Kitabı oku: «Le Sourire Idéal», sayfa 3

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— Qu’en pensez-vous, capitaine ? demanda Murph.

Pour la première fois, Jessie pensa entendre un soupçon de résignation dans sa voix.

Decker révéla finalement le secret qu’il avait gardé jusque-là.

— En fait, il y a une affaire qui est arrivée cette nuit et je crois que vous pourriez aider à la résoudre, Hunt. Le crime a eu lieu à Studio City, donc, c’est North Hollywood Station qui s’en occupe, mais le FBI s’est intéressé à cette affaire et lui a assigné un agent. Je me disais que je pourrais vous mettre en binôme avec lui.

— De quoi s’agit-il ? demanda Jessie en gardant une voix calme malgré l’excitation qui montait en elle.

— D’un meurtre à l’arme blanche, très sordide. Pour l’instant, il n’y a ni mobile ni suspects. Cela dit, vos deux gars sont des amateurs de gros couteaux, pas vrai ?

— C’est vrai, acquiesça-t-elle.

— Il pourrait n’y avoir aucun rapport, concéda-t-il, mais c’est la première des agressions que j’ai étudiées qui me semble coller au profil.

— Donc, vous prévoyez de la laisser aller sur le terrain ? demanda Murph, alors qu’il connaissait la réponse.

— Eh bien, je me dis qu’avec un agent du FBI comme collègue et plusieurs marshals des États-Unis pour la surveiller, elle devrait être en sécurité. Est-ce que je me trompe ?

— Capitaine Decker, répondit Murph d’un ton neutre, le Service considère en général qu’aucune personne protégée n’est jamais véritablement en sécurité. De plus, de mon point de vue, si vous laissiez cette personne protégée aller sur le terrain pour qu’elle enquête sur un meurtre qui a peut-être été commis par un des hommes contre lesquels nous essayons de la protéger, ce serait particulièrement imprudent.

— Mais, lança Jessie, finalement prête à avancer l’argument qu’elle avait gardé en réserve, ce ne serait pas vraiment pire que le statu quo. Cela fait presque deux semaines que je suis sous protection, mais nous n’avons découvert sur les hommes qui me cherchent aucune information susceptible de changer ce statu quo. Il coûte une petite fortune à la ville, à la Police de Los Angeles et au Marshals Service, sans que nous en voyions l’aboutissement. Vu comment c’est parti, je pourrais véritablement être forcée d’acquérir une nouvelle identité … pour la deuxième fois de ma vie !

— Ce n’est pas comme ça que nous voyons la situation … commença à dire Murph.

— S’il vous plaît, laissez-moi terminer, Marshal, dit-elle d’une voix de laquelle toute trace d’humour narquois ou d’impertinence venait de disparaître. Il faut que cette situation prenne fin. Toutes les nuits, j’ai des cauchemars où mes gardes du corps se font massacrer. Je sursaute au moindre bruit inattendu et je me recroqueville au moindre mouvement soudain. Je suis prisonnière dans cette maison, alors que je n’ai rien fait de mal. Ce n’est pas comme ça que je veux vivre. Je préférerais essayer d’attraper ces mecs et en mourir que passer le reste de mes jours à vivre dans la peur. J’ai les compétences et l’expérience requises pour trouver les deux hommes qui me veulent du mal. Permettez-moi de les utiliser. Ce n’est pas une demande déraisonnable.

Decker et Murph échangèrent un regard. Après ce qui sembla être une éternité, le marshal parla.

— Je m’arrangerai avec Corcoran, concéda-t-il avant d’ajouter : si vous acceptez certaines conditions.

— Quelles conditions ? demanda Jessie qui aurait pourtant été capable d’accepter presque tout à ce stade.

