Kitabı oku: «Des homicides commis par les aliénés», sayfa 8
CONDITIONS DÉFECTUEUSES D'HÉRÉDITÉ CÉRÉBRALE. – PARESSE – IVROGNERIE. – TROUBLES INTELLECTUELS À PEINE APPRÉCIABLES ET SÉPARÉS PAR DE LONGS INTERVALLES. – ABSENCE DE CRISES IMPULSIVES. – DOUBLE MEURTRE. – RESPONSABILITÉ ATTÉNUÉE
Commis par arrêt de la Cour d'assises de Seine-et-Marne, séant à Melun, en date du 11 mai 1877, à l'effet d'examiner, au point de vue de l'état mental, le nommé M… (Gédéon), inculpé d'homicides, Nous, Médecins soussignés, après avoir prêté serment entre les mains de M. Blanquart-des-Salines, juge d'instruction au tribunal de la Seine, après avoir pris connaissance des pièces du dossier, et avoir longuement et à plusieurs reprises, soit ensemble, soit séparément, visité l'inculpé au dépôt de la Préfecture de police, avons consigné le résultat de notre examen et de nos investigations dans le rapport suivant:
M… âgé de 27 ans, sabotier, demeurant au hameau de l'E… commune de Saint-R… Seine-et-Marne, a l'aspect d'un ouvrier de la campagne, robuste et bien portant. Son attitude et sa physionomie sont tristes, mais calmes; il se présente convenablement, et il répond avec beaucoup de netteté et du ton le plus naturel aux questions que nous lui adressons.
Sans les nombreuses entrevues que nous avons eues avec M… nous n'avons remarqué chez lui ni le désir de se disculper des actes qu'il a commis, ni l'intention de cacher les sentiments qui l'y ont poussé. Nous allons reproduire exactement ce qu'il nous a dit:
«M… est sabotier de son état; pendant la belle saison, il travaille aux champs; il a été à l'école, il aime la lecture; il a gardé ses livres, et il les lit de temps en temps; c'est surtout l'histoire qui lui plaît. Il s'est marié il y a trois ans. Quand il l'a épousée, sa femme avait 17 ans; elle était servante de ferme; elle était gentille; il l'aimait bien; il n'avait pas eu de relations avec elle avant le mariage. Pendant les premiers mois ils ont fait bon ménage. Ils sont restés chez son père jusqu'à la naissance de leur fille; quand sa femme a été accouchée, ils se sont installés chez eux à l'E… C'est alors que sa femme a commencé à ne plus travailler, et quand il lui faisait des observations, elle lui disait des sottises; elle lui fichait des injures, et lui disait de faire lui-même de la cuisine, s'il voulait en manger; elle se portait bien, elle n'était pas faible; elle ne faisait que s'occuper de son enfant et le promener; il ne trouvait jamais son repas prêt en rentrant; il devait le préparer lui-même; ça lui faisait perdre du temps; il y avait souvent des querelles, et toujours pour le même motif; quand il lui faisait des reproches, elle parlait d'aller se noyer. Malgré leurs querelles, ils couchaient toujours ensemble; sa femme était enceinte de cinq mois environ, quand il l'a tuée, et il l'a tuée parce qu'elle était une paresseuse; l'enfant, il l'a tuée, parce qu'elle aurait été déshonorée par la société, comme étant la fille d'un meurtrier. Il y a cinq ou six mois, un homme avec qui il avait fait des affaires lui a donné une paire de pistolets; il les a rapportés chez lui, et les a serrés après les avoir montrés à sa femme; à ce moment il n'avait pas la pensée de s'en servir pour tuer sa femme; ce n'est que deux ou trois mois plus tard que la pensée lui en est venue; il avait le désir de la tuer, mais il n'osait pas le faire; l'idée lui est venue de long, et elle est devenue de plus en plus habituelle; à la fin, il ne pensait plus qu'à cela.
Le 5 février, sans qu'il y ait eu plus de discussion qu'à l'ordinaire, il s'est décidé à faire le coup; sa petite fille était malade, elle avait la diarrhée et elle vomissait; il a été chez le pharmacien chercher des médicaments pour l'enfant; le soir, il a été demander du lait à un voisin pour faire un cataplasme à sa fille; il est rentré sur les huit heures; il a soigné l'enfant avec sa femme jusqu'à minuit; à cette heure-là, il a dit à sa femme de se coucher, que lui, veillerait l'enfant; sa femme s'est couchée; il s'est mis à lire l'histoire de Napoléon Ier, et quand il a vu sa femme bien endormie, sur les deux heures du matin, il est allé prendre les deux pistolets dans un placard près de la cheminée, il est revenu près du lit où sa femme était, et il lui a déchargé un coup de pistolet dans la tête, derrière l'oreille droite; elle a poussé un petit cri, mais n'a pas bougé; ensuite, il a été vers l'enfant qui dormait dans son berceau, et lui a également tiré un coup de pistolet dans la tête; puis, il s'est sauvé en courant, sans regarder ni la mère ni l'enfant; il est allé à Coulommiers pour se rendre à la justice, mais il n'a pas osé se présenter, il a erré toute la journée dans la ville; le garde-champêtre l'a arrêté vers les quatre heures; il n'a fait aucune résistance.»
