Kitabı oku: «Avant Qu’il Ne Languisse», sayfa 3

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CHAPITRE SIX

Quinn Tuck s’avéra extrêmement obligeant. Il semblait avoir envie de faire la lumière sur cette affaire autant que les autres. C’est pourquoi, lorsque Mackenzie et Ellington arrivèrent au commissariat de police, il leur avait déjà fourni un lien leur permettant d’accéder à tous les fichiers digitaux du système de sécurité du centre d’entreposage personnel.

Ils décidèrent de commencer avec les séquences de la caméra de sécurité plutôt que par le corps de Claire Locke. Cela leur offrit l’opportunité de s’asseoir et de plus ou moins se remettre de leurs émotions. La tombée de la nuit approchait et la pluie persistait. Tandis que l’adjoint Rising leur attribuait un moniteur, Mackenzie repensa à cette journée et trouva qu’il était difficile de croire qu’elle avait visité un jardin pittoresque et pensé à son mariage moins de neuf heures plus tôt.

- Voilà les heures où il y a du mouvement, dit Rising en glissant une feuille arrachée à son bloc à Mackenzie. Il n’y en a pas beaucoup. (Il tapota une entrée en particulier, rédigée d’une main rapide). C’est la seule fois que nous voyons Claire Locke pénétrer dans l’ensemble d’entreposage personnel. Nous avons demandé son permis de conduire et obtenu le numéro de sa plaque d’immatriculation, donc nous savons que c’est elle. Et ça, dit-il en tapotant une autre entrée, c’est le moment où elle est partie. Et à ces deux moments, on la voit sur la vidéo.

- Merci, adjoint, dit Ellington. Cela nous aide vraiment beaucoup.

Rising hocha la tête en signe de reconnaissance avant de se faufiler hors du minuscule bureau attribué aux agents. La tâche monotone prit un moment, mais comme Rising l’avait indiqué, la police locale avait déjà fait une partie du travail. Ils réussirent à accélérer la vidéo lorsqu’il n’y avait pas d’activité sur l’écran. Ils commencèrent par vérifier les temps de la feuille. Lorsque la voiture censée appartenir à Claire Locke apparut sur l’écran, Mackenzie zooma mais fut incapable de distinguer les traits du conducteur. Elle attendit, observa l’entrée grisâtre du complexe pendant deux minutes accélérées avant que la voiture de Locke n’apparaisse en train d’en partir. Pendant le laps de temps qu’elle avait passé là, personne n’était arrivé et aucune autre voiture n’était sortie.

- Tu sais, dit Mackenzie. Il est complètement possible qu’elle n’ait pas été attaquée dans le complexe d’entreposage.

- Tu penses qu’elle a été tuée ailleurs et emmenée là ?

- Peut-être pas tuée ailleurs, mais potentiellement enlevée. Je pense que voir son corps nous aidera à le déterminer. Si elle montre des signes d’inanition ou de déshydratation, cela nous dira qu’elle a été abandonnée dans son box.

- Mais d’après le compte rendu, le verrou était fermé de l’extérieur.

- Quelqu’un d’autre avait peut-être la clef, suggéra Mackenzie.

- Probablement le conducteur de l’une des autres voitures dans ces jours et jours de vidéo.

- Sûrement.

- Tu veux rester ici et te concentrer sur l’enregistrement pendant que je vais jeter un œil au corps ? demanda Ellington. Ou le contraire ?

Mackenzie imagina la pauvre femme, seule dans l’obscurité, impuissante, incapable de crier à l’aide. Elle se la représenta dans la nuit noire, en train de tenter de trouver un moyen quelconque d’essayer d’ouvrir la porte.

- Je crois que j’aimerais voir le corps. Ça te va ?

- Oh ouais. C’est du streaming de qualité. Pas de publicités ou autre.

- Bien, répondit-elle. À tout de suite.

Elle se pencha pour l’embrasser sur le coin de la bouche avant de partir. Elle le fit naturellement et sans réfléchir, même si ce n’était pas le geste le plus professionnel. Un rappel efficace des les raisons pour lesquelles ils ne seraient pas en mesure de travailler ensemble comme coéquipiers après leur mariage.

