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Kitabı oku: «Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 2», sayfa 13

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33. – CURIEUX PHÉNOMÈNE ÉCONOMIQUE

21 Février 1847.

Dans la séance du 9, M. Léon Faucher a appelé l'attention de la Chambre sur les circonstances financières qui ont hâté en Angleterre l'avénement des réformes commerciales. Il y a là tout un enchaînement de faits, aussi intéressants qu'instructifs, qui nous paraissent mériter d'être soumis aux sérieuses méditations de nos lecteurs, principalement de ceux qui exercent des industries privilégiées. Ils y apprendront peut-être que les monopoles, non plus que les taxes élevées, ne tiennent pas toujours ce qu'ils semblent promettre.

En 1837, l'insurrection du Canada ayant amené un accroissement de dépenses qui vint se combiner avec un affaiblissement dans la recette, l'équilibre des finances fut rompu en Angleterre, et elles présentèrent un premier déficit de 16 millions de francs.

L'année suivante, second déficit de 10 millions; 1839 laisse un découvert de 37 millions, et 1840 de 40 millions.

L'administration songea sérieusement à fermer cette plaie toujours croissante. Il y avait à choisir entre deux moyens: diminuer les dépenses ou accroître les recettes. Soit qu'aux yeux du ministère, le cercle des réformes possibles, dans la première de ces directions, eût été parcouru depuis 1815, soit que, selon l'usage de tous les gouvernements, il se crût obligé d'épuiser le peuple avant de toucher aux droits acquis des fonctionnaires, toujours est-il que sa première pensée fut celle qui s'offre à tous les ministres: demander à l'impôt tout ce qu'il peut rendre.

En conséquence, le cabinet Russel provoqua, et le parlement vota un bill qui autorisait un prélèvement additionnel de 10 pour 100 sur l'impôt foncier, 5 pour 100 sur la douane et l'accise, et 4 pence par gallon sur les spiritueux.

Avant d'aller plus loin, il est bon de jeter un coup d'œil sur la manière dont étaient réparties, à cette époque, les contributions publiques du Royaume-Uni.

Le chiffre des recettes s'élevait à environ 47 millions sterling.

Elles étaient puisées à trois sources: la douane et l'accise, nature d'impôts qui frappe tout le monde d'une manière à peu près égale, c'est-à-dire qui retombe, dans une proportion énorme, sur les classes laborieuses; les assessed taxes ou impôt foncier, qui atteint directement le riche, surtout en Angleterre; et le timbre, qui est d'une nature mixte.

L'impôt du peuple rendait 37 millions ou 9/12 de la totalité;

L'impôt du riche, 4 millions ou 1/12 de la totalité;

L'impôt mixte, 2 millions ou 2/12.

D'où il suit que le commerce, l'industrie, le travail, les classes moyennes et pauvres de la société acquittaient les cinq sixièmes des charges publiques, ce qui avait fait dire, sans doute, à M. Cobden: «Si notre code financier parvenait sans commentaires dans la lune, les habitants de ce satellite n'auraient pas besoin d'autre document pour en induire que l'Angleterre est gouvernée par une aristocratie maîtresse du sol et de la législation.»

Faisons remarquer ici en passant, et à l'honneur de la France, que, pendant que les possesseurs de la terre ne payent en Angleterre que 8 pour 100 des contributions totales, chez nous ils acquittent 33 pour 100, et qu'en outre, ils prennent une beaucoup plus grande part, vu leur nombre, dans les impôts de consommation.

D'après ce qui précède, le prélèvement additionnel imaginé par les whigs devait produire:

1,426,040 liv. st. 5 pour 100 sur la douane et l'accise, spiritueux non compris;

186,000 liv. st. 4 pence par gallon, sur les spiritueux;

400,000 liv. st. 10 pour 100 sur l'impôt foncier.

Ici encore le peuple était appelé à réparer, dans la proportion des 4/5, le déficit amené par les fautes de l'oligarchie.

Le bill fut mis à exécution au commencement de 1840. Au 5 avril 1841, on procéda avec anxiété à la balance; et ce ne fut pas sans une surprise mêlée d'effroi qu'on constata, au lieu de l'accroissement attendu de 2,200,000 liv. st., une diminution sur la recette de l'année précédente de quelques centaines de mille livres.