Tel est le récit que M… nous a fait, chaque fois que nous l'avons visité, et toujours identiquement dans les mêmes termes, et du même accent calme et impassible. Son récit est d'ailleurs absolument conforme à ses dépositions dans le cours de l'instruction judiciaire, ainsi qu'on en pourra juger par les extraits que nous allons donner, et elles le complètent sans le modifier:
«Je ne vivais pas en bonne intelligence avec ma femme, qui refusait de travailler et qui dépensait beaucoup d'argent; je le lui disais, mais nous ne nous sommes jamais frappés; je n'ai jamais menacé ma femme de la tuer; la veille, je n'avais pas eu de discussion avec elle; quand j'ai vu que ma femme dépensait, je me suis mis à manger également de l'argent; je m'enivrais quelquefois. – Ma femme ne pouvait pas se corriger de ses mauvaises habitudes; elle ne travaillait pas bien dans son ménage; nous avions quelques lapins, j'étais obligé d'aller leur chercher moi-même à manger; je ne gagnais pas beaucoup d'argent; j'étais toujours dérangé dans mon ménage; j'étais même obligé de faire ma soupe. Il y a environ huit jours que me voyant à bout de ressources, je formais tous les jours la résolution d'accomplir mon dessein; la veille au soir, il n'y avait plus d'argent à la maison; je n'avais bu que deux ou trois verres de petit vin chez nos voisins; je n'étais pas ivre; j'avais chargé les pistolets il y a trois ou quatre semaines, mais je ne savais pas encore que je tuerais ma femme et mon enfant. J'ai préparé moi-même le cataplasme et l'ai posé à ma fille; si je ne l'avais pas tuée ce jour-là, cela lui aurait fait du bien pour plusieurs jours. J'ai pris la précaution de ne pas me coucher pour ne pas m'endormir afin d'accomplir mon dessein. J'avais préparé le grand couteau pour les achever, si je ne les avais pas tuées du coup. J'ai tué ma fille, parce que j'avais peur qu'elle tombe dans de mauvaises mains après la mort de ma femme, et qu'elle soit mal gouvernée. J'ai été à Coulommiers pour me livrer à la justice; si je ne me suis pas rendu, c'est que je me suis dit que je serais pris dans la journée. Je connais la gravité du crime que j'ai commis; je m'en repens; je n'étais point en état d'ivresse lorsque je l'ai commis; si c'était à recommencer, je ne le ferais pas; pendant la conversation que j'ai eue la veille au soir chez le voisin, je pensais au crime que j'allais commettre.»
Voici ce que M… avait dit à son voisin: «Je suis dans une maison de malheur; il a failli y avoir un assassin. Ferais-tu comme moi? Pardonnerais-tu à ceux qui font de mauvaises choses et qui ont de mauvais penchants?»
Cette conversation avait paru peu ordinaire au voisin, qui avait trouvé M… triste et pas comme d'habitude, mais pas en état d'ivresse. Quant à l'attitude, à la conduite, et au langage de M… pendant la journée qui a suivi la nuit dans laquelle il avait tué sa femme et sa fille, ajoutons à ce qu'il nous en dit lui-même, les renseignements fournis par l'instruction:
«Le double meurtre accompli, M… quitte aussitôt sa maison et se rend à Coulommiers; il y arrive de grand matin; c'était en février; il entre dans le premier cabaret qui s'ouvre; on remarque le désordre de ses vêtements et son air fatigué et abattu; il mange et boit, paie sa dépense, et comme il n'a plus d'argent et qu'il est connu, on lui en offre; il répond: je n'ai plus besoin d'argent, je n'ai plus besoin de travail, je n'ai plus besoin d'emprunt; je vivrai et je serai plus tranquille que toi. Il boit la goutte et dit en souriant: j'ai tué ma femme et mon enfant; puis, s'adressant à voix basse à un de ses parents: si tu savais ce que j'ai fait chez nous, tu me ficherais un coup de couteau; tu entendras demain, mercredi, le nom de M… voler de bouche en bouche, car j'ai tué ma femme et mon enfant. Paie-moi encore une goutte, c'est la dernière que tu me paieras, je viens pour me rendre. On dira que je suis une canaille; je ne ferai pas mes vingt-huit jours de réserviste cette année. Je savais bien que quand je dirais la chose, on ne me croirait pas. Toi, comme ami, je te ferai quelque chose; à toi, comme cousin, je te ferai quelque chose, et je ferai quoique chose à tous mes camarades.»
