Kitabı oku: «Le Train en Marche », sayfa 3
CHAPITRE QUATRE
Environ une demi-heure plus tard, Riley entra dans le parking de Quantico. Quand elle avait demandé à Meredith quand il la voulait là-bas, elle avait senti un réel empressement dans sa voix …
“Maintenant. Le plus tôt possible.”
Bien sûr, quand Meredith l’appelait chez elle, le temps manquait presque toujours – parfois littéralement, comme dans sa dernière affaire. Ledit Sandman avait utilisé des sabliers pour marquer les heures qui s’écouleraient avant son prochain meurtre brutal.
Mais aujourd’hui, quelque chose dans le ton de Meredith lui indiquait que cette situation pressait singulièrement.
Alors qu’elle se garait, elle vit que Bill et Jenn arrivaient aussi dans leurs propres véhicules. Elle sortit de sa voiture et les attendit debout.
Sans échanger beaucoup de mots, tous trois marchèrent vers le bâtiment. Riley vit que, comme elle, Bill et Jenn avaient apporté leur sac de voyage. Aucun d’entre eux n’avait eu besoin de se faire dire qu’ils quitteraient probablement Quantico d’ici peu.
Ils passèrent le contrôle à l’entre du bâtiment et se dirigèrent vers le bureau du chef Meredith. Dès qu’ils arrivèrent à sa porte, l’imposant homme afro-américain fit irruption dans le couloir. Il avait évidemment été averti de leur arrivée.
« Pas le temps pour une conférence, grogna-t-il aux trois agents. Nous parlerons en marchant.
Tandis qu’ils suivaient Meredith à la hâte, Riley réalisa qu’ils se dirigeaient directement vers la piste d’atterrissage de Quantico.
Nous sommes vraiment pressés, pensa Riley. Il était inhabituel de ne pas avoir au moins une brève réunion pour les mettre au courant d’une nouvelle affaire.
Marchant à grands pas à côté de Meredith, Bill demanda :
— De quoi s’agit-il, chef ?
— En ce moment même, il y a un cadavre décapité sur une voie ferrée près de Barnwell, dans l’Illinois. C’est une ligne en provenance de Chicago. Une femme a été attachée sur les voies et écrasée par un train de marchandises, il y a quelques heures à peine. C’est le deuxième meurtre de ce genre en quatre jours et il y a apparemment des similitudes frappantes. On dirait que nous avons affaire à un tueur en série, répondit Meredith.
Meredith commença à marcher un peu plus vite, et les trois agents se dépêchèrent pour suivre.
— Qui a appelé le FBI ? demanda Riley.
— J’ai reçu l’appel de Jude Cullen, chef adjoint de la police ferroviaire de la région de Chicago. Il dit qu’il veut des profileurs tout de suite. Je lui ai dit de laisser le corps où il était jusqu’à ce que mes agents l’examinent, dit Meredith.
Meredith grogna un peu.
— Ce n’est pas une mince affaire. Trois autres trains de marchandises sont prévus sur cette cette voie aujourd’hui, ainsi qu’un train de voyageurs. À l’heure actuelle, ils sont tous en attente, et ça commence déjà à être le bordel. Vous devez y aller dès que possible et jeter un coup d’œil à la scène du crime afin que le corps puisse être déplacé et que les trains puissent recommencer à rouler. Et ensuite …
Meredith grogna à nouveau.
— Et bien, vous avez un tueur à arrêter. Et je suis sûr que nous sommes tous d’accord sur une chose – il va encore tuer. En dehors de cela, vous en savez maintenant autant que moi sur l’affaire. Cullen devra vous renseigner sur quoi que ce soit d’autre.
Le groupe sortit sur le tarmac de la piste d’atterrissage où attendait le petit jet, ses moteurs vrombissant déjà.