Mackenzie quitta le petit bureau à la recherche de la morgue tandis qu’Ellington regardait le temps se dérouler en accéléré sur l’écran.

***

La question de savoir si Claire Locke avait été affamée ou déshydratée à un degré ou un autre pendant le temps qu’elle avait passé dans le box trouva une réponse au moment où Mackenzie la vit. Même si Mackenzie n’était pas experte en la matière, les joues de la jeune femme étaient creuses. Son ventre aurait également pu avoir la même apparence, mais ce n’était pas clair à cause de l’incision à laquelle le médecin légiste avait procédé.

La femme qui l’accueillit à la morgue était une femme rondelette et étrangement agréable nommée Amanda Dumas. Elle accueillit chaleureusement Mackenzie et s’appuya contre une petite table d’acier sur laquelle s’étalaient les instruments de son travail.

- D’après votre examen, demanda Mackenzie, diriez-vous que la victime a connu une sévère période d’inanition ou s’est déshydratée avant de mourir ?

- Oui, même si je n’ai pas été capable de déterminer exactement jusqu’à quel point, répondit Amanda. Il y a très peu d’acides gras dans son estomac – quasiment pas. Cela, en plus de quelques signes de détérioration de la masse musculaire, indique qu’elle a au moins traversé les premières phases de l’inanition. Elle présente aussi les signes classiques de la déshydratation, même si je n’arrive pas à avoir de certitude quant à la cause de la mort.

- Pensez-vous qu’elle se soit vidée de son sang avant ?

- Oui. Et très franchement, c’était ce qu’il y avait de mieux à espérer pour elle.

- D’après vos observations sur le corps, croyez-vous qu’elle était vivante quand on l’a emmenée dans le box ?

- Oh, sans le moindre doute. Et je peux aussi affirmer que c’était contre sa volonté. (Amanda avança d’un pas et désigna les abrasions sur la main droite de Locke). On dirait qu’elle s’est débattue du mieux qu’elle a pu et qu’elle a tenté de s’échapper de toutes ses forces.

Mackenzie vit les coupures et nota que l’une d’elles semblait irrégulière. Elle aurait facilement pu être due au contact avec le cadre en métal qui permettait l’enroulage de la porte. Elle repéra aussi l’ongle cassé.

- Elle présente aussi un hématome à l’arrière du crâne, renchérit Amanda.

Elle utilisa une sorte de peigne pour déplacer les cheveux de Claire. Elle exécuta ce geste avec un respect et une attention presque tendres. Mackenzie put instantanément distinguer un énorme hématome violet au niveau de la nuque, à la jointure avec le crâne.

- Des traces quelconques de drogue ? demanda Mackenzie.

- Aucune. J’attends toujours les résultats des analyses chimiques mais d’après mes observations, je ne m’attends pas à apprendre quoi que ce soit d’intéressant.

Mackenzie supposa que l’hématome sur la nuque ainsi que la boule-bâillon trouvée dans sa bouche suffisaient à expliquer pourquoi Claire Locke n’avait pas hurlé ou crié à l’aide lorsqu’on l’avait déplacée dans le garde meules. Elle repensa à l’enregistrement vidéo, certaine que le conducteur de l’une des voitures était responsable de son meurtre – et de la mort de l’autre victime trouvée la semaine dernière, d’après les rapports.

Mackenzie jeta un autre regard au cadavre en fronçant les sourcils. Il était naturel de toujours ressentir une forme de compassion envers pour toute personne ayant été assassinée. Mais Mackenzie se sentait envahie par un sentiment de tristesse plus puissant dans le cas de Claire Locke. Peut-être parce qu’elle l’imaginait aisément dans le local plongé dans l’obscurité, sans la moindre liberté de mouvement, incapable d’appeler à l’aide.

- Merci pour ces informations, dit Mackenzie. Mon partenaire et moi resterons en ville pendant quelques jours. Tenez-moi au courant si les analyses chimiques donnent quelque chose.

Elle quitta la morgue et se dirigea vers l’étage principal. Sur le chemin du retour vers le petit bureau où Ellington et elle travaillaient, elle s’arrêta face au bureau d’accueil et demanda une copie du dossier actuel de Claire Locke. Elle l’eut en main deux minutes plus tard et le rapporta avec elle.

