. Mélas et son état-major avaient reproché au conseil aulique de s'être laissé tromper sur la formation et la marche de la première armée de réserve, qui avait coupé les derrières de l'armée autrichienne, et lui avait enlevé à Marengo toute l'Italie; on s'occupa donc avec une scrupuleuse attention, de connaître la force et d'éclairer la marche de cette deuxième armée de réserve. La première avait été jugée trop faible; la deuxième fut supposée trop forte. Le gouvernement français employa tous les moyens, pour induire en erreur les agents autrichiens. On donna pour chef, à cette armée, le général Macdonald, connu par sa campagne de Naples, et par la bataille de la Trébia. Elle fut composée de plusieurs divisions; et l'on persuada facilement qu'elle était de 40,000 hommes, lorsqu'elle n'était réellement que de 15,000. On y envoya des corps de volontaires de Paris, dont la levée avait fixé l'attention des oisifs, et qui étaient composés de jeunes gens de famille. Sous le rapport des opérations purement militaires, cette armée était inutile, et eût rendu plus de services, si on n'en eût formé qu'une seule division, que l'on aurait mise sous les ordres de Moreau ou de Brune. Mais le souvenir de la première était tel chez les Autrichiens, qu'ils pensèrent que cette seconde armée était destinée à manœuvrer comme l'autre, et à tomber sur leurs derrières, soit en Italie, soit en Allemagne. Dans la crainte qu'elle leur inspirait, ils placèrent un corps considérable dans les débouchés du Tyrol et de la Valteline, afin de la tenir en respect, soit qu'elle voulût se diriger sur l'Allemagne, ou sur l'Italie. Elle produisit donc le bon effet, pendant une partie de novembre et de décembre, de paralyser près de 40,000 ennemis, tant de l'armée d'Allemagne, que de celle de l'Italie. Ainsi l'on peut dire que cette deuxième armée de réserve contribua au succès des armées françaises, en Allemagne, bien plus par son nom, que par sa force réelle.
La bataille de Hohenlinden ayant entièrement décidé des affaires d'Allemagne, l'armée des Grisons reçut ordre d'opérer en Italie, de descendre dans la Valteline, et de se porter au cœur du Tyrol, en débouchant sur la grande chaussée à Botzen. Le général Macdonald exécuta lentement cette opération et n'y mit que peu de résolution; soit qu'il vît avec peine le général Brune, avec qui il était mal, à la tête d'une aussi belle armée que celle d'Italie; soit qu'une expédition de cette nature ne fût pas dans le caractère de ce général. Conduite par Masséna, Lecourbe ou Ney, une semblable opération aurait eu les plus grands résultats. Le passage du Splugen offrait sans doute quelques difficultés; mais l'hiver n'est pas la saison la plus défavorable pour le passage des montagnes élevées. Alors la neige y est ferme, le temps bien établi, et l'on n'a rien à craindre des avalanches, véritable et unique danger à redouter sur les Alpes. En décembre, il y a, sur ces hautes montagnes, de très-belles journées, d'un froid sec, pendant lequel règne un grand calme dans l'air.
Ce ne fut que le 6 décembre, que l'armée des Grisons passa enfin le Splugen et arriva à Chiavenna. Mais au lieu de se diriger, par le haut Engadin, sur Botzen, cette armée vint se mettre en deuxième ligne, derrière la gauche de l'armée d'Italie. Elle ne fit aucun effet, et ne participa en rien au succès de la campagne; car le corps de Baraguey d'Hilliers, détaché dans le haut Engadin, était trop faible. Il fut arrêté dans sa marche par l'ennemi, et ne pénétra à Botzen, que le 9 janvier, c'est-à-dire 14 jours après les combats qui avaient été livrés par l'armée d'Italie sur le Mincio, et six jours après le passage de l'Adige par cette armée. Le général Macdonald arriva à Trente, le 7 janvier, lorsque déja l'ennemi en était chassé par la gauche de l'armée d'Italie, qui se portait sur Roveredo, sous les ordres de Moncey et de Rochambeau. L'armistice de Trévise, conclu le 16 janvier 1801, par l'armée d'Italie, comprit également l'armée des Grisons; elle prit position dans le Tyrol italien; et son quartier-général resta à Trente.
