Kitabı oku: «Avant Qu’il Ne Chasse », sayfa 3
« Monsieur Atkins ? » demanda-t-elle, en réalisant qu’elle pouvait très bien jouer les deux rôles et obtenir des renseignements fiables – s’il y en avait à obtenir.
L’homme qui tenait le catalogue en mains leva les yeux vers elle. Wendell Atkins avait douze ans de plus que la dernière fois où Mackenzie l’avait vu mais il avait l’air d’en avoir pris au moins vingt. Mackenzie supposa qu’il devait avoir au moins soixante-dix ans maintenant.
Il lui sourit et pencha la tête sur le côté. « Votre visage me dit quelque chose, mais je ne suis pas sûr de me rappeler de votre nom, » dit-il. « Ce serait sûrement plus facile que vous me le disiez, sinon je vais passer toute la journée à me poser la question. »
« Je m’appelle Mackenzie White. J’ai vécu à Belton jusqu’à l’âge de dix-huit ans. »
« White… votre mère s’appelait Patricia ? »
« Oui, monsieur, c’est ça. »
« Et bien, » dit Atkins. « Ça fait vraiment longtemps que je ne vous ai plus vue. La dernière chose que j’ai appris, c’était que vous travailliez pour la police d’État, c’est bien ça ? »
« J’y ai effectivement travaillé durant un temps en tant que détective, » dit-elle. « Mais j’ai fini par partir pour Washington et je travaille au FBI maintenant. »
Elle sourit intérieurement car elle savait que dans moins d’une heure, Wendell Atkins allait dire à tous les gens qu’il connaissait que Mackenzie White était venue lui rendre visite, qu’elle était partie pour Washington et qu’elle travaillait au FBI. Et si la rumeur se propageait, elle savait que les gens se mettraient à parler de ce qui était arrivé à son père. Dans les petites villes, c’était généralement comme ça que les informations se propageaient.
« Ah bon ? » dit Atkins. Même son ami leva les yeux de sa tasse de café, ayant l’air plus qu’intéressé.
« Oui, monsieur. Et c’est aussi la raison de ma visite. Je suis venue à Belton pour faire des recherches sur une vieille affaire. Celle de mon père, en fait. »
« Oh non, » dit Atkins. « C’est vrai… ils n’ont jamais trouvé celui qui lui avait fait ça, n’est-ce pas ? »
« Non, ils ne l’ont jamais trouvé. Et dernièrement, il y a eu des meurtres à Omaha qui semblent être liés à celui de mon père. Je suis venue ici, chez vous, car honnêtement, je me rappelle que mon père y venait de temps à autre quand j’étais enfant. C’était le genre d’endroit où les hommes se retrouvaient pour prendre un café et papoter, n’est-ce pas ? »
« C’est bien ça… même si on ne buvait pas toujours que du café, » dit Wendell, avec un petit gloussement.
« Je me demandais si vous vous rappeliez avoir entendu quoi que ce soit après que mon père soit assassiné. Même si vous pensez qu’il s’agit seulement de rumeurs, j’aimerais le savoir. »
« Et bien, agent White, » dit-il, sur un ton de bonne humeur, « je suis désolé de vous dire que certaines d’entre elles ne sont pas très agréables. »
« Je ne m’attends pas à ce qu’elles le soient. »
Atkins se racla la gorge d’un air gêné et il se pencha légèrement à travers le comptoir. Son ami comprit qu’une conversation inconfortable était sur le point d’avoir lieu ; il prit sa tasse de café et disparut derrière les rangées d’inventaire et d’équipements de pêche derrière le comptoir.
« Certains pensent que c’était votre mère, » dit Atkins. « Et je ne vous dis ça que parce que vous me l’avez demandé. Sinon, je n’aurais jamais osé faire un tel commentaire. »
« Je sais, monsieur Atkins. »
« Les rumeurs disent qu’elle a tout organisé pour que ça ressemble à un meurtre. Et le fait qu’elle… et bien, qu’elle souffre de cette dépression juste après, a paru bien trop opportun à certaines personnes. »
Mackenzie ne pouvait pas vraiment s’offusquer de cette accusation. Elle l’avait elle-même envisagé, mais ça ne tenait pas la route. Cela voudrait dire que sa mère serait également responsable de la mort des vagabonds, de Gabriel Hambry et de Jimmy Scotts. Sa mère pouvait être beaucoup de choses, mais elle n’était certainement pas une tueuse en série.