Elle trouva Ellington en train de fixer le moniteur, incliné en arrière sur sa chaise.

- Tu as trouvé quelque chose ?

- Rien de concret. J’ai vu sept autres véhicules entrer et sortir. L’un d’eux est resté environ six heures avant de partir. J’aimerais vérifier avec la police pour savoir si ces personnes ont déjà été interrogées. Claire Locke a fini dans cet espace d’entreposage personnel, quelqu'un sur cet enregistrement a dû l’y emmener.

Mackenzie, qui était d’accord avec lui, hocha la tête et commença à parcourir le dossier. Locke n’avait pas de casier judiciaire et ses données personnelles n’apportaient pas beaucoup d’informations. Elle était âgée de vingt-cinq ans, avait obtenu un diplôme d’UCLA deux ans auparavant, et travaillait en tant qu’artiste digital dans une entreprise locale de marketing. Parents divorcés, père vivant à Hawaii, mère installée quelque part au Canada. Pas de mari, pas d’enfants, mais il y avait une note en bas des informations personnelles déclarant que son petit-ami avait été informé de sa mort. On l’avait contacté la veille à quinze heures.

- Tu en as encore pour combien de temps ? demanda-t-elle.

Ellington haussa les épaules.

- Trois jours supplémentaire, à mon avis.

- Tu restes ici pendant que je vais interroger le petit-ami de Claire Locke ?

- Je suppose que oui, répondit-il avec un soupir exagéré. La vie conjugale nous attend. Autant que tu t’habitues à me voir assis face à un écran en permanence. Surtout pendant la saison du football.

- Ça me va. Tant que ça ne te dérange pas que je sorte et que je mène ma vie pendant que tu t’avachis devant la télé.

Et pour lui montrer ce qu’elle voulait dire, elle sortit. Elle cria par dessus son épaule :

- Donne-moi quelques heures.

- Bien sûr. Mais ne t’attends pas à ce que le dîner soit prêt quand tu rentreras.

Le badinage entre eux la rendait extrêmement reconnaissante à McGrath de les avoir autorisés à travailler sur cette affaire ensemble. Entre la morosité, la pluie et la tristesse particulière que lui inspirait le sort de Claire Locke, elle ne savait pas si elle aurait été capable de faire face à cette affaire seule. Mais la présence d’Ellington ici lui paraissait familière et réconfortante – un point de repère au cas où l’enquête deviendrait trop accablante.

Elle sortit du bâtiment. La nuit était tombée et même si la pluie s’était encore une fois calmée et s’était transformée en bruine paresseuse, Mackenzie ne put s’empêcher de sentir qu’il s’agissait d’une sorte de présage.

CHAPITRE SEPT

Mackenzie ignorait tout du petit-ami, dans la mesure où le dossier ne comprenait aucune information à son propos. Elle savait seulement qu’il s’appelait Barry Channing et qu’il vivait au 376 Rose Street, dans l’appartement numéro 7. Lorsqu’elle frappa à la porte de l’appartement 7, une femme qui semblait avoir une bonne cinquantaine d’années lui ouvrit. Elle semblait épuisée, attristée et clairement contrariée de recevoir une visite à vingt-et-une heures un dimanche soir pluvieux.

- En quoi puis-je vous aider ? demanda la femme.

Mackenzie faillit vérifier le numéro sur la porte mais opta pour dire à la place :

- Je cherche Barry Channing.

- Je suis sa mère. Qui êtes-vous ?

Mackenzie lui montra son identification.

- Mackenzie White, je travaille pour le FBI. J’espérais pouvoir lui poser quelques questions au sujet de Claire.

- Il n’est pas en état de parler avec qui que ce soit, répondit sa mère. En réalité, il…

- Seigneur, maman, lança une voix masculine, s’approchant de la porte. Ça va.

La mère fit un pas de côté, pour laisser à son fils la place de se tenir sur le pas de la porte. Barry Channing était plutôt grand et avait des cheveux blonds coupés courts. Comme sa mère, il semblait manquer de sommeil et il était évident qu’il avait pleuré.

- Vous avez dit que vous travailliez pour le FBI ? demanda Barry.

- Oui. Avez-vous quelques minutes à me consacrer ?