Ce fut une révélation subite. C'était donc en vain que le peuple avait été frappé de nouvelles taxes; ce serait en vain qu'on aurait recours désormais à ce moyen. L'expérience venait de mettre au jour un fait capital, c'est que l'Angleterre était arrivée à la limite extrême de ses ressources contributives, et qu'il devenait à l'avenir impossible, par l'accroissement des impôts, de lui arracher un schelling. Cependant le déficit était toujours béant. (V. à l'introduction du tome III, pages 42 et suiv.)

Les théoriciens, comme on les appelle, se mirent à étudier le menaçant phénomène. Il leur vint à l'idée qu'on pourrait peut-être augmenter les recettes en diminuant les impôts, idée qui semblait impliquer une contradiction choquante. Outre les raisons théoriques qu'ils alléguaient en faveur de leur opinion, quelques expériences antérieures donnaient une certaine autorité à leur avis. Mais, pour les personnes qui, quoique vouées au culte des faits, n'ont pas cependant horreur de la raison des faits, nous devons dire comment ils soutenaient leur opinion.

«Le produit d'un impôt sur un objet de consommation, disaient-ils, est en raison du taux de la taxe et de la quantité consommée. Exemple: si, l'impôt étant un, il se consomme dix livres de sucre, la recette sera dix. Cette recette s'accroîtra, soit que le taux de la taxe s'élève, la consommation restant la même, soit que la consommation s'étende, le taux de la taxe ne variant pas. Elle baissera si l'un ou l'autre de ces éléments s'altère; elle baissera encore quoique l'un des deux augmente, si l'autre diminue dans une plus forte proportion. Ainsi, quoiqu'on élève la taxe à 2, si la consommation se réduit à 4, la recette ne sera que de 8. Dans ce dernier cas, la privation pour le peuple sera énorme, – sans profit, bien plus, avec dommage pour le Trésor.

Cela posé, ce multiplicateur et ce multiplicande sont-ils indépendants entre eux, ou ne peut-on grossir l'un qu'aux dépens de l'autre? Les théoriciens répondaient: «La taxe agit comme tous les frais de production, elle élève le prix des choses, et les place hors de la portée d'un certain nombre d'hommes. D'où cette conclusion mathématique: si un impôt est graduellement et indéfiniment élevé, par cela même qu'à chaque degré d'élévation il restreint un peu plus la consommation ou la matière imposable, un moment arrive nécessairement où la moindre addition à la taxe diminue la recette.

Que les protectionnistes sincères, et ils sont nombreux, nous permettent de recommander ce phénomène à leur attention. Nous verrons plus tard que l'excès de la protection leur fait jouer le même rôle qu'au Trésor l'exagération des taxes.

Les théoriciens ne se bornèrent pas à ce théorème arithmétique. Creusant un peu plus dans la question, ils disaient: Si le gouvernement eût mieux connu l'état déplorable des ressources du peuple, il n'aurait pas fait une tentative qui le couvre de confusion.

En effet, si la condition individuelle des citoyens était stationnaire, le revenu des taxes indirectes augmenterait exactement comme la population. Si, en outre, le capital national, et avec lui le bien-être général, vont croissant, le revenu doit augmenter plus vite que le nombre des hommes. Enfin, si les facultés de consommation sont rétrogrades, le Trésor doit en souffrir. Il suit de là que lorsqu'on a sous les yeux ce double phénomène: accroissement de population, diminution de recettes, on a une double raison pour conclure que le peuple est soumis à des privations progressives. Élever dans ce moment le prix des choses, c'est soumettre les citoyens à des privations additionnelles, sans aucun avantage fiscal.

Or, quel était, à ce point de vue, l'état des choses en 1840?

Il était constaté que la population augmentait de 360,361 habitants par année.

D'après cela, en supposant les ressources individuelles seulement stationnaires, quel aurait dû être le produit de la douane et de l'accise, et quel fut-il en réalité? C'est ce qu'on verra dans le tableau suivant:

Примечание 142


Ainsi, même en l'absence de tout progrès industriel, et par la force seule du nombre, le revenu, qui avait été de 36 millions en 1836, aurait dû être de 38 millions en 1840. Il tomba à 35 millions, malgré la surtaxe de 5 pour 100, résultat que l'affaiblissement des années précédentes aurait dû faire prévoir. Ce qu'il y a de singulier, c'est que dans les cinq années antérieures le contraire était arrivé. La douane et l'accise ayant été dégrévées, le revenu public s'était amélioré dans une proportion supérieure à l'accroissement de la population.