§ XI
Dans le courant de novembre 1800, le général Brune, qui commandait l'armée française en Italie, dénonça l'armistice au général Bellegarde, et les hostilités commencèrent le 22 novembre. La rivière de la Chiesa, jusqu'à son embouchure dans l'Oglio, et cette dernière, depuis ce point, jusqu'à son embouchure dans le Pô, formaient la ligne de l'armée française. Cette armée était très-belle et très-nombreuse; elle était composée de l'armée de réserve et de l'ancienne armée d'Italie, réunies. Pendant cinq mois qu'elle s'était rétablie dans les belles plaines de la Lombardie, elle avait été renforcée considérablement, tant par des recrues venant de France, que par de nombreuses troupes italiennes. Le général Moncey commandait la gauche, Suchet le centre, Dupont la droite, Delmas l'avant-garde, et Michaud la réserve; Davoust commandait la cavalerie, et Marmont l'artillerie, qui avait deux cent bouches à feu, bien attelées et approvisionnées. Chacun de ces corps était composé de deux divisions; ce qui faisait un total de dix divisions d'infanterie et deux de cavalerie. Une brigade de l'avant-garde était détachée au quartier-général, et portait le titre de réserve du quartier-général. Ainsi l'avant-garde était de trois brigades.
Le général Miollis commandait en Toscane; il avait sous ses ordres 5 à 6,000 hommes, dont la plus grande partie étaient des troupes italiennes. Soult commandait en Piémont; il avait 6 ou 7,000 hommes, la plupart Italiens. Dulauloy commandait en Ligurie, et Lapoype dans la Cisalpine. Le général en chef Brune avait près de 100,000 hommes sous ses ordres; il lui en restait, réunis sur le champ de bataille, plus de 80,000.
L'armée des Grisons, que commandait Macdonald, occupait des corps autrichiens dans l'Engadine et dans la Valteline. Cette armée peut donc être comptée comme faisant partie de celle d'Italie. Elle augmentait la force de celle-ci de 15,000 hommes; c'était donc à peu près 100,000 hommes présents sous les armes, qui agissaient sur le Mincio et l'Adige.
Lors de la reprise des hostilités, le 22 novembre, le général Brune restait sur la défensive; il attendait sa droite qui, sous les ordres de Dupont, était en Toscane. Elle passa le Pô à Sacca, le 24, vint se placer derrière l'Oglio, ayant son avant-garde à Marcaria. L'ennemi restait également sur la défensive. Quelque ordre que reçût Brune d'agir avec vigueur, il hésitait à prendre l'offensive.
Le général Bellegarde, qui commandait l'armée autrichienne, n'était pas un général redoutable. Il avait pour instructions de défendre la ligne du Mincio; la maison d'Autriche attachait de l'importance à conserver cette rivière, tant pour communiquer avec Mantoue, qu'afin de l'avoir pour limite à la paix. L'armée autrichienne, forte de 60 à 70,000 hommes, avait sa gauche appuyée au Pô; elle était soutenue par Mantoue, et couverte par le lac, sur lequel il y avait des chaloupes armées. La droite s'appuyait à Peschiera et au lac Garda, dont une nombreuse flottille lui assurait la possession. Un corps détaché était dans le Tyrol, occupant les positions du Mont-Tonal et celles opposées aux débouchés de l'Engadine et de la Valteline. Le Mincio, qui, de Peschiera à Mantoue, a vingt milles, ou 7 petites lieues de cours, est guéable en plusieurs endroits dans les temps de sécheresse; mais, dans la saison où l'on se trouvait, il ne l'est nulle part. Le général autrichien avait d'ailleurs fermé toutes les prises d'eau qui appauvrissent cette rivière. Toutefois, c'était une faible barrière; elle n'a pas plus d'une vingtaine de toises de largeur, et ses deux rives se dominent alternativement. Le point de Mozembano domine la rive gauche, ainsi que celui de Molino della Volta; les positions de Salionzo et de Valleggio, sur la rive gauche, ont un grand commandement sur celle opposée. Le général Bellegarde avait fait occuper fortement les hauteurs de Valleggio; il y avait fait rétablir un reste de château-fort, antique, qui pouvait servir de réduit; il commande toute la campagne sur les deux rives. Borghetto avait été fortifié, et était comme tête de pont, sous la protection de Valleggio. L'enceinte de la petite ville de Goîto avait été rétablie, et sa défense augmentée par les eaux. Bellegarde avait aussi fait élever quatre redoutes fraisées et palissadées, sur les hauteurs de Salionzo; elles étaient aussi rapprochées que possible de Valleggio. Lorsqu'il eut pourvu à ses principales défenses sur la rive gauche, il les étendit sur la rive droite. Il fit occuper les hauteurs de la Volta, position, qui domine tout le pays, par de forts ouvrages; mais ils étaient à près d'une lieue du Mincio, et à une et demie de Goîto et de Valleggio. Ainsi, sur un espace de quinze milles, le général autrichien avait cinq points fortement retranchés: Peschiera, Salionzo, Valleggio, Volta, et Goîto.
