Kitabı oku: «De mauvais augure », sayfa 4
CHAPITRE 7
Keri essayait de rester calme malgré la pression. Le trafic commençait à ralentir quand elle prit l’autoroute 110 en direction du port de Los Angeles, à San Pedro. Il était quatre heures de l’après-midi et même sur la voie spéciale et avec les sirènes, elle avançait lentement.
Elle finit par prendre la bretelle et se fraya un chemin dans les rues sinueuses menant au bâtiment administratif sur Palos Verdes Street. Elle était censée rencontrer un agent de liaison du port, qui lui enverrait deux agents en renfort pour l’interrogatoire de Brenner. La participation de la police du port était obligatoire, car elle se trouvait dans leur juridiction.
Normalement, Keri était exaspérée par ces exigences administratives, mais pour une fois, elle était contente d’avoir des renforts. Elle se sentait généralement sûre d’elle face aux suspects, car elle était entraînée au Krav Maga et Ray lui avait même donné quelques leçons de boxe. Mais avec son épaule blessée et ses côtes mal en point, elle ne se sentait plus si confiante. Et Brenner n’avait pas l’air de se laisser faire facilement.
Selon l’agent Manny Suarez, qui avait vérifié les antécédents de Brenner, au commissariat, le suspect était un sacré numéro. Il avait été interpellé une demi-douzaine de fois : deux fois pour conduite en état d’ébriété, une fois pour vol, deux fois pour agression, et notamment pour escroquerie, ce qui lui avait valu sa peine d’emprisonnement la plus longue, de six mois.
C’était quatre ans plus tôt, et il était dans l’interdiction de quitter l’État pendant cinq ans, ce qui signifiait qu’aujourd’hui, il violait les termes de sa liberté conditionnelle.
À présent, il était docker au débarcadère n°400. Même s’il avait laissé entendre à Becky et Kendra qu’il avait déménagé à San Pedro dans les semaines précédentes, en vérité il y habitait depuis plus de trois mois.
L’agent de liaison du port, le sergent Mike Covey, et ses deux officiers l’attendaient à son arrivée. Covey était un grand homme mince, au crâne dégarni, qui avait l’air pragmatique et sérieux. Elle lui avait fait un compte-rendu au téléphone et il avait manifestement tout expliqué à ses agents.
« Brenner finit le travail à 16h30, lui indiqua Covey après qu’ils se soient présentés. Puisqu’il est déjà 16h15, j’ai appelé le gérant du port et je lui ai demandé de ne pas laisser sortir le personnel plus tôt que prévu. Ça lui arrive, parfois.
— Merci. J’imagine qu’on peut y aller tout de suite. Je voudrais voir la tête de ce type avant de lui parler.
— Compris. Si vous voulez, nous pouvons partir d’abord, avec votre voiture. Les agents Kunstler et Rodriguez suivront dans une voiture de police. Comme on fait souvent des patrouilles dans le port, ça n’éveillera pas les soupçons de Brenner. Par contre, s’il voit un officier inconnu sortir d’un véhicule, ça peut lui mettre la puce à l’oreille.
— C’est parfait », acquiesça Keri.
Elle était heureuse de constater qu’ils n’étaient pas dans une guerre de clochers entre juridictions. Elle savait que la police du port détestait avoir mauvaise presse, et ils seraient ravis de se débarrasser de ce dossier, même si c’était pour le donner à une autre administration.
Keri suivit les indications du sergent Covey, traversa le pont Vincent Thomas et le parking des visiteurs, pour arriver à l’embarcadère n°400. Cela prit plus longtemps que prévu, et ils arrivèrent à 16h28. Covey s’adressa au gérant du quai par radio, et lui dit qu’il pouvait congédier ses hommes.
« Brenner va passer droit devant nous, il va traverser le parking des employés d’un instant à l’autre », dit Covey. Alors qu’il disait cela, la voiture de police passa devant eux et effectua un tour lent sur la route qui encerclait le quai. C’était tout à fait discret.
