Kitabı oku: «Sous Surveillance », sayfa 17
CHAPITRE TRENTE-TROIS
Riley reconnut le bruit familier de Bricks and Crystal explosant leur interprétation grunge de « Rings of Fire ».
Il faisait nuit. L'air empestait la bière et la cigarette.
Il lui fallut un moment pour réaliser qu'elle se trouvait dans le patio du Centaur's Den, seule à une table. Elle regardait une foule de jeunes se déchaîner au son de la musique sur le dancefloor.
Mais les danseurs ne souriaient pas et ne semblaient pas heureux.
Ils avaient tous l'air effrayés.
Leurs mouvements semblaient convulsifs et involontaires, comme s'ils ne voulaient pas danser.
Elle se demanda quelle horrible force intérieure les contrôlaient.
Puis, la musique entêtante commença à s'emparer d'elle. Elle sentit l'appel de la danse, un besoin puissant de rejoindre les autres.
Non, se dit-elle. C'est dangereux. N'y va pas.
Elle inspira lentement, profondément, essayant d'écarter ce terrible besoin...
Connecte-toi avec cette énergie ch'i, se dit-elle.
Elle savait qu'elle en aurait bientôt besoin.
Alors qu'elle regardait, elle vit quelque chose de sombre se répandre sur le sol, sous les pieds des danseurs de plus en plus désespérés.
C'était du sang !
Des marres de sang se répandaient et s'agrandissaient sur le sol sur lequel dansaient les gens.
Elle savait qu'elle aurait dû partit maintenant. Elle devait trouver d'où venait le sang.
Riley se leva en tremblant et marcha vers les danseurs. Elle sentit ses propres chaussures coller dans le sang. Elle continua de respirer lentement, résistant au besoin de commencer à danser.
Elle se trouvait à présent au milieu des danseurs, étudiants leurs visages de près.
Elle réalisa qu'elle les avaient tous vus ici avant. Elle ne connaissait pas leurs noms, mais leurs visages étaient ancrés dans son esprit.
Puis elle tomba sur une silhouette couchée au sol.
C'était une fille. Du sang sombre et éclatant jaillissait d'une large plaie dans sa gorge.
Riley hoqueta.
Elle vit alors une fille serrer sa gorge alors que du sang se mettait à en jaillir et tomber en se tordant sur le sol.
La même chose arriva à une autre fille... puis une autre... et encore une...
Tandis que les autres danseurs continuaient de se déchaîner au son de la musique, le sol se recouvrait de filles aux gorges tranchées, et le sang devenait plus profond.
Quelqu'un les assassinait.
Où était-elle ?
Comment pouvait-elle l'arrêter ?
Ses yeux passaient d'un visage masculin à un autre. Si elle pouvait juste le voir, elle saurait que c'était lui...
Riley se réveilla brusquement. La lumière du jour se déversait par la fenêtre du grenier.
C'était le matin, et elle avait dormi sur son futon déplié.
Elle se redressa lentement, surprise par les courbatures et les douleurs qu'elle ressentit. Elle regarda autour d'elle et vit que la pièce était en désordre. Des morceaux de la lampes cassée jonchaient encore le sol.
Les souvenirs de sa lutte désespérée avec son agresseur bien plus grand lui revinrent en mémoire.
Elle sourit un peu en pensant...
Je l'ai battu. Je l'ai mis au tapi.
Mais la plupart du reste de sa soirée était un peu embrumé et vague.
Sa tête et son estomac lui faisaient mal, et pas seulement à cause du combat. Elle se rappela avoir bu bien plus qu'une seule bière la nuit dernière. Il se pouvait qu'elle ait un peu la gueule de bois.
Je dois me lever, pensa-t-elle. Il me faut du café.
Elle attrapa des vêtements, se rafraîchit un peu dans la salle de bain du deuxième étage, puis se dirigea vers la cuisine au rez-de-chaussée.
Elle y trouva Gina, s'affairant activement au-dessus de la cuisinière.
Lorsque celle-ci vit Riley, elle courut vers elle et la prit dans ses bras. Riley grogna et grimaça.
— Oh, je suis désolée, dit Gina en la relâchant. Tu dois avoir mal partout. Je prépare des œufs brouillés. Tu en veux ?
— Bien sûr, merci.