Le 18 décembre, l'armée française passa la Chiesa; le quartier-général se porta à Castaguedolo. Les 19 et 21, toute l'armée marcha sur le Mincio en quatre colonnes; la droite, sous les ordres de Dupont, se dirigea sur l'extrémité du lac de Mantoue; le centre, conduit par Suchet, marcha sur la Volta; l'avant-garde, ayant pour but de masquer Peschiera, se porta sur Ponti; la réserve et l'aile gauche se dirigèrent sur Mosembano. Dupont, à l'aile droite, rejeta avec sa division de droite, la garnison de Mantoue au-delà du lac. La deuxième division (Vatrin) chassa l'ennemi dans Goîto. Suchet, au centre, marcha sur Volta avec circonspection. Il s'attendait à un mouvement de l'armée autrichienne pour soutenir la tête de sa ligne. Mais l'ennemi ne fit contenance nulle part; il craignait probablement d'être coupé du Mincio; il abandonna ses positions. La belle hauteur de Mozembano, qui commande le Mincio, ne fut pas disputée. Les Français s'emparent de toutes les positions sur la rive droite, excepté de Goîto et de la tête de pont de Borghetto. Lorsque l'ennemi s'était aperçu qu'il avait affaire à toute l'armée française, il avait craint un engagement général; et il s'était reployé sur la rive gauche du Mincio, ne conservant, sur la droite, que Goîto et Borghetto. Le résultat des pertes des Autrichiens, sur toute la ligne, fut de 5 à 600 hommes prisonniers. Le quartier-général des Français fut placé à Mozembano.
Il fallait, le jour même, jeter des ponts sur le Mincio, le franchir, et poursuivre l'ennemi. Une rivière d'aussi peu de largeur, est un léger obstacle, lorsqu'on a une position qui domine la rive opposée, et que, de là, la mitraille des batteries dépasse au loin l'autre rive. A Mozembano, au moulin de la Volta, l'artillerie peut battre l'autre rive à une grande distance, sans que l'ennemi puisse trouver une position avantageuse pour l'établissement de ses batteries. Alors le passage n'est réellement rien; l'ennemi ne peut pas même voir le Mincio, qui, semblable à un fossé de fortification, couvre les batteries de toute attaque.
Dans la guerre de siége, comme dans celle de campagne, c'est le canon qui joue le principal rôle; il a fait une révolution totale. Les hauts remparts en maçonnerie ont dû être abandonnés pour les feux rasants et recouverts par des masses de terre. L'usage de se retrancher chaque jour, en établissant un camp, et de se trouver en sûreté derrière de mauvais pieux, plantés à côté les uns des autres, a dû être aussi abandonné.
Du moment où l'on est maître d'une position qui domine la rive opposée, si elle a assez d'étendue pour que l'on puisse y placer un bon nombre de pièces de canon, on acquiert bien des facilités pour le passage de la rivière. Cependant, si la rivière a de deux cents à cinq cents toises de large, l'avantage est bien moindre; parce que votre mitraille n'arrivant plus sur l'autre rive, et l'éloignement permettant à l'ennemi de se défiler facilement, les troupes, qui défendent le passage, ont la faculté de s'enterrer dans des boyaux, qui les mettent à l'abri du feu de la rive opposée. Si les grenadiers, chargés de passer pour protéger la construction du pont, parviennent à surmonter cet obstacle, ils sont écrasés par la mitraille de l'ennemi, qui, placé à deux cents toises du débouché du pont, est à portée de faire un feu très-meurtrier, et est cependant éloigné de quatre ou cinq cents toises des batteries de l'armée qui veut passer; de sorte que l'avantage du canon est tout entier pour lui. Aussi, dans ce cas, le passage n'est-il possible, que lorsqu'on parvient à surprendre complètement l'ennemi, et qu'on est favorisé par une île intermédiaire, ou par un rentrant très-prononcé, qui permet d'établir des batteries croisant leurs feux sur la gorge. Cette île ou ce rentrant forme alors une tête de pont naturelle, et donne tout l'avantage de l'artillerie à l'armée qui attaque.
