Kitabı oku: «De mauvais augure »

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DE MAUVAIS AUGURE

UNE ENQUETE DE KERI LOCKE – TOME 2

BLAKE PIERCE

Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE. Il y a sept tomes, et ce n’est pas fini ! Blake Pierce écrit également les séries de thrillers MACKENZIE WHITE (cinq tomes, série en cours), AVERY BLACK (quatre tomes, série en cours) et depuis peu KERI LOCKE.

Fan depuis toujours de polars et de thrillers, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'hésitez pas à visiter son site web www.blakepierceauthor.com pour en savoir plus et rester en contact !

Copyright © 2016 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la loi des Etats-Unis sur le droit d’auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base données ou système de récupération, sans l’autorisation préalable de l’auteur. Ce livre électronique est réservé sous licence à votre seule utilisation personnelle. Ce livre électronique ne saurait être revendu ou offert à d’autres personnes. Si vous souhaitez partager ce livre avec une tierce personne, veuillez en acheter un exemplaire supplémentaire pour chaque destinataire. Si vous lisez ce livre sans l’avoir acheté ou s’il n’a pas été acheté pour votre seule utilisation personnelle, vous êtes prié de le renvoyer et d’acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur travail de cet auteur. Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les noms, personnages, entreprises, organisations, lieux, évènements et péripéties sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés dans un but de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, n’est que pure coïncidence. Image de couverture : Copyright Anna Caczi, utilisée en vertu d’une licence accordée par Shutterstock.com

DU MÊME AUTEUR

LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

REACTION EN CHAINE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA A LA CHASSE (Tome 5)

A VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

LES ENQUÊTES DE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Tome 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Tome 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Tome 3)

LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome 2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (TOME 1)

DE MAUVAIS AUGURE (TOME 2)

L’OMBLRE DU MAL (TOME 3)

TABLE DES MATIERES

CHAPITRE 1

CHAPITRE 2

CHAPITRE 3

CHAPITRE 4

CHAPITRE 5

CHAPITRE 6

CHAPITRE 7

CHAPITRE 8

CHAPITRE 9

CHAPITRE 10

CHAPITRE 11

CHAPITRE 12

CHAPITRE 13

CHAPITRE 14

CHAPITRE 15

CHAPITRE 16

CHAPITRE 17

CHAPITRE 18

CHAPITRE 19

CHAPITRE 20

CHAPITRE 21

CHAPITRE 22

CHAPITRE 23

CHAPITRE 24

CHAPITRE 25

CHAPITRE 26

CHAPITRE 27

CHAPITRE 28

CHAPITRE 29

CHAPITRE 30

CHAPITRE 31

CHAPITRE 32

CHAPITRE 33

CHAPITRE 34

CHAPITRE 35

CHAPITRE 36

CHAPITRE 37

CHAPITRE 38

CHAPITRE 1

Le couloir était plongé dans l’obscurité. Malgré le faisceau de sa torche, Keri ne voyait pas plus loin que quelques mètres devant elle. Elle ignora l’angoisse qui lui tenaillait le ventre, et continua d’avancer. D’une main, elle tenait la torche, et de l’autre, son pistolet. Elle avançait à petit pas, et finit par atteindre la porte de la cave. Chaque fibre de son corps lui hurlait qu’elle avait finalement trouvé l’endroit. L’endroit où sa petite Evie était séquestrée.

Elle ouvrit la porte et posa le pied sur la première marche, qui grinça. L’obscurité était encore plus profonde que dans le couloir. En descendant les marches suivantes, elle se dit qu’il était surprenant qu’une demeure du sud de la Californie soit dotée d’une cave. C’était la première qu’elle voyait. Puis elle entendit quelque chose.

C’était le bruit des pleurs d’un enfant, d’une petite fille d’environ huit ans. Keri l’appela, et une voix lui répondit :

« Maman !

— Ne t’inquiète pas, Evie, Maman arrive ! » lui cria Keri en dévalant les escaliers.

Alors même qu’elle se précipitait vers sa fille, quelque chose semblait clocher. Ce n’est que lorsqu’elle trébucha sur une marche et qu’elle tomba en avant qu’elle comprit. Evie avait disparu depuis cinq ans. Comment sa voix pouvait-elle être restée identique ?