Riley traversa la cuisine, prenant le jus d'orange dans le réfrigérateur et une tasse de café fraîchement préparé. Puis elle s'assit à table.
— Comment tu as dormi cette nuit ? demanda Gina, répartissant les œufs brouillés et des toasts dans des assiettes.
— Comme une souche.
— J'en suis contente, dit Gina. J'ai fais beaucoup de cauchemars.
Riley frissonna en se rappelant de son rêve mais décida de ne pas en parler.
Gina posa les assiettes sur la table et s'assit avec elle. Cette dernière réalisa qu'elle n'avait pas encore vu ses trois autres colocataires.
— Où sont les autres ? demanda Riley en commençant à manger.
— Tu les as ratées, elles sont parties un peu plus tôt pour aller prendre le petit-déjeuner ailleurs. Elle étaient assez secouées et voulaient sortir de la maison.
Riley mangea en silence un moment. Elle se demanda si les autres avaient voulu l'éviter. Elles n'étaient peut-être pas contentes qu'elle ait invité un tueur à leur soirée et que les policiers aient envahis leur maison.
— Tu es sûre que ça va ? demanda Gina.
Puis elle eut un rire nerveux.
— Je veux dire, c'est normal si tu ne vas pas bien. Parfaitement compréhensible. Je devrais peut-être juste me taire.
Riley secoua la tête.
— J'essaye encore de comprendre tout ça, tout ce qui s'est passé la nuit dernière.
Gina tendit la main et la posa sur l'épaule de Riley.
— Ce qui s'est passé était... tu es un genre de héros, Riley ! Tu as mis ce gars KO toute seule ! C'était incroyable. Comment tu as fait ?
Riley haussa les épaules. Toute de suite, cela semblait être une bonne question...
Comment j'ai fait ?
— En tout cas, tu as fait quelque chose de vraiment très bien, continua Gina. Les flics détiennent ce gars maintenant. Il ne tuera plus jamais quelqu'un d'autre.
Riley sentit une secousse en repensant à ce que Crivaro lui avait dit...
« Ce n'était pas lui. Ce gamin n'a jamais tué personne dans sa vie. »
Elle se rappela à quel point ces mots l'avaient énervée. Et maintenant, la colère revenait avec la même force.
Crivaro devait se tromper. Comment Leon pouvait-il ne pas être le tueur ?
Il avait même un couteau ! se dit-elle.
La police avait semblé le trouver coupable autant qu'elle-même le pensait. Cela la troublait beaucoup que Crivaro ne soit pas de cet avis. Et si il réussissait à convaincre les policiers que Leon n'était pas du tout le tueur ?
Et s'ils le relâchaient simplement ?
D'une certaine façon, il lui semblait de sa responsabilité d'empêcher cela d'arriver.
Elle continua à manger, ne prêtant pas vraiment attention au bavardage incessant de Gina. Lorsqu'elle eut fini, elle l'a remercia pour le petit-déjeuner et quitta la maison.
Mais elle s'interrogea, où voulait-elle aller et que voulait-elle faire ?
Sa seule certitude était d'avoir laissé quelque chose d'inachevé, quelque chose dont elle devait s'occuper.
Si Leon était vraiment le tueur, et elle était certaine que c'était le cas, il lui incombait de le prouver une fois pour toute. Si elle ne le faisait pas, d'autres personnes seraient forcément tuées.
Mais elle n'avait aucune idée de la façon de s'y prendre.
Pendant un moment, Riley erra sans but le long de la ligne d'arbres bordant le campus. Elle fut alors étonnée de réaliser que ses pas l'avaient amenée jusqu'au Centaur's Den. Elle s'arrêta et regarda autour d'elle, sans savoir si elle était venue ici exprès ou par accident.
Elle fut surprise de voir la porte d'entrée grande ouverte. Elle était certaine que l'établissement n'ouvrait pas si tôt le dimanche.
Mais cette porte ouverte ressemblait à une invitation.
Elle frissonna. Son rêve de la nuit dernière s'était déroulé ici. Voulait-elle vraiment y rentrer aujourd'hui ?
Sans répondre à sa propre question, Riley alla jusqu'à la porte et jeta un coup d’œil à l'intérieur.