Keri regarda les dockers défiler à la sortie de l’entrepôt du débarcadère. Un des hommes se rendit compte qu’il avait oublié son casque et repartit le chercher au pas de course. Deux autres travailleurs faisaient la course vers leurs voitures. Le reste du groupe marchait sans hâte.
« Voilà notre homme », fit Covey. Il indiqua un docker qui marchait à l’écart des autres. Coy Brenner ne ressemblait que de très loin à la photo d’identité datant de son arrestation dans l’Arizona, quatre ans plus tôt. Sur cette photo, il était amaigri, avec une tignasse longue et emmêlée, et une barbe de trois jours.
L’homme que Keri avait devant elle avait pris presque dix kilos dans les années écoulées depuis son arrestation, et ses cheveux étaient coupés court. Sa barbe de trois jours était devenue une vraie barbe. Il portait des jeans et une chemise de bûcheron, et marchait tête baissée, le visage tordu par une grimace. Coy Brenner ne paraissait pas vraiment comblé par la vie.
« Est-ce que ça vous dérangerait de rester en arrière, sergent Covey ? Je voudrais voir comment il réagit en étant abordé par une agent de police femme.
— Pas de problème. Je vais à l’entrepôt en attendant. Je dirai aux garçons de rester en retrait également. Faites-moi signe quand vous voulez que je vous rejoigne.
— Ça marche. »
Keri sortit de la voiture, enfila une veste pour dissimuler l’arme qu’elle portait à la ceinture, et suivit Brenner à bonne distance. Elle ne voulait pas qu’il la remarque tout de suite. Il semblait ne rien remarquer, complètement perdu dans ses pensées. Lorsqu’il arriva à son vieux pickup, Keri était sur ses talons. Elle sentit son portable vibrer en recevant un SMS, et se crispa. Mais Brenner n’avait rien entendu.
« Comment ça va, Coy ? » demanda-t-elle d’un ton aguicheur.
Brenner se retourna brusquement, surpris. Keri enleva ses lunettes, lui adressa un large sourire, et plaça ses mains sur ses hanches d’un air affecté.
« Bonjour ? » dit Brenner, plus sous forme de question que de salut.
« Ne me dit pas que tu ne te souviens pas de moi ? Ça ne fait que quinze ans... Tu es Coy Brenner, de Phoenix, non ?
— Oui. On est allés à l’école ensemble ou quoi ?
— Non. Le temps qu’on a passé ensemble était instructif, mais pas dans un sens académique, si tu vois ce que je veux dire. Je commence à me vexer... »
J’en fais des tonnes, là. Peut-être que j’ai perdu mon je-ne-sais-quoi.
Mais le visage de Coy se détendit, et Keri sentit qu’elle avait touché juste.
« Désolé, j’ai eu une longue journée et c’était il y a longtemps, dit-il. Je serais ravi qu’on refasse connaissance. Comment tu t’appelles, déjà ?
— Keri. Keri Locke.
— Je suis vraiment étonné de ne pas me souvenir de toi, Keri. Tu m’as l’air du genre de fille dont je me souviendrais. Qu’est ce que tu fais si loin de Phoenix ?
— Je n’en pouvais plus de la chaleur de l’Arizona. Je travaille pour la mairie de Los Angeles, maintenant. Je m’occupe de dossiers... C’est plutôt ennuyant. Et toi ?
— Docker, comme tu peux le voir.
— Un garçon du désert qui se retrouve à travailler au bord de l’océan. Comment ça se fait ? Tu voulais percer à Hollywood ? Apprendre à surfer ? Tu as suivi une nana ? »
Son ton était léger, mais Keri le scrutait pour voir sa réaction à cette dernière question. Son expression perplexe mais intriguée céda le pas à la méfiance.
« J’ai vraiment du mal à me rappeler de toi, Keri. Rappelle-moi quand est-ce qu’on a passé du temps ensemble ? »
Son ton avait un côté tranchant qu’il n’avait pas auparavant. Keri sentait que son stratagème ne fonctionnait plus, et elle décida d’adopter une approche plus agressive.