Il était trop tard pour y réfléchir : elle était en pleine chute. Elle se prépara à l’impact, mais celui-ci n’arriva pas. À son horreur, elle se rendit compte qu’elle était en train de tomber dans le vide, l’air toujours plus froid, et les pleurs qu’elle entendait continuaient de résonner autour d’elle. Elle avait de nouveau échoué à retrouver sa fille.

Keri se réveilla dans un sursaut, assise dans sa voiture. Il lui fallut un moment pour replacer ce qui arrivait. Elle n’était ni dans une cave, ni en train de tomber dans le vide. Elle était dans sa vieille Toyota Prius, dans le parking du commissariat, où elle s’était endormie en mangeant son déjeuner.

Le froid qu’elle avait ressenti dans son rêve venait de la fenêtre ouverte. Les cris étaient en réalité la sirène d’une voiture de police qui quittait le commissariat suite à un appel.

Elle était couverte de sueur et son cœur battait la chamade. Et pourtant, rien de tout ça n’était vrai – ce n’était qu’un horrible cauchemar de plus. Un cauchemar qui écrasait sans pitié ses espoirs : sa fille, Évelyne, était toujours portée disparue.

Keri secoua la tête pour se réveiller, but une gorgée d’eau et sortit de sa voiture pour regagner le commissariat. Elle devait se rappeler qu’elle n’était plus seulement une mère : elle était aussi une enquêtrice de la police de Los Angeles, dans le service des personnes disparues.

Ses nombreuses blessures l’obligeaient à faire attention. Deux semaines seulement s’étaient écoulées depuis sa violente rencontre avec un kidnappeur d’enfants. Celui-ci, nommé Pachanga, avait eu ce qu’il méritait quand Keri l’avait retrouvé et avait sauvé la fille de sénateur enlevée. Cette seule pensée suffisait à rendre moins intenses les douleurs qui parcouraient tout son corps.

Les médecins ne lui avaient permis de retirer son masque de protection du visage que quelques jours plus tôt. Ils avaient décidé que sa fracture de l’orbite se réduisait suffisamment bien. Le bras de Keri était toujours dans une écharpe, à cause de sa clavicule cassée par Pachanga. On lui avait dit qu’elle serait autorisée à s’en débarrasser dans une semaine, mais elle envisageait de jeter l’écharpe plus tôt, tellement c’était gênant.

Concernant ses côtes fêlées, il n’y avait rien d’autre à faire que de rembourrer son torse. Cela l’irritait également, car elle paraissait plus grosse que ses 58 kilos. Keri n’était pas superficielle, mais elle s’enorgueillissait de pouvoir encore faire tourner quelques têtes à trente-cinq ans. Or, lorsqu’elle était rembourrée à la taille, elle doutait que les têtes se tournent encore.

Grâce au temps de repos qu’on lui avait imposé, ses yeux noisette n’étaient pas aussi fatigués que d’ordinaire, et ses cheveux d’un blond cendré, tirés en queue-de-cheval, étaient propres. Toutefois, sa fracture de l’orbite avait orné tout le côté gauche de son visage d’une contusion jaune, qui commençait à peine à s’effacer. De plus, l’écharpe n’ajoutait pas à son charme. Ce n’était sans doute pas pour elle le meilleur moment pour un premier rendez-vous galant.

Cette idée lui fit penser à Ray. Son coéquipier depuis un an, et ami depuis six, était toujours à l’hôpital, et se remettait d’une blessure par balle. Pachanga lui avait tiré dans le ventre. Heureusement, il allait suffisamment bien pour être transféré de l’hôpital local où il avait été pris en charge à un centre médical de Beverly Hills. Ce n’était qu’à vingt minutes du commissariat, ainsi Keri pouvait lui rendre visite aussi souvent qu’elle le voulait.

Et pourtant, elle n’avait jamais eu l’occasion, durant ces visites, d’aborder le sujet des sentiments amoureux grandissants qu’elle savait qu’ils ressentaient tous les deux.