Barry regarda sa mère en fronçant légèrement les sourcils et soupira.

- Oui, j’ai du temps. Entrez, je vous en prie.

Barry guida Mackenzie à l’intérieur de l’appartement, le long d’un couloir étroit puis dans une cuisine d’apparence ordinaire. Pendant ce temps, sa mère, l’air contrarié, s’éloigna dans le couloir avant de disparaître de son champ de vision. Alors que Barry s’installa sur une chaise autour de la table de la cuisine, Mackenzie entendit une porte se fermer assez énergiquement un peu plus loin dans l’appartement.

- Je vous prie de l’excuser, déclara Barry. Je commence à penser que ma mère était plus proche de Claire que moi. Ce qui en dit long, dans la mesure où j’avais acheté une bague de fiançailles pour elle il y a deux semaines.

- Toutes mes condoléances, je suis vraiment désolée, répondit Mackenzie.

- On n’arrête pas de me dire ça, ajouta Barry en fixant la nappe. C’était inattendu et même si je n’ai pas pu retenir mes larmes quand la police m’a appris la nouvelle hier, j’ai réussi à ne pas m’effondrer. Ma mère est venue s’installer avec moi pour m’aider à tenir le coup jusqu’à l’enterrement et je lui en suis reconnaissant, mais elle est un peu trop protectrice. Une fois qu’elle sera partie, je laisserai probablement libre cours à mon chagrin, vous savez ?

- Je vais vous poser une question qui vous paraîtra sûrement stupide, reprit Mackenzie. Mais pensez-vous que quelqu'un pourrait avoir une raison de faire ça à Claire ?

- Non. La police m’a posé la même question. Elle n’avait aucun ennemi, vous savez ? Elle ne s’entendait pas bien avec sa mère, mais pas au point d’en arriver à de telles extrémités. Claire était une personne réservée, vous voyez le genre ? Pas d’amis proches ou autre… juste des connaissances. Ce genre de relations.

- Quand l’avez-vous vue pour la dernière fois ?

- Il y a huit jours. Elle est venue me proposer de ranger des affaires dans le box qu’elle louait. Nous avons plaisanté ensemble. Elle ne savait pas que j’avais déjà la bague. Mais nous étions tous les deux sûrs de nous marier. Nous avions commencé à planifier la cérémonie. Sa proposition de ranger quelque chose dans son box était juste une manière de renforcer cette possibilité, vous savez ?

- Après ce jour, combien de temps a passé avant que vous ne commenciez à être inquiet ? Je n’ai pas eu connaissance d’un rapport de disparition ou autre.

- Eh bien, je prends des cours au collège communautaire, pour augmenter mon GPA et terminer finalement l’université. C’est une énorme charge de travail, en plus du job qui m’occupe quarante à quarante-cinq heures chaque semaine. Mais après trois jours sans appels ni textos, j’ai commencé à être préoccupé. Je suis allé chez elle pour voir si tout allait bien et elle n’a pas répondu. J’ai pensé à appeler la police, mais ça m’a semblé stupide. Et vraiment, dans un recoin de mon esprit, il y avait l’idée qu’elle m’avait peut-être quitté, tout simplement. Je me suis dit que la perspective de nous marier lui avait peut-être fait peur, ou quelque chose comme ça.

- La dernière fois que vous l’avez vue, semblait-elle dans son état normal ? A-t-elle fait quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire ?

- Non, elle allait très bien. De bonne humeur.

- Sauriez-vous par hasard ce qu’elle souhaitait ranger dans son espace d’entreposage personnel ?

- Probablement certains de ses manuels de la fac. Elle les promenait depuis un moment dans son coffre.

- Savez-vous depuis combien de temps elle louait ce box ?

- Environ six mois. Elle déplaçait des affaires de Californie pour les entreposer ici. Encore une fois… nous avions ce pressentiment que nous allions nous marier donc au lieu de ranger ses affaires directement dans son appartement, elle en laissait une partie dans son box. C’est l’unique raison pour laquelle elle le louait, je crois. Je lui ai dit qu’elle n’en avait pas besoin mais elle répétait que ce serait tellement plus facile quand nous nous installerions ensemble.

- Je vous ai demandé si Claire avait des ennemis… et vous ? Y a-t-il quelqu'un qui pourrait faire une telle chose pour vous blesser ?