« Une autre rumeur dit que votre père avait des liens avec des Mexicains pas trop recommandables. Un cartel de la drogue. Une transaction aurait mal tourné ou votre père les aurait dupés d’une manière ou d’une autre, signant par là son arrêt de mort. »
C’était également une autre possibilité sur laquelle ils avaient longuement spéculé. Le fait que Jimmy Scotts ait apparemment été impliqué avec un cartel de la drogue – dans son cas, au Nouveau-Mexique – avait fourni un lien mais, après de longues recherches, il s’avéra qu’il n’y avait pas de connexion. Mais à nouveau, le père de Mackenzie avait fait partie de la police et tout le monde savait qu’il avait arrêté quelques dealers de drogue du coin, alors c’était une supposition facile à faire.
« Autre chose ? » demanda-t-elle.
« Non. Croyez-le ou non, mais je n’aime pas trop me mêler de ce qui ne me regarde pas. Je déteste les rumeurs. J’aurais aimé pouvoir vous en dire plus. »
« Ne vous tracassez pas. Merci beaucoup, monsieur Atkins. »
« Vous savez, » dit-il, « peut-être que vous devriez parler à Amy Lucas. Vous vous rappelez d’elle ? »
Mackenzie essaya de se rafraîchir la mémoire mais n’y parvint pas. « Le nom me dit vaguement quelque chose, mais non… je ne me rappelle pas d’elle. »
« Elle vit sur Dublin Road… la maison blanche avec la vieille Cadillac posée sur des blocs dans l’allée. Cette carcasse se trouve là depuis des lustres. »
Il n’en fallut pas plus pour que Mackenzie se rappelle. Bien qu’elle ne connaisse pas personnellement Amy Lucas, elle se rappelait bien de la maison. La Cadillac en question datait des années 60. Elle était placée sur des blocs depuis une éternité. Mackenzie se rappelait très bien l’avoir souvent vue, durant ces années à Belton.
« Pourquoi elle ? » demanda Mackenzie.
« Elle et votre mère étaient vraiment de très bonnes amies à un moment donné. Le mari d’Amy est mort d’un cancer il y a trois ans. Depuis lors, elle ne vient plus aussi souvent en ville. Mais je me rappelle qu’elle et votre mère passaient beaucoup de temps ensemble. Elles allaient au bar ou jouaient aux cartes sur le porche d’Amy. »
Comme si monsieur Atkins avait comme par magie appuyé sur un bouton, Mackenzie se rappela soudain bien plus de choses qu’auparavant. Elle pouvait à peine visualiser le visage d’Amy Lucas, illuminé par une cigarette qu’elle tenait en bouche. C’est l’amie au sujet de laquelle papa et maman se disputaient souvent, pensa Mackenzie. Les soirs où maman rentrait saoule ou était absente le weekend, elle était avec Amy. J’étais trop jeune pour vraiment comprendre.
« Savez-vous où elle travaille ? » demanda Mackenzie.
« Nulle part. Je suis prêt à parier qu’elle est actuellement chez elle. Quand son mari est mort, elle a reçu un petit pécule. Elle se contente de rester chez elle et de se morfondre toute la journée. Mais s’il vous plaît… si vous allez la voir, je vous en supplie, ne lui dites pas que c’est moi qui vous y ai envoyé. »
« Je ne lui dirai rien. Encore merci, monsieur Atkins. »
« Pas de problème. J’espère que vous trouverez ce que vous cherchez. »
« Moi aussi. »
Elle sortit du magasin et se dirigea vers sa voiture. Elle scruta Main Street tout en se demandant : Mais qu’est-ce que je cherche exactement ?
Elle entra dans sa voiture et démarra en direction de Dublin Road, en espérant y trouver un début de réponse.
CHAPITRE SIX
Dublin Road était une route à deux bandes qui serpentait à travers bois. Des arbres gigantesques s’élevaient des deux côtés et escortèrent Mackenzie jusqu’à la maison d’Amy Lucas. Elle eut l’impression de voyager dans le temps, particulièrement quand elle arriva à proximité de la maison et vit la vieille Cadillac, posée sur ses blocs au bout de l’allée en graviers.