«Puis M… se met à plaisanter; il dit qu'il est en noce, qu'il est parti en bordée avec des camarades; qu'il est venu à Coulommiers pour des affaires assez graves, qu'il a femme et enfant, mais qu'il n'est pas marié; il ne paraît être ni ému, ni tourmenté; il mange de bon appétit, et cependant on lui entend dire qu'il a perdu son repos, et avec un de ses cousins il s'exalte, il déclame à tort et à travers, il parle de justice, de Melun, et il le quitte en lui disant: je ne te verrai plus ni toi ni mon pays; mais malgré son air égaré, son cousin ne le croit pas. On lui demande si sa femme ne sera pas inquiète de ne pas le voir rentrer le soir. Ah! répond-il, ma femme est bien tranquille, elle ne se tourmente pas; elle et mon enfant sont plus tranquilles que toi et moi; elles sortiront de la maison, quand on viendra les chercher, je les ai tuées; on ne peut être deux dans le même ménage.
Au moment de son arrestation dans la journée, il répond au garde champêtre: c'est moi qui ai fait le fait, et il le suit de bonne volonté; quand on l'interroge sur les motifs de son action, il se tait, et demande à manger, parce qu'il n'a pas mangé depuis le matin, et qu'il a faim.»
Pour achever l'exposé de l'affaire, il nous reste à donner quelques détails sur le caractère, les habitudes et la manière de vivre de M… et de sa femme, ainsi que sur sa famille, et sur les conditions héréditaires dans lesquelles il est né.
M… était généralement considéré comme un homme d'un caractère doux; certains cependant disaient qu'il était taciturne et sournois. Jusqu'à son mariage, il ne semble pas avoir eu une mauvaise conduite; ce n'est que depuis environ deux ans qu'il a commencé à boire, et qu'il est devenu paresseux et oisif. Les témoins disent de lui qu'il aimait à s'amuser; il rentrait souvent ivre le dimanche, et très-tard; il fallait parfois que sa femme allât le chercher au cabaret; elle le grondait, il y avait des disputes, mais l'un et l'autre semblaient s'attacher à cacher ce qui se passait dans le ménage, et ils avaient la réputation de vivre en bonne intelligence.
On s'accorde à représenter la femme comme une personne douce, laborieuse, économe, sans grande expérience, ce qui peut signifier qu'elle n'était pas très-intelligente, mais très-bonne pour son mari, ne se plaignant jamais, de moeurs irréprochables, ce que M… déclare aussi lui-même. M… dépensait beaucoup d'argent pour subvenir à ses goûts, et il s'en procurait en vendant les biens appartenant à sa femme; celle-ci ne s'y opposait pas, et probablement pour éviter des querelles, qui n'étaient déjà que trop fréquentes, elle donnait son consentement à toutes les ventes pour lesquelles il lui demandait sa signature. Il voyait avec regret cette ressource s'épuiser assez vite, et à quelques observations de son beau-père sur ses dépenses exagérées, il avait répondu par des récriminations à l'adresse de son beau-frère, à propos d'un compte de tutelle, dans lequel lui, M… prétendait avoir été lésé; ce beau-frère était le tuteur de la femme M… et M… était alors irrité à ce point contre lui qu'il avait dit que «s'il le rencontrait, il lui donnerait un coup de couteau». Dans cette même conversation, M… parla d'un homme qui avait fait tuer sa femme par son batteur, et dit «que lui, ne ferait pas cela, que s'il était mal avec elle, il aimerait mieux la quitter».
M… traitait ses affaires au cabaret; il avait la tête légère, il buvait volontiers, on le grisait pour le rendre plus accommodant, et on lui achetait au-dessous de leur valeur les terres de sa femme.
M… s'amusait souvent, quand il rentrait ivre dans la nuit, à tirer des coups de pistolet pour réveiller le monde, disait-il; il tirait aussi par manière de plaisanterie sur sa femme et son enfant et les effrayait en brûlant des capsules. Il semblerait toutefois que depuis quelque temps M… avait renoncé à ces jeux, et qu'il faisait moins d'excès; sa femme a même déclaré qu'il ne s'était pas dérangé depuis le mois de novembre dernier.
D'après ce que nous avons appris en dehors de l'instruction judiciaire, M… est d'une famille dans laquelle il y a eu, depuis plusieurs générations, de nombreux mariages consanguins. Son père et sa mère sont de braves gens, mais à l'intelligence lente et courte. Sa soeur est atteinte d'une affection nerveuse chronique; elle souffre de dyspepsie, d'entéralgie et de vertiges causés par des troubles fonctionnels de l'estomac; elle est incapable de tout travail, mais elle n'a jamais présenté de désordres intellectuels. Un de ses cousins germains, qui est en même temps son beau-frère, a l'esprit très-borné, et est absolument dénué de mémoire. Enfin, un oncle de M… est mort de paralysie agitante, sans avoir jamais eu la raison troublée.