Par dessus le bruit, Meredith leur cria :
— Vous serez accueillis à O’Hare par des policiers de la Sûreté Ferroviaire. Ils vous conduiront directement sur la scène de crime. »
Meredith fit demi-tour et retourna dans le bâtiment. Riley et ses collègues montèrent les marches et embarquèrent à bord de l’avion. La hâte de leur départ donna presque le vertige à Riley. Elle ne pouvait pas se rappeler que Meredith les ait déjà ainsi poussé dehors.
Mais ce n’était guère surprenant, étant donné que le trafic ferroviaire était à l’arrêt. Riley ne pouvait pas imaginer les énormes difficultés que cela pouvait causer en ce moment.
Une fois l’avion en vol, les trois agents ouvrirent leurs ordinateurs et allèrent en ligne pour chercher le peu d’informations qu’ils pouvaient trouver à ce stade.
Riley vit rapidement que la nouvelle du meurtre le plus récent se répandait déjà, bien que le nom de la victime actuelle ne soit pas encore disponible. Mais elle vit que le nom de la victime précédente était Fern Bruder, une femme de vingt-cinq ans dont le corps décapité avait été trouvé sur une voie ferrée près d’Allardt, dans l’Indiana.
Riley ne parvint pas à trouver autre chose en ligne sur les meurtres. Si la police ferroviaire avait des suspects ou avait connaissance d’un quelconque mobile, cette information n’avait pas encore été divulguée au public ‒ ce qui était une bonne chose pour elle.
Cependant, il était frustrant de ne pas pouvoir en apprendre plus dans l’immédiat.
Avec si peu d’éléments pour réfléchir à l’affaire, Riley se surprit à ressasser ce qu’il s’était passé jusque là aujourd’hui. Elle ressentait encore un serrement au cœur d’avoir perdu Liam ‒ bien qu’elle réalisa aussi …
“Perdre” n’est pas exactement le bon mot.
Non, elle et sa famille avait fait de leur mieux pour le garçon. Et maintenant, les choses avaient tourné pour le mieux, et Liam avait été confié à la garde de gens qui l’aimeraient et prendraient soin de lui.
Malgré cela, Riley se demandait …
Pourquoi est-ce que je ressens ça comme une perte ?
Riley avait également des sentiments partagés sur l’achat d’un pistolet pour April et le fait de l’avoir emmenée sur le champ de tir. La démonstration de maturité d’April avait certainement fait la fierté de Riley, tout comme son adresse au tir naissante. Riley était également profondément touchée que sa fille veuille suivre ses traces.
Et pourtant … Riley ne put s’empêcher de se rappeler …
Je suis en route pour voir un corps décapité.
Toute sa carrière était une longue série d’horreurs. Était-ce vraiment une vie qu’elle voulait pour April ?
Ça ne dépend pas de moi, se rappela Riley. C’est à elle de décider.
Riley se sentait aussi un peu gênée à propos de cette conversation embarrassante qu’elle avait eue avec Jenn un petit moment avant. Tant de choses avaient été laissées inexprimées, et Riley n’avait aucune idée de ce qu’il se passait en ce moment entre Jenn et tante Cora. Et bien sûr, ce n’était pas le moment d’en parler ‒ pas avec Bill assis juste là avec elles.
Riley ne pouvait s’empêcher de se demander …
Jenn avait-elle raison ? Devrait-elle rendre son insigne ?
Riley rendait-elle service à la jeune agent en l’encourageant à rester au FBI ?
Et Jenn se trouvait-elle dans le bon état d’esprit pour accepter une nouvelle affaire maintenant ?
Riley jeta un coup d’œil à Jenn, qui était assise sur son siège, à fixer attentivement son ordinateur.
Jenn semblait certainement parfaitement concentrée en ce moment – plus que Riley, en tout cas.
Les pensées de Riley furent interrompues par le son de la voix de Bill.
« Attachée sur les voies ferrées. Ça fait presque penser à …
Riley vit que Bill regardait aussi l’écran de son ordinateur.
Il fit une pause, mais Jenn termina sa phrase.
