Kitabı oku: «L’ombre du mal », sayfa 4

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« Dean Chisolm, dit-il sans autre forme de cérémonie.

— Quoi ?

— Le type des captures d’écran que tu m’as envoyées s’appelle Dean Chisolm. Je n’ai même pas eu à utiliser le logiciel de reconnaissance faciale. Il est tagué dans plein de photos de Lanie Joseph, sur Facebook. Il porte toujours une casquette profondément enfoncée sur sa tête, ou des lunettes de soleil, comme s’il voulait cacher son identité. Mais il n’est pas très doué pour ça : il porte toujours les mêmes t-shirts noirs et les tatouages sont plutôt reconnaissables.

— Excellent travail, Kevin », fit Keri, encore une fois impressionnée par le génie informatique de leur service. « Et qu’est ce qu’on sait de lui ?

— Pas mal de choses. Il a été arrêté plusieurs fois pour la drogue. Quelques-unes des arrestations étaient pour possession de drogue, deux pour vente de drogue, et une pour avoir été un intermédiaire. Il a fait quatre mois de prison pour cette dernière arrestation.

— Un citoyen modèle, quoi, marmonna Ray.

— Ce n’est pas tout. Il est aussi soupçonné d’être impliqué dans un réseau de prostitution avec des filles mineures. Mais personne n’a jamais réussi à le coffrer pour ça. »

Keri leva les yeux vers Ray et vit son expression changer. Jusqu’à présent, il avait de toute évidence été convaincu que les deux jeunes filles étaient parties faire une virée entre copines. Mais avec ces nouvelles informations sur Dean, il était manifestement passé de « légèrement mal à l’aise » à « très inquiet ».

« Et qu’est ce qu’on sait de ce réseau de prostitution ? demanda Keri.

— Il est géré par un charmant bonhomme du nom d’Ernesto Ramirez, dit Chiqy.

— Chiqy ? demanda Ray.

— Je pense que ça doit être un surnom, le diminutif de chiquito. Ça veut dire « petit ». Et comme ce type a l’air de peser plus de 150 kilos, j’imagine que c’est une blague.

— Tu sais où se trouve Chiqy ?

— Malheureusement, non. Il n’a pas d’adresse connue. On dirait qu’il s’installe dans des entrepôts abandonnés, où il établit des sortes de maisons closes éphémères, jusqu’à ce qu’il y ait une descente de police. Mais j’ai quelques bonnes nouvelles.

— Je pense qu’on sera preneurs, ironisa Ray en montant dans sa voiture.

— J’ai l’adresse de Dean Chisolm. Et il se trouve que c’est à l’endroit précis où les GPS des téléphones des deux filles ont été éteints. Je vous l’envoie maintenant, ainsi qu’une photo de Chiqy.

— Merci, Kevin, fit Keri. D’ailleurs, je crois qu’on a trouvé un mini-Kevin travaillant comme vigile au centre commercial ; très fort en informatique. Il voudrait devenir flic. Si tu veux bien, je vous mettrai peut-être en contact.

— Bien sûr. Comme je dis toujours, geeks de tous les pays, unissez-vous !

— Ah bon, tu dis toujours ça ? le taquina Keri.

— Enfin, je le pense, surtout », admit-il avant de raccrocher, désireux d’esquiver d’autres moqueries.

« Tu m’as l’air incroyablement calme pour quelqu’un qui vient d’apprendre que les filles qu’on cherche pourraient être tombées aux mains d’un trafiquant d’êtres humains, remarqua Ray d’un ton étonné.

— J’essaie de cultiver une atmosphère légère. Mais je ne pense pas que ça va être possible encore très longtemps. Mais ne t’inquiète pas. Quand on mettra la main sur Dean Chisolm, il y a de fortes chances que je lui inflige une petite opération de détatouage amateur avec mon couteau suisse. Il est bien émoussé.