— Votre protection rapprochée restera avec vous tout le temps et vous n’essaierez pas de nous semer. Vous continuerez à passer les nuits dans le refuge. Vous accepterez toutes les mesures de sécurité sur le terrain, même les manœuvres d’évasion que vous considérerez peut-être excessives. Lors de n’importe quel scénario sur le terrain, vous respecterez les opinions des marshals, même si elles vous semblent être d’une prudence excessive. Si nous disons qu’il faut partir, vous accepterez de partir sans poser de questions. Acceptez-vous ces conditions, Mme Hunt ?

— Oui, dit-elle sans hésitation, même si elle ne comptait pas forcément les respecter.

— Dans ce cas, si mon supérieur l’autorise, vous pouvez poursuivre.

Jessie regarda Decker, qui semblait être en train de réprimer un sourire.

— Et si je vous présentais votre collègue temporaire ? proposa-t-il.

CHAPITRE QUATRE

Jessie était déçue.

L’agent du FBI qui avait été affecté à la section pour l’affaire du meurtre à l’arme blanche ressemblait à un vieux joueur de base-ball auquel on avait demandé de revenir sur le terrain parce que tous les débutants étaient blessés. Quand elle alla à sa rencontre, Jessie remarqua que cet homme, apparemment âgé d’une quarantaine d’années, avait un ventre d’une taille surprenante pour un agent du FBI.

En plus, ses cheveux, étonnamment longs et décoiffés, étaient presque tous argentés. Son visage ridé par les éléments et son odeur de sel suggéraient qu’il avait passé plus de temps sur une planche de surf qu’à étudier des affaires criminelles. Son blazer était effiloché au col et sa cravate nouée approximativement. Enfin, bien que ce soit encore le matin, il avait déjà accumulé une quantité impressionnante de taches de nourriture sur son pantalon froissé.

— Jack Dolan, dit-il en tendant une main quand elle approcha mais sans offrir d’autre salutation.

— Jessie Hunt, dit-elle en essayant de ne pas grimacer quand il lui serra la main très fort.

— Ah, oui. La tristement célèbre profileuse criminelle fille de tueur en série qui écoute à l’oreille des psychotiques et qui se cache des hommes qui veuillent l’assassiner dans la nuit.

— C’est ce que dit ma carte de visite, répondit sarcastiquement Jessie, qui n’aimait pas toutes les hypothèses que cet homme formulait d’entrée de jeu.

— Agent Dolan, coupa Decker en mettant fin à l’échange glacial, comme le meurtre à l’arme blanche de Studio City a plusieurs caractéristiques qui rappellent potentiellement les modes d’action de Xander Thurman et de Bolton Crutchfield, nous avons décidé que Mme Hunt devrait se joindre à vous pour évaluer si l’un d’eux pourrait en être responsable.

Dolan regarda Decker, puis Jessie et finalement Murph.

— Donc, demanda-t-il, apparemment perplexe, est-ce que ça veut dire que je vais faire du baby-sitting, maintenant ? Ou allons-nous faire équipe indépendamment ?

Jessie ouvrit la bouche en se demandant ce qu’elle pourrait répondre sans y mêler des jurons, mais, avant qu’elle n’ait pu prononcer ne serait-ce qu’un mot, Decker intervint.

— Considérez qu’elle est votre collègue pour toute la durée de l’affaire. Je suppose que votre collègue vous protégerait, n’est-ce pas, agent Dolan ? C’est pareil.

Dolan se tut. Du coin de l’œil, Jessie vit Murph réprimer un sourire. Elle se tourna vers Decker.

— Puis-je vous parler en privé un moment ? demanda-t-elle.

Il hocha la tête et ils commencèrent à sortir dans le hall.

— Attendez, dit Murph. L’agent et moi, nous allons sortir. Vous deux, parlez ici ; moins de gens vous voient, le mieux ce sera.

Quand Murph et Dolan furent partis, Jessie se tourna vers Decker, le regard éclatant de colère.

— Est-ce une sorte de punition ? Est-ce pour cela que vous me mettez avec ce mec ? Ne pouvez-vous pas extraire Hernandez de l’affaire sur laquelle il travaille et me mettre en binôme avec lui ?