— Comme un de ces vieux films muets, hein ? Oui, je pensais la même chose.
Bill secoua la tête.
— Je ne veux vraiment pas avoir l’air de prendre ça à la légère … mais je n’arrête pas de penser à un méchant moustachu avec un chapeau haut de forme, en train d’attacher une jeune demoiselle sur la voie ferrée jusqu’à ce qu’un brave héros arrive pour la sauver. N’est-ce pas ce qui arrive toujours dans les films muets ?
Jenn montra du doigt l’écran de son ordinateur.
— En fait, pas vraiment. J’ai fait quelques recherches à ce sujet. C’est un trope, d’accord, un cliché. Et tout le monde semble penser qu’il l’a vu à un moment ou un autre, comme une sorte de légende urbaine. Mais il semble que ce ne soit jamais apparu dans de véritables films muets, du moins pas sérieusement, dit-elle.
Jenn tourna l’écran de son ordinateur pour que Bill et Riley puissent le voir.
Elle poursuivit :
— Le premier exemple fictif d’un méchant attachant quelqu’un sur une voie ferrée semble être apparu bien avant que les films n’existent, dans une pièce de 1867 intitulée Under the Gaslight. Seulement – écoutez ça ! – le méchant attachait un homme sur la voie, et la femme tenant le rôle principal devait le sauver. Le même genre de chose se retrouve dans une nouvelle et quelques autres pièces de cette période.
Riley pouvait voir que Jenn était plutôt absorbée par ce qu’elle avait trouvé.
Jenn continua :
— En ce qui concerne les vieux films, il y a eu peut-être deux comédies muettes dans lesquelles cet évènement précis s’est produit : une demoiselle sans défense hurlant à plein poumons, attachée sur la voie par un vilain méchant et sauvée par un beau héros. Mais elles ont été jouées pour faire rire, tout comme pour les caricatures des journaux.
Intéressé, Bill ouvrit grand les yeux.
— Des parodies de quelque chose qui n’a jamais existé, dit-il.
— Exactement, dit Jenn.
Bill secoua la tête.
— Mais les locomotives à vapeur faisaient partie de la vie de tous les jours ‒ les premières décennies du XXe siècle, je veux dire. N’y avait-il pas de films muets dépeignant quelqu’un en danger, sur le point de se faire écraser par un train ?
— Bien sûr que si, dit Jenn. Parfois, un personnage pouvait être poussé ou tomber sur les voies et peut-être perdre conscience alors qu’un train arrivait. Mais ce n’est pas le même scénario, non ? D’ailleurs, comme dans cette vieille pièce, le personnage en danger était généralement un homme qui devait être secouru par l’héroïne !
L’intérêt de Riley était totalement piqué maintenant. Elle savait que Jenn ne perdait pas son temps à faire des recherches sur ce genre de chose. Ils avaient besoin de savoir tout ce qui pouvait motiver un tueur. Une part de ceci pourrait être de comprendre tous les précédents culturels du scénario auquel ils avaient affaire – même ceux qui pouvaient être fictifs.
Ou, dans ce cas, inexistant, songea Riley.
Tout ce qui avait pu influencer le tueur était intéressant.
Elle réfléchit un moment, puis demanda à Jenn :
— Est-ce que cela signifie qu’il n’y a jamais eu de cas réels de personnes assassinées en s’étant faites attacher sur des voies ferrées ?
— En fait, c’est arrivé dans la vraie vie, dit Jenn, en montrant quelques informations supplémentaires sur l’écran de son ordinateur. Entre 1874 et 1910, au moins six personnes ont été tuées de cette façon. Je ne peux pas trouver beaucoup d’exemples depuis, sauf un très récemment. En France, un homme a attaché son ex-femme sur les voies le jour de son anniversaire. Puis il s’est mis devant le TGV qui arrivait, donc il est mort avec elle ‒ un meurtre-suicide. Sinon, cela semble être une façon rare de tuer quelqu’un. Et aucun de ces meurtres ne faisait partie d’une série.