Quant à M… lui-même, depuis qu'il se livrait à des excès alcooliques, on avait remarqué chez lui comme une surexcitation de la personnalité; il avait une opinion exagérée de son importance; il semblait convaincu que tout devait céder devant sa volonté, et que chacun devait se sacrifier pour lui; il manifestait parfois des inquiétudes au sujet de sa propre sécurité, et il ne serait pas impossible que ce fût cette préoccupation qui l'eût engagé à accepter les pistolets, lorsque son camarade les lui offrit, et qui expliquât aussi pourquoi il lui arrivait assez souvent de tirer des coups de feu pendant la nuit; enfin, d'après la déclaration de son père, M… depuis deux mois, se plaignait de ne pouvoir travailler, parce qu'il avait le sang à la tête, peut-être trois ou quatre fois par mois.
Telles sont les informations que nous avons recueillies sur M… sur son caractère, sur ses habitudes, sur ses antécédents de famille et personnels, et sur les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi le double meurtre dont il est inculpé. Il nous reste maintenant à les considérer au point de vue de la mission qui nous est confiée.
Lorsque les magistrats et les jurés sont en présence d'un homme qui déclare tranquillement qu'il a tué sa femme, parce qu'elle ne lui préparait pas régulièrement sa soupe, et qu'il a tué sa fille parce qu'elle aurait été déshonorée comme étant la fille d'un meurtrier, il est impossible qu'ils ne pensent pas que l'inculpé est un insensé dont il est nécessaire de faire examiner l'état mental. Cet examen, nous l'avons fait avec l'attention la plus scrupuleuse; nous l'avons poursuivi pendant de longues séances, et nous n'avons plus qu'à en faire connaître le résultat.
M… est un homme d'une constitution physique vigoureuse; il a la tête bien conformée; ni dans sa figure, ni dans sa physionomie, ni dans ses yeux, on n'observe rien d'anormal; son intelligence, originellement peu étendue, n'a pas été développée par la lecture qui est un de ses passe-temps favoris; il n'est cependant pas absolument sans instruction. C'est un caractère concentré; il parle peu, mais il s'exprime avec netteté.
Nous avons exposé plus haut quelles étaient les conditions de santé de sa famille et ses antécédents héréditaires. Quant à lui, si depuis qu'il se livrait à des excès alcooliques on avait remarqué un certain changement dans ses idées, une certaine exaltation, et même quelques inquiétudes chimériques; si, d'un autre côté, depuis deux mois, suivant le dire de son père, il se plaignait parfois d'avoir le sang à la tête. Nous devons déclarer que dans toutes nos entrevues avec lui il ne s'est jamais plaint de s'être mal porté; il nous a, au contraire, assuré que sa santé était très-bonne; il n'a ni maux de tête, ni étourdissements, et si, sous l'influence de ses excès, il a témoigné d'une certaine excitation mentale, soit en parlant avec exagération de son importance et de sa valeur personnelles, soit en exprimant des craintes pour sa propre sécurité, cette modification dans son état cérébral habituel n'a jamais été assez prononcée pour que nous puissions y voir un trouble quelque peu notable et durable de la raison, causé par l'intoxication alcoolique. D'ailleurs, il paraîtrait que depuis quelque temps, il était devenu plus sobre, et tous les témoins sont unanimes à déclarer que la veille de la nuit où il a tué sa femme et sa fille il n'était dans un état ni d'ivresse, ni même de surexcitation.
Nous n'avons découvert chez M… aucune trace de conceptions délirantes, ni d'illusions des sens, ni d'hallucinations; il n'a pas non plus cédé à un de ces entraînements instantanés, irrésistibles, tels qu'on en observe chez les épileptiques, chez les vertigineux, et aussi chez certains malades qui présentent des symptômes d'affections cérébrales à évolution périodique ou rémittente, puisque de son propre aveu, il pensait depuis plusieurs semaines à faire ce qu'il a fait.
M… n'étant ni un idiot, ni un imbécile, ni un épileptique, ni un vertigineux, ni un impulsif, ni un halluciné, ni un alcoolisé, qu'est-il donc?
C'est un paresseux d'une intelligence limitée, ombrageux, aimant, comme disent les témoins, à s'amuser, avide d'argent, et dépensier quand il s'agissait de se procurer un plaisir, travaillant à son heure, mécontent d'un gain qui lui semblait au-dessous de sa peine, et préférant épuiser son capital en vendant les biens de sa femme. Il avait contracté des habitudes de cabaret auxquelles il lui aurait été incommode de renoncer, et il voyait avec chagrin son avoir diminuer, en même temps que s'augmentait sa responsabilité de père de famille. Si sa femme le laissait libre de disposer de ce qu'elle possédait, et si elle se résignait, non sans querelles, à son inconduite, elle se bornait à soigner son enfant, et ne travaillait pas assez pour remplir le vide que faisait l'oisiveté de son mari. Elle devenait ainsi pour M… une charge, et non une source de produits; un enfant était déjà onéreux, et un second enfant n'allait pas tarder à naître.