— L’inspecteur Hernandez est indisponible, répondit laconiquement Decker. Nous ne pouvons pas « extraire » des inspecteurs de triples homicides pour satisfaire les caprices des autres membres du personnel. Vous ne pourrez pas voir Hernandez dans un avenir proche, ou alors, cela signifierait qu’il ne ferait pas son travail. De plus, Dolan est plus que qualifié pour cette affaire. Enfin, c’est lui que le FBI a mis à disposition. Donc, trouvez un moyen de travailler avec lui. Autrement, vous pouvez repartir au refuge. À vous de voir, Hunt.

*

Le trajet jusqu’à Studio City fut particulièrement désagréable.

Dolan était visiblement contrarié de devoir être transporté sur le siège arrière d’une berline conduite par un marshal des États-Unis. Murph et Toomey n’étaient pas ravis de conduire de deux enquêteurs maussades et Jessie était contrariée par quasiment tout le reste.

Malgré ce que Decker avait dit, elle avait l’impression d’avoir trois baby-sitters dans la voiture, avec deux de plus dans le véhicule derrière eux. Son « collègue » considérait apparemment que son implication dans l’affaire n’était rien d’autre que de la poudre aux yeux. Quant aux marshals, ils n’aimaient visiblement pas qu’on les prenne pour des valets de rang supérieur. Quand ils arrivèrent sur la scène du crime, tout le monde était sur les nerfs.

Toomey trouva facilement l’endroit. C’était la maison charmante de style espagnol et d’un seul niveau devant laquelle une demi-douzaine de voitures de police étaient garées et dont l’accès était interdit par des quantités de rubans jaunes de la police. Il y avait aussi deux camions de la télévision. Il dépassa tous ces véhicules et se gara au milieu du pâté de maisons, où on ne les verrait pas.

— Comment allons-nous procéder ? demanda-t-il aux autres. Nous ne pouvons pas accepter que les gens voient Hunt entrer dans cette maison. Si c’est Thurman ou Crutchfield qui ont fait ça, ils regarderont de près pour voir si elle se montre, et même si ce n’est pas eux qui l’ont fait, il ne faut pas que son visage apparaisse sur tous les journaux télévisés.

Jessie attendit de voir si l’un d’eux allait proposer la solution la plus évidente. Quand personne ne le fit, elle prit la parole.

— Allez derrière la maison, ordonna-t-elle. Il n’y avait pas de descente de garage. Cela signifie que la ruelle de derrière donne accès à un garage. Il sera fermé aux équipes de télévision et ils ne pourront pas garer leurs gros camions là-bas, de toute façon. Nous devrions pouvoir entrer sans que les caméras ne se rapprochent.

Comme personne ne sembla avoir d’objection à formuler, Toomey redémarra la voiture et fit ce que Jessie avait recommandé. Par radio, il appela les autres marshals pour leur communiquer le plan et leur conseilla de rester dans la rue principale.

Comme prévu, la ruelle étroite était bloquée par des voitures de patrouille à chaque bout. Ils se rangèrent et sortirent. Murph et Dolan montrèrent leurs badges au premier inspecteur qu’ils rencontrèrent, qui les laissa passer sans demander à Toomey ni à Jessie de prouver leur identité. Jessie en fut soulagée, car elle voulait éviter de révéler son identité à qui que ce soit, même à un policier.

Ils passèrent par le portail de derrière et montèrent les marches de la véranda pour accéder à l’entrée, où un autre inspecteur leur demanda leur identité. Il semblait ne pas vouloir les laisser passer sans voir la carte de chacun d’entre eux, mais Dolan se pencha vers lui, lui chuchota quelque chose que Jessie ne put entendre et l’inspecteur hocha la tête et recula pour les laisser passer.

Quand ils passèrent la porte, Jessie essaya d’oublier tous ses ennuis de la matinée et de se concentrer sur ce qui l’entourait. Elle était en train de travailler sur une affaire et la victime, qui qu’elle soit, méritait toute son attention.