« Peut-être que tu ne te souviens pas de moi parce que je ne ressemble pas à Kendra. C’est ça, Coy ? Tu n’as d’yeux que pour elle ? »
Brenner passa de la méfiance à la colère, et il s’avança d’un pas. Keri le vit serrer les poings involontairement. Elle demeura de marbre.
« Qui êtes-vous ? Qu’est ce que c’est que cette histoire ?
— Je fais juste la conversation, Coy. Pourquoi tu deviens impoli ?
— Je ne te connais pas », dit-il, hostile à présent. « Qui vous envoie ? Son mari ? Vous êtes un détective privé ou quelque chose comme ça ?
— Et si je l’étais ? Il y aurait des choses sur lesquelles enquêter ? Tu as des choses à avouer, Coy ? »
Il fit encore un pas vers elle. Leurs visages étaient à vingt centimètres l’un de l’autre, à présent. Au lieu de reculer, Keri carra les épaules et leva le menton.
« Je pense que vous avez commis une grosse erreur en venant ici, ma petite dame », gronda Coy. Il tournait le dos à la voiture de police qui s’approchait lentement derrière lui, et tournait à présent au ralenti à quelques mètres d’eux. Du coin de l’œil, Keri vit le sergent Covey s’approcher à pied, depuis l’entrepôt. Il prenait garde de rester hors du champ de vision de Brenner. Elle ressentit le besoin de leur faire des grands signes pour qu’ils interviennent, mais elle se força à rester calme.
C’est maintenant ou jamais.
« Qu’est ce que tu as fait à Kendra, Coy ? » demanda-t-elle, cette fois sans la moindre trace de légèreté. Elle le dévisageait, la main effleurant la crosse de son pistolet, prête à tout.
À cette question, ses yeux s’élargirent de surprise, et elle sut qu’il n’avait aucune idée de quoi elle parlait. Il recula.
« Quoi ? »
Elle avait senti immédiatement qu’il n’était pas coupable, mais elle insista juste au cas où.
« Kendra Burlingame a disparu, et j’ai entendu dire que tu es son harceleur attitré. Donc si tu lui as fait quelque chose, c’est le moment d’avouer. Si tu coopères, je pourrai t’aider. Dans le cas contraire, les choses pourraient vraiment dégénérer pour toi. »
Coy Brenner la regardait fixement, mais semblait n’avoir pas tout à fait saisi ce qu’elle avait dit. Il n’avait toujours pas remarqué le sergent Covey, qui était maintenant à quelques pas derrière lui. Ce dernier, un officier de police chevronné, avait aussi la main posée sur son arme. Il n’avait pas l’air d’avoir la gâchette facile, mais d’être simplement prudent.
« Kendra a disparu ? » demanda Coy, comme un enfant à qui on annonce que son chien a du être piqué.
« Quand est-ce que tu l’as vue pour la dernière fois, Coy ?
— À la réunion d’anciens élèves. Je lui ai dit que je chercherais son adresse ici à Los Angeles. Mais j’ai vu qu’elle ne voulait rien avoir à faire avec moi. Elle semblait embarrassée pour moi. Je ne voulais pas voir cette expression sur son visage, donc j’ai laissé tomber.
— Tu n’aurais pas, par hasard, voulu faire payer à la femme qui t’a fait perdre la face ?
— Ce n’est pas elle qui m’a fait perdre la face. J’ai honte de ce que je suis devenu, et pour avoir honte, je n’ai pas besoin d’elle. C’est juste que, quand j’ai vu la façon dont elle me regardait, ça m’a ouvert les yeux, vous voyez ? Je me raconte des histoires en me disant que je suis un mec cool, un dur, depuis si longtemps. C’est Kendra qui m’a permis de réaliser à quel point je suis un paumé. »
Brenner regardait Keri d’un air désespéré, comme s’il espérait qu’elle le comprendrait. Mais Keri n’avait aucune envie d’aider cet homme à expier ses démons. Elle-même devait gérer sa propre honte, et elle en avait suffisamment pour ne pas vouloir s’occuper de celle des autres.