Jenn retourna l’écran vers elle et retomba dans le silence.
Riley rumina ce que Jenn venait de dire …
“une façon rare de tuer quelqu’un …”
Riley réfléchissait …
Rare, mais pas inédit.
Elle s’interrogeait – cette série de meurtres entre 1874 et 1910 avait-elle été inspirée par ces vieilles pièces de théâtre dans lesquelles des personnages avaient été attachés sur des voies ferrées ? Riley avait connaissance d’exemples plus récents de la vie imitant l’art de quelque manière horrible ‒ dans lesquels les meurtriers étaient inspirés par des romans, des films ou des jeux vidéo.
Peut-être les choses n’avaient-elles pas beaucoup changé.
Peut-être les gens n’avaient-ils pas beaucoup changé.
Et qu’en était-il du tueur sur lequel ils étaient sur le point d’enquêter ?
Il semblait ridicule d’imaginer qu’ils soient en train de pourchasser un psychopathe imitant un ignoble méchant mélodramatique qui se lissait les moustaches, personnage n’avait jamais vraiment existé, pas même au cinéma.
Mais qu’est-ce qui pouvait motiver ce tueur ?
La situation était bien trop claire et bien trop familière. Riley et ses collègues allaient devoir répondre à cette question, sinon d’autres personnes seraient tuées.
Riley resta assise à regarder Jenn continuer à travailler sur son ordinateur. C’était un spectacle encourageant. Pour le moment, Jenn semblait avoir chassé ses angoisses à propos de la mystérieuse “tante Cora”.
Mais combien de temps cela va-t-il durer ? se demandait Riley.
De toute façon, la vue de Jenn si concentrée sur ses recherches rappela à Riley qu’elle devrait faire la même chose. Elle n’avait jamais travaillé sur une affaire impliquant des trains auparavant, et elle avait beaucoup à apprendre. Elle reporta son attention sur son ordinateur.
*
Tout comme Meredith l’avait dit, Riley et ses collègues furent accueillis sur le tarmac à O’Hare par une paire d’agents de la police ferroviaire en uniforme. Ils se présentèrent tous, puis Riley et ses collègues montèrent dans leur véhicule.
« Nous ferions mieux de nous dépêcher, dit le policier côté passager. Les gros bonnets du service ferroviaire sont vraiment sur le dos du chef pour enlever ce corps des rails.
— Combien de temps cela nous prendra-t-il pour arriver là bas ? demanda Bill.
Le policier qui conduisait dit :
— Habituellement une heure, mais il ne nous faudra pas autant de temps.
Il alluma le gyrophare et la sirène, et la voiture se mit à se frayer un chemin à travers le trafic dense de fin d’après-midi. Ce fut un trajet tendu, chaotique et rapide qui les conduisit finalement à travers la petite ville de Barnwell, dans l’Illinois. Après celle-ci, ils franchirent un passage à niveau.
Le policier côté passager montra du doigt.
— On dirait que le tueur a quitté la route juste à côté des voies dans une sorte de véhicule tout terrain. Il a roulé le long des voies ferrées jusqu’à l’endroit où il a tué.
Rapidement, ils s’arrêtèrent et se garèrent à côté d’une zone boisée. Un autre véhicule de police s’y trouvait, ainsi que la camionnette du légiste.
Les arbres n’étaient pas très denses. Les agents menèrent directement Riley et ses collègues à la voie ferrée, qui se trouvait à une cinquantaine de mètres seulement.
Juste à ce moment-là, la scène du crime apparut.
Riley déglutit difficilement face à ce qu’elle voyait.
Tout à coup, disparues étaient des images ringardes de vilains moustachu et demoiselles en détresse.
Tout ceci était trop réel – et trop horrible.
CHAPITRE CINQ
Pendant un long moment, Riley resta le regard fixé sur le corps sur les rails. Elle avait vu des cadavres mutilés de toutes les manières horribles possibles. Même ainsi, cette victime présentait un spectacle particulièrement choquant. La femme avait été décapitée net par les roues du train, presque comme par une lame de guillotine.