La porte de derrière donnait sur la cuisine, qui était contemporaine et bien équipée avec tous les appareils les plus récents. En fait, tout avait l’air si immaculé que Jessie soupçonna que la cuisine avait été entièrement rénovée dans les six derniers mois. D’une certaine façon, l’endroit lui rappelait les maisons McMansion flambant neuves de tous les couples de nouveaux riches du Comté d’Orange, où elle avait brièvement habité avant d’apprendre que son maintenant ex-mari, Kyle Voss, était un violent sociopathe.

— Qui habite ici ? demanda-t-elle à personne en particulier.

Un agent en uniforme assez jeune aux cheveux blond roux qui se tenait dans le coin l’entendit et approcha.

— Je pensais que les inspecteurs avaient tous fini, dit-il.

— Le FBI est venu apporter son aide, précisa Dolan en montrant son badge et en regardant le badge nominatif du jeune policier. Que pouvez-vous nous dire, agent Martin ?

— Eh bien, monsieur, répondit Martin, cette maison est louée par deux femmes, Gabrielle Cantu et Claire Stanton. Stanton est la victime. Elle avait vingt-trois ans. Cantu et son copain l’ont trouvée tôt ce matin.

— Où est Cantu, maintenant ? demanda Jessie.

— Chez son copain, répondit l’agent Martin. Il habite de l’autre côté de la colline, près de Mulholland Drive. Elle n’a pas de famille en ville, donc, il a dit qu’il allait lui permettre de loger là jusqu’à ce qu’elle se sente mieux. Visiblement, elle aimerait ne jamais revenir ici.

— Où le corps de Stanton a-t-il été trouvé ? demanda Dolan.

— Dans la salle de bains, dit Martin. Je vais vous montrer.

Quand il les emmena dans le hall, Jessie remarqua que les marshals Murph et Toomey gardaient leurs distances. Ils semblaient peu intéressés par les détails de l’affaire et préféraient examiner toutes les autres personnes (les agents, les gens qui analysaient la scène de crime) qui se trouvaient dans la maison. Même dans une maison pleine d’agents du maintien de l’ordre public, ces agents étaient tous considérés comme des menaces potentielles contre la personne protégée qui, dans cette affaire, était Jessie.

Elle se demanda quel travail Gabrielle et Claire faisaient pour pouvoir se permettre de louer un endroit aussi chic alors qu’elles avaient moins de trente ans. Elle supposa qu’elles étaient peut-être deux associées dans des cabinets d’avocats chics.

Cependant, l’expérience qu’elle avait acquise dans ce travail lui suggérait qu’elles étaient plus probablement des mannequins ou des filles de riches, ou alors des actrices. Or, aussi cliché que ce soit, vu qu’elles habitaient dans la vallée de San Fernando, elles étaient d’autant plus probablement actrices dans des films pour adultes.

Le salon avait une télévision à grand écran avec des enceintes à son multicanal, des sofas en cuir et un bar. Quand ils quittèrent le hall pour entrer dans les chambres, Jessie remarqua qu’elles ne contenaient pas grand-chose d’artistique. Il y avait des bibelots et des outils technologiques, mais rien qui suggère que les résidents aient prévu d’habiter longtemps à cet endroit.

Quand ils atteignirent la première chambre, l’agent Martin s’arrêta.

— C’était la chambre de Claire Stanton, dit-il. La salle de bains mène à la chambre de l’autre fille, Gabrielle. C’est là que Gabrielle a trouvé Claire, qui était dans la baignoire.

— Est-ce que l’équipe de police scientifique a fini là-dedans ? demanda Jessie. Peut-on entrer ?

— Oui. Le corps a été emporté. Je peux demander au chef de la police scientifique de vous envoyer les photos par SMS, si vous voulez.

— S’il vous plaît, dit Jessie en entrant dans la salle de bains.

Même si le corps avait été emporté, il restait des traces du carnage. Le reste de la salle de bains semblait ne pas avoir souffert, mais la baignoire, un modèle indépendant démodé installé au milieu de la pièce, était couverte de sang, dont une grande partie avait coulé et formé une mare sombre et visqueuse près du tuyau d’évacuation.