Un homme en salopette lessivait le sol. Elle devina qu'il avait dû laisser la porte ouverte simplement pour permettre d'aérer l'endroit pendant qu'il nettoyait.
Un picotement de curiosité la parcourut. Elle rentra et interpella l'homme de ménage...
— Excusez-moi, monsieur...
L'homme releva les yeux de sa serpillière.
Riley réfléchit rapidement, essayant de trouver quelque chose à dire.
— Heu, je pense que j'ai perdu un bijoux ici la nuit dernière. Est-ce que je peux rentrer pour regarder ?
— Quel genre de bijoux ? demanda l'homme.
— Une jolie boucle d'oreille. Ma tante me l'avait donnée. Ce serait terrible si je l'avais perdu.
L'homme secoua la tête.
— J'ai nettoyé ici, et je ne suis tombé sur rien de tel.
Essayant d'avoir l'air plus insistante, Riley ajouta...
— C'est vraiment petit, il est possible que vous l'ayez raté. Je l'ai peut-être perdue dans le patio. Elle est peut-être tombée dans l'un des pots de fleurs. S'il vous plaît, laissez-moi regarder.
L'homme haussa les épaules.
— Comme vous voulez, allez voir, dit-il, reprenant son nettoyage.
Riley le remercia et passa devant le bar en direction du patio. Lorsqu'elle arriva au dancefloor extérieur, elle resta là à se demander...
Qu'est-ce que j'essaye de faire ?
Qu'est-ce que je cherche ?
Elle réalisa alors qu'elle devait recréer ce qui était arrivé à Trudy lors de cette terrible nuit.
Elle se rappelait arriver ici avec son amie, puis plus tard, son inquiétude en ne la voyant plus parmi les danseurs, suivit de sa panique grandissante tandis qu'elle se frayait un chemin jusqu'au bar, pour finalement la trouver en bas dans un box avec Harry Rampling.
Elle se souvint également du récit de Harry concernant la suite des événements, de quelle façon il avait raccompagné Trudy au dortoir jusqu'à ce qu'il se fasse distraire par deux de ses potes, puis Trudy avait disparu.
Il avait dit la vérité, bien sûr. Mais à présent, Riley s’interrogeait...
Leon était-il là cette nuit, lui aussi ?
Avait-il surveillé Trudy, la traquant, attendant une chance de la trouver seule ?
Le cauchemar de ce matin commençait à lui revenir. Dans ce rêve, elle avait pu identifier clairement le visage des danseurs.
Pouvait-elle faire cela maintenant ?
Se tenant au milieu du patio, elle ferma les yeux et repensa à ce moment terrifiant lorsqu'elle avait remarqué la disparition de Trudy. Elle l'avait cherché parmi les danseurs.
Elle fut surprise de la précision avec laquelle la scène lui revint à l'esprit. Tout comme dans son rêve, elle voyait clairement les visages des personnes se trouvant sur le dancefloor cette nuit là.
Mais tout bougeait trop vite.
Elle ralentit ses impressions, essayant de se rappeler, essayant de voir les visages individuellement à nouveau, un par un jusqu'à...
Non, réalisa-t-elle. Il n'était pas ici en train de danser.
Mais en périphérie de sa vision mentale, quelque chose au niveau d'une table à proximité attira son attention.
Dans son esprit, elle se tourna pour regarder. Leon était là, assis avec une fille, discutant avec elle.
Riley ouvrit brusquement les yeux et vit la table, à présent vide dans la lumière du soleil.
Était-ce réel ? se demanda-t-elle.
Ou était-ce seulement le fruit de son imagination ?
Elle ferma à nouveau les yeux. Et il était là, toute son attention tournée vers la jeune femme séduisante assise en face de lui.
Riley en était certaine, maintenant. Elle avait vraiment aperçu Leon pendant ces moments de panique passés à chercher sa colocataire.
Mais elle savait aussi maintenant que Leon n'avait pas traqué du tout Trudy.
Il n'avait même pas fait attention à elle. Toute son attention avait été tournée vers cette fille assise avec lui.
Riley frissonna profondément en repensant aux paroles de Crivaro...
« Ce gamin n'a jamais tué personne dans sa vie. »
Et elle savait maintenant...
Crivaro avait raison et j'avais tort.
J'aurais dû le croire.