« Est-ce que tu peux me donner des preuves de tes activités, hier ? » demanda-t-elle pour changer de sujet. Lorsque Coy comprit qu’il n’arriverait pas à se faire prendre en pitié, il acquiesça.
« J’étais ici toute la journée. Mon patron peut le confirmer.
— On vérifiera ça », dit le sergent Covey.
Coy sursauta en entendant la voix derrière lui. Il se retourna, surpris de trouver le sergent à moins d’un mètre de lui, ainsi que la voiture de police, où étaient assis Kunstler et Rodriguez, un peu plus loin.
« Vous êtes agent de police, alors ? demanda Coy à Keri, l’air défait.
— En effet. Service des personnes disparues du LAPD.
— J’espère que vous la retrouverez. Kendra est une fille super. Le monde est plus beau grâce à elle, et elle mérite d’être heureuse. J’ai toujours eu le béguin pour elle, mais je savais qu’elle était trop bien pour moi. C’est pour ça que je ne me suis jamais fait d’illusions. Si je peux faire quoi que ce soit d’autre pour vous aider, faites-le moi savoir
— Agent Locke, intervint Covey, à moins que vous n’ayez des questions supplémentaires, je pense qu’on peut aller vérifier son alibi. Je sais que vous avez d’autres pistes à explorer. De plus, nous avons de la paperasse à traiter au sujet de M. Brenner, car il a menti au sujet de sa liberté conditionnelle pour avoir ce travail, et c’est un motif de rupture de contrat. »
Keri vit les traits de Brenner s’affaisser encore plus. Il avait un air véritablement pathétique. Et maintenant, il allait perdre son emploi. Elle s’efforça de repousser le sentiment qu’elle en était à moitié responsable.
« Ça me va tout à fait, sergent. Je dois retourner à Los Angeles et, en effet, on dirait que ce monsieur n’est pas coupable. Merci pour votre aide. »
Pendant que Covey et ses agents escortaient Coy Brenner à l’entrepôt afin de l’interroger, Keri réintégra sa voiture et lut le texto qu’elle avait reçu.
Il était de Brody et disait :
LE GALA AURA BIEN LIEU CE SOIR. OCCASION PARFAITE D’INTERROGER DES GENS. ON SE RETROUVE LA-BAS. METS QUELQUE CHOSE DE SEXY.
Brody n’en finissait pas de la surprendre par son manque de clairvoyance et de professionnalisme. En plus d’être profondément sexiste, il semblait ne pas comprendre qu’un gala de bienfaisance dont l’organisatrice était absente n’était pas l’endroit idéal pour extorquer des informations à ses amis et collègues.
En plus, je n’ai rien du tout à me mettre.
Évidemment, ce n’était pas sa seule raison de rechigner à y aller. En vérité, c’était surtout parce que c’était exactement le genre de réceptions où elle se rendait régulièrement du temps où elle était une professeure respectée, épouse d’un agent de célébrités renommé, et mère d’une adorable petite fille. Ce gala serait un rappel glamour et impitoyable de l’époque avant que sa fille ne soit enlevée.
Parfois, elle détestait son travail.
CHAPITRE 8
Keri était assise dans la salle d’attente du cabinet de Jackson Cave. Elle était rongée par l’angoisse. Cave la faisait attendre depuis vingt minutes, c’est à dire assez longtemps pour qu’elle remette en question sa décision de nombreuses fois.
Elle était repartie de San Pedro, et calculait mentalement le temps qu’il lui faudrait pour rejoindre sa péniche, mettre une robe de soirée, puis se rendre à Beverly Hills pour la collecte de fonds Tout sourire. Mais en arrivant à Los Angeles, elle avait remarqué les gratte-ciels du centre-ville dans le lointain, et n’avait pu s’empêcher de se détourner de son chemin pour aller au cabinet de Jackson Cave. Elle n’avait aucun plan précis en tête.
Sur le chemin, elle avait appelé Brody pour qu’ils échangent leurs informations. Après qu’elle ait expliqué que Coy Brenner était une fausse piste, Brody l’informa des agissements du docteur Burlingame à San Diego, le jour précédent.