Le lecteur devine peut-être quelles conséquences les théoriciens tiraient de ces observations. Ils disaient au ministère: Vous ne pouvez plus grossir utilement le multiplicateur (le taux de la taxe) sans altérer dans une proportion plus forte le multiplicande (la matière imposable); essayez, en abaissant l'impôt, de laisser s'accroître les ressources du peuple.

Mais c'était là une entreprise pleine de périls. En admettant même qu'elle pût être couronnée de succès dans un avenir éloigné, on sait positivement qu'il faut du temps avant que les réductions de taxes comblent les vides qu'elles font, et, ne l'oublions pas, on avait en face le déficit.

Il ne s'agissait donc de rien moins que de creuser de plus en plus cet abîme, de compromettre le crédit de la vieille Angleterre, et d'ouvrir la porte à des catastrophes incalculables.

La difficulté était pressante. Elle accabla le ministère whig. Peel entra aux affaires.

On sait comment il résolut le problème. Il commença par mettre un impôt sur les riches. Il se créa ainsi des ressources, non-seulement pour combler le déficit, mais encore pour parer aux découverts momentanés que devaient entraîner les réformes qu'il méditait.

Grâce à l'income-tax, il soulagea le peuple du fardeau de l'accise, et, à mesure que la Ligue propageait les saines idées économiques, des restrictions de la douane. Aujourd'hui, malgré la suppression de beaucoup de taxes, l'abaissement de toutes les autres, l'Échiquier serait florissant, sans les calamités imprévues qui sont venues fondre sur la Grande-Bretagne.

Il faut en convenir, M. Peel a conduit cette révolution financière avec une énergie, une audace qui étonnent. Ce n'est pas sans raison qu'il caractérisait souvent ces mesures par ces mots: «Bold experiment,» expérience hardie. Ce n'est pas nous qui voudrions altérer la renommée de cet homme d'État et la reconnaissance des classes laborieuses d'Angleterre, et on peut dire de tous les pays. Mais, l'exécution c'est assez pour sa gloire, et nous devons dire en toute justice que l'invention appartient tout entière à un théoricien, à un simple journaliste, M. James Wilson, dont les conseils, s'ils étaient suivis, sauveraient peut-être l'Irlande de 1847 comme ils ont sauvé l'Angleterre de 1840.

Maintenant, les hommes qui cherchent les succès de leur industrie dans le monopole nous demanderont quelle analogie il y a entre les faits que nous venons de rappeler et le régime protecteur.

Nous les prions de regarder les choses de près et de voir s'ils ne sont pas dans la position assez ridicule où s'est trouvé l'Échiquier en 1840.

Qu'est-ce que la protection? Une taxe sur les consommateurs. Vous dites qu'elle vous profite. Sans doute, comme les taxes profitent au Trésor. Mais vous ne pouvez pas empêcher que ces taxes n'amoindrissent les facultés du public consommateur, sa puissance d'acheter, de payer, d'absorber des produits. Certainement, il consomme moins de blé et de drap que s'il lui en venait de toutes les parties du monde. C'est déjà un grand mal, nous dirons même une grande injustice; mais, relativement à vous, à votre intérêt, la question est de savoir si vous ne subirez pas le sort du fisc; s'il n'y a pas un moment où cet anéantissement des forces de la consommation vous prive de débouchés dans une telle mesure, que cela fait plus que compenser le taux de la protection; en d'autres termes, si dans cette lutte entre l'exhaussement artificiel du prix dû au droit protecteur et l'abaissement du prix occasionné par l'impuissance des acheteurs, ce dernier effet ne prévaut pas sur le premier, auquel cas évidemment vous perdriez et sur le prix de vente et sur la quantité vendue.

À cela vous dites qu'il y a contradiction. Que, puisque c'est à l'élévation du prix qu'est imputable l'impuissance relative des consommateurs, on ne peut admettre que, sous le régime de la liberté, le prix s'élevât, sans admettre par cela même un rétrécissement de débouchés; que, par la même raison, un accroissement de débouchés implique un abaissement du prix, puisque l'un est effet et l'autre cause.