— Ravi de constater que tu n’as pas perdu la flamme, dit Ray.

— Jamais. »

CHAPITRE 6

Keri s’efforça de calmer les battements effrénés de son cœur, accroupie derrière un buisson à côté de la maison de Chisolm. Elle se contraignit à respirer lentement en silencieusement, les mains serrées sur son pistolet, attendant que les agents de police en uniforme frappent à la porte d’entrée. Ray était posté comme elle, de l’autre côté de la maison. Il y avait deux autres policiers dans la ruelle à l’arrière de la maison.

Malgré la fraîcheur de l’air, quelques gouttes de sueur coulaient dans le dos de Keri, juste sous son gilet pare-balles. Elle s’efforça de l’ignorer. Il était 19h passées, et la température était en-dessous de 10°C à présent, mais elle avait laissé son blouson dans la voiture pour être plus libre de ses mouvements. Si elle l’avait enfilé, elle aurait été trempée de sueur.

Un des agents frappa à la porte, provoquant une décharge dans tout son corps. Elle se pencha un peu plus pour s’assurer qu’on ne la verrait pas depuis les fenêtres. Ce mouvement causa un pincement dans ses côtes, dont plusieurs avaient été cassées dans une altercation avec un kidnappeur d’enfants, deux mois plus tôt. Et bien que techniquement, elle soit guérie, certaines positions étaient encore douloureuses.

Quelqu’un ouvrit la porte et elle se força à faire abstraction des bruits de la rue et à écouter attentivement.

« Êtes-vous Dean Chisolm ? » entendit-elle un des officiers demander. Elle entendait la nervosité dans sa voix et espérait que la personne à qui il s’adressait ne l’entendait pas.

« Non. Il n’est pas là en ce moment, répondit une voix jeune mais étonnamment sûre d’elle.

— Qui êtes-vous ?

— Je suis son frère, Sammy.

— Quel âge avez-vous, Sammy ? demanda le policier.

— Seize ans.

— Vous êtes armé ?

— Non.

— Y a-t-il quelqu’un d’autre dans la maison ? Vos parents, peut-être ? »

Sammy éclata de rire à cette question, avant de se reprendre.

« Ça fait longtemps que je n’ai pas vu mes parents, dit-il d’un ton moqueur. Ici, c’est chez Dean. Il a acheté la maison avec son propre argent. »

Keri en avait assez, et elle émergea du buisson. Sammy tourna les yeux vers elle juste à temps pour la voir rengainer son arme. Elle vit ses yeux s’écarquiller brièvement, malgré ses efforts pour avoir l’air détaché.

Sammy était la copie conforme de son grand frère, de la peau pâle jusqu’aux nombreux tatouages. Ses cheveux étaient également noirs, mais trop bouclés pour les coiffer en piques. Il portait tout de même l’incontournable uniforme punk : un t-shirt noir, un jean serré dont pendait une chaîne inutile, et des bottes noires d’ouvrier.

« Comment Dean a-t-il pu acheter sa propre maison à seulement vingt-quatre ans ? » demanda Keri sans prendre la peine de se présenter.

Sammy l’observa, cherchant à déterminer s’il pouvait balayer sa question d’un revers de la main.

« Dean est doué pour les affaires, dit-il d’un ton qui suggérait le défi sans tout à fait l’exprimer.

— Et les affaires vont bien en ce moment, Sammy ? »

Elle fit un pas vers lui, toujours agressive, dans l’espoir de déstabiliser le garçon. Les deux policiers reculèrent d’un pas pour qu’il n’y ait plus rien entre Keri et Sammy. Elle ne savait pas si c’était une décision consciente de leur part, ou s’ils voulaient juste éviter de se retrouver au milieu d’une confrontation. Quoi qu’il en soit, elle était contente d’avoir toute la place nécessaire.

« J’en sais rien. Je suis qu’un pauvre lycéen, madame », dit-il, cette fois avec insolence.