Elle inspira profondément avant d’entrer dans le commissariat – un parcours familier et pourtant éprouvant, où elle devait se forcer à ignorer les regards furtifs de ses collègues et à ne pas imaginer ce qu’ils pensaient d’elle. C’était comme son tout premier jour : elle sentait tous les regards se poser sur elle.

La considéraient-ils tous comme une personne ingérable, une sorte de chien fou ? Est-ce qu’elle avait gagné un respect réticent de leur part, pour avoir neutralisé un tueur d’enfants ? Combien de temps encore est-ce qu’elle se sentirait à l’écart, simplement parce qu’elle était la seule femme enquêtrice de leur équipe ?

Elle dépassa ses collègues dans le brouhaha de la salle du commissariat et s’affala dans sa chaise de bureau. Elle s’efforça de contrôler le ressentiment qui bouillonnait en elle et de se concentrer sur son travail. Au moins, le commissariat était plus chaotique et bondé que jamais – en ce sens, rien n’avait changé, et c’était rassurant. Le bâtiment était rempli de civils qui déposaient plainte, de délinquants qui se faisaient signaler, et d’agents de police accrochés au téléphone, en train d’enquêter sur leurs dossiers.

On avait assigné à Keri le travail administratif, depuis son retour – et son bureau était recouvert de paperasse. Il y avait des dizaines de rapports d’arrestations à relire, de mandats de perquisition à délivrer, de témoignages à recueillir, et de rapports de preuves à examiner.

Parce qu’elle n’avait pas encore le droit d’aller sur le terrain, elle soupçonnait ses collègues de lui refourguer leur paperasse. Heureusement, elle était censée être autorisée à reprendre les enquêtes dès le lendemain. Et en vérité, cela ne la dérangeait pas tant que ça d’être cantonnée au commissariat : elle pouvait revoir les documents de Pachanga.

Lorsque le domicile de Pachanga avait été perquisitionné, ils avaient trouvé un ordinateur portable. Keri et l’agent Kevin Edgerton, l’expert en technologies informatiques du commissariat, avaient réussi à trouver le mot de passe et à accéder à ses dossiers. Keri espérait que les informations qu’ils contenaient serviraient à retrouver de nombreux autres enfants disparus, et peut-être même sa propre fille.

Malheureusement, ce qui avait semblé être un filon d’informations sur de nombreux enlèvements s’était révélé inaccessible. Edgerton avait expliqué que pour lire les documents, qui étaient cryptés, il leur fallait la clé de cryptage. Or, ils ne l’avaient pas.

Keri avait passé la dernière semaine à s’informer au sujet de Pachanga, dans l’espoir de deviner le code. Mais pour le moment, elle ne trouvait pas.

En relisant des dossiers, Keri repensa à un détail qui la tracassait depuis qu’elle avait repris le travail. Lorsque Pachanga avait kidnappé la fille du sénateur Stafford Penn, Ashley, c’était à la demande du propre frère du sénateur, Payton. Payton et Pachanga étaient en contact depuis plusieurs mois, via le dark web.

Keri se demandait comment il était possible que le frère d’un sénateur parvienne à entrer en contact avec un kidnappeur professionnel – ils n’avaient rien en commun. Sauf une chose : ils étaient tous deux représentés par le même avocat : Jackson Cave.

Le cabinet de Cave se trouvait au sommet d’un gratte-ciel du centre de Los Angeles, mais nombre de ses clients étaient moins aisés. En plus de son travail pour des grandes sociétés, Cave avait consacré une partie de sa carrière à défendre des violeurs, des kidnappeurs, et des pédophiles. Keri soupçonnait, en étant objective, que ce type de clients lui rapportait beaucoup d’argent. Mais lorsqu’elle était d’humeur moins magnanime, elle se disait qu’il devait adorer ce genre de dossiers. Quoi qu’il en soit, elle le détestait.

Puisque Jackson Cave avait fait le lien entre Payton Penn et Alan Pachanga, il était raisonnable d’en déduire qu’il connaissait la clé de cryptage de leurs fichiers. Keri était persuadée que ce code se trouvait quelque part dans ce cabinet élégant, et qu’il lui donnerait des informations sur d’autres enlèvements d’enfants, et peut-être même sur celui de sa propre fille. Elle se promit que d’une façon ou d’une autre, légalement ou non, elle trouverait un moyen d’entrer dans ce cabinet.