Il y a à répondre que vous vous faites illusion. On peut certainement concevoir un pays où tout le monde soit assez dans l'aisance pour qu'on y puisse vendre les choses même à un bon prix, et un autre pays où tout le monde soit si dénué qu'on n'y peut trouver du débit même à bon marché. C'est vers ce dernier état que nous conduisent et les grosses taxes qui vont au Trésor, et les grosses taxes qui vont aux fabricants; et il arrive un moment où le Trésor et les fabricants n'ont plus qu'un moyen de maintenir et d'accroître leurs recettes, c'est de relâcher le taux de la taxe et de laisser respirer le public.

Au reste, ce n'est pas là une argumentation dénuée de preuves. Chaque fois qu'on a soustrait un peuple à la pression d'un droit protecteur, il est survenu que deux tendances opposées ont agi sur le prix. L'absence de protection l'a certainement poussé vers la baisse; mais l'accroissement de demande l'a poussé tout aussi certainement vers la hausse; en sorte que le prix s'est au moins maintenu, et le profit net de l'opération a été un excédant de consommation. Vous dites que cela n'est pas possible. Nous disons que cela est; et si vous voulez consulter les prix courants du café, des soieries, du sucre, des laines, en Angleterre, dans les années qui ont suivi la réduction des droits protecteurs, vous en resterez convaincus43.

34. – LES ARMEMENTS EN ANGLETERRE

15 Janvier 1848.

S'il n'y avait pas, quoi qu'on en dise, dans un principe, dans la vérité, plus de force que dans un fait contingent et éphémère, rien ne serait plus affligeant, plus décourageant pour les défenseurs de la liberté commerciale sur toute la surface du globe, que cette perversion étonnante et momentanée de l'esprit public dont l'Angleterre nous donne en ce moment le spectacle. Elle se prépare à augmenter son armée et sa marine.

Disons-le d'abord, nous avons la confiance, la certitude même que la liberté commerciale tend à accroître et à égaliser le bien-être au sein de toute nation qui l'adoptera; mais ce motif, quoique grave, n'est pourtant pas le seul qui nous ait déterminés à consacrer nos efforts au service de cette cause. Ce n'est même pas, il s'en faut de beaucoup, le plus puissant.

Nous sommes profondément convaincus que le libre-échange, c'est l'harmonie des intérêts et la paix des nations; et certes nous plaçons cet effet indirect et social mille fois au-dessus de l'effet direct ou purement économique.

Car la paix assurée des nations, c'est le désarmement, c'est le discrédit de la force brutale, c'est la révision, l'allégement et la juste répartition des taxes publiques, c'est, pour les peuples, le point de départ d'une ère nouvelle.

Supposant donc que la nation qui proclame la première le libre-échange était pénétrée et imbue de l'esprit du libre-échange, nous nous croyons fondés à penser qu'elle serait aussi la première à réduire son état militaire.

La raison dominante des onéreux efforts auxquels les nations modernes se soumettent, dans le sens du développement de la force brutale, étant manifestement la jalousie industrielle, l'ambition des débouchés exclusifs et le régime colonial, il nous paraissait absurde, contradictoire, qu'un peuple voulût se soumettre à l'aggravation de ce lourd fardeau militaire, précisément au moment où, par d'autres mesures, il rend ce fardeau irrationnel et inutile.

Nous concevrions, sans l'approuver, que l'Angleterre armât si elle avait des craintes pour ses colonies, ou l'arrière-pensée d'en acquérir de nouvelles.

Mais, quant à ses possessions actuelles, jamais elle n'a eu moins raison de craindre, puisqu'elle entre dans un système commercial qui ôte aux nations rivales tout intérêt à s'en emparer.

Quelle raison aura la France de se jeter dans les hasards d'une guerre pour conquérir le Canada ou la Jamaïque, quand, sans aucuns frais de surveillance, d'administration et de défense, elle pourra y porter ses produits sur ses propres navires, y accomplir ses ventes, ses achats et ses transactions aux mêmes conditions que les Anglais eux-mêmes?