Barry sembla abasourdi, comme s’il n’avait jamais considéré cette possibilité. Il secoua lentement la tête et Mackenzie pensa qu’il pouvait fondre en larmes à tout moment.

- Non, mais je regrette presque que ce ne soit pas le cas. Ça m’aiderait à comprendre. Parce que je ne connais personne qui pourrait souhaiter la mort de Claire. Elle était juste… elle était très gentille. La personne la plus douce que vous pourriez imaginer rencontrer.

Mackenzie le sentait sincère. Elle savait aussi qu’elle n’obtiendrait rien de Barry Channing. Elle déposa l’une de ses cartes professionnelles sur la table et la fit glisser vers lui.

- Si vous pensez à quelque chose, quoi que ce soit, n’hésitez pas à m’appeler.

Il prit la carte et se contenta d’acquiescer.

Mackenzie sentit qu’elle devrait dire autre chose mais c’était l’un de ces moments où il devenait clair qu’il n’y avait rien à ajouter. Elle se dirigea vers la porte et lorsqu’elle la referma, elle sentit une bouffée de remords en entendant Barry Channing commencer à sangloter.

Dehors, la pluie n’était plus qu’une bruine légère. Tout en revenant à sa voiture, elle appela Ellington, en espérant qu’il s’arrête complètement de pleuvoir. Elle ne parvenait pas à savoir pourquoi le mauvais temps la dérangeait autant. C’était juste le cas.

- Ellington à l’appareil, répondit-il, car il ne regardait jamais l’écran de son téléphone avant de répondre.

- As-tu terminé de regarder la télé ?

- Oui, ça y est. Je travaille avec l’adjoint Rising pour rayer de la liste les gens qui ont déjà été interrogés. Du nouveau de ton côté ?

- Non. Mais je voudrais aller voir le box où le premier corps a été trouvé. Peux-tu demander l’adresse à Rising et me retrouver devant le commissariat dans environ vingt minutes ? Et voir si quelqu'un peut te mettre en contact avec le propriétaire.

- Pas de problème. À tout de suite.

Ils raccrochèrent et Mackenzie prit la route, sans que le petit-ami en deuil qu’elle avait laissé derrière elle quitte ses pensées… ou Claire Locke, seule dans l’obscurité, mourant de faim, terrifiée, pendant ses derniers instants de vie.

CHAPITRE HUIT

Mackenzie et Ellington arrivèrent au U-Store-It à vingt-deux heures dix. Le complexe se distinguait du Seattle Storage Solution puisqu’il s’agissait d’un bâtiment. La structure donnait l’impression qu’il avait été par le passé une sorte de petit entrepôt mais la façade extérieure avait été embellie avec des ornements simples, à peine visibles dans la lumière faible des réverbères qui bordaient le trottoir. Parce qu’ils avaient prévenu de leur visite, une lumière était allumée à l’intérieur, et le propriétaire et directeur de l’espace d’entreposage personnel les attendait.

Le propriétaire les accueillit à la porte. Le dénommé Ralph Underwood était un homme de petit taille, en surpoids, qui portait des lunettes. Il semblait ravi de leur présence et ne tenta pas de masquer le fait que le charme de Mackenzie ne le laissait pas insensible.

Il les guida dans l’édifice qui comprenait une petite salle d’attente et une salle de conférence encore plus exiguë. Il était parvenu à donner à l’endroit une apparence chaleureuse et cosy même si l’odeur du vieil entrepôt subsistait.

- Combien de boxes d’entreposage avez-vous ici ? demanda Ellington.

- Cent-cinquante, répondit Underwood. Chaque box est doté d’une porte à l’arrière de l’entrepôt pour faciliter le dépôt des objets de l’extérieur et éviter aux locataires de devoir passer par l’entrée du bâtiment.

- Ça semble assez efficace, commenta Mackenzie, qui n’avait jamais vu un centre d’entreposage personnel complètement organisé à l’intérieur d’un autre bâtiment.

- Vous avez dit au téléphone que vous vouliez en savoir plus sur le corps que j’ai trouvé il y a deux semaines, n’est-ce pas ?