Elle se gara derrière la seule autre voiture présente dans l’allée, une Honda beaucoup plus récente, et sortit du véhicule. Au moment où elle posa le pied sur le porche, elle pensa à ce que monsieur Atkins lui avait dit concernant le fait que sa mère et Amy jouaient bien souvent aux cartes à cet endroit même. Le simple fait de savoir que sa mère avait un jour occupé ce porche la fit frissonner.
Mackenzie frappa à la porte qui s’ouvrit immédiatement. La femme qui se trouvait de l’autre côté n’était plus qu’un pâle souvenir de la personne dont Mackenzie se rappelait. Amy Lucas devait avoir la cinquantaine et avait le type de regard qui semblait perpétuellement méfiant. La plupart de ses cheveux châtains avaient tourné au gris. Ils étaient tirés en arrière et révélaient un front parsemé de vieilles cicatrices d’acné. Elle tenait une cigarette entre les doigts de sa main droite, dont la fumée dessinait des volutes.
« Madame Lucas ? » demanda Mackenzie. « Amy Lucas ? »
« C’est moi, » dit-elle. « Qui êtes-vous ? »
Mackenzie sortit son badge et répéta la même phrase de routine. « Mackenzie White, du FBI. J’espérais pouvoir vous poser… »
« Mac ! Merde ! Qu’est-ce que tu fais en ville ? »
Le fait que cette femme se rappelle visiblement très bien d’elle prit un peu Mackenzie par surprise mais elle parvint à garder sa contenance. « J’enquête sur une affaire et j’espérais que vous pourriez m’aider. »
« Moi ? » Elle se mit ensuite à rire du genre de rire qui était depuis longtemps devenu le son d’innombrables cigarettes lui affectant les poumons.
« Et bien, c’est au sujet de mon père. Et pour être tout à fait franche, je ne suis plus en très bons termes avec maman. Alors j’espérais que vous pourriez peut-être m’éclairer concernant quelques détails. »
Ses yeux méfiants rétrécirent durant un instant puis Amy hocha la tête et fit un pas de côté. « Viens, entre, » dit-elle.
Mackenzie entra et fut instantanément envahie par l’odeur nauséabonde de la fumée de cigarette. C’était comme un nuage suspendu dans la maison. Elle suivit Amy à travers un petit vestibule et jusque dans le salon, où elle s’assit dans un vieux fauteuil en lambeaux.
Mackenzie s’assit au bord d’un divan collé au mur du fond et fit de son mieux pour dissimuler le fait que la fumée de cigarette lui donnait envie de tousser.
« J’ai appris la nouvelle concernant votre mari, » dit Mackenzie. « Toutes mes condoléances. »
« Oui, c’était triste, mais on savait que ça allait arriver. Le cancer, c’est vraiment une merde. Mais… il était prêt à partir. La douleur était vraiment insoutenable vers la fin. »
Aucune phrase de transition ne vint ensuite à l’esprit de Mackenzie et vu qu’elle ne s’était jamais considérée comme étant très douée dans l’art de la conversation, elle fit de son mieux pour arriver dans le vif du sujet sans avoir l’air trop impolie.
« Et bien, je suis revenue en ville en espérant trouver davantage d’informations sur le meurtre de mon père. Pendant de longues années, l’enquête était restée en stand-by mais une autre série de meurtres ailleurs au Nebraska ont fait que nous nous y intéressions à nouveau. Je voulais vous parler car il semblerait que vous ayez été proche de ma mère. Je me demandais si vous pouviez m’en dire plus concernant l’état dans lequel elle se trouvait dans les jours précédents et suivants la mort de mon père. »
Amy aspira une bouffée de sa cigarette et s’enfonça dans son fauteuil. Elle n’avait plus l’air méfiant maintenant, mais plutôt triste.