Alors qu’elle commençait à réfléchir aux moyens d’y arriver, elle remarqua une agent de police d’une vingtaine d’années, qui s’approchait lentement de son bureau. Elle lui fit signe de venir.

« Comment vous vous appelez, déjà ? » lui demanda Keri, ne se souvenant pas d’avoir été présentée.

« Jamie Castillo, lui répondit la jeune policière aux cheveux sombres. Je viens de finir l’école de police. On m’a envoyée ici quand vous étiez à l’hôpital – à la base, je suis dans la division Ouest du LAPD.

— Donc vous ne m’en voudrez pas que je ne vous connaisse pas ?

— Non, agent Locke. »

Castillo lui avait répondu d’une voix ferme. Keri en était impressionnée ; elle devinait, au regard acéré de ses yeux sombres et à sa confiance en elle, que Castillo était d’une intelligence vive. De plus, elle avait l’air de prendre soin d’elle. D’une taille de 172 centimètres, elle avait une allure athlétique et nerveuse qui suggérait qu’elle savait se défendre.

« Bien. Et qu’est ce que je peux faire pour vous ? » lui demanda Keri, s’efforçant de ne pas paraître intimidante. En effet, les femmes n’étaient pas légion au sein de la division Pacifique, et Keri ne voulait surtout pas l’aliéner.

« J’étais en charge du numéro vert du commissariat, pour les appels et témoignages des gens. Comme vous pouvez imaginer, la plupart des appels portaient sur votre rencontre avec Alan Pachanga, et l’annonce que vous avez faite pour retrouver votre fille. »

Keri acquiesça. Après avoir sauvé Ashley, la police avait tenu une grande conférence de presse pour fêter l’issue heureuse de l’enquête. Keri, qui était encore en fauteuil roulant, avait félicité Ashley et adressé quelques mots à sa famille avant de détourner le but de la conférence, en mentionnant sa fille.

Elle avait montré une photo d’Evie et supplié le public de lui donner des informations qui pourraient l’aider à la retrouver. Son supérieur immédiat, le lieutenant Cole Hillman, semblait tellement lui en vouloir d’avoir détourné la conférence au profit de sa quête personnelle qu’il l’aurait sans doute licenciée sur-le-champ. Toutefois, elle était devenue une héroïne qui sauvait des enfants, et était clouée à son fauteuil roulant, et donc intouchable.

Même lorsqu’elle était coincée à l’hôpital, Keri avait entendu dire qu’il était exaspéré que le commissariat reçoive des centaines d’appels tous les jours.

« Je suis désolée que qu’on vous ait affectée à ça, dit Keri. J’imagine que je voulais profiter d’une opportunité et que je n’ai pas pensé aux conséquences immédiates. J’imagine qu’aucun appel n’a été utile ? »

Jamie Castillo hésita, comme si elle n’était pas sûre d’avoir pris la bonne décision. Keri voyait presque les rouages tourner dans le cerveau de la jeune femme. Elle la regarda se décider et ne put s’empêcher de l’apprécier. C’était comme de voir une version plus jeune d’elle-même.

« Eh bien, finit par dire Castillo, la plupart des appels étaient de toute évidence des canulars ou bien venaient de personnes instables. Mais on a reçu un appel, ce matin, qui avait l’air différent. Il allait droit au but – c’est ce qui m’a fait le prendre au sérieux. »

Immédiatement, le cœur de Keri commença à battre la chamade. Elle avait la bouche sèche.

Reste calme. C’est sans doute rien. Ne te fais pas d’espoirs.

« Je peux l’entendre ? demanda-t-elle plus calmement qu’elle ne s’en croyait capable.

— Je vous l’ai déjà transféré. »

Keri regarda son téléphone et vit qu’elle avait un message vocal. S’efforçant de ne pas paraître désespérée, elle prit le combiné et vérifia.

La voix qui s’éleva était rauque, presque métallique, et difficile à comprendre. De plus, un bruit de coups répété, en arrière-fond, rendait encore plus inaudible la personne.