Voilà, autant qu'on peut l'induire de ses réponses laconiques, les pensées qui dominaient l'esprit de M… et avec lesquelles il vivait constamment depuis quelques mois. Ses excès avaient bien pu affaiblir ses facultés, morales et affectives, sans cependant provoquer une maladie caractérisée. M… a résisté pendant quelque temps; il a lutté contre l'idée du meurtre, il l'a repoussée, puis enfin, un jour, il a résolu d'en finir. Il n'a pas demandé au vin une excitation passagère pour lui rendre plus facile l'accomplissement de son dessein. C'est au moment où sa fille était malade, à la fin d'une journée exempte de tout excès, et d'une soirée employée aux soins qu'exigeait la maladie de sa fille, après avoir engagé sa femme à se reposer, en lui promettant de veiller sur l'enfant, et après avoir lu paisiblement pendant deux heures un livre d'histoire, qu'il a été chercher ses pistolets, et les a déchargés sur sa femme et sur son enfant.
Le lendemain, M… est moins calme que la veille; il manifeste par instants, du trouble et de l'émotion, mais il conserve encore cependant une tranquillité extraordinaire; il a conscience de ce qu'il a fait, et parle de lui comme d'un homme qui n'existe plus pour le monde, acceptant d'avance la peine qui doit lui être infligée et à laquelle il ne cherche pas à se soustraire.
Assurément, quand on envisage le mobile auquel a cédé M… quand on considère sa quiétude avant le meurtre, au moment où il le commet, et son attitude dans les heures qui le suivent, on ne peut se défendre d'une profonde impression d'étonnement; il n'y a là ni colère, ni convoitise, ni un de ces éclats de passion qui déterminent le plus habituellement les crimes et les expliquent, et cependant aucune condition pathologique manifeste n'apparaît comme ayant été la cause et, pour ainsi dire, la raison du double meurtre commis par M… et nous en sommes réduits à ne pouvoir le rattacher qu'à une succession d'idées étranges, qui ne témoignent ni d'un sens droit, ni d'une raison équilibrée, mais qui ne présentent pas les caractères de la folie, et qui ont pu germer dans l'esprit d'un homme, né dans des conditions défectueuses d'hérédité cérébrale, égoïste, ivrogne, ami du plaisir autant qu'ennemi du travail, moralement affaibli par les excès mais ayant cependant conservé son libre arbitre et la conscience de ses actes.
Une dernière conclusion peut résumer ce travail: si M… n'avait pas commis le double meurtre pour lequel il a été l'objet d'un examen au point de vue de son état mental, aucun médecin ne songerait à l'interner comme aliéné dans un asile, soit à cause de son état actuel, soit en invoquant des troubles antérieurs de santé, continus ou intermittents.
Signé: CH. LASÈGUE, A. MOTET, É. BLANCHE.
Nous n'avons pas à faire ici à un homme présentant les caractères de la folie. M… est né dans des conditions défectueuses d'hérédité cérébrale, son intelligence n'est pas grande, sans être notablement au-dessous du niveau des gens de sa classe; il a même un certain goût pour la lecture des livres sérieux et une certaine instruction, principalement dans les choses de l'histoire.
M… n'est pas non plus un alcoolisé, à proprement parler; si depuis son mariage il fréquentait volontiers les cabarets, s'il s'enivrait assez souvent, ses excès de boisson n'ont produit chez lui que des troubles très-légers et très-passagers, et si ses facultés morales, originellement peu développées, en ont été encore affaiblies, ce n'a jamais été au point de le priver de la faculté d'apprécier ses actes.
D'un autre côté, si M… n'est pas aliéné, ce n'est évidemment pas non plus un homme dont le jugement soit parfaitement sain, et après avoir lu les détails du double meurtre qu'il a commis, les mobiles qui semblent seuls l'avoir inspiré, les circonstances qui l'ont précédé et suivi, on ne peut s'étonner que les magistrats et les jurés aient désiré que M… fût examiné au point de vue de l'état mental. Cet examen ne pouvait pas aboutir à un résultat plus net et plus positif que ne l'était l'état mental de l'inculpé.
En effet, si nous avions trouvé chez M… de ces crises cérébrales décisives et qui ont pour conséquence l'homicide, nous n'aurions pas hésité à le déclarer irresponsable, mais en l'absence de ces crises significatives, nous avons dû conclure qu'il n'était pas aliéné, et nous nous sommes bornés à des considérations tirées de son état habituel et qui étaient de nature à amoindrir sa responsabilité. Le jury, adoptant nos conclusions, a accordé à M… les circonstances atténuantes. En conséquence, M… a été condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Dans le courant d'avril dernier, un assassinat commis au milieu de la journée, dans une rue très-fréquentée, causait une immense émotion dans Paris. Un marchand avait fait entrer un garçon de recettes dans son magasin et l'avait tué pour le voler. Arrêté immédiatement, l'assassin avait avoué son crime.