« Mon dieu, ta mère me manque. Comment va-t-elle ? »
« Je ne sais pas, » dit Mackenzie. « On ne s’est pas parlé depuis plus d’un an. Il y a quelques problèmes en suspens entre nous, comme vous pouvez l’imaginer. »
Amy hocha la tête. « A-t-elle fini par sortir de cette… résidence ? »
Elle veut parler de l’hôpital psychiatrique, pensa Mackenzie. « Oui. Puis elle a loué un appartement quelque part et a continué à vivre sa vie. Elle nous a plus ou moins abandonnées, Stéphanie et moi. »
« Quand ton père est mort, ça a vraiment été dur pour elle, » dit Amy. « Le fait qu’elle soit là, sur ce divan, quand c’est arrivé – ça l’a vraiment foutue en l’air. »
Ouais, ça m’a pas mal foutue en l’air aussi, pensa Mackenzie. « Oui, on était tous là. Est-ce que maman vous a raconté quoi que ce soit concernant cette nuit-là ? Quelque chose qu’elle aurait vu ou entendu ? »
« Pas que je me rappelle. Je sais qu’elle était hantée par l’idée que la porte avait dû être ouverte – que la personne qui était entrée et avait tué ton père avait juste eu à traverser la maison. Ça la paniquait vraiment que ça ait pu être toi ou ta sœur. »
« Et pour finir, » dit Mackenzie, « tout le monde s’en est sorti sain et sauf. L’assassin voulait uniquement mon père. Est-ce que maman vous a parlé de quoi que ce soit concernant mon père qui ait pu vous sembler bizarre ? Peut-être des raisons pour que quelqu’un souhaite sa mort ? »
« Franchement, ta mère avait surtout parlé de combien elle le trouvait sexy dans son uniforme de police. Mais il était détective vers la fin, n’est-ce pas ? »
« C’est ça. Alors… est-ce que maman aimait le fait qu’il soit policier ou est-ce que ça la mettait mal à l’aise ? »
« Un peu des deux, je pense. Elle était très fière de lui mais elle s’inquiétait tout le temps pour lui. C’est la raison pour laquelle elle buvait autant. Elle avait tout le temps peur qu’il soit blessé et la boisson était sa façon à elle de gérer le stress. »
« Je vois… »
« Écoute, je sais que certaines rumeurs en ville ne sont pas des plus agréables, mais ta mère aimait ton père. Elle l’aimait vraiment beaucoup. Il faisait tout son possible pour la soutenir. Quand il est devenu policier et qu’ils pouvaient à peine payer leurs factures, il a même fait un prêt et acheté ce minuscule édifice d’appartements en-dehors de la ville. Il essaya d’être propriétaire pendant environ deux ans mais ce n’était pas fait pour lui. Mais les revenus étaient suffisants pour les maintenir à flot, par contre. »
« À quand ça remonte ? » demanda-t-elle.
« Avant que tu ne sois là, ça, c’est sûr, » dit Amy. « On était tous si jeunes à l’époque. Mon dieu, je n’arrive pas à comprendre comment j’oublie certains détails aussi facilement… »
Mackenzie ne put s’empêcher de sourire. Juste comme ça, elle venait d’apprendre quelque chose de nouveau sur son père. Peut-être que sa mère et lui avaient mentionné cette tentative d’être propriétaire devant elle dans le passé mais si c’était le cas, elle n’y avait jamais vraiment prêté attention.
« Amy, à quand date la dernière fois où vous avez parlé avec ma mère ? »
« Le jour avant qu’elle ne parte pour cette résidence. Je ne cherche pas à retourner le couteau dans la plaie, mais même à ce moment-là, je pense qu’elle était fâchée sur toi. Mais elle ne m’a jamais dit pourquoi. »
« Et est-ce qu’elle a dit quoi que ce soit concernant mon père ? »
« Elle disait que c’était arrivé comme un cauchemar. Elle disait que c’était sa faute et qu’elle aurait dû être capable de l’empêcher. J’ai imaginé qu’elle se sentait surtout coupable d’être endormie et de ne pas s’être réveillée quand cette personne est apparemment entrée dans la maison avec une arme. »
« Il y a quoi que ce soit d’autre dont vous vous rappeliez ? » demanda Mackenzie.
Pendant qu’Amy réfléchissait, Mackenzie repensa à une des choses qu’elle venait de lui dire. Elle aurait dû être capable de l’empêcher.
Ça semble un commentaire bien étrange à faire au vu de ce qui s’est passé.
Elle sait quelque chose. Ça a toujours été le cas et j’ai toujours eu bien trop peur de lui poser la question…
Merde. Il va falloir que je l’appelle.