« Ce n’est pas vrai, Samuel », lança-t-elle, contente d’avoir lu le document sur Chisolm qu’Edgerton lui avait envoyé pendant qu’ils se rendaient ici. Elle remarqua qu’il avait été déstabilisé qu’elle utilise son vrai prénom. « Tu as laissé tomber le lycée au printemps dernier. Tu viens de mentir à un agent de la police de Los Angeles. C’est pas un super début pour notre relation. Ça te dirait de remédier à ça ?

— Qu’est ce que vous voulez ? » demanda Sammy avec une fougue prudente.

À présent, il ne maîtrisait plus la situation, et il s’avança sur le trottoir sans réfléchir. Il ne se rendit pas compte que Ray contournait discrètement la maison pour se poster quelques pas derrière lui. Keri s’avança encore vers lui pour focaliser son attention sur elle. À présent, ils étaient à un peu plus d’un mètre l’un de l’autre.

« Je veux savoir où se trouve Dean, dit-elle, abandonnant tout faux-semblant. Et je veux savoir où se trouvent les filles qu’il a amenées ici cet après-midi.

— Je ne sais pas où il est. Il est parti il y a quelques heures. Et je ne sais rien de ces filles. »

Bien qu’il soit un délinquant juvénile en puissance, Keri savait que Sammy n’avait jamais été interpellé, ni n’avait été incarcéré. Elle pouvait utiliser à son avantage sa peur de ces éventualités. Elle décida de porter l’estocade : « Tu n’es pas honnête avec moi, Samuel. Je suis en train de perdre patience. On sait tous les deux quelles sont les affaires de ton frère. On sait tous les deux comment ça se fait qu’il a pu s’acheter cette maison. Et on sait tous les deux que tu ne passes pas tes heures creuses à réviser pour le baccalauréat. »

Sammy allait protester, mais Keri leva la main et poursuivit sans s’interrompre : « Je suis à la recherche de deux adolescentes. Ton frère les a amenées ici. C’est mon boulot de les retrouver. Si tu m’aides à les retrouver, tu pourras vivre une vie plus ou moins normale. Sinon, les choses vont très mal tourner pour toi. C’est ta seule chance, ce soir, de ne pas entrer dans le système carcéral. Coopère avec nous, ou bien on te jette au trou. »

Sammy la fixait tout en essayant de garder une expression neutre. Mais son regard était trop fixe et sa respiration rapide et légère. Il ne cessait de serrer et desserrer les poings. Il était terrifié.

Ce que Sammy ne savait pas, c’était que Keri n’avait pas de mandat d’arrestation. S’il était resté à l’intérieur de la maison et avait refusé de leur parler, ils n’auraient rien pu faire d’autre que de demander un mandat et attendre dehors qu’il leur soit accordé.

Mais en sortant de sa maison pour lui parler, en laissant la porte ouverte, il s’était rendu vulnérable. Il ne le savait pas encore, mais qu’il accepte ou non de les aider, les policiers allaient fouiller la maison. La décision qu’il allait prendre allait vraiment déterminer son avenir immédiat, et Keri espérait qu’il avait compris que ce n’était pas du bluff. Elle espérait qu’il ferait le bon choix.

Il fit le mauvais.

« Je ne sais rien du tout », dit-il, sans réaliser qu’il venait de sceller son destin.

Keri soupira. Elle était presque désolée pour lui.

« Est-ce que vous avez entendu ça ? » demanda Ray.

Sammy, qui ne s’était pas rendu compte que Ray s’était faufilé derrière lui, bondit sous l’effet de la surprise.

« C’est quoi cette... ? » commença-t-il. Ray l’interrompit.

« Agent Locke, je pense que j’ai entendu des appels à l’aide venant de l’intérieur de la maison. Vous les entendez, vous aussi ?