Sa tête se mit soudainement à tourner et elle se sentit horriblement étourdie et nauséeuse.
Sans s'arrêter de penser, elle courut aux toilettes, se rua à l'intérieur et ferma la porte derrière elle.
Elle vomit alors violemment.
Qu'est-ce qui m'arrive ? se demanda-t-elle.
Qu'est-ce qui se passe ?
CHAPITRE TRENTE-QUATRE
Lorsque les vomissements cessèrent, Riley était penchée, haletante, au dessus des toilettes.
Qu'est-ce qui m'arrive ? se demanda-t-elle une nouvelle fois. Elle était rarement malade. Pourquoi cela arrivait maintenant ?
Bien sûr, elle venait tout juste d'éprouver un terrible choc en réalisant à quel point elle s'était trompée sur Leon.
Elle fut prise d'un découragement accablant à l'idée que les meurtres étaient loin d'être résolus, et elle fut submergée d'horreur en réalisant que le tueur était toujours en liberté.
Et, elle se rappela aussi qu'elle avait encore la gueule de bois...
Ses pensées furent interrompues lorsque quelqu'un frappa à la porte.
Elle entendit la voix de l'homme de ménage...
— Eh, mademoiselle, tout va bien là-dedans ?
Riley soupira et toussa.
— Je vais bien, dit-elle d'une voix râpeuse.
Elle alla au lavabo se rincer le visage et essayer de se redresser un peu. Puis elle sortit des toilettes, où se trouvait encore l'homme de ménage, la bouche grande ouverte.
— Avez-vous trouvé que ce que vous cherchiez ?
— Non, mais merci de m'avoir laissé regarder.
Sans un autre mot, elle se dépêcha de lui passer devant et de sortir. Sur le chemin le long d'une rue, son estomac se calma un peu, mais son cerveau continuait de tournoyer.
J'avais tort, se dit-elle une nouvelle fois.
Le tueur est toujours en liberté.
Et les policiers ne le savaient pas. Mais l'agent Crivaro savait, et elle aussi à présent. Riley sentait un besoin désespéré de réparer son erreur, et de le faire tout de suite.
Mais que pouvait-elle faire ? Comment pouvait-elle découvrir quoi que ce soit que l'agent du FBI ne sache pas déjà ?
Son esprit semblait avoir été vidé de toute idée sur le tueur. Il fallait qu'elle recommence à y réfléchir, chercher de nouvelles informations, tout recommencer.
Elle accéléra le pas en réalisant à quel endroit elle pourrait trouver les renseignements dont elle avait besoin. Avec l'impression d'avoir un nouveau but, elle se dirigea vers la bibliothèque du campus qui venait tout juste d'ouvrir pour la journée. Une fois à l'intérieur, elle se rendit directement à la longue table sur laquelle se trouvaient les ordinateurs servant de catalogues de référencement. Alors qu'elle s'asseyait et commençait ses recherches, elle entendit une voix murmurer provenant de l'autre côté de la table...
— Riley Sweeney !
Elle releva les yeux et vit le Professeur Hayman qui lui jetait un coup d’œil par dessus son propre ordinateur.
Il lui sourit et murmura...
— Cela fait plaisir de vous voir étudier en ce charmant dimanche matin !
Mais son expression joyeuse se transforma en inquiétude.
— Riley, vous allez bien ? Que s'est-il passé ?
Pendant un moment, Riley se demanda ce qu'il voulait dire par là.
Mais elle se rappela alors les bleus sur son visage.
Celle-ci lui sourit faiblement.
— Je vais bien, Professeur Hayman.
Puis elle baissa la tête pour se concentrer sur son propre écran d'ordinateur.
Même si elle appréciait son professeur de psychologie, elle ne voulait parler à personne en ce moment, pas même lui.
Elle tapa la recherche du livre qu'elle voulait et fut soulagée de constater qu'il n'avait pas été emprunté.
Elle se leva alors et monta un étage pour prendre le livre sur son étagère, Esprits Obscurs : la personnalité homicide révélée, par le Dr. Dexter Zimmerman. Tout en commençant à le feuilleter, elle alla s'installer à la table d'étude la plus proche.