- Oui, répondit Mackenzie. (Elle avait demandé le dossier à Rising et le parcourait sur son téléphone). Elizabeth Newcomb, trente ans. D’après les rapports de la police, on l’a retrouvée dans son propre box, morte des suites d’une blessure au couteau dans la poitrine.

- Je ne connais pas les détails, dit Underwood. Tout ce que je sais, c’est que lorsque je suis entré ce matin-là et que j’ai fait un tour dans l’entrepôt comme à mon habitude, j’ai vu du rouge le long de la porte du local. Même si j’ai tout de suite compris de quoi il s’agissait, j’ai tenté de me convaincre que je me trompais. Mais lorsque j’ai ouvert le box, je l’ai trouvée. Allongée par terre, morte, dans une flaque de sang.

Il racontait l’histoire comme s’ils étaient assis autour d’un feu de camp. Sa manière de présenter les choses irrita légèrement Mackenzie mais elle savait aussi que les personnes à tendance dramatique étaient souvent de bonnes sources d’informations.

- Aviez-vous déjà vu une chose pareille ? demanda Ellington.

- Non. Mais laissez-moi vous dire… je possède environ une douzaine de boxes abandonnés. Il est spécifié dans mes contrats que si les locaux d’entreposage ne sont pas ouverts au moins une fois en trois mois, j’appelle le locataire pour m’assurer que cet espace lui est toujours utile. Si je ne parviens pas à l’avoir au téléphone après six mois, je vends les boxes aux enchères, les objets, tout.

Mackenzie avait beau savoir que c’était une pratique commune, en ce qui la concernait, cela semblait presque illégal.

- Certains des objets que les gens stockent dans ces locaux d’entreposage sont… eh bien, perturbants. (Underwood continua) : Dans trois des boxes abandonnés dont j’assure la maintenance, il y avait toutes sortes de jouets sexuels. Quelqu'un avait quinze pistolets dans un box, dont deux AK-47. Un local appartenait apparemment à un taxidermiste puisqu’il y avait stocké quatre animaux empaillés… et je ne parle pas de peluches. Vous voyez le genre.

Underwood les mena jusqu’à une porte au fond du vestibule. Il n’y avait pas de transition après la porte, ils arrivèrent directement dans une entrée très spatieuse. Le sol était en béton, le plafond haut de six mètres environ. Maintenant, plus que jamais, Mackenzie était convaincue que l’endroit avait été un entrepôt.

Les boxes étaient subdivisés en ensembles de cinq, dont chacun était traversé par un couloir qui atteignait les deux extrémités du bâtiment. Les ensembles se trouvaient des deux côtés de l’entrepôt, organisés de telle manière que lorsque vous regardiez dans le couloir central, il semblait être infini. Maintenant qu’ils étaient à l’intérieur, Mackenzie se rendit compte des dimensions réelles de l’espace. L’entrepôt était facilement long de cent mètres.

- Le box qui vous intéresse se trouve juste un peu plus loin, leur signala Underwood.

Ils avaient marché pendant environ deux minutes, Underwood continuait à énumérer les objets étranges qu’il avait dénichés dans certains des locaux d’entreposage abandonnés, des trésors comme des jouets en parfait état, des bande-dessinées de valeur, et un coffre-fort authentique, fermé, qui contenait plus de cinq mille dollars.

Ils s’arrêtèrent finalement devant le local marqué C-2. Il avait apparemment présélectionné la clef avant leur arrivée ; il sortit une clef unique de sa poche et ouvrit le cadenas de la porte accordéon. Ensuite, il enroula la porte vers le haut, révélant l’odeur de renfermé de l’intérieur. Underwood appuya sur un interrupteur sur le mur et l’ampoule illumina un local presque vide.

- La famille n’est pas venue récupérer ses affaires ? demanda Mackenzie.

- J’ai reçu un appel de sa mère il y a quatre jours, précisa-t-il. Elle viendra à un moment ou un autre, mais elle ne m’a pas encore donné de date précise.

Mackenzie fit le tour du local en cherchant des ressemblances avec ce qu’ils avaient vu dans le local de Claire Locke. Mais soit qu’Elizabeth Newcomb n’ait pas le même tempérament de battante que Claire Locke ou que les preuves de se résistance aient déjà été effacées par les policiers et les détectives locaux, ils ne trouvèrent rien.