Riley fut surprise que le corps sans tête de la femme ne semble pas avoir été touché par le train qui était passé par dessus. La victime était fermement ligotée avec du ruban adhésif, ses mains et ses bras collés sur les côtés et ses chevilles serrées ensemble. Vêtu de ce qui avait été une tenue attirante, le corps était vrillé dans une position désespérée et tordue. Là où son cou avait été tranché, du sang avait giclé sur les pierres, les traverses et le rail. La tête avait été projetée à un mètre quatre-vingt ou deux mètres du talus des voies. Les yeux et la bouche de la femme étaient grand ouverts, en direction du ciel, dans une expression d’horreur figée.
Riley vit plusieurs personnes autour du corps, certaines portant des uniformes, d’autres non. Riley supposa qu’ils s’agissait d’un mélange de policiers locaux et d’agents de la sûreté ferroviaire. Un homme en uniforme s’avança vers Riley et ses collègues.
« Vous êtes les gars du FBI, je suppose. Je suis Jude Cullen, chef adjoint de la police ferroviaire de la région de Chicago ‒ “Bull” Cullen, les gens m’appellent comme ça, dit-il.
Il semblait fier du surnom. Riley savait d’après ses recherches que “Bull” était l’argot habituel pour désigner un officier de la Sûreté Ferroviaire. En fait, dans l’organisation de la police des chemins de fer, ils détenaient les titres d’agent et d’agent spécial, un peu comme au FBI. Celui-ci préférait apparemment le terme plus générique.
— C’était mon idée de vous faire venir ici, continua Cullen. J’espère que le voyage en vaut la peine. Le plus tôt nous pouvons éloigner le corps d’ici, le mieux ce sera.
Pendant que Riley et ses collègues se présentaient, elle examina Cullen. Il avait l’air remarquablement jeune et avait un physique exceptionnellement musclé, ses bras saillants sous les manches courtes de l’uniforme et la chemise tendue sur sa poitrine.
Le surnom de “Bull” lui allait plutôt bien, pensa-t-elle. Mais Riley se trouvait toujours rebutée plutôt qu’attirée par des hommes qui passaient manifestement beaucoup de temps dans une salle de sport pour avoir cette apparence.
Elle se demandait comment un mec musclé comme Bull Cullen trouvait le temps pour autre chose. Puis elle remarqua qu’il ne portait pas d’alliance. Elle en déduisit que sa vie devait tourner autour de son travail et du sport, et pas grand-chose d’autre.
Il semblait être de bonne composition et pas particulièrement choqué par la nature exceptionnellement macabre de la scène de crime. Bien sûr, il était là depuis quelques heures maintenant ‒ assez longtemps pour être en quelque sorte un peu insensibilisé. Même ainsi, l’homme frappa immédiatement Riley comme étant plutôt vaniteux et superficiel.
Elle lui demanda :
— Avez-vous identifié la victime ?
Bull Cullen acquiesça.
— Ouais, elle s’appelait Reese Fisher, trente-cinq ans. Elle vivait près d’ici à Barnwell, où elle travaillait comme bibliothécaire. Elle était mariée à un chiropracteur.
Riley regarda les voies de chaque côté. Ce tronçon était courbé, donc elle ne pouvait pas voir très loin dans les deux directions.
— Où est le train qui l’a écrasée ? demanda-t-elle à Cullen.
Cullen pointa du doigt :
— Environ huit cent mètres par là-bas, exactement là où il s’est arrêté.
Riley remarqua un homme obèse, en uniforme noir, accroupi près du corps.
— C’est le médecin légiste ? demanda-t-elle à Cullen.
— Ouais, laissez moi vous présenter à lui. C’est le légiste de Barnwell, Corey Hammond.