Bien sûr, elle l'avait lu et relu plusieurs fois avant de rendre au Professeur Hayman son exemplaire. Mais elle l'avait trouvé d'une telle richesse d'idées et de connaissances, il lui avait semblé trouver de nouvelles révélations dans ses pages à chaque fois qu'elle l'avait ouvert.
Et c'était ce dont elle avait besoin tout de suite...
Une nouvelle révélation sur l'esprit des tueurs.
Elle tourna les pages jusqu'au dernier chapitre, dans lequel le Dr. Zimmerman résumait ses découvertes et proposait des pensées plus poussées. Un paragraphe en particulier attira rapidement son regard...
Dans ce livre, j'ai exploré avec une certaine profondeur la personnalité homicide. Hélas, de nombreux aspects des tueurs en série ne bénéficient pas de recherches, y compris certains n'ayant pas de rapport direct avec l'esprit criminel. Quel genre de traumatisme mental une communauté subit-elle lorsqu'elle est en proie à des meurtres en série ?Est-ce qu'un groupe victimisé, grand ou petit, guérit de ses blessures psychiques collectives rapidement, lentement ou pas du tout ?
Riley faillit tourner la page, pensant que ce passage n'avait rien à voir avec son dilemme actuel. Mais elle fut prise de l'étrange intuition qu'elle venait de trouver ce qu'elle cherchait.
Elle continua de lire...
C'est un problème que je souhaiterais étudier moi-même. Et pourtant, à ce stade, je dois confesser que je ne sais pas comment procéder. Les problèmes éthiques à eux-seuls laissent perplexe le corps académique. Comment transformer une communauté particulière, un quartier de petite ville, ou même le campus d'une faculté, en un laboratoire permettant de conduire une telle étude ? Il n'est pas possible de lâcher un tueur en série parmi un groupe de personnes pour étudier les réactions de celui-ci. Et pourtant, il doit exister une façon d'examiner cette question importante...
Zimmerman continuait ensuite à lever d'autre questions qui méritaient des recherches selon lui. Mais Riley les ignora et relu le même passage plusieurs fois. Une horreur dévorante s'insinua en elle au moment où elle allait envisager l'impensable.
Non, se dit-elle, essayant de chasser de telles idées de son esprit.
Je dois me tromper.
Ce n'est pas possible.
Mais à présent, elle se remémorait ce qu'elle ressentait en présence du Dr. Zimmerman avant qu'elle n'apprenne à mieux le connaître, à quel point elle le trouvait sensible et câlin, tellement obsédé par les embrassades et les bons sentiments.
Elle avait changé d'avis après leur première conversation, elle en était arrivé à l'apprécier, le respecter et l'admirer. Il semblait même la comprendre et l'apprécier comme personne d'autre, à l'exception de l'agent Crivaro.
Plus que tout, Riley en était venue à le croire.
Elle avait le sentiment de pouvoir lui parler de tout.
Pour combien d'autres étudiants était-ce le cas ?
Combien d'étudiants, d'étudiantes même, pouvaient ne pas se sentir le moins du monde inquiets s'ils rencontraient ce gentleman amical, ridé et souriant sur les chemins du campus la nuit ?
S'ils le connaissaient ne serait-ce qu'un tout petit peu, ne seraient-ils pas ravis de se lancer dans une conversation intéressante avec un homme des plus intéressants ?
Pouvaient-ils même l'inviter dans leurs chambres simplement pour continuer de lui parler ?
Après tout, comment pourraient-ils suspecter le moindre danger ?
Riley frissonna profondément lorsqu'elle relut la phrase...
Comment transformer une communauté particulière, un quartier de petite ville, ou même le campus d'une faculté, en un laboratoire permettant de conduire une telle étude ?
Riley secoua la tête, essayant de chasser cette idée.
Non, pensa-t-elle. C'est juste trop fou.
Il était certain que personne ne serait assez malade au point de tuer des gens pour le bien d'une étude académique, encore moins un homme gentil et sensible comme le Dr. Zimmerman.
Et pourtant...
Est-ce qu'elle ne le voyait pas juste là dans son livre, écrit noir sur blanc ?
Était-ce possible qu'il ait transformé l'Université de Lanton en son parfait laboratoire ?
Riley tremblait à présent des pieds à la tête. Même la spacieuse bibliothèque lui semblait soudainement exiguë et oppressante, et en même temps désertée.