« Je vous ai vue à la télévision, fit la voix. Je veux vous aider. Il y a un entrepôt abandonné, à Palms, près de la centrale électrique Piedmont. Allez jeter un coup d’œil. »

C’était tout : juste une voix d’homme éraillée, qui donnait un conseil vague. Pourquoi, alors, sentait-elle l’adrénaline parcourir son corps ? Pourquoi avait-elle du mal à avaler sa salive ? Pourquoi est-ce que des images d’Evie, vieillie de cinq ans, lui apparaissaient par éclairs ?

C’était peut-être parce que cet appel ne présentait aucune des caractéristiques des canulars. L’appelant n’essayait pas d’attirer l’attention sur lui-même, et c’était sans doute ce qui avait frappé Castillo. Et ce même caractère neutre et informatif était exactement ce qui faisait couler des gouttes de sueur dans le dos de Keri, en ce moment.

Castillo la regardait avec attention.

« Vous pensez que c’est sérieux ?

— C’est difficile à dire » répondit Keri, malgré les battements fous de son cœur.

Elle entra le nom de la centrale électrique dans Google Maps.

« On va vérifier d’où venait l’appel, et demander au service technologies d’analyser le message, pour voir ce que peut nous apprendre la voix et le bruit ambiant. Mais je doute qu’ils puissent deviner grand-chose. La personne qui a passé cet appel a fait très attention.

— C’est ce que je trouve, aussi, acquiesça Castillo. Pas de nom, et une tentative manifeste de déguiser sa voix... et un bruit de fond. Ça m’a semblé particulier. »

Keri n’écoutait qu’à moitié, et étudiait la carte qui s’affichait sur son écran. La centrale se trouvait sur National Boulevard, au sud de l’autoroute 10. Elle vérifia sur les images satellites qu’il y avait bien un entrepôt. Impossible de savoir s’il était abandonné ou pas.

Mais je vais le découvrir très vite.

Elle leva les yeux vers Castillo et ressentit une immense gratitude, ainsi qu’un sentiment qu’elle n’avait plus senti depuis longtemps : de l’admiration. Castillo lui faisait une bonne impression, et elle était contente qu’elle soit là.

« Excellent travail, Castillo », dit-elle à la jeune agent, qui regardait également la carte satellite. « Tellement excellent que je pense qu’il faut que j’aille vérifier tout de suite.

— Vous voulez de la compagnie ? » demanda Castillo, pleine d’espoir, pendant que Keri ramassait ses affaires pour sortir.

Avant que Keri puisse répondre, le lieutenant Hillman passa la tête par la porte de son bureau et cria à Keri, à travers la salle : « Locke, venez dans mon bureau tout de suite. On a nouveau dossier. »

CHAPITRE 2

Keri était paralysée sur place, déchirée par ses émotions contradictoires. Le fait que Hillman se montre prêt à l’envoyer sur le terrain un jour plus tôt que prévu, alors qu’il lui en voulait encore, était bon signe. De toute évidence, il estimait que Keri était prête à reprendre ses activités habituelles. Mais elle avait également très envie de l’ignorer et de se rendre à l’entrepôt sans attendre.

« Aujourd’hui, ça serait bien ! » cria Hillman, la faisant sursauter. Elle lui répondit : « J’arrive ! » puis se tourna à Castillo et lui dit avec un léger sourire : « On verra plus tard, pour l’entrepôt. »

Lorsqu’elle entra dans le bureau de Hillman, elle remarqua que son front était encore plus creusé que d’ordinaire. Ses cinquante années se dessinaient nettement sur son visage. Ses cheveux étaient ébouriffés, comme d’habitude. Keri se demandait toujours s’il ne se rendait pas compte ou bien s’il s’en fichait. Hillman portait un costume, mais sa cravate était desserrée et sa chemise mal coupée ne cachait pas sa bedaine.

Dans le canapé élimé qui se trouvait au fond du bureau était installé l’agent Frank Brody. Brody avait cinquante-neuf ans et était à six mois de la retraite. Tout, chez lui, dénotait cela : il parvenait tout juste à feindre la politesse ; sa chemise était tachée de ketchup et tendue sur son énorme ventre ; et ses mocassins semblaient sur le point de tomber en morceaux.