S'il plaît aux Anglais de s'imposer tous les frais du gouvernement de l'Inde, quel motif aurons-nous de leur disputer, l'arme au poing, ce singulier privilége, quand, du reste, par la liberté des échanges, nous retirerons du commerce de l'Inde tous les avantages dont pourrait nous investir la possession elle-même?

Tant que les Anglais nous excluent, nous et les autres peuples, d'une partie considérable de la surface du globe, c'est une violence; et il est clair que toute violence, constamment menacée, ne se maintient qu'à l'aide de la force. Armer, dans cette position, c'est une nécessité fatale; ce n'est pas au moins une inconséquence.

Mais armer pour défendre des possessions qu'on ouvre au libre commerce du monde entier, c'est planter un arbre et en rejeter soi-même les fruits les plus précieux.

Est-ce pour voler à de nouvelles conquêtes que l'Angleterre renforce ses escadres et ses bataillons?

Cela peut entrer dans les vues de l'aristocratie. Elle recouvrerait par là plus qu'elle n'a perdu dans le monopole du blé! Mais de la part du peuple travailleur, c'est une contradiction manifeste.

Pour justifier de nouvelles conquêtes, même aux yeux de sa propre ambition, il faudrait commencer par reconnaître qu'on s'est bien trouvé des conquêtes déjà accomplies. Or, on y renonce, et on y renonce, non par abnégation, mais par calcul, mais parce qu'en posant des chiffres on trouve que la perte surpasse le profit. Le moment ne serait-il pas bien choisi pour recommencer l'expérience?

En agissant ainsi, le peuple anglais ressemblerait à ce manufacturier qui, à côté d'une ancienne usine, en élevait une nouvelle. Il renouvelait toutes les machines du vieil établissement, parce que, les jugeant mauvaises, il voulait les remplacer par un mécanisme plus perfectionné, et, en même temps, il faisait construire à grands frais des machines de l'ancien modèle pour le nouvel établissement.

Dans l'esprit du système exclusif, un peuple augmente ses colonies pour élargir le cercle de ses débouchés privilégiés; mais lorsqu'il s'aperçoit enfin que c'est là une politique décevante; lorsqu'il est forcé par son propre intérêt d'ouvrir au commerce du monde les colonies déjà acquises; lorsqu'il renonce par calcul à la seule chose qui les lui avait fait acquérir, le privilége, ne faudrait-il pas qu'il fût frappé de vertige pour songer à augmenter ses possessions? Et pourquoi y songerait-il? Serait-ce pour arriver encore à l'affranchissement en passant par cette route de guerres, de violences, de dangers, de taxes et de monopoles, alors qu'il déclare la route ruineuse, et, qui pis est, le but absurde?

Le parti guerroyant, en Angleterre, assigne, il est vrai, un autre motif aux mesures qu'il sollicite. Il redoute l'esprit militaire de la France; il craint une invasion.

Le moment est singulièrement choisi. Cependant, qu'en conséquence de cette crainte, l'Angleterre organisât ses forces défensives, qu'elle constituât ses milices, nous n'y trouverions rien à redire; mais qu'elle accroisse ses armées permanentes et sa marine militaire, en un mot, ses forces agressives, c'est là une politique qui nous semble en complète contradiction avec le système commercial qu'elle vient d'inaugurer, et qui n'aura d'autre résultat que d'ébranler toute foi dans l'influence pacifique du libre-échange.

On accuse souvent l'Angleterre de n'avoir décrété la liberté commerciale que pour entraîner les autres nations dans cette voie. Ce qui se passe donne un triste démenti à cette accusation.

Certes, si l'Angleterre avait voulu agir fortement sur l'opinion du dehors, si elle avait eu elle-même une foi complète au principe du libre-échange considéré dans tous ses aspects et dans tous ses effets, son premier soin aurait été d'en recueillir les véritables fruits, de réduire ses régiments, ses vaisseaux de guerre, d'alléger le poids des taxes publiques, et de faire disparaître ainsi les entraves que les exigences d'une vaste perception infligent toujours au travail du peuple.