Je dois parler à quelqu'un, pensa-t-elle. Quelqu'un qui puisse me dire que je me trompe.
Parce qu'il faut que je me rompe.
Mais comment pouvait-elle bien parler d'une idée tellement folle et tordue ?
Puis il lui vint à l'esprit que le Professeur Hayman avait quelque fois des heures d'ouvertures le dimanche. Elle avait le numéro de son bureau dans son porte-monnaie. Elle se dirigea vers le téléphone payant de la bibliothèque et composa son numéro.
Elle fut soulagée d'entendre le Professeur Hayman répondre plutôt que la messagerie.
Elle se présenta.
— Bonjour Riley, je suis surpris d'avoir de vos nouvelles aujourd'hui. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?
Riley eut du mal à déglutir.
Pouvait-elle vraiment aborder un tel sujet au téléphone ?
— Professeur Hayman, bégaya-t-elle, si... si vous êtes dans votre bureau, est-ce que je pourrais... ?
La voix du Professeur Hayman semblait à présent pleine d'inquiétude.
— Venir pour parler ? Bien sûr. Où êtes-vous en ce moment ?
— A la bibliothèque.
— Alors, venez.
Lorsqu'elle raccrocha, Riley réalisa qu'elle ne se sentait pas du tout soulagée d'avoir quelqu'un à qui parler de sa terrible intuition.
Que penserait Hayman du fait qu'elle puisse imaginer une telle possibilité ?
Riley récupéra le livre du Dr. Zimmerman et enregistra son emprunt. Elle quitta la bibliothèque et se dirigea vers le bâtiment de psychologie. Avant qu'elle n'atteigne sa destination, elle fut surprise de voir que le Professeur Hayman était venu vers elle pour la rencontrer en chemin.
— Riley, vous aviez l'air bouleversée, dit-il alors qu'ils se rapprochaient tous deux.
Il l'observa de plus près.
— Quel est le problème ? Que vous est-il arrivé ? Avez-vous été agressée ?
Riley se rendit soudainement compte qu'elle devait avoir l'air affreuse. En plus des bleus, elle était certaine d'être maintenant blanche comme une feuille à cause du choc.
Elle essaya de lui expliquer tandis qu'ils marchaient tous les deux...
— Un gars a essayé de me sauter dessus lors d'une soirée la nuit dernière. Il a essayé de me violer en fait. Ne vous en faites pas, je l'ai repoussé.
Elle rigola nerveusement.
— Croyez-moi, il à l'air dans un état bien pire que le mien en ce moment. La police est venue l'arrêter.
— Est-ce que la police pense... je veux dire... dit Hayman.
Riley comprit ce qu'il voulait demander.
— Les policiers sont quasiment certains que c'est le gars qui a tué ces filles, répondit-elle prudemment.
Hayman laissa échapper un soupire de soulagement audible.
— Alors c'est fini, dieu merci. Il ne tuera plus jamais. Et vous l'avez mis au tapis ! Est-ce que vous réalisez à quel point c'est incroyable, Riley ? Vous êtes une héroïne !
Riley ressentit une émotion poignante à ces mots...
« Une héroïne. »
C'est ce qu'avait dit Gina ce matin.
Ce n'avait pas été déplaisant à entendre alors.
Mais à présent, elle ne se sentait pas comme une héroïne.
Ce mot la faisait se sentir coupable et lui donnait encore plus l'impression de se tromper.
J'ai eu tort, tellement tort, sur toute la ligne.
A sa propre surprise, elle sentit des larmes rouler sur ses joues. Un sanglot s'échappa de sa gorge.
— Riley, vous pleurez.
Riley hocha la tête et d'autres sanglots suivirent.
Hayman la prit doucement par le bras.
— Venez- asseyons-nous et parlons.
Riley s'interrogea à nouveau...
Est-ce que je peux vraiment lui parler de cela ?
Puis elle se dit que peut-être le Professeur Hayman pourrait la raisonner, lui expliquer à quel point elle se trompait sur le Dr. Zimmerman. Elle pouvait sans doute se tromper une nouvelle fois.
Ce serait merveilleux, pensa-t-elle.
Lorsqu'ils arrivèrent au bâtiment de psychologie, le Professeur Hayman déverrouilla la porte d'entrée. Lorsqu'ils rentrèrent, il verrouilla derrière eux. Il l'amena à son bureau et lui offrit un siège.