Selon Keri, Brody était très loin d’être l’agent le plus assidu, ni le plus zélé, du commissariat. De plus, il semblait s’intéresser davantage à sa Cadillac qu’aux enquêtes qu’il devait mener. Il travaillait normalement dans le service des cambriolages et homicides, mais il avait été transféré au service des personnes disparues lorsque Keri et Ray avaient été hospitalisés.

Ce transfert avait provoqué chez lui une mauvaise humeur permanente, qui était renforcée par sa répugnance à travailler avec une femme. Il y avait sans conteste un fossé générationnel entre lui et Keri. Un jour, elle l’avait entendu dire qu’il aurait préféré travailler avec une hyène enragée plutôt qu’avec une femme. Keri lui rendait tout à fait ce sentiment.

Hillman fit signe à Keri de s’asseoir dans la chaise pliante en face de son bureau, puis reprit un appel en cours sur son téléphone et dit : « Docteur Burlingame, je suis avec deux agents que je vais envoyer vous rencontrer. Les agents Frank Brody et Keri Locke sont à l’appareil. Locke, Brody, je m’adresse au docteur Jeremy Burlingame. Il est inquiet au sujet de sa femme, qu’il n’arrive pas à joindre depuis vingt-quatre heures. Docteur, pourriez-vous leur répéter ce que vous m’avez dit ? »

Keri sortit un calepin et un stylo afin de prendre des notes. Elle fut tout de suite méfiante – en effet, en cas de disparition d’une épouse, le suspect principal était toujours le mari. Elle voulait entendre le timbre de sa voix lorsqu’il parlerait.

« Bien sûr, répondit le docteur. Je suis allé à San Diego, hier matin, pour une opération chirurgicale. La dernière fois que j’ai parlé à Kendra, c’était avant mon départ. Je suis rentré très tard, hier soir, et j’ai choisi de dormir dans la chambre d’amis pour ne pas la réveiller. Ce matin, j’ai fait la grasse matinée car je n’avais pas de rendez-vous. »

Puisqu’elle n’était pas sûre que la conversation soit enregistrée, Keri gribouillait furieusement sur son calepin, s’efforçant de tenir le rythme. Le docteur Burlingame poursuivit : « Quand je suis allé dans notre chambre, elle n’était pas là. Le lit était fait. Je suis parti du principe qu’elle était sortie avant que je me réveille, donc je lui ai envoyé un texto. Elle n’a pas répondu – ce qui n’est pas si inhabituel. Nous habitons à Beverly Hills et ma femme s’occupe de nombreux évènements caritatifs, pour lesquels elle met son portable sur silencieux. Parfois, elle oublie de remettre le son. »

Keri écrivait tout, et tentait d’évaluer sur le moment si ce qu’il disait était plausible. Pour le moment, rien de tout cela ne paraissait suspect, mais cela ne voulait rien dire. N’importe qui pouvait garder son calme au téléphone. Elle voulait voir ses réactions lorsqu’il aurait devant lui deux agents du LAPD.

« Je suis allé au travail et je l’ai appelée sur le chemin. Toujours pas de réponse. Autour de midi, j’ai commencé à m’inquiéter. Aucune de ses amies n’avait eu de ses nouvelles. J’ai appelé notre femme de ménage, Lupe, qui a dit qu’elle n’avait vu Kendra ni hier ni aujourd’hui. C’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à me faire du souci. Et j’ai appelé le numéro d’urgence. »

Frank Brody se pencha en avant et Keri devina qu’il allait interrompre le docteur. Elle aurait préféré qu’il s’en abstienne, mais elle ne pouvait rien faire. Pour sa part, elle préférait laisser les personnes interrogées parler autant qu’elles voulaient : parfois, elles prenaient confiance et laissaient échapper des informations intéressantes. Mais de toute évidence, ce n’était pas l’avis de Brody.

« Dr Burlingame, dit-il, comment se fait-il que votre appel n’a pas été dirigé vers la police de Beverly Hills ? »

Son ton était bourru, et dépourvu de toute empathie. Keri avait l’impression qu’il se demandait comment ce dossier lui était tombé dessus.