Au cours de l'information, et dans des circonstances que le rapport fait connaître, nous avons été chargés, M. le Dr Motet et moi, de constater l'état mental du prévenu. À la suite d'un examen minutieux, nous avons déclaré M… responsable de ses actes. Le jury a rapporté un verdict de culpabilité, en accordant les circonstances atténuantes.
M… a été condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Le 20 avril 1878, à 1 heure de l'après-midi, un homme, la tête nue, sort en courant d'une boutique de la rue Saint-Lazare, n° 50; presqu'au même instant, un autre homme sort de la même boutique, pousse le cri: Arrêtez-le! assassin! chancèle, et tombe sur le trottoir. On arrête immédiatement celui qui fuyait, c'était M… marchand brocanteur, locataire de la boutique n° 50.
On s'approche de l'homme qui était tombé; il était couvert de sang; on le relève et on le transporte dans une pharmacie voisine où il expire presqu'aussitôt. C'était S… garçon de recettes de la Société générale.
Le concierge de la maison de la rue Saint-Lazare, n° 50, attiré par le bruit, vient dans la rue, voit un attroupement, y va, et reconnaît son locataire M… que des gardiens de la paix emmenaient au commissariat de police; il l'y suit, et là lui dit: Malheureux, qu'avez-vous fait? M… répond d'abord: «Ma femme et mes enfants». Puis, «J'avais besoin d'argent». Quatre heures plus tard, interrogé par M. le juge d'instruction, M… «reconnaît qu'il frappé S… avec le couteau qu'on lui représente,» et il ajoute: «J'étais dans le besoin, ayant des dettes; privé de l'argent nécessaire pour payer mon loyer échu depuis le quinze de ce mois, j'ai vu passer le nommé S… garçon de recettes, que je ne connaissais pas; je l'ai prié d'entrer chez moi pour me donner la monnaie de billets que je n'avais pas. Après être entré, S… a fermé la porte de mon magasin; je lui ai demandé, je crois, la monnaie de mille francs; pendant qu'il était en train de la compter sur mon petit bureau, je suis allé dans ma cuisine chercher le couteau que vous me représentez, et je suis revenu près de S… et, sans rien dire, je lui ai porté le coup qui lui a donné la mort.
«Je n'ai fait entrer S… chez moi que pour le voler et me procurer l'argent dont j'avais besoin. Quand j'ai vu S… tomber sur les tapisseries qui étaient au milieu de mon magasin, j'ai ouvert ma porte, et je me suis sauvé.»
Telles sont les circonstances dans lesquelles a été commis l'assassinat dont M… est inculpé; telle a été l'attitude, telles ont été les déclarations de M… au moment même de l'assassinat, et dans les premières heures qui l'ont suivi ces déclarations, il les a renouvelées et les a même complétées au cours de l'instruction.
Après avoir dit que la pensée de tuer S… pour le voler lui était venue à l'esprit au moment où il avait aperçu le garçon de recettes dans la rue, il a avoué qu'il avait formé ce projet depuis quelques jours, poussé qu'il était par son besoin d'argent, et par la nécessité de s'en procurer à tout prix pour éviter les poursuites et la saisie.
Dans les dépositions des témoins, dans le langage et la tenue de M… rien n'était apparu qui fût de nature à faire suspecter l'intégrité de la raison de l'inculpé; ses réponses avaient toujours été nettes et précises; ses aveux étaient complets; il n'alléguait aucune excuse, aucune circonstance atténuante.
L'information touchait donc à son terme, lorsque la femme de M… apporta au magistrat-instructeur une note dans laquelle elle affirmait qu'a des époques, déjà assez éloignées d'ailleurs, son mari avait donné des signes de trouble mental dont elle n'avait jamais parlé ni à lui ni à d'autres, et qu'elle croyait de son devoir de faire connaître à la justice: une première fois, il y a neuf ans, M… avait été pris d'une attaque; il se serait mis à courir dans le jardin avec un panier qu'il s'était attaché au corps; puis, il serait tombé comme une masse se débattant un moment, et serait resté par terre environ une demi-heure sans qu'on pût le relever; avec l'aide de voisins, on l'aurait porté dans sa chambre, où il se serait agenouillé devant le lit de ses enfants en pleurant et en leur demandant pardon. Le lendemain, il serait resté abattu, ne se rappelant rien, et on ne lui en avait pas parlé pour ne pas lui faire de la peine.
Second fait: En 1875, à Dieppe, M… se serait mis à bousculer des caisses énormes dans son magasin, il aurait saisi un grand couteau qui se trouvait accroché à une planche de la cuisine, et s'en serait donné un coup dans la poitrine, si sa femme n'avait pu saisir le couteau à temps; elle se serait ensuite sauvée avec ses enfants, en poussant un cri qui avait attiré un passant auquel elle aurait dit, comme explication, que c'étaient des caisses qui avaient failli les écraser.