Quand une rivière a moins de soixante toises, les troupes qui sont jetées sur l'autre bord, protégées par une grande supériorité d'artillerie et par le grand commandement que doit avoir la rive où elle est placée, se trouvent avoir tant d'avantage, que, pour peu que la rivière forme un rentrant, il est impossible d'empêcher l'établissement du pont. Dans ce cas, les plus habiles généraux se sont contentés, lorsqu'ils ont pu prévoir le projet de leur ennemi, et arriver avec leur armée sur le point de passage, de s'opposer au passage du pont, qui est un vrai défilé, en se plaçant en demi-cercle alentour, et en se défilant du feu de la rive opposée, à trois ou quatre cents toises de ses hauteurs. C'est la manœuvre que fit Vendôme, pour empêcher Eugène de profiter de son pont de Cassano.
Le général français décida de passer le Mincio le 24 décembre, et il choisit pour points de passage, ceux de Mozembano et de Molino della Volta, distants de deux lieues l'un de l'autre. Sur ces deux points, le Mincio n'étant rien, il ne faut considérer que le plan général de la bataille. Était-il à propos de se diviser entre Mozembano et Molino? L'ennemi occupait la hauteur de Valleggio et la tête de pont de Borghetto. La jonction des troupes, qui auraient effectué les deux passages, pouvait donc éprouver des obstacles et être incertaine. L'ennemi pouvait lui-même sortir par Borghetto, et mettre de la confusion dans l'une de ces attaques. Ainsi il était plus conforme aux règles de la guerre, de passer sur un seul point, afin d'être sûr d'avoir toujours ses troupes réunies. Dans ce cas, lequel des deux passages fallait-il préférer?
Celui de Mozembano avait l'avantage d'être plus près de Vérone; la position était beaucoup meilleure. L'armée ayant donc passé à Mozembano, sur trois ponts éloignés l'un de l'autre de deux à trois cents toises, ne devait point avoir d'inquiétude pour sa retraite, parce que sa droite et sa gauche étaient constamment appuyées au Mincio, et flanquées par les batteries qu'on pouvait établir sur la rive droite. Mais Bellegarde, qui l'avait parfaitement senti, avait occupé, par une forte redoute, les deux points de Valleggio et de Salionzo. Ces deux points, situés au coude du Mincio, forment avec le point de passage, un triangle équilatéral de trois mille toises de côté. L'armée autrichienne venant à appuyer sa gauche à Valleggio, sa droite à Salionzo, se trouvait occuper la corde, et sa droite et sa gauche étaient parfaitement appuyées. Elle ne pouvait pas être tournée; mais sa ligne de bataille était de 3,000 toises. Brune ne pouvait donc espérer que de percer son centre; opération souvent difficile, et qui exige une grande vigueur et beaucoup de troupes réunies.
Le point de Molino della Volta était moins avantageux. Si l'on eût été battu, il y aurait eu plus de difficultés pour la retraite; car Pozzolo domine la rive droite. Mais dans cette position, l'ennemi n'aurait pas eu l'avantage d'avoir ses ailes appuyées par des ouvrages de fortification.
En faisant un passage à Mozembano, le général français, trouvait sur sa droite les hauteurs de Valleggio, qui étaient fortement retranchées, et sur sa gauche, celles de Salionzo, occupées également par de bons ouvrages. L'armée française, en voulant déboucher, se trouvait dans un rentrant, en butte aux feux convergents de l'artillerie ennemie, et ayant devant elle l'armée autrichienne, appuyée, par sa droite et sa gauche, à ces deux fortes positions. D'un autre côté, le corps, qui passait à la Volta, avait sa droite à une lieue et demie de Goîto, place fortifiée sur la rive droite, et à une lieue, sur sa gauche, Borghetto et Valleggio.
Il fut cependant résolu que l'aile droite passerait à la Volta, tandis que le reste de l'armée passerait à Mozembano.