« L’alibi de Jeremy Burlingame tient la route. Il était en salle d’opération toute la journée de hier. Apparemment, il supervisait quelques chirurgiens, pour leur enseigner des nouveaux procédés de reconstruction faciale.
— Ok, écoute, ici le trafic est complètement dingue », fit Keri. C’était en partie vrai, mais c’était aussi une excuse pour s’arrêter chez Jackson Cave. « Donc si tu arrives au gala avant moi, s’il te plaît, contente-toi de faire le tour de l’endroit. Ne commence pas à interroger les gens.
— Tu es en train de me dire comment faire mon travail, Locke ?
— Non, Brody. Je veux juste dire qu’il serait sans doute contreproductif de se jeter au milieu de l’entourage de Kendra comme un chien dans un jeu de quilles. La plupart de ces femmes de la haute société auront sans doute moins de mal à se confier à une autre femme, qu’à un type dont la plus longue relation était avec sa voiture.
— Va te faire voir, Locke. Je parlerai à qui je veux », dit Brody d’un ton indigné, bien que Keri ait senti qu’il avait lui-même des doutes sur le bien-fondé de cette approche.
« Comme tu voudras, répondit Keri. On se retrouve là-bas. »
Maintenant, une demi-heure plus tard, elle n’avait toujours pas été reçue par Cave. Il était presque 17h30. Elle décida de profiter de ce temps mort pour passer en revue l’endroit. Elle se dirigea vers le bureau de la réception.
« Excusez-moi, savez-vous combien de temps je vais attendre encore ? » demanda-t-elle à la secrétaire, qui secoua la tête d’un air d’excuse. « Dans ce cas-là, pouvez-vous m’indiquer les toilettes, s’il vous plaît ?
— Au fond du couloir, à gauche. »
Keri prit cette direction, attentive à chaque détail qui pourrait s’avérer utile. Juste en face de la porte des toilettes des femmes, il y avait une porte avec un panneau « sortie ». Elle l’ouvrit et vit qu’elle donnait sur le même couloir principal qu’elle avait parcouru pour parvenir à l’entrée du cabinet d’avocats.
Elle regarda autour d’elle et, ne voyant personne, sortit un mouchoir en papier de son sac et le fourra dans le système de verrou de l’encadrement de la porte, afin que celle-ci ne se verrouille pas automatiquement en se refermant. Puis elle se rendit aux toilettes, pour les apparences.
Lorsqu’elle revint à la salle d’attente, une femme charmante, vêtue d’un tailleur impeccable, l’attendait pour la mener au bureau de Cave. En suivant son guide, elle tenta de calmer les battements effrénés de son cœur. Elle s’apprêtait à revoir l’homme qui pourrait peut-être lui permettre de retrouver Evie, et elle n’avait prévu aucun stratagème.
La seule autre fois qu’elle s’était retrouvée face à Jackson Cave, ils étaient dans le commissariat d’une petite ville de montagne. Cave était venu pour faire libérer son client, Payton Penn, le frère du sénateur américain Stafford Penn. En fin de compte, Keri avait découvert que Payton Penn avait payé Pachanga pour qu’il enlève sa nièce, Ashley. Les choses avaient bien tourné pour elle, à l’époque. À présent, toutefois, elle était en territoire ennemi et en était parfaitement consciente.
Jackson Cave était connu de tout Los Angeles en tant que représentant de grandes firmes. Mais aux yeux des forces de police, son travail bénévole en faveur de violeurs, pédophiles et kidnappeurs d’enfants était largement suspect.
De même, Keri se méfiait de ce genre de personnes. Pour elle, c’était acceptable de défendre un condamné à mort soupçonné de meurtre, ou bien un braqueur de banque qui le faisait pour nourrir sa famille. Mais le fait de prendre exclusivement pour clients les pires criminels sexuels de la ville, et ceci à titre gracieux, lui semblait profondément douteux.