Riley s’accroupit à côté de l’homme. Elle sentait que, contrairement à Cullen, Hammond luttait toujours pour contenir son choc. Sa respiration était haletante ‒ en partie à cause de son poids, mais aussi, soupçonnait-elle, de la répulsion et de l’horreur. Il n’avait sûrement jamais rien vu de tel dans sa juridiction.
— Que pouvez-vous nous dire jusque là ? demanda Riley au légiste.
— Aucun signe d’agression sexuelle visible, dit Hammond. C’est cohérent avec l’autopsie de l’autre victime par le légiste il y a quatre jours, près d’Allardt.
Hammond désigna des lambeaux de large scotch argenté autour du cou et des épaules de la femme.
— Le tueur lui a attaché les mains et les pieds, puis a scotché son cou sur le rail et lui a immobilisé les épaules. Elle a dû lutter comme une folle pour tenter de se dégager. Mais elle n’avait pas une chance.
Riley se tourna vers Cullen et demanda :
Sa bouche n’était pas bâillonnée. Est-ce que quelqu’un l’aurait entendue crier ?
— Nous ne pensons pas, dit Cullen en montrant des arbres. Il y a des maisons de l’autre côté de ces bois, mais elles ne sont pas à portée de voix. Une paire de mes hommes a fait du porte à porte pour demander si quelqu’un avait entendu quelque chose ou avait une idée de ce qui se passait au moment du meurtre. Personne ne savait. Ils ont tout découvert à la télévision ou sur Internet. Ils ont reçu l’ordre de rester loin d’ici. Jusqu’à présent, nous n’avons eu aucun problème avec les badauds.
— Est-ce qu’il semble qu’on lui ait volé quelque chose ? demanda Bill.
Cullen haussa les épaules.
— Nous ne pensons pas. Nous avons trouvé son sac à main juste à côté d’elle, et elle avait toujours sa carte d’identité, de l’argent et des cartes de crédit. Oh, et un téléphone portable.
Riley étudia le corps, essayant d’imaginer comment le tueur avait réussi à placer la victime dans cette position. Parfois, elle pouvait avoir un sentiment puissant, même étrange du tueur juste en se mettant au diapason de son environnement sur une scène de crime. Parfois, il lui semblait presque qu’elle pouvait entrer dans son esprit, savoir ce qu’il avait en tête quand il avait commis le meurtre.
Mais pas maintenant.
Les choses étaient trop désordonnées ici, avec tous ces gens qui allaient et venaient.
— Il a dû la maîtriser d’une manière ou d’une autre avant de l’attacher comme ça. Qu’en est-il de l’autre personne, de la victime qui a été tuée avant ? Le légiste local a-t-il trouvé des drogues dans son corps ? dit-elle.
— Il y avait flunitrazepam dans son sang, dit le légiste Hammond.
Riley jeta un coup d’œil à ses collègues. Elle savait ce qu’était que le flunitrazépam, et elle savait que Jenn et Bill le savaient aussi. Son nom commercial était le Rohypnol, et il était communément connu sous le nom de drogue du viol ou de “Roofies”. C’était illégal, mais bien trop facile à acheter dans la rue.
Et il aurait certainement endormi la victime, la rendant impuissante mais peut-être pas totalement inconsciente. Riley savait que le flunitrazépam affectait la mémoire une fois qu’il avait disparu. Elle frissonna pour réaliser …
Il a très bien pu se dissiper juste ici – juste avant sa mort.
Si c’était le cas, la pauvre femme n’aurait eu aucune idée du comment ou du pourquoi une chose si terrible lui était arrivée.
Bill se gratta le menton en regardant le corps.
— Alors peut-être que ça a commencé avec une rencontre du genre rendez-vous puis viol, avec le tueur qui glisse la drogue dans sa boisson dans un bar ou une fête ou quelque chose comme ça, dit-il.
Le légiste secoua la tête.
— Apparemment non, dit-il. Il n’y avait aucune trace de la drogue dans l’estomac de l’autre victime. Ça doit lui avoir été administré en injection.