Le général Dupont, arrivé à Molino della Volta à la pointe du jour, construisit des ponts, et fit passer ses divisions. Il s'empara du village de Pozzolo, où il établit sa droite; et sa gauche appuyée au Mincio, fut placée vis-à-vis de Molino, et protégée par le feu de l'artillerie des hauteurs de la rive droite, qui dominent toute la plaine. Une digue augmentait encore la force de cette gauche. Lors du passage, l'ennemi était peu nombreux. Sur les dix heures, le général Dupont apprit que le passage que le général Brune devait effectuer devant Mozembano, était remis au lendemain. Le général Dupont aurait dû sur-le-champ faire repasser sur la rive droite, la masse de ses troupes, en ne laissant, sur la rive gauche, que quelques bataillons, pour y établir une tête de pont, sous la protection de ses batteries. D'ailleurs, la position était telle, que l'ennemi ne pouvait approcher jusqu'au pont. Cette opération aurait eu tout l'avantage d'une fausse attaque, aurait partagé l'attention de l'ennemi. L'on aurait pu, à la pointe du jour, avoir forcé la ligne de Valleggio à Salionzo, avant que toute l'armée ennemie n'y eût été réunie. Le général Dupont resta cependant dans sa position sur la rive gauche. Bellegarde, profitant de l'avantage que lui donnait son camp retranché de Valleggio et de Salionzo, marcha avec ses réserves contre l'aile droite. On se battit sur ce point, avec beaucoup d'opiniâtreté; les généraux Suchet et Davoust accoururent au secours du général Dupont; et un combat très-sanglant, où les troupes déployèrent la plus grande valeur, eut lieu sur ce point, entre 20 à 25,000 Français, et 40 à 45,000 Autrichiens, dans l'arrondissement d'une armée qui, sur un champ de bataille de trente lieues carrées, avait 80,000 Français contre 60,000 Autrichiens. C'est au village de Pozzolo que se passa l'action la plus vive; la gauche, protégée par le feu de l'artillerie de la rive droite et par la digue, était plus difficile à attaquer. Pozzolo, pris et repris alternativement par les Autrichiens et par les Français, resta enfin à ces derniers. Mais il leur en coûta bien cher; ils y perdirent l'élite de trois divisions, et éprouvèrent au moins autant de mal que l'ennemi. La bravoure des Français fut mal employée; et le sang de ces braves ne servit qu'à réparer les fautes du général en chef, et celles causées par l'ambition inconsidérée de ses lieutenants-généraux. Le général en chef, dont le quartier-général était à deux lieues du champ de bataille, laissa se battre toute son aile droite, qu'il savait avoir passé sur la rive gauche, sans faire aucune disposition pour la secourir. Une telle conduite n'a besoin d'aucun commentaire.
Il est impossible d'expliquer comment Brune, qui savait que sa droite avait passé et était aux mains avec l'ennemi, ne se porta pas à son secours, n'y dirigea pas ses pontons pour y construire un autre pont. Pourquoi du moins, puisqu'il avait adopté le plan de passer sur deux points, ne choisit-il pas Mozembano, en profitant du mouvement où était l'armée autrichienne, pour s'emparer de Salionzo, Valleggio, et tomber sur les derrières des ennemis? Suchet et Davoust ne vinrent au secours de Dupont, que de leur propre mouvement, ne prenant conseil que de la force des évènements.
Le 25, le général Marmont plaça ses batteries de réserve sur les hauteurs de Mozembano, pour protéger la construction des ponts; c'était bien inutile. L'ennemi n'avait garde de venir se placer dans un rentrant de trois mille toises de corde, pour disputer le passage d'une rivière de vingt toises, commandée par une hauteur, vis-à-vis de laquelle son artillerie, quelque nombreuse qu'elle fût, n'aurait pas pu se maintenir plus d'un quart d'heure en batterie. Le passage effectué, Delmas, avec l'avant-garde, marcha sur Valleggio; Moncey, avec la division Boudet, Michaud, avec la réserve, le soutinrent. Suchet resta en réserve devant Borghetto, et Dupont, avec l'aile droite, resta à Pozzolo. Les troupes eurent à souffrir des feux croisés de Valleggio et de Salionzo; mais le général autrichien avait déja calculé sa retraite, considérant la rivière comme passée, et après l'affront qu'il avait reçu la veille, malgré l'immense supériorité de ses forces, il cherchait à gagner l'Adige. Il avait seulement conservé des garnisons dans les ouvrages de Salionzo et de Valleggio, afin de pouvoir opérer sûrement sa retraite et évacuer tous ses blessés. Brune lui en laissa le temps. Dans la journée du 25, il ne dépassa pas Salionzo et Valleggio, c'est-à-dire qu'il fit trois mille toises. Le lendemain, les redoutes de Salionzo furent cernées, et on y prit quelques pièces de canon et 1200 hommes. Il faut croire que c'est par une faute de l'état-major autrichien, que ces garnisons n'ont pas reçu l'ordre de se retirer sur Peschiera. Il est difficile, toutefois, de justifier la conduite de ce général.
Les Français firent une attaque inutile en voulant enlever Borghetto; la brave soixante-douzième demi-brigade, qui en fut chargée, y perdit l'élite de ses soldats. Il suffisait de canonner vivement ce poste et d'y jeter des obus; car on ne peut pas entrer dans Borghetto, si l'on n'est pas maître de Valleggio; et une fois maître de ce dernier point, tout ce qui est dans Borghetto est pris. Effectivement, peu après l'attaque de la soixante-douzième, la garnison de Borghetto se rendit prisonnière; mais on avait sacrifié en pure perte 4 à 500 hommes de cette brave demi-brigade.