Quoi qu’il en soit, Keri espérait que cet aspect de la carrière de Jackson Cave jouerait en sa faveur. Elle savait que Cave possédait sans doute, quelque part, le code qui permettait d’accéder à l’ordinateur de Pachanga. Si elle l’obtenait, cela lui ouvrirait les portes de tout un réseau de criminels offrant leurs services d’enlèvements d’enfants. Elle trouverait peut-être même la trace de l’homme qui avait enlevé Evie, dont elle soupçonnait qu’il se faisait surnommer « le Collectionneur ».
Chaque détail du cabinet de Jackson Cave avait été étudié pour intimider les visiteurs. Le cabinet occupait entièrement le soixante-dixième étage de la tour US Bank. Il y avait des baies vitrées partout, qui donnaient sur les étendues de Los Angeles. Des œuvres d’art visiblement coûteuses ornaient les murs, et tous les meubles étaient en cuir et acajou.
Keri et sa guide atteignirent finalement le bureau de Cave, dont la porte ne présentait aucune indication. La femme précéda Keri à l’intérieur, et lui fit signe de s’asseoir. Il n’y avait personne dans la pièce. Keri s’installa sur le siège luxueux en face du bureau, qui était parfaitement rangé et lustré.
Une fois seule, Keri parcourut la pièce du regard, s’efforçant de dénicher quelques informations sur Jackson Cave. Il n’y avait pas de photos personnelles sur son bureau ni sur le guéridon. Sur les murs étaient accrochées quelques photographies représentant Cave avec des personnalités de la ville, telles que le maire ; des conseillers municipaux ; et quelques célébrités. Ses diplômes d’université étaient également affichés. Toutefois, il n’y avait aucun signe de sa personnalité ou de ses passions.
Avant qu’elle puisse étudier la pièce plus avant, Jackson Cave entra dans son bureau. Elle se leva vivement. Il était exactement tel que dans son souvenir ; ses cheveux d’un noir de jais étaient gominés, comme ceux de Gordon Gekko dans Wall Street. Son sourire faux révélait des dents d’un blanc éblouissant. Il était vêtu d’un costume Michael Kors, sur lequel contrastait sa peau bronzée. Ses yeux bleus perçants avaient un éclat fier qui rappelait à Keri un oiseau de proie en pleine chasse.
Alors, tout d’un coup, elle sut ce qu’elle devait faire. Jackson Cave, comme le montraient ses photos avec des personnalités et son allure impeccable, était un homme à qui il importait de bien paraître. Il gagnait sa vie en charmant les gens – les hommes politiques, les jurés, les médias. Et Keri savait qu’il voudrait la charmer, elle aussi. C’était sa nature.
Je dois couper court à cet élan. Je dois l’attaquer vite et fort, bousculer ses attentes, le déboussoler. La seule façon de percer cette armure et de le faire déraper, c’est si j’arrive à l’atteindre plusieurs fois. Peut-être qu’alors, il laissera échapper quelque chose qui pourrait me conduire à la clé de cryptage.
Si elle parvenait à l’énerver, ou même juste à l’agacer, il pourrait faire une erreur et révéler une information importante, par inadvertance. Étant donné qu’elle le détestait déjà, ce ne serait pas difficile. Elle devait simplement y mettre de la force, et trouver les failles dans son armure cuirassée. Elle ne savait pas exactement quelles pouvaient être ces failles, mais si elle faisait très attention, elle les trouverait.
« Keri Locke, fit Cave en passant derrière son bureau. Quelle surprise. Et dire que nous bavardions dans l’air frais des montagnes il y a seulement quelques semaines. Et maintenant, vous m’accordez une visite dans la jungle urbaine. À quoi dois-je cet honneur ? »
Avant de prendre la parole, Keri fit un pas vers une des photos sur le mur, qui représentait Cave et un élu local. À présent, elle lui tournait le dos. Elle le faisait en partie pour montrer qu’elle dirigeait cet entretien, et en partie pour l’irriter, en refusant de le regarder en face. De plus, elle ne voulait pas qu’il voie qu’elle grimaçait de douleur.
« Désolée de vous déranger, Maître. J’imagine que vous êtes plutôt occupé, à préparer la défense d’un complice d’enlèvement d’enfant.