Puis il contourna son bureau et s'assit dans sa chaise pivotante, la regardant avec une expression d'empathie et de compassion.
Il parla avec précaution...
— Riley, vous savez que je ne dirige pas une clinique psychologique. J'espère que ce n'est pas une erreur, de me parler, j'entends. Tout ce que je veux c'est vous aider. Si vous le souhaitez, je pourrais vous recommander à un thérapeute professionnel...
Riley secoua la tête, ses sanglots commençant à s'estomper un peu.
— C'est bon. Vous pouvez peut-être comprendre. Voyez-vous...
Ses pensées se mirent à tournoyer.
Comment pouvait-elle commencer à expliquer ce à quoi elle pensait ?
Elle se mit à parler très lentement...
— Professeur Hayman... pourriez-vous me dire... Comment vous sentez-vous vis-à-vis du Dr. Zimmerman ?
Hayman eut l'air surpris par la question.
Puis son expression devint celle d'une révérence presque ahurie.
— Je pense le meilleur de lui. Il est mon mentor, mon inspiration. J'ai l'impression que je lui dois... eh bien, simplement tout. Il a été comme un père pour moi.
Riley s'assombrit en se rappelant quelque chose qu'il avait dit à propos de Zimmerman en cours...
« Il est la personne la plus perspicace que j'aie jamais connue dans ma vie. »
Il va vraiment croire que je suis folle, se dit-elle.
Mais à qui d'autre pouvait-elle parler de cela ?
Elle ouvrit le livre du Dr. Zimmerman et trouva le passage qui l'avait tant perturbée. D'une main tremblante, elle passa le livre au Professeur Hayman par-dessus le bureau.
— Pouvez-vous s'il vous plaît lire le troisième paragraphe et... me dire ce que vous en pensez ?
Hayman chaussa une paire de lunette de lecture et lut en silence jusqu'à une phrase qu'il lut à haute voix...
« ... un laboratoire permettant de conduire une telle étude »
Son expression changea tandis qu'il continuait de lire. Il semblait maintenant triste et troublé.
Est-ce qu'il comprend ? se demanda Riley.
Il referma lentement le livre, enleva ses lunettes et regarda un moment dans le vide.
Puis il regarda Riley.
— Riley... Pensez-vous vraiment... ?
Les battements de son cœur s'accélérèrent.
Il comprend ! se dit-elle.
— Je sais que ça a l'air fou...
Le Professeur Hayman secoua lentement la tête.
— Non, j'ai bien peur que ça n'ait pas l'air fou. Je me suis souvent demandé... j'ai souvent pensé... ça m'a traversé l'esprit...
Il se leva de sa chaise, remit ses lunettes et ramassa l'ouvrage volumineux et l'ouvrit à nouveau.
Il commença à faire les cents pas en lisant des passages.
« Les problèmes éthiques à eux-seuls... », « Comment transformer une communauté particulière... », « Il n'est pas possible de lâcher un tueur en série... ».
Toujours penché sur le livre, il commença à contourner son bureau.
— C'est la question, n'est-ce pas ? Pourquoi il n'est pas possible de lâcher un tueur en série dans le campus d'une faculté ; si ce n'est pour le bien de la connaissance scientifique ? Si les connaissances ont assez de valeurs ? Pas le Dr. Zimmerman, bien sûr... pas un homme si gentil, innocent et érudit...
Tandis qu'il marchait près d'elle, Riley commença à sentir un étrange fourmillement de malaise.
— Mais quelqu'un d'autre, continua Hayman, quelqu'un fasciné par ses idées, pourrait très bien prendre sa proposition au mot...
Sans un avertissement, Hayman referma le livre en le claquant et l'envoya contre le côté de la tête de Riley, la faisant voler de sa chaise. Sa tête percuta violemment le plancher.
Elles voyait des chandelles et elle n'avait plus les idées claires.
Elle essaya de se concentrer sur ce qui était en train de se passer, mais ses pensées s'embrouillaient.
Le Professeur Hayman s'accroupit près d'elle et la regarda dans les yeux avec une expression malveillante.
—Il faudrait quelqu'un avec une force de volonté exceptionnelle, dit-il.