Pendant que Jessie examinait la scène, les photos de la police scientifique arrivèrent sur son téléphone. Elle les afficha et Dolan, qui avait reçu le même message, fit de même sur son appareil.

Dans le premier plan large, on voyait le corps de Claire Stanton allongé dans la baignoire, sur le dos, un bras tendu par-dessus le bord. Elle avait les yeux ouverts et le sang coulait de son cou, lui couvrait la poitrine et une grande partie du visage.

Malgré cela, Jessie voyait que cette fille avait été belle, encore plus belle que les innombrables jolies filles de Hollywood qui voulaient devenir actrices. Blonde et menue, avec des membres tonifiés et bronzés, elle ressemblait à la majorette en chef d’une grande université.

D’autres photos montraient des gros plans de son cou et des dégâts qui lui avaient été infligés. Même si c’était difficile d’en être sûr, au premier regard, il semblait que les blessures soient trop découpées et irrégulières pour avoir été pratiquées par la plupart des couteaux. Si Jessie avait dû deviner, cela ressemblait plus au travail opéré par un tournevis ou …

— Des clés, dit Dolan.

— Quoi ? demanda l’agent Martin du coin de la pièce.

— Ces blessures à son cou, on dirait que quelqu’un les a pratiquées par perforation avec de longues clés. Est-ce que la police scientifique a émis des hypothèses ?

— Je n’étais pas là quand ils ont évalué la scène, Inspecteur, admit-il.

— Je crois que vous avez raison, dit Jessie. Les marques de perforation semblent venir d’angles différents et avoir atteint des profondeurs différentes, presque comme si l’assaillant avait tenu plusieurs clés et les avait toutes enfoncées en même temps.

— Je ne savais pas que vous aviez été formée en analyse de scène de crime, dit Dolan en levant les yeux d’un air sceptique.

— Je n’ai pas reçu cette formation, mais j’ai appris à voir ce que j’ai devant mes yeux, répliqua-t-elle. De plus, j’ai de l’expérience en agressions au couteau. Plus important, je suis formée en comportement psychologique. Or, d’après les images préliminaires que nous voyons ici, je dirais que nous avons probablement affaire à un crime passionnel plutôt qu’à un crime planifié.

— Pourquoi dites-vous ça ? demanda Dolan sans contester l’hypothèse.

— Si le coupable avait planifié le crime, il est difficile d’imaginer qu’il ait pu choisir des clés comme arme. Elles sont trop difficiles à utiliser et d’une efficacité douteuse. Ce meurtre semble avoir été plus impromptu.

— Un crime passionnel ? répéta Dolan sur un ton taquin.

— C’est un cliché, mais oui.

— Cela ne va pas vraiment dans le sens de l’idée selon laquelle ce serait Crutchfield ou Thurman, fit-il remarquer. D’après ce que je comprends, ils sont très méticuleux tous les deux.

— Certes, ça rend leur implication moins probable.

— Quand l’appel a-t-il été passé ? demanda Dolan en se retournant vers l’agent Martin.

— Peu après deux heures du matin. Cantu et son copain revenaient d’une nuit de fête. Elle est allée dans la salle de bains et y a trouvé son amie. Le copain, Carter Harrington, a appelé la police.

Dolan marcha dans la salle de bains pendant quelques secondes de plus. Il avait l’air de s’ennuyer.

— Je crois que nous avons appris tout ce que nous pouvions ici pour l’instant, dit-il en se tournant vers Jessie. Et si on allait voir Gabrielle Cantu afin de recueillir son témoignage ?

Jessie hocha la tête. Elle sentait qu’il essayait de faire avancer les choses. Visiblement, si cette affaire n’était pas liée à l’un de leurs tueurs en série d’exception, il voulait l’établir rapidement pour pouvoir laisser tomber l’affaire et Jessie par la même occasion.