— Oui, agent Sands, il me semble bien. Et vous, messieurs, vous les entendez aussi ? »

Les deux policiers en uniforme n’entendaient manifestement rien, mais ne voulant pas être en reste, ils acquiescèrent et, pour faire bonne mesure, celui qui avait frappé à la porte ajouta : « Carrément. »

Ray leva les yeux au ciel à cette remarque maladroite, mais poursuivit malgré tout : « Messieurs les agents, pourriez-vous mettre les menottes à M. Chisolm et l’installer à l’arrière de la voiture pendant que l’agent Locke et moi-même allons répondre à ces appels ?

— C’est n’importe quoi ! » cria Sammy pendant qu’un des policiers l’attrapait par l’épaule et le retournait pour le menotter. « Vous n’entendez rien du tout ! C’est une perquisition illégale.

— Je crains que non, Sammy, fit Ray en dégainant son arme, prêt à entrer dans la maison. Ces cris que nous entendons tous forment un motif raisonnable d’intervenir. Peut-être que tu devrais faire du droit après ton bac, mon garçon.

— Tu aurais du m’écouter », chuchota Keri à l’oreille de Sammy avant de rejoindre Ray sur le perron, dégainant son arme. Ray hocha la tête et ils entrèrent dans la maison, pistolets levés.

L’endroit était une porcherie. Il y avait des canettes de bière vides partout, et des emballages de fast food jonchaient la moquette tachée. De la musique résonnait au bout de la maison.

Keri et Ray firent rapidement le tour de la maison. Aucun d’eux ne s’attendait à trouver grand-chose. Le fait qu’il n’y ait personne suggérait que ce n’était qu’un lieu de planification. Il était probable que les filles soient amenées ici sous le prétexte d’une fête, pour ensuite être droguées et déplacées toutes en même temps.

Keri trouva la chambre à coucher d’où provenait la musique techno, et éteignit le poste. Elle pénétra dans la salle de bains attenante et vit une culotte roulée en boule près de la toilette.

Avec une angoisse croissante, Keri retourna à la chambre à coucher et remarqua un détail qu’elle avait manqué : il y avait trois verrous sur la porte. En plus du verrou standard de la poignée, il y avait une chaîne et un verrou supplémentaire.

« Ray, viens par là » cria-t-elle en s’approchant pour mieux voir. La chaîne semblait couverte de rayures. C’était peut-être son imagination, mais il vint à l’esprit de Keri que toutes ces marques pouvaient venir d’un mouvement rapide répété, comme si quelqu’un attachait fréquemment la chaîne à la hâte pour empêcher quelqu’un de sortir.

Ray entra dans la chambre et Keri lui montra la porte.

« Ça fait beaucoup de verrous pour une chambre à coucher, dit-il, énonçant l’évidence.

— J’ai aussi trouvé une culotte dans la salle de bains, fit Keri.

— Il y en a aussi quelques paires dans les autres chambres à coucher, et quelques soutien-gorges. J’ai aussi trouvé de la cocaïne et de l’herbe. Je pense qu’il y a de quoi arrêter Sammy, si on le veut.

— Appelons la police scientifique pour récupérer la drogue et chercher des empreintes. J’aimerais faire une dernière tentative avec Sammy. Maintenant qu’il y a la prison en perspective, il sera peut-être plus bavard, surtout après être resté assis un moment à l’arrière de cette voiture de police.

— Bonne idée, fit Ray. Je vais allumer la télé et trouver une chaîne avec un truc qui sonne comme des cris de filles. Tu sais, pour le motif raisonnable et tout ça. Il faut que ça soit plausible, hein ? »

Keri hocha la tête. Pendant que Ray maniait la télécommande, elle ressortit jusqu’à la voiture de police. Un des policiers avait allumé le gyrophare et un petit attroupement était en train de se former en bas de la rue.

Keri fut ravie de ce petit effet. Tout cela contribuait à la pression que ressentait Sammy. Elle n’avait aucune envie d’incarcérer un adolescent de seize ans, mais elle le ferait s’il fallait, surtout si cette menace pouvait servir à secourir deux filles enlevées.