Amy finit par lui répondre : « Non, rien dont je puisse me rappeler pour l’instant. Mais tu as ravivé des souvenirs du passé, alors si je me rappelle de quoi que ce soit, je n’hésiterai pas à t’en informer. »
« Ce serait très apprécié, » dit Mackenzie, en tendant à Amy une de ses cartes de visite.
Elle sortit de la maison, trop contente de pouvoir respirer l’air frais. Elle se dirigea vers sa voiture, consciente d’empester la fumée de cigarette et en méditant sur ce qu’elle avait appris de nouveau sur son père.
Un propriétaire, pensa-t-elle. Je ne peux pas du tout l’imaginer ! Je me demande si Stéphanie savait…
Mais dans la foulée, une autre évidence lui vint à l’esprit.
Je vais devoir rendre visite à ma mère. Je ne vais pas pouvoir l’éviter plus longtemps.
Cette pensée la rendit instantanément nerveuse. Alors qu’elle regagnait la Dublin Road, le simple fait de penser qu’elle allait voir sa mère la mettait mal à l’aise. Elle avait l’impression d’avoir un poids sur l’estomac. Elle roula en direction de la ville, en essayant de penser à ce qu’elle pourrait bien faire d’autre pour reporter l’inévitable visite.
CHAPITRE SEPT
Elle avait encore une autre tâche à faire avant de se tourmenter davantage à l’idée d’une visite avec sa mère. Elle consulta les dossiers de l’enquête et en sortit les informations concernant l’autopsie de son père. Elle trouva le nom du médecin légiste qui avait rédigé le rapport et se mit en quête de le retrouver.
Ce fut assez facile. Bien que le médecin légiste en question ait pris sa retraite deux ans plus tôt, le comté de Morrill était le genre d’endroit qui ressemblait à un trou noir. C’était impossible d’en sortir. C’est pourquoi il y avait autant de visages familiers dans les rues de la ville. Personne n’avait songé à partir, à aller voir ce que la vie pouvait leur offrir ailleurs.
Elle avait appelé l’agent Harrison à Washington pour obtenir l’adresse de Jack Waggoner, le médecin légiste qui avait travaillé sur son père. Elle obtint l’adresse en quelques minutes et se dirigea vers une autre petite ville du nom de Denbrough. Denbrough se trouvait à soixante kilomètres au Sud de Belton, deux petites taches sur la carte du comté de Morrill.
Jack Waggoner vivait dans une maison qui se trouvait à côté d’une grande prairie. De vieux poteaux et du fil barbelé indiquaient que la prairie avait autrefois servi à garder des chevaux ou du bétail. Quand elle gara sa voiture dans l’allée de la jolie maison à un étage de style colonial, elle vit qu’une femme était occupée à arracher les mauvaises herbes d’un jardin de fleurs qui entourait le porche d’entrée.
La femme ne la quitta pas des yeux, depuis le moment où Mackenzie avait engagé sa voiture dans l’allée jusqu’au moment où elle en sortit.
« Bonjour, » dit Mackenzie, cherchant à nouer le contact le plus rapidement possible avec la femme, avant que son regard insistant ne commence à l’agacer.
« Bonjour, » dit la femme. « À qui ai-je l’honneur ? »
Mackenzie sortit son badge et se présenta de la manière la plus agréable possible. Les yeux de la femme s’illuminèrent instantanément et elle cessa de la regarder d’un air méfiant.
« Et qu’est-ce qui amène le FBI à Denbrough ? » demanda la femme.
« J’espérais pouvoir parler avec monsieur Waggoner, » dit-elle. « Jack Waggoner. Est-ce qu’il est à la maison ? »
« Oui, il est là, » dit la femme. « Je suis Bernice, au fait. Sa femme depuis trente et un ans. Il reçoit parfois des appels du gouvernement, toujours concernant des cadavres qu’il a examinés dans le passé. »
« Oui, c’est la raison de ma visite. Pourriez-vous lui demander de venir ? »
« Je vais vous conduire jusqu’à lui, » dit Bernice. « Il est en plein milieu d’un projet. »
Mackenzie suivit Bernice dans la maison. Elle était propre et peu décorée, donnant l’impression d’être bien plus vaste qu’elle ne l’était en réalité. La disposition de l’endroit lui fit à nouveau penser que le vaste pré à l’extérieur devait définitivement avoir autrefois contenu du bétail – du bétail qui avait permis de payer pour une telle maison.