— C’est bizarre, dit Jenn.
Le chef adjoint Bull Cullen la regarda avec intérêt.
— Pourquoi ça ? demanda-t-il.
Jenn haussa légèrement les épaules.
— C’est un peu difficile à imaginer, c’est tout. Le flunitrazépam ne fait pas effet immédiatement, peu importe la façon dont il est administré. Dans une situation où il s’agit d’un rendez-vous suivi d’un viol, cela n’a généralement pas d’importance. La victime, sans méfiance, prend peut-être quelques verres avec son futur agresseur, commence à se sentir mal à l’aise sans trop savoir pourquoi, et rapidement elle se retrouve impuissante. Mais si notre tueur l’avait injectée avec une aiguille, elle aurait tout de suite su qu’elle avait des problèmes, et aurait eu quelques minutes pour résister avant que la drogue ne prenne effet. Ça n’a pas l’air … très efficace.
Cullen sourit à Jenn ‒ d’une façon un peu séductrice, pensa Riley.
— Ça me paraît sensé, dit-il. Laissez moi vous montrer.
Il passa derrière Jenn, qui était nettement plus petite que lui. Il commença à passer son bras autour de son cou. Jenn s’écarta d’un pas.
— Eh, qu’est-ce que vous faites ? dit Jenn.
— Juste une démonstration. Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vraiment vous faire de mal.
Jenn lui jeta un regard méprisant et garda ses distances avec lui.
— C’est certain, ce ne sera pas le cas, dit-elle. Et je suis presque sûre de savoir ce que vous avez en tête. Vous pensez que le tueur a utilisé une sorte de prise d’étranglement.
— C’est correct, dit Cullen, toujours souriant. Plus précisément, une prise communément appelée étranglement sanguin.
Il tourna son bras pour illustrer son point de vue.
— Le tueur l’a approchée sans qu’elle s’y attende par derrière, puis a plié son bras comme ça autour de son cou. La victime pouvait encore respirer, mais ses artères carotides étaient complètement obstruées, coupant le flux sanguin vers le cerveau. La victime a perdu connaissance en quelques secondes. Ensuite, il était facile pour le tueur d’administrer une injection qui l’a rendue impuissante pendant une période plus longue.
Riley pouvait aisément sentir la tension entre Cullen et Jenn. Cullen était de toute évidence un “mansplainer” typique dont l’attitude envers Jenn était condescendante ainsi que séductrice.
Jenn ne l’aimait manifestement pas du tout, et Riley ressentait la même chose. Cet homme était superficiel, avec une interprétation médiocre du comportement correct à adopter quand il s’agissait d’échanger avec une collègue ‒ et une perception encore pire de la manière de se comporter sur les lieux d’un meurtre.
Malgré tout, Riley devait admettre que la théorie de Cullen était solide.
Il était peut-être détestable, mais il n’était pas stupide.
En fait, cela pourrait être vraiment utile de travailler avec lui.
Enfin, si nous pouvons supporter sa présence, songea Riley.
Cullen s’écarta des voies et descendit la pente pour désigner un espace qui avait été délimité par de la rubalise.
— Nous avons quelques traces de pneus, depuis là où il est arrivé après avoir tourné sur la route principale au passage à niveau. Ce sont de grosses traces – de toute évidence un véhicule tout terrain. Il y a aussi quelques empreintes de pas.
— Demandez à vos agents de prendre des photos de tout ça. Nous les enverrons à Quantico et demanderons à nos techniciens de les entrer dans notre base de données, dit Riley.
Cullen resta un instant mains sur les hanches, parcourant la scène de crime avec ce qui semblait presque être aux yeux de Riley un sentiment de satisfaction.
— Je dois dire que c’est une nouvelle expérience pour moi et mes gars. Nous sommes habitués à enquêter sur des vols de marchandises, du vandalisme, des collisions, etc. Les meurtres sont rares et éloignés dans le temps. Et quelque chose comme ça ‒ eh bien, nous n’avons jamais rien vu de tel auparavant. Bien sûr, je suppose que ce n’est rien de tellement spécial pour vous les gens du FBI. Vous êtes habitués.