Pendant qu’elle approchait, Sammy l’observait, nerveux, depuis la vitre de la voiture. Elle ouvrit la porte et s’agenouilla pour être à son niveau. Elle aurait pu s’y prendre de nombreuses façons avec ce garçon, mais elle décida que le plus simple était d’être directe.

« On a trouvé la drogue, Sammy, lui dit-elle. De l’herbe, de la cocaïne, et qui sait quoi d’autre. La quantité suggère que c’est plus que de la simple possession. C’est pour la revendre. Et comme tu étais le seul dans la maison, tu es le seul qu’on va accuser. On a aussi trouvé des sous-vêtements de femme. On fait venir la police scientifique pour trouver de l’ADN et des empreintes digitales. Et je suis sûre qu’on va trouver celles des deux filles qu’on cherche, et sans doute d’autres encore. »

Keri regarda Sammy déglutir avec force. Elle crut qu’il allait dire quelque chose, mais il resta silencieux.

« Donc je t’explique tout ça pour que tu saches ce qui t’attend. Je n’essaie pas de te coincer ou de jouer un jeu. Tu es cuit, Sammy. Si on ne retrouve pas ces filles, je vais faire tout ce qui est en mon possible pour qu’on prononce la plus lourde peine possible à ton encontre. Je témoignerai contre toi. Mon collègue témoignera contre toi. Et je ferai en sorte que les parents des deux filles témoignent contre toi, pour que tu sois lié à leur disparition. Tu crois ce que je te dis, Sammy ? »

Il hocha la tête.

« Bien. On est donc sur la même longueur d’onde. Sur ce, je vais te donner une dernière chance de te sortir de là. Je ne te demande même pas de nous livrer ton frère. Je veux juste savoir où se trouve l’entrepôt où Chiqy a amené les filles. Si tu me donnes cette information et qu’elle s’avère juste, je te défendrai face au procureur. Mais c’est une offre exceptionnelle. Tu n’as d’utilité pour moi que tant que j’ai une chance de retrouver ces filles. Qu’est-ce que tu en dis, Sammy ? Tu veux saisir cette dernière chance de sauver ta propre vie ? »

Sammy baissa la tête comme s’il était perdu dans ses pensées. Keri attendit patiemment. Elle savait qu’elle avait insisté autant que possible et à présent, les dés étaient jetés. Au bout d’un moment, Sammy releva la tête et elle sut que c’était dans la poche.

« L’entrepôt est dans la vallée de San Fernando, dans la partie nord d’Hollywood, sur Vanowen Street, dit-il dans un quasi-murmure. Je ne connais pas l’adresse exacte. Mais je l’ai sur mon téléphone. Si vous me donnez mon téléphone, je vous trouverai l’adresse exacte. C’est lui qui l’a ».

Keri se redressa et se tourna vers le policier en uniforme qu’il désignait du doigt. C’était celui qui avait frappé à la porte. Il était appuyé sur le capot de la voiture.

« Donne-moi son portable », lui ordonna-t-elle impérieusement, avant de se retourner vers la maison et de crier aussi fort qu’elle le put : « Ray, viens vite ! »

CHAPITRE 7

Keri ne contrôlait plus la situation, et elle détestait cela. Elle se contraignait à ne pas laisser paraître sa frustration, mais c’était difficile. Si elle mordait sa langue plus fort encore, elle craignait de se mettre à saigner.

En effet, puisqu’ils s’apprêtaient à faire une descente dans un entrepôt qui abritait peut-être les activités de prostitution d’un maquereau brutal, qui disposait de sa petite armée, une équipe d’intervention spéciale de la police de Los Angeles avait été appelée en renfort. Cette dernière contrôlait la situation.