Mackenzie s’approcha des objets stockés au fond. La plupart se trouvaient dans des boîtes de rangement en plastique, étiquetées avec du scotch de masquage et un marqueur noir : Livres et magazines, Enfance, Affaires de maman, Décorations de Noël, Vieux ustensiles de pâtisserie.

La manière même dont elles étaient empilées semblait très organisée. Il y avait quelques cartons de plus petite taille pleins d’albums photo et de photos encadrées. Mackenzie y jeta un coup d’œil mais ne repéra rien qui pourrait l’aider. Elle se contenta de faire défiler des photos de famille heureuse, de paysages de plage, et d’un chien qui avait apparemment été très choyé.

Ellington s’approcha d’elle et observa les boîtes. Il se planta les mains sur les hanches, une attitude qui signifiait chez lui qu’il se trouvait dans une impasse. Mackenzie se surprenait encore parfois de si bien le connaître.

- Je pense que tout ce qu’on aurait pu trouver ici a déjà été analysé par la police, dit-il. On pourrait peut-être dénicher quelque chose dans les dossiers.

Mackenzie hochait la tête, mais son regard fut attiré ailleurs. Elle avança jusqu’au coin le plus éloigné, où trois boîtes en plastique étaient superposée. Installée dans le coin, si éloigné qu’elle ne l’avait pas repérée quand elle avait commencé à inspecter l’endroit, se trouvait une poupée. C’était une poupée assez ancienne, les cheveux emmêlés, avec de légères traces de saleté sur les joues. Elle ressemblait à une poupée tout droit sortie du tournage d’un film d’horreur ringard.

- Flippant, commenta Ellington en suivant son regard.

- Cela fait tache dans un box aussi bien organisé, renchérit Mackenzie.

Elle souleva la poupée avec précaution, du bout des doigts, au cas où ce serait une sorte d’indice. Bien entendu, au premier coup d’œil, on aurait dit un objet laissé au hasard parmi les affaires de quelqu'un – peut-être abandonné à la dernière minute, après coup.

Mais tous les objets dans ce box sont méticuleusement rangés et organisés. La poupée sort du lot. Et ce n’est pas uniquement cela, c’est presque comme si elle était placée là pour être remarquée.

- Je pense qu’on devrait l’emballer, dit-elle. Pourquoi est-ce le seul objet qui ne se trouve pas dans une boîte, qui n’est pas bien rangé ? Cet endroit est étrangement ordonné. Pourquoi laisser la poupée en vrac ?

- Tu penses que le tueur l’aurait placée ici ? demanda Ellington.

Mais avant même qu’il termine de poser la question, elle sentit qu’il considérait qu’il s’agissait d’une possibilité réelle, lui aussi.

- Je ne sais pas, répondit-elle. Je pense qu’il pourrait être intéressant de jeter un autre coup d’œil au local de Claire Locke. Et je voudrais aussi savoir quand nous pourrons obtenir le dossier complet des meurtres de l’Oregon sur lesquels tu as travaillé… dans tes premiers temps comme agent.

Elle termina la phrase avec un sourire. Elle ne ratait jamais une opportunité de le taquiner parce qu’il avait sept ans de plus qu’elle.

Ellington se tourna vers Underwood. Il se tenait près de la porte, en faisant mine de ne pas écouter.

- Je suppose que vous n’avez pas parlé avec Mlle Newcomb en dehors du moment où vous lui avez loué ce local ?

- J’ai bien peur que non, répondit Underwood. J’essaie d’être amical et accueillant avec tout le monde mais j’ai beaucoup de clients, vous savez ? (Il jeta un coup d’œil à la poupée que Mackenzie tenait toujours à la main et fronça les sourcils). Je vous l’ai dit… beaucoup de trucs bizarres dans ces boxes d’entreposage.

Mackenzie n’en doutait pas. Mais cet élément particulièrement étrange semblait ne pas avoir sa place ici. Et elle comptait bien comprendre de quoi il en retournait.

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Yaş sınırı:
0+
Litres'teki yayın tarihi:
15 nisan 2020
Hacim:
252 s. 5 illüstrasyon
ISBN:
9781094311197
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