— Prétendu complice, agent Locke. Prétendu complice. »
Keri ignora son commentaire et poursuivit : « Je suis venue pour vous poser une question. Comment se fait-il que, malgré vos innombrables clients de standing, vous persistez à vouloir travailler pour la lie de notre société ? »
Elle regarda nonchalamment au-dessus de son épaule, prenant garde à bien noter l’expression de Cave. Elle essayait de déceler des signes d’ébranlement, mais il n’en montrait aucun. De toute évidence, il était habitué à ces pointes.
« Tout le monde mérite une défense de qualité, Madame. C’est inscrit dans la Constitution. Sixième amendement. Faites une petite recherche.
— J’en suis consciente, M. Cave, dit-elle en se tournant de nouveau vers le mur de photos. Mais vous pourriez représenter n’importe quel accusé, et pourtant vous paraissez attiré par ceux qui se sont montrés violents envers des femmes et des enfants. Comment ça se fait ?
— Peut-être que je devrais en parler à mon psychothérapeute. »
Cave paraissait détendu, et nullement déstabilisé.
Ça ne fonctionne pas. Il est trop habitué à battre en brèche les attaques au sujet de ses clients. Je dois l’attaquer ailleurs.
« Voilà une remarque mignonne, M. Cave. Je parie que vous vous en servez également pour défendre votre travail en parlant aux gens comme lui », dit-elle en désignant le conseiller municipal dans la photo devant elle. Elle se retourna rapidement pour voir sa réaction, mais il était imperturbable.
« C’est pour ça que vous êtes venue, agent Locke ? Pour me faire culpabiliser ? Comme c’est ennuyant... et décevant. J’en attendais plus de votre part.
— Désolée de vous décevoir. Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi ces gens ne sont pas plus réticents à s’afficher avec vous. Après tout, cette femme n’est-elle pas la présidente d’un groupe de soutien aux victimes de viols ? »
Elle désigna une photo où une femme âgée se collait quasiment à Cave, qui avait passé un bras autour de ses épaules.
« Elle est charmante, répondit Cave, impassible. Et a des belles gambettes.
— Et ce monsieur, l’archevêque, dit Keri. Je me demande s’il a du se confesser après vous avoir rencontré. Ou tout du moins, s’il a du prendre une douche de décontamination. »
Elle fut surprise de ne pas entendre une autre réplique blasée. Au contraire, elle remarqua qu’il s’était tendu. Son sourire artificiel était toujours plaqué sur son visage, mais pendant une fraction de seconde, elle avait vu ses yeux bleus être traversés par une ombre.
Cave se recomposa rapidement, retrouvant son expression habituelle. Il se leva et fit le tour de son bureau pour rejoindre Keri.
« C’était un délice de vous recevoir, dit-il, mais malheureusement, j’ai encore beaucoup de travail. Ainsi, à moins que votre visite n’ait un autre motif que de vous en prendre à ma personne, je vais devoir mettre fin à notre petite sauterie. »
Il appuya sur un bouton et la femme qui avait accueilli Keri apparut immédiatement pour l’escorter vers la sortie.
« Par ici, madame, dit-elle d’un ton poli mais ferme. La réceptionniste pourra enregistrer votre départ. »
Alors qu’elle sortait, Cave lança une dernière réplique à Keri, sur un ton presque musical : « Ne te comporte pas comme une étrangère, Keri. »
Oh, pour ça, ne t’inquiète pas, espèce d’enfoiré arrogant. Au contraire, je prévois de revenir ici bien plus tôt que tu ne le penses.
Keri esquissa un sourire en prenant l’ascenseur. Même la perspective de devoir traverser la ville pour interroger des femmes de la haute société qui la toiseraient avec morgue ne la dérangeait pas.
En effet, elle avait compris ce qu’était l’ombre dans les yeux de Cave lorsqu’elle avait fait un commentaire sur l’archevêque.
C’était de la panique.
Elle avait trouvé l’angle d’attaque dont elle avait besoin.
Et derrière l’armure se trouvait la clé pour retrouver sa fille.
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