Même si cela lui paraissait froid comme façon d’agir, Jessie ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Il poursuivait les tueurs en série, pas les victimes de meurtres maladroits à coups de clés, et, même si Jessie n’aimait pas l’admettre, elle aussi.

CHAPITRE CINQ

Quel que soit le travail du copain de Gabrielle, Carter Harrington, c’était un travail qui rapportait gros. Le fichier que Jessie lut pendant le trajet indiquait seulement qu’il était investisseur du marché, ce qui pouvait presque tout signifier. Son manoir sécurisé de Briar Summit Drive, juste à côté de Mulholland Drive, était sur trois niveaux et donnait aussi bien sur la vallée de San Fernando que sur l’ouest de Los Angeles. Quand ils eurent sonné et qu’on les eut laissés entrer, la voiture contenant Jessie, Dolan, Murph et Toomey roula sur la longue descente de garage qui menait au parking circulaire situé devant la maison. Les autres marshals restèrent à l’extérieur de la propriété, dans leur véhicule.

Carter Harrington sortit les accueillir. Il avait presque cinquante ans, les cheveux poivre et sel et un physique qui suggérait qu’il avait des quantités de temps pour faire de la gymnastique. Il était habillé de façon décontractée, avec un polo, un pantalon brun clair et des sandales. Il souriait mais, à voir ses yeux rouges et troubles, il était clair qu’il avait passé une nuit blanche.

— Carter Harrington, dit-il en tendant la main à Jessie en premier puis à Dolan. Désolé de faire votre connaissance en de pareilles circonstances.

— Je comprends, dit Jessie. Je suis Jessie Hunt de la Police de Los Angeles et voici Jack Dolan du FBI. Merci d’avoir accepté de nous recevoir aussi rapidement.

— Le FBI ? répéta Harrington, visiblement étonné. Et les inspecteurs auxquels j’ai parlé à la maison ?

— Oh, ils sont encore la première équipe qui travaille sur cette enquête, dit Dolan avec désinvolture, mais nous traitons cette affaire selon une approche multi-juridictionnelle. Ce n’est pas si inhabituel que ça.

Harrington sembla accepter cette réponse qui, pour Jessie, n’avait absolument aucun sens. D’ailleurs, c’était probablement pour cela que Dolan l’avait dite.

— Où est Mme Cantu ? demanda-t-elle.

— Oh, oui, dit-il comme s’il venait de se souvenir pourquoi ces gens étaient venus ici. Gabby est dans le salon et elle regarde la télévision. Elle a pris une dose de Zoloft pour se clamer les nerfs, mais elle est réveillée. Vous êtes arrivés au moment idéal, si ça se trouve. Elle est consciente, mais pas agitée.

— Génial, dit Dolan. Vous pourrez peut-être nous donner votre version des événements pendant que nous allons la rejoindre.

— Bien sûr, acquiesça Harrington avant de remarquer que seul Murph les accompagnait alors que Toomey restait près de la voiture.

— Euh, que fait votre ami, là ? demanda-t-il.

— Oh, il est ici pour nous soutenir psychologiquement, dit Dolan d’un air impassible. Ne faites pas attention à lui, ni à l’autre. Hunt et moi, on s’occupe de l’essentiel.

— OK, dit Harrington en les emmenant dans la maison sans insister alors qu’il était visiblement dérouté par cette façon de faire les choses.

— Donc, dit Jessie en essayant de changer de sujet, que faisiez-vous à la maison la nuit dernière ?

— Ah, oui, dit-il, paraissant soudain mal à l’aise en marchant dans le couloir lambrissé qui s’étendait devant eux. Gabby et moi, ce soir-là, on était sortis. C’était notre premier rendez-vous et nous sommes allés danser dans quelques clubs. Elle m’a invité à venir chez elle et j’ai accepté. J’étais en train de … m’installer dans sa chambre pendant qu’elle allait une minute à la salle de bains. Soudain, je l’ai entendue hurler et je m’y suis précipité. J’y ai trouvé ce que vos collègues y ont trouvé. Sa colocataire gisait dans la baignoire. J’ai appelé la police tout de suite. Nous sommes allés dans le salon et nous y sommes restés jusqu’à l’arrivée des policiers.