Dans une troisième occasion, au mois de décembre 1877, étant allé sur la tombe de sa mère qu'il aimait tendrement, au moment de se recueillir, il se serait mis à rire avec une physionomie égarée.
Enfin, étant en bateau avec son fils, il aurait fait des contorsions et des mouvements saccadés qui auraient effrayé l'enfant, au point que celui-ci n'aurait plus aimé à sortir seul avec son père.
C'est alors que nous avons été chargés d'examiner l'état mental de M…
Pour que cet examen fat complet, nous ne nous sommes pas bornés à rechercher si les faits allégués par la femme M… s'étaient passés comme elle le prétendait, s'ils avalent présenté le caractère qu'elle leur donnait, si on pouvait les rattacher à un état morbide se manifestant par accès, et, comme conséquence, si l'acte du 20 avril pouvait avoir quelque analogie d'origine avec les actes qui avaient eu lieu notamment en 1869 et 1875; nous avons étudié M… ses antécédents de famille, ses antécédents personnels, son caractère, ses penchants, ses goûts, ses habitudes, et nous avons cherché à bien préciser quel était son état mental à l'époque où a eu lieu le meurtre dont il est inculpé.
M… est fils d'un père qui vit encore et qui n'a jamais été atteint de troubles cérébraux; il a perdu sa mère, il y a dix-huit mois; elle a succombé à une affection organique de l'estomac; elle était, dit-on, peu intelligente, se laissait absolument dominer par son mari, mais son infériorité mentale n'était pas telle qu'il y ait lieu d'en tenir compte comme prédisposition héréditaire.
Un cousin germain de M… âgé de 22 ans, est épileptique.
M… est âgé de 41 ans, de taille moyenne, bien constitué, et de tempérament nerveux. D'un caractère très-vif, il était cependant d'humeur facile dans son intérieur, plein d'affection pour sa femme et ses enfants. Réputé très-habile connaisseur en objets d'art, c'était chez lui une véritable passion, et jadis il lui est parfois arrivé de s'imposer des privations pour devenir possesseur d'un tableau qu'il désirait. D'habitudes sombres, sa grande distraction était la promenade sur la rivière.
Dans notre première entrevue, il nous dit qu'il jouit d'une excellente santé; que depuis une fièvre typhoïde qu'il a eue vers l'âge de 15 ans, et dont il s'est rétabli rapidement, il ne se rappelle pas avoir été malade, qu'il a seulement de temps en temps des maux de tête, de courte durée, mais jamais ni étourdissements, ni vertiges, ni pertes de connaissance, qu'autrefois il avait quelques douleurs de rhumatisme, mais qu'il n'en a pas souffert l'hiver dernier.
Interrogé sur la disposition d'esprit dans laquelle il était à l'époque du meurtre, il nous répond qu'il était triste et préoccupé parce qu'il se voyait dans l'impossibilité de faire face à ses engagements; il n'avait pas pu payer le terme du 15 avril, et il demandait des remises de jour en jour. Le 19, il était moins tourmenté, nous dit-il, parce qu'il espérait faire une vente dans la matinée du 20; il avait bien dormi, et était venu de bonne heure à Paris, comptant sur un acheteur qui devait le tirer d'embarras, mais le client espéré ne se présenta pas; M… avait promis de payer son terme dans la journée, et il n'en avait pas l'argent. C'est alors que voyant venir le garçon de recettes, il eut, nous dit-il, la pensée de le faire entrer dans sa boutique, sous prétexte de lui demander de la monnaie, et avec l'intention de le tuer pour le voler.
Telles sont exactement les premières réponses que M… nous fit. Il ne nous avait rien dit des faits mentionnés par sa femme; mais comme il était allégué, au moins pour un de ces faits que M… ne se l'était pas rappelé, et qu'on ne lui en avait pas parlé; avant d'interroger de nouveau M… nous voulûmes entendre sa femme. Elle nous répéta ce que contient sa note écrite et qui est reproduit plus haut. Elle ajouta qu'il était tombé deux fois à l'eau. Nous lui avons demandé en outre si son mari n'avait pas quelquefois uriné au lit la nuit sans s'en apercevoir et s'il ne se plaignait pas d'étourdissements. Elle nous répondit qu'elle se souvenait qu'il avait uriné une fois au lit, et qu'il s'était plaint quelquefois d'étourdissements.
Lorsque nous revîmes M… notre but principal était de bien constater s'il n'avait aucun souvenir des faits dont sa femme nous avait informés, et nous dirons tout de suite que si M… n'en avait gardé aucune trace dans la mémoire, ces faits auraient eu, à nos yeux, une valeur que ne leur ont pas laissée les explications qu'il nous a données dans la seconde conversation que nous avons eue avec lui.