Et, dans cette politique, l'Angleterre aurait trouvé, par surcroît, les deux grandes sources de toute sécurité: la diminution du danger et l'accroissement des véritables énergies défensives. – Car, d'une part, c'est affaiblir le danger de l'invasion que de suivre envers tous les peuples une politique de justice et de paix, que de leur présenter un front moins menaçant, que de leur donner accès sur tous les points du globe aux mêmes titres qu'à soi-même, que de laisser libres toutes les routes de l'Océan, que de renoncer à cette diplomatie embrouillée et mystérieuse qui avait pour but de préparer de nouvelles usurpations. – Et, d'un autre côté, le meilleur moyen de fonder la défense nationale sur une base inébranlable, c'est d'attacher tout un peuple aux institutions de son pays, de le convaincre qu'il est le plus sagement gouverné de tous les peuples, d'effacer successivement tous les abus de sa législation financière, et de faire qu'il n'y ait pas un homme sur tout le territoire qui n'ait toutes sortes de motifs d'aimer sa patrie et de voler au besoin à sa défense.

Pendant que cette ridicule panique se manifeste en Angleterre (et nous devons dire que la réaction de l'opinion commence à en faire justice), le contre-coup s'en fait ressentir de ce côté-ci du détroit. Ici, l'on se persuade que, sous prétexte de défense, l'Angleterre, en réalité, prépare des moyens d'invasion; et certes nos conjectures sont au moins aussi fondées que celles de nos voisins. Déjà la presse commence à demander des mesures de précaution; car, de toutes les classes d'hommes, la plus belliqueuse c'est certainement celle des journalistes. Ils ont le bonheur de ne laisser sur le champ de bataille ni leurs jambes, ni leurs bras; c'est le paysan qui est la chair à canon, et quant à eux, ils ne contribuent aux frais de la guerre qu'autant que leur coûtent une fiole d'encre et une main de papier. Il est si commode d'exciter les armées, de les faire manœuvrer, de critiquer les généraux, de montrer le plus ardent patriotisme, la bravoure la plus héroïque, et tout cela du fond de son cabinet, au coin d'un bon feu!.. Mais les journaux font l'opinion.

Donc, nous armerons aussi de notre côté. Nos ministres se laisseront sommer d'accroître le personnel et le matériel de guerre. Ils auront l'air de céder à des exigences irrésistibles, et puis ils viendront dire: «Vous voyez bien qu'on ne peut toucher ni au sel ni à la poste. Bien au contraire, c'est le moment d'inventer de nouveaux impôts; difficile problème, mais nous avons parmi nous d'habiles financiers.»

Il nous semble qu'il y a quelques hommes qui doivent rire dans leur barbe de tout ceci.

D'abord ceux qui, dans les deux pays, vivent sur le développement de la force brutale; ceux à qui les mésintelligences internationales, les intrigues diplomatiques et les préjugés des peuples, ouvrent la carrière des places, des grades, des croix, des avancements, de la fortune, du pouvoir et de la gloire.

Ensuite, les monopoleurs. Outre que leurs priviléges ont d'autant plus de chances de durer que les peuples, redoutant la guerre, n'osent pas se fier les uns aux autres pour leurs approvisionnements, quel beau thème pour le British-Lion et le Moniteur industriel, son confrère, si le free-trade aboutissait momentanément à cette mystification de faire courir les nations aux armes.

Enfin les gouvernements, s'il en est qui cherchent à exploiter le public, à multiplier le nombre de leurs créatures, ne seront pas fâchés non plus de cette belle occasion de disposer de plus de places, de plus d'argent et de plus de forces. Qu'on aille après leur demander des réformes: on trouvera à qui parler.

Nous avons la ferme confiance que cette ridicule panique, qui a agité un moment l'Angleterre, est un mouvement factice dont il n'est pas bien difficile de deviner l'origine. Nous ne doutons pas qu'elle ne se dissipe devant le bon sens public, et nous en avons pour garants les organes les plus accrédités de l'opinion, entre autres le Times, et surtout le Punch, car c'est une affaire de sa compétence44.

42
  Avec la surtaxe de 5 pour 100 votée cette année.
(Note de l'éditeur.)

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43
  V. tome IV, le chap. Cherté, Bon marché, page 163.
(Note de l'éditeur.)

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44
  V. au tome III la relation d'un Meeting à Manchester, pages 463 à 492.
(Note de l'éditeur.)

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Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2017
Hacim:
545 s. 9 illüstrasyon
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