Keri et Ray étaient parmi les agents de l’équipe, qui s’était installée à une rue de l’entrepôt. Ils écoutaient le chef donner ses dernières instructions. À son signal, la moitié de l’équipe allait entrer par la porte de devant, et l’autre moitié par celle de derrière. Keri et Ray ne seraient autorisés à les rejoindre que lorsque l’endroit serait sécurisé.

Keri les regarda approcher de l’entrepôt et, malgré son ressentiment d’avoir été mise de côté, elle ne put s’empêcher d’admirer leur travail d’équipe et leur efficacité alors qu’ils se plaçaient silencieusement à leurs postes.

Le chef donna le signal par radio et elle entendit une série de détonations quand les agents lancèrent des grenades étourdissantes avant de disparaître à l’intérieur du bâtiment. Elle écouta leurs voix pendant qu’ils sécurisaient l’endroit. Il n’y eut ni cris, ni coups de feu, et leurs voix étaient calmes. Keri comprit en moins de trente secondes qu’il n’y avait aucun élément hostile à l’intérieur. Après deux minutes supplémentaires, Keri et Ray furent autorisés à entrer.

Une fois à l’intérieur, Keri prit le temps d’appréhender l’endroit. L’immense entrepôt était jonché de matelas dispersés un peu partout. Il y en avait au moins deux douzaines. Ils étaient simples, sans draps ni couvertures. Certains des matelas, dans les coins, étaient entourés de rideaux qui offraient un semblant d’intimité. Une pensée cynique traversa l’esprit de Keri.

Peut-être que c’était pour les clients VIP.

La raison pour laquelle l’équipe d’intervention avait eu l’air si nonchalant était évidente : on ne pouvait se cacher nulle part. Bien que les lumières soient tamisées, tout l’entrepôt était visible et il était presque complètement vide.

Seules deux personnes dans le bâtiment n’étaient pas de la police. La première était un client apparemment inconscient, allongé au sol à côté d’un matelas. La seconde était une jeune fille assise sur un matelas près du fond de l’entrepôt. Un agent était debout à côté d’elle, tandis qu’un infirmier prenait sa tension.

Keri se dirigea droit sur elle, Ray sur ses talons. La fille semblait avoir autour de quatorze ans, et avait de longs cheveux blonds. Ses yeux étaient rougis, le regard trouble, comme si elle n’était pas parfaitement consciente. Elle portait un débardeur mais pas de pantalon. À la place, elle était à moitié recouverte par une couverture thermique apportée par l’infirmier.

« Vous lui avez demandé quoi que ce soit ? demanda Keri au secouriste.

— Non, madame. Ce n’est pas mon domaine d’expertise. En plus, je ne voudrais pas empiéter sur le territoire de quiconque.

— Bien vu », fit-elle en s’agenouillant près de lui. Il lui jeta un bref coup d’œil avant de se concentrer de nouveau sur la fille.

« Elle a la tension basse, dit-il à mi-voix. Logique, puisqu’elle dit qu’elle a été droguée. »

Keri hocha la tête et examina la jeune fille. Elle ne semblait qu’à moitié consciente de son environnement. À côté du matelas, il y avait une petite flaque de vomi.

« Comment tu t’appelles, ma puce ? » demanda Keri d’une voix douce.

La fille leva vers elle un regard vide, sans paraître comprendre qu’on s’adressait à elle. Keri toucha légèrement son bras et tenta de nouveau : « Comment tu t’appelles ? »

Le contact sembla la faire sortir de sa torpeur. Son regard se fixa sur Keri.

« Lilah.

— Tu as quel âge, Lilah ?

— Quinze ans.

— Ok, Lilah. Je m’appelle Keri, je suis agent de police, comme tout le monde ici. Tu es en sécurité, à présent. Dans quelques minutes, on va t’amener à l’hôpital et contacter ta famille. Ça te va ? »

Lilah acquiesça.

« Mais avant ça, je dois te poser quelques questions importantes. Tu es d’accord ? »

Elle acquiesça encore.