Voici, en effet, ce que M… nous a dit dans cette seconde conversation:
«Je me souviens très-bien d'avoir eu un malaise à Argenteuil; c'était à la suite d'une discussion avec ma femme. Je me suis mis en colère (je suis assez vif); je suis resté par terre dans le jardin pendant quelque temps, mais je n'ai pas été malade à la suite de cela; je suis venu le lendemain à Paris comme d'habitude.
«Quant à l'affaire de Dieppe, je m'en souviens très-bien aussi. C'était à cause d'un objet que j'avais acheté. Ma femme m'a reproché de l'avoir payé trop cher; il y a eu une discussion; j'ai eu une scène avec ma femme, et, dans un mouvement de vivacité, j'ai brisé différentes choses, et j'ai voulu me frapper avec un couteau. Cela a attiré du monde dans la maison, et, pour ne pas dire ce qui en était, on a dit que je voulais mettre des caisses en ordre et que j'étais tombé. Je me rappelle très-bien maintenant.
«Vous me demandez si j'ai eu des étourdissements lorsque je suis tombé à l'eau. Une fois, je suis tombé en retirant l'ancre de mon canot; j'ai fait un faux mouvement; une autre fois, il faisait grand vent, mon canot a chaviré. – J'ai eu de la peine à gagner le bord, parce que le courant était très-fort, que j'avais des bottes et un vêtement très-épais; j'étais épuisé en arrivant sur la berge; c'était un accident.
Quant à avoir uriné au lit la nuit, il me semble bien qu'on m'a dit un jour qu'on avait du faire sécher mes draps que j'avais mouillés.»
Nous interrogeons alors de nouveau M. sur les circonstances dans lesquelles s'est accompli le meurtre dont il est inculpé.
Il nous avoue qu'il avait des dettes qu'il ne pouvait acquitter, qu'il avait promis le jeudi 18, à deux de ses créanciers de leur donner un fort à-compte le surlendemain, 20 avril, et qu'il s'était en outre engagé à payer le même jour son propriétaire; que c'est la nécessité absolue de se procurer de l'argent qui lui a inspiré la pensée de ce qu'il a fait, qu'il n'a d'abord pensé qu'a s'emparer de l'argent, après avoir tué l'homme, et qu'il aurait songé plus tard à se débarrasser du cadavre.
À ce qu'il nous avait déjà dit, il ajoute qu'il se rappelle avoir rencontré le matin un de ses amis sur le boulevard, mais qu'il ne se souvient pas bien de leur conversation, qui a été très-courte; il nous parle de la visite qu'il a faite en arrivant chez lui au concierge de la maison, et de sa promesse de payer son terme dans la journée; il nous raconte tous les détails du meurtre, la lutte qu'il a eue avec S… et comment, saisi de frayeur, il s'est sauvé dans la rue. Ses souvenirs sont très-précis, et il nous a donné toutes ces explications, simplement, sans efforts et presque sans réticences.
Les déclarations et les aveux de M… constituent un ensemble de circonstances et de faits qui ne comportent pas l'existence, le jour où a eu lieu l'acte incriminé, d'un trouble de l'intelligence, si subit et si passager qu'il eût pu être, et qui prouvent, au contraire, que M… était en pleine possession de ses facultés, maître de ses déterminations, et non dominé par une influence morbide irrésistible.
Après les déclarations de la femme M… c'était cette influence morbide qu'il était de notre devoir de rechercher, et les faits qui nous étaient révélés et présentés avec une apparition soudaine, imprévue, une évolution rapide, suivis d'une perte complète de mémoire, nous indiquaient suffisamment dans quelle voie devaient être dirigées nos investigations.
Les épileptiques seuls ont de ces crises qui se bornent parfois à des actes excentriques et bizarres, qui déterminent d'autres fois des scènes de violence, et qui n'aboutissent que trop souvent à des meurtres. Nous devions donc examiner scrupuleusement quel aurait été le véritable caractère des accès qui nous étaient signalés, si anciens qu'ils fussent, si rares et si éloignés les uns des autres qu'ils eussent été.
C'est M… qui nous a donné lui-même les explications dont il ne soupçonnait pas l'importance et qui réduisent énormément la valeur des troubles passagers qu'il aurait éprouvés en 1869 et en 1875. Mais, en admettant même que ces troubles aient eu l'importance qu'on voudrait leur attribuer, ils n'ont certainement exercé aucune influence notable sur les facultés intellectuelles de M… et on ne saurait trouver dans les circonstances où a été accompli le meurtre dont il est inculpé aucun des caractères que l'on observe dans les homicides commis par les épileptiques.
Les épileptiques meurtriers appartiennent en effet à trois classes distinctes:
Les uns, soit avant, soit après une attaque convulsive ou simplement vertigineuse, sont pris tout à coup d'un accès de fureur aveugle, et poussés par une force irrésistible, se précipitent, frappent au hasard le premier venu, et le tuent, puis, tombent dans un anéantissement profond, et ne se rappellent pas ce qu'ils ont fait.
Ils ne savent ni pourquoi ils ont frappé, ni qui ils ont tué.