Bernice la guida jusqu’au sous-sol aménagé. Quand elles arrivèrent en bas des escaliers, la première chose que vit Mackenzie, ce fut une tête de cerf accrochée au mur. Puis, en continuant, elle vit un petit chien empaillé – un vrai chien qui avait été empaillé après sa mort. Il était perché dans un coin sur une sorte de plateforme bizarre.
Dans le coin tout au fond, un homme était assis, penché sur un établi. Une lampe illuminait ce sur quoi il était occupé à travailler et qui était dissimulé par son dos et ses épaules.
« Jack ? » dit Bernice. « Tu as de la visite. »
Jack Waggoner se retourna et regarda Mackenzie à travers des lunettes au verre épais. Il les retira, cligna des yeux d’une manière presque comique et se leva lentement de son siège. Quand il bougea, Mackenzie put voir ce sur quoi il travaillait. Elle vit le corps de ce qui ressemblait à un lynx.
Taxidermie, pensa-t-elle. Apparemment, il fallait qu’il continue à être en contact avec des cadavres après sa retraite.
« Je ne pense pas qu’on se soit déjà rencontré, » dit Jack.
« Non, effectivement, » dit-elle. « Je suis Mackenzie White, du FBI. J’aurais aimé vous parler d’un corps dont vous avez fait l’autopsie il y a environ dix-sept ans. »
Jack laissa échapper un sifflement et haussa les épaules. « Et bien, j’ai déjà du mal à me rappeler les corps sur lesquels j’ai travaillé durant ma dernière année de service – et ça ne remonte qu’à deux ans. Alors, dix-sept ans, ça risque d’être plus difficile. »
« C’était une affaire d’une certaine importance, » dit-elle. « Un policier… un détective, en fait. Un homme du nom de Benjamin White. C’était mon père. Il a été tué d’une balle… »
« D’une balle dans la nuque, » dit Jack. « Avec un Beretta 92, si ma mémoire ne me fait pas défaut. »
« Exactement. »
« Oui, celui-là, je m’en rappelle. Et… et bien, je suppose que je suis enchanté de vous connaître. Désolé pour votre père, bien entendu. »
Bernice soupira et s’avança en direction des escaliers. Elle sourit sur un air d’excuse et fit un petit signe d’au revoir à Mackenzie en partant.
Jack sourit à sa femme au moment où elle se dirigea vers les escaliers. Quand le bruit des ses pas eut disparu, Jack regarda en direction de son établi. « Je vous serrerais bien la main mais… et bien, je ne suis pas sûr que vous le vouliez. »
« La taxidermie paraît un hobby tout à fait approprié pour un homme avec votre carrière professionnelle, » dit Mackenzie.
« Ça fait passer le temps. Et les revenus extra sont également bienvenus. Enfin… je m’éloigne du sujet. Que voulez-vous savoir concernant l’enquête sur Ben White ? »
« Franchement, je cherche quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire. J’ai lu les rapports au moins une cinquantaine de fois, je crois. Je les connais sur le bout des doigts. Mais je suis aussi consciente qu’il y a souvent de minuscules détails qui ne sont remarqués que par une ou l’autre personne – des détails qui ne semblent pas valoir la peine d’être inclus sur le moment – qui ne se retrouvent pas dans le rapport officiel. C’est ce genre de choses que je recherche. »
Jack prit un moment pour y réfléchir mais à l’air de déception qui se peignait sur son visage, Mackenzie en conclut qu’il ne voyait rien en particulier. Après quelques instants, il secoua la tête. « Désolé. Mais du point de vue du corps en lui-même, il n’y avait rien qui sorte de l’ordinaire. Manifestement, les causes du décès étaient évidentes. Et à part ça, il avait un corps sain et en bonne santé. »
« Alors pourquoi vous en souvenez-vous aussi bien ? »
« À cause de la nature même de l’affaire. J’ai toujours trouvé qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Votre père était un policier respecté. Quelqu’un est entré dans votre maison, lui a tiré une balle dans la nuque et est parvenu à ressortir sans que personne ne le voit. Un Beretta 92 n’est pas particulièrement bruyant mais assez pour réveiller une maisonnée. »