« Où sont tous les autres ?

— Ils sont tous partis », répondit Lilah comme si cela clarifiait toute la situation. L’infirmier se pencha vers Keri.

« Elle est en état de choc », murmura-t-il.

Keri hocha la tête et tenta une autre approche : « Tu sais ce qui s’est passé ? Apparemment, ils sont partis à la hâte.

— Oui. Le gros bonhomme a ordonné de prendre toutes les filles et de les emporter. Puis il est parti.

— Est-ce que le gros bonhomme avait un crâne rasé et une longue barbe ?

— Oui, dit Lilah en fermant les yeux à sa pensée. Quand il est parti, les autres hommes nous ont saisies et tirées dehors. Ils nous ont jetées dans un grand fourgon.

— Tu te souviens du fourgon ? demanda Keri.

— Il était marron. Et même s’il était grand, ils ont eu du mal à faire rentrer toutes les filles. Elles étaient entassées serré.

— Comment ça se fait qu’ils ne t’ont pas emportée, toi aussi ?

— Ils allaient le faire mais j’ai commencé à vomir. Personne ne voulait s’approcher de moi. Quelqu’un a dit de m’enfermer à l’intérieur, donc l’un d’eux m’a poussée sur un matelas et a fermé les portes. J’ai continué de vomir après ça, et ensuite j’imagine que je me suis endormie jusqu’à votre arrivée.

— Donc toutes les autres filles ont été mises dans le fourgon ?

— Oui, je pense », dit Lilah.

Puis elle parut s’affaisser, comme si l’effort de répondre aux questions avait consommé toute son énergie. Ray tapota l’épaule de Keri, qui leva les yeux pour voir plusieurs policières en uniforme, debout non loin d’eux.

« Lilah, reprit-elle d’une voix calme et rassurante. Je vois que tu es fatiguée, donc je vais arrêter de te poser des questions pour le moment. Ces gentilles policières vont t’amener à l’hôpital. Quand tu te seras un peu reposée, elles te poseront davantage de questions.

— Je ne veux pas que vous partiez ! » cria Lilah, montrant pour la première fois quelque émotion. Elle s’empara du bras de Keri.

« Je sais, ma puce », fit Keri en s’efforçant de garder une voix rassurante malgré la détresse de Lilah. « Mais tu dois aller à l’hôpital pour que les docteurs puissent t’aider. Et je dois fouiller cet endroit pour trouver de quoi nous aider à retrouver toutes les autres filles. On doit les ramener chez elles saines et sauves, elles aussi.

— D’accord », fit Lilah, dont la flamme disparut aussi vite qu’elle était arrivée.

Keri se libéra doucement de la prise de la jeune fille et fit signe aux policières en uniforme d’intervenir. Elles s’approchèrent rapidement, et rassurèrent Lilah à voix basse pendant que l’infirmier préparait le brancard, par terre à côté d’elle.

Keri se releva et s’éloigna avant de s’adresser à Ray.

« On n’a pas beaucoup d’informations sur lesquelles se baser. Je vais faire un tour et voir ce que ces types peuvent avoir laissé derrière eux. Tu pourras appeler Edgerton et lui signaler le fourgon marron qu’elle a décrit, pour qu’il commence les recherches ?

— Ouais, dit Ray. Je sais qu’il y a beaucoup de caméras de surveillance dans ces zones industrielles. Je suis sûr qu’il trouvera ; un grand fourgon marron, ça devrait se remarquer. La question, c’est combien de temps faudra-t-il pour découvrir où il est allé ?

— Pas trop longtemps, j’espère, dit Keri. Ce Chiqy est rapide ; d’abord la maison de Dean, puis cet endroit. On doit l’attraper avant qu’il ne file encore.