« J’imagine que c’est parce que je vous appelle du bureau, répondit Burlingame. C’est à Marina del Rey. Qu’est ce que ça change ? » Il semblait confus.

« Ça ne change rien, fit Hillman. Nous sommes là pour vous aider. Et notre service des personnes disparues aurait sans doute été sollicité par la police de Beverly Hills, de toute façon. Je vous suggère de retourner chez vous, et mes agents vous retrouveront là-bas vers 13h30. J’ai votre adresse.

— D’accord. Je pars maintenant. »

Hillman raccrocha et regarda ses deux enquêteurs. « Des idées ? demanda-t-il.

— Elle est sans doute partie faire une virée à Cabo avec des copines et a oublié de le lui dire, fit Brody sans hésiter. C’est soit ça, soit il l’a tuée. Après tout, c’est presque toujours le mari. »

Hillman se tourna vers Keri. Elle réfléchit un instant avec de parler. Quelque chose la rendait réticente à aborder ce dossier comme n’importe lequel, mais sans savoir pourquoi exactement.

« Je suis plutôt d’accord, finit-elle par dire. Mais je voudrais regarder cet homme dans les yeux avant de tirer des conclusions.

— Eh bien, vous allez en avoir l’occasion, répondit Hillman. Frank, vous pouvez y aller. Je dois parler à Locke une minute. »

Brody adressa un sourire méchant à Keri avant de partir, comme si elle allait se faire taper sur les doigts alors qu’il y avait échappé. Hillman se leva pour refermer la porte derrière lui.

Keri se prépara mentalement à ce qui allait suivre. Elle savait que ce ne serait pas agréable.

« Je vais vous laisser partir dans une minute, dit-il d’un ton plus doux qu’elle ne s’y attendait. Mais je voudrais vous rappeler deux ou trois choses auparavant. Avant tout, je pense que vous savez que votre intervention, lors de la conférence de presse, ne m’a pas plu du tout. Vous avez fait passer vos intérêts avant ceux de la police. Vous le comprenez ? »

Keri acquiesça.

« Ceci dit, poursuivit Hillman, je voudrais qu’on reparte du bon pied. Je sais que vous étiez en mauvais état, et vous avez cru que ce serait une occasion d’attirer l’attention sur la disparition de votre fille. Je le respecte.

— Merci, monsieur, dit Keri, soulagée mais pressentant une autre remontrance.

— Toutefois, ce n’est pas parce que les médias vous adorent que je ne vous jetterai pas dehors si vous recommencez à faire des opérations en solitaire. C’est compris ?

— Oui, monsieur.

— Bien. Une dernière chose : s’il vous plaît, ménagez-vous. Vous êtes à peine sortie de l’hôpital, ne faites rien qui puisse vous y renvoyer, d’accord ? Bon. Vous pouvez y aller. »

Keri quitta le bureau, légèrement surprise. Elle s’était préparée à ce qu’il la semonce, mais pas à ce qu’il s’inquiète de son bien-être.

Elle chercha Brody des yeux avant de comprendre qu’il était déjà parti. Apparemment, il ne voulait même pas rouler en voiture avec un agent de sexe féminin. D’ordinaire, cela l’aurait agacée, mais aujourd’hui, c’était plutôt une bénédiction.

En se dirigeant vers sa voiture, elle dut réprimer un sourire.

Je vais de nouveau sur le terrain !

Ce n’est que maintenant qu’elle réalisait combien les enquêtes lui avaient manqué. Un sentiment familier d’enthousiasme et d’appréhension commençait à l’envahir, et même la douleur dans ses côtes sembla s’atténuer. En vérité, lorsqu’elle ne travaillait pas à résoudre des enquête, Keri avait l’impression qu’il lui manquait un membre.

Elle ne pouvait pas non plus s’empêcher de sourire à la pensée qu’elle allait enfreindre deux des ordres d’Hillman. Elle s’apprêtait à faire une opération en solitaire et à ne pas se ménager.

En effet, elle ferait un détour en allant chez le docteur : elle irait voir cet entrepôt abandonné.

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