— Vous n’aviez jamais rencontré Claire ? demanda Dolan.

Harrington s’arrêta à l’entrée d’une grande pièce qui, supposa Jessie, devait être le salon. Elle entendit le son de la télévision en bruit de fond.

— Non. Je ne savais même pas que Gabby avait une colocataire. Comme je l’ai dit, c’était notre premier rendez-vous. Avant ça, nous avions seulement échangé des SMS et parlé au téléphone.

— Comment avez-vous rencontré Gabby ? demanda Jessie en essayant d’avoir l’air aussi décontractée que possible.

— Sur un site de rencontres, répondit-il simplement.

Est-ce que votre femme le sait ?

Jessie fut tentée de poser la question à voix haute mais décida de la garder pour plus tard, au cas où elle en aurait besoin. Le cercle de peau pâle sur l’annulaire autrement bronzé de Harrington indiquait qu’il avait très récemment divorcé ou qu’il avait enlevé son alliance à cette occasion.

— Pouvez-vous faire les présentations ? demanda Dolan. Nous ne voulons pas l’effrayer en entrant trop soudainement.

— Bien sûr, dit Harrington en les emmenant dans le salon caverneux avec son plafond voûté et ses baies vitrées qui montaient du sol au plafond.

— Gabby, dit-il d’une voix ferme mais douce, il y a des gens qui sont venus te voir.

Une femme allongée sur la chaise longue releva la tête. Même si elle avait l’air épuisée et si ses yeux étaient rouges après, pensait Jessie, avoir passé des heures à pleurer, elle était quand même ravissante. Plus exotique et sensuelle que Claire, qui avait eu l’air entièrement américaine, elle avait de longs cheveux foncés qui tombaient en cascade sur ses épaules. Quand elle se redressa, Jessie vit qu’elle avait la sorte de corps voluptueux qui aurait pu inciter quelqu’un comme Carter Harrington à cacher son alliance.

— Qui sont ces gens ? demanda-t-elle, mi-effrayée, mi-rebelle.

— Je m’appelle Jessie, Gabby, répondit Jessie avec gentillesse en prenant l’initiative. Je vous présente Jack. Nous faisons partie de l’équipe qui enquête sur les événements de la nuit dernière. Nous savons que vous avez déjà répondu à certaines questions, mais nous en avons quelques autres à vous poser. Pensez-vous que vous pourrez y répondre ?

— J’imagine, dit Gabby à contrecœur.

— Merci, dit Jessie en approchant et en s’asseyant sur le sofa le plus proche de la chaise. Nous allons essayer de faire vite. Je sais que vous devez être épuisée.

Gabby hocha la tête, puis regarda vers le coin de la pièce.

— Et lui, c’est qui ? demanda-t-elle en montrant le marshal des États-Unis qui s’était posté entre l’entrée du salon et le couloir dans lequel ils venaient de passer.

— C’est Murph, dit Jessie. Il n’est pas très causant, mais il est vraiment intelligent. Il va surtout écouter. Jack et moi, on va poser les questions. Pourrais-tu t’asseoir, Jack ?

Elle indiqua de son mieux à son collègue qu’il fallait qu’il s’asseye parce qu’il faisait peur à Gabby. Semblant comprendre le message, Dolan s’assit.

— Bien, allons-y, Gabby, commença Jessie. Savez-vous si quelqu’un avait menacé Claire récemment ? Peut-être un ex ou un collègue avec lequel elle se serait disputée ?

Gabby resta tranquillement assise un moment et réfléchit.

— Pas que je sache, dit-elle finalement. Elle était adorable. Il était difficile de se mettre en colère contre elle.

— Vraiment ? insista Jessie. Quand je vois une jolie fille comme elle, je me dis qu’elle a probablement dû dire non à quelques admirateurs déçus.