Cullen ne reçut aucune réponse et resta silencieux pendant un moment. Puis il regarda Riley et ses collègues et dit :
— Enfin, je ne veux pas vous faire perdre trop de votre précieux temps. Donnez-nous un profil, et mon équipe prendra le relais à partir de là. Vous pourrez rentrer chez vous aujourd’hui, à moins que vous ne vouliez vraiment passer la nuit ici.
Riley, Bill et Jenn se regardèrent avec surprise.
Pensait-il sérieusement qu’ils pourraient conclure leur travail ici aussi rapidement ?
— Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous voulez dire, dit Riley.
Cullen haussa les épaules.
— Je suis sûr que vous avez déjà déterminé quelques éléments qui pourraient servir pour un profil maintenant. C’est ce pour quoi vous êtes ici, après tout. Qu’est-ce que vous pouvez me dire ?
Riley hésita un moment.
Puis elle dit :
— Nous pouvons vous donner quelques généralités. Statistiquement, la plupart des meurtriers qui laissent le corps sur les lieux du crime ont déjà un casier judiciaire. Plus de la moitié d’entre eux ont entre quinze et trente-sept ans – et plus de la moitié sont afro-américains, occupent un emploi à temps partiel et ont au moins un diplôme d’études secondaires. Certains de ces tueurs ont déjà eu des problèmes psychiatriques, et certains ont été dans l’armée. Mais …
Riley hésita.
— Mais quoi ? demanda Cullen.
— Essayez de comprendre ‒ rien de tout cela n’est vraiment utile, du moins pas pour le moment. Il y a toujours des cas particuliers. Et notre tueur commence déjà à y ressembler. Par exemple, le genre de tueur dont nous parlons a habituellement une sorte de motivation sexuelle. Mais cela ne semble pas être le cas ici. Je suppose que celui-ci n’est pas ordinaire à bien des égards. Peut-être n’est-il pas typique du tout. Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour éliminer des possibilités.
Pour la première fois depuis son arrivée, l’expression de Cullen s’assombrit un peu.
— Et je veux que son portable soit immédiatement envoyé à Quantico. Et le portable de l’autre victime aussi. Nos techniciens doivent voir s’ils peuvent en tirer des informations, ajouta Riley.
Avant que Cullen ne puisse répondre, son propre téléphone vibra et il fronça les sourcils.
— Je sais déjà qui c’est. C’est l’aiguilleur du rail, qui veut savoir s’il peut faire repartir les trains. La ligne a déjà trois trains de marchandises bloqués et un train de passagers en retard. Il y a une nouvelle équipe prête à éloigner le train qui est toujours sur les rails. Pouvons-nous encore déplacer le corps ? »
Riley acquiesça et dit au légiste :
— Allez-y, mettez-la dans votre camionnette.
Cullen se détourna et prit l’appel, pendant que le légiste rappelait ses assistants et se mettait au travail avec le corps.
Quand Cullen eut terminé avec son appel, il semblait vraiment être de mauvaise humeur.
— Donc je suppose que vous allez faire comme chez vous pendant un moment, dit-il à Riley et ses collègues.
Riley pensait qu’elle commençait à comprendre ce qui le dérangeait. Cullen avait indéniablement hâte de résoudre une affaire sensationnelle, et il ne s’attendait pas à ce que le FBI lui vole la vedette.
— Écoutez, nous sommes ici à votre demande. Mais je pense que vous aurez besoin de nous ‒ encore un peu plus de temps en tout cas », dit-elle.
Cullen secoua la tête et dansa d’un pied sur l’autre.
Puis il dit :
— Et bien, nous ferions mieux d’aller tous au poste de police de Barnwell. Nous avons quelque chose de très désagréable à gérer là-bas.