« Ça m’a réveillée, » dit Mackenzie. « Ma chambre se trouvait directement à côté de la sienne. J’ai entendu le coup de feu mais je ne savais pas ce que c’était. Puis j’ai entendu des bruits de pas et quelqu’un passer devant ma chambre. La porte de ma chambre était fermée, quelque chose que je ne faisais jamais enfant. Je laissais toujours une fente. Mais quelqu’un l’avait fermée. La même personne, j’imagine, qui a tué mon père. »
« C’est vrai. C’est vous qui avez découvert le corps, n’est-ce pas ? »
Elle hocha la tête. « Et c’était à peine deux ou trois minutes après le coup de feu. C’est le temps que ça m’a pris pour réaliser qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. C’est à ce moment-là que je suis sortie de mon lit et que je suis allée dans la chambre de mes parents. »
« Comme je vous le disais… j’aurais aimé pouvoir vous en apprendre davantage. Et veuillez me pardonner de vous dire ça, mais il y a quelque chose dans la version officielle qui ne tient pas la route. Est-ce que vous avez parlé de tout ça avec votre mère ? »
« Non, pas en détails. Nous ne sommes pas vraiment les meilleures amies du monde. »
« Elle était dévastée les jours précédant l’enterrement. Personne ne pouvait lui adresser la parole. Elle passait des sanglots à une rage folle en une fraction de seconde. »
Mackenzie hocha la tête mais resta silencieuse. Elle se rappelait très bien les accès de rage de sa mère. C’était l’une des raisons principales de son admission ultérieure dans un hôpital psychiatrique.
« Est-ce qu’il y a eu une sorte de confidentialité impliquée au moment où le corps est arrivé à la morgue ? » demanda-t-elle.
« Pas que je me rappelle. Rien de louche, d’après ce que je sais. C’était juste un autre cadavre qui nous était livré. Mais vous savez… je me rappelle d’un policier qui était tout le temps présent. Il était avec eux quand le corps est arrivé et il est resté pendant tout un temps à proximité du bureau médical, comme s’il attendait quelque chose. Je suis presque certain de l’avoir également vu à l’enterrement. Benjamin White était un type respecté… particulièrement par les autres policiers. Mais celui-là… il était là tout le temps. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, il est resté un peu longtemps à l’enterrement, comme s’il avait besoin d’être seul pour assimiler l’information. Mais bon, ça date d’il y a longtemps. Dix-sept ans, ça fait un bail. Les souvenirs commencent un peu à faillir quand on arrive à mon âge. »
« Est-ce que vous vous rappelez le nom de ce policier ? » demanda-t-elle.
« Non. Mais je suis presque certain qu’il a signé quelques paperasseries à un moment donné. Peut-être que si vous parvenez à obtenir les dossiers originaux ? »
« Peut-être, » dit Mackenzie.
Il dit la vérité et il est désolé pour moi, pensa Mackenzie. Il n’y a rien de plus à apprendre ici… à moins que je veuille me mettre à la taxidermie.
« Merci pour le temps que vous m’avez consacré, monsieur Waggoner, » dit-elle.
« Pas de problèmes, » dit-il, en la raccompagnant à l’étage. « J’espère vraiment que vous parviendrez à élucider cette affaire. J’ai toujours pensé qu’il y avait quelque chose de pas net dans tout ça. Et bien que je ne connaisse pas vraiment bien votre père, je n’ai toujours entendu que de bonnes choses à son sujet. »
« Merci, » dit Mackenzie.
Elle le remercia une dernière fois et sortit de la maison. Elle fit un signe d’au revoir à Bernice qui s’occupait de nouveau des mauvaises herbes et elle entra dans sa voiture. Il était quinze heures mais elle avait l’impression qu’il était bien plus tard que ça. Elle supposa que le vol de Washington jusqu’au Nebraska, suivi par six heures de route, commençaient tout doucement à l’affecter.
Mais il était trop tôt pour finir journée. Elle se dit qu’elle pourrait terminer par une visite à l’endroit où elle avait toujours pensé qu’elle finirait, bien qu’elle n’y ait jamais mis les pieds : le commissariat de Belton.
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