— Peut-être. Sans doute. Pourtant, elle était vraiment douée pour rompre gentiment avec ses mecs. Comme hier, où je l’ai entendue dire à quelqu’un au téléphone qu’elle ne pouvait plus le voir. Elle l’a dit de manière vraiment gentille.

— Donc, elle a vraiment eu une dispute récemment, fit remarquer Dolan.

— Au fait, oui, sans doute, dit Gabby, semblant ne se rendre compte que maintenant que l’appel de Claire correspondait à la situation que Jessie avait décrite.

— À qui parlait-elle ? demanda rapidement Jessie, qui ne voulait avoir l’air d’accuser personne.

— Je ne sais pas. À l’autre bout de la ligne, la voix était forte, mais j’étais dans une autre pièce et je ne voulais pas que Claire sache que j’écoutais sa conversation. Ne pouvez-vous pas retrouver cette conversation quelque part ?

— Oui, nous le pouvons, Gabby, dit Jessie d’un ton rassurant. Que pouvez-vous nous dire d’autre sur la nuit dernière ?

— J’ai déjà parlé aux autres inspecteurs du rendez-vous qu’elle avait ce soir-là. D’habitude, elle conservait toutes les informations sur son téléphone.

— Est-il possible qu’elle ait emmené son copain à la maison, comme vous l’avez fait avec Carter ? demanda Jessie.

— J’en doute, dit Gabby en s’installant un peu plus dans la chaise et en donnant l’impression de perdre un peu sa concentration.

— Pourquoi ? demanda Jessie.

— Elle n’aimait pas remmener ses mecs dans notre maison. Si elle les … appréciait, elle allait en général chez eux. Elle n’aimait pas que les gens sachent où elle habitait. Elle avait eu quelques mauvaises expériences, vous savez ?

— En fait, dit Dolan d’un ton agacé, nous ne savons pas, mais cela semble être le type même de piste que nous devrions étudier. Pouvez-vous nous donner des noms ?

— Aucun ne me revient, dit Gabby sans remarquer qu’elle se contredisait souvent. Je n’ai pas vraiment retenu qui étaient ses copains, même s’il lui est parfois arrivé de mentionner un nom. J’ai pensé que, si ce n’était pas assez important pour elle, je n’avais pas besoin de m’en souvenir, moi non plus.

Jessie pensait que, à elles deux, elles avaient dû avoir tant de copains que dresser la liste des noms pourrait être difficile. Elle se tourna vers Carter Harrington, qui changeait de pied tout le temps, mal à l’aise, comme si la conversation abordait des sujets qu’il préférait éviter. Alors que Jessie se demandait si c’était le moment d’évoquer ces sujets-là, Dolan intervint.

— Mme Cantu, dit-il d’un ton qui ne faisait plus semblant d’être chaleureux, il est tout à fait clair que vous nous cachez certaines choses. Je ne sais pas si vous en êtes consciente, mais mentir à un agent fédéral est un crime.

Jessie sentit le découragement l’envahir. Cette fille était déjà fragile et la menacer semblait être contre-productif.

— Je ne mens pas … commença à affirmer Gabby.

Dolan l’interrompit.

— Même dire que vous ne mentez pas pourrait être interprété comme un mensonge, fit-il remarquer. Dans vos rendez-vous et ceux de Claire, il y a visiblement des éléments que vous refusez de nous communiquer. Je le comprends. Vous ne voulez pas vous incriminer. Pourtant, vous voyez, nous finirons par tout découvrir de toute façon, tôt ou tard. Les seules questions sont : est-ce que ce sera tôt ou tard et est-ce que vous allez coopérer ? Si c’est tôt et que vous collaborez, nous pourrons être très accommodants. Si c’est tard et si vous ne collaborez pas, nous pourrons y aller à la dure.

Yaş sınırı:
0+
Litres'teki yayın tarihi:
15 nisan 2020
Hacim:
261 s. 3 illüstrasyon
ISBN:
9781094310435
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