— Tout à fait d’accord. Et ce qui m’inquiète, c’est qu’il a levé le camp si vite. Il avait de toute évidence l’intention de faire tourner sa maison close ici cette nuit. Mais on dirait qu’il savait qu’on arrivait, comme s’il avait été prévenu d’une façon ou d’une autre. »

Ils demeurèrent un instant silencieux, se demandant comment c’était possible. Finalement, Keri réagit : « On s’en occupera plus tard. Une chose à la fois. Appelle Edgerton et je vais jeter un coup d’œil par ici. »

Ray hocha la tête et sortit de l’entrepôt. Keri regarda autour d’elle, se demandant par où commencer. Elle décida de s’intéresser d’abord aux zones délimitées par les rideaux. Il devait y avoir eu une raison de les séparer du reste.

Elle s’approcha de la plus proche, dans le coin avant gauche de l’entrepôt. Alors qu’elle allait sortir sa lampe torche, quelqu’un augmenta la puissance des lampes au-dessus de sa tête au maximum. Il fallut une seconde à Keri pour s’habituer à la luminosité, puis elle inspecta l’endroit, à la recherche d’un élément sortant de l’ordinaire. Toutefois, rien ne paraissait suspect.

Elle passa à l’emplacement suivant, au fond à gauche de l’entrepôt. Là non plus, rien à signaler. Elle ne savait même pas vraiment ce qu’elle cherchait. Il semblait improbable qu’elle trouve un porte-monnaie gisant au sol ou un morceau de papier portant la destination où Chiqy avait envoyé les filles.

Elle allait passer au troisième emplacement lorsqu’elle remarqua quelque chose du coin de l’œil. Il y avait un petit morceau de tissu qui dépassait de l’autre côté du matelas.

Keri se pencha au-dessus. Le tissu était de couleur bleu-vert.

Le cœur battant, elle mit des gants de latex et souleva le matelas. En-dessous, il y avait le reste du morceau de tissu, qui n’était pas très long ; une dizaine de centimètres sur cinq centimètres. Et il avait manifestement été arraché, et non découpé.

Elle reposa le matelas, essayant de ne rien déplacer. Une pensée obsédante tourbillonnait dans sa tête.

On dirait que quelqu’un a déchiré ce morceau de tissu de sa tenue et l’a fourré sous le matelas pour qu’il soit découvert plus tard.

Elle enleva ses gants et sortit son portable, à la recherche de la capture d’écran que le Keith le vigile lui avait envoyée. Elle montrait Sarah et Lanie à une table de l’aire de restauration du centre commercial. Keri fit un zoom sur Sarah, jusqu’à en être certaine. Le haut de la jeune fille était exactement de la même couleur que le tissu sous le matelas.

« Ray ! » appela-t-elle en prenant des photos du morceau de tissu.

Elle se retourna et vit son binôme s’approcher. Il terminait une conversation téléphonique, et leva l’index pour lui signifier qu’il en avait bientôt fini.

Il raccrocha. Avant que Keri n’ait le temps de parler, il se lança dans le récit de ce qu’Edgerton lui avait raconté.

« C’est exactement ce qu’on pensait. Il a dit que ce serait facile de trouver des images du fourgon marron qui quitte l’entrepôt, mais ça sera plus long de reconstituer son parcours jusqu’à sa destination. Il nous a recommandé de revenir au commissariat pour pouvoir nous montrer de vive voix ce qu’il va trouver. Et toi, tu as trouvé quoi que ce soit ? »

Keri esquissa un demi-sourire et montra du doigt le morceau de tissu.

« Qu’est ce que c’est ? » demanda Ray.

Keri lui montra la capture d’écran de l’aire de restauration.

« C’est un morceau de tissu du haut de Sarah. Elle a du l’arracher et le cacher, dans l’espoir qu’on le trouverait.

— Tu en es sûre ? demanda Ray.

— Raymond, cette fille est maligne. Malgré tout ce qui lui arrive, elle garde la tête froide et résiste de la seule manière possible : elle nous laisse des indices ! »

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