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Kitabı oku: «Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I», sayfa 12

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«Un mouvement de ma main, et elle n'aurait jamais fait entendre un autre son; mais je fus surpris, et je reculai. Ses yeux étaient fixés sur les miens. Je ne sais pas comment cela se fit, ils m'intimidèrent, j'étais dompté par ce regard. Elle se leva de son lit, en me regardant fixement et continuellement. Je tremblai, le rasoir était dans ma main, mais je ne pouvais faire aucun mouvement. Elle se dirigea vers la porte. Quand elle en fut proche elle se détourna, et retira ses yeux de dessus moi. Le charme était brisé: je fis un bond et je la saisis par le bras; elle tomba par terre en poussant des cris désespérés.

«Alors j'aurais pu la tuer sans résistance, mais la maison était alarmée, j'entendais des pas sur l'escalier; je remis le rasoir à sa place, j'ouvris la porte et j'appelai moi-même du secours.

«On vint, on la releva, on la plaça sur le lit. Elle resta sans connaissance pendant plusieurs heures, et quand elle recouvra la vie et la parole, elle avait perdu l'esprit, elle délirait avec des transports furieux.

«Des médecins furent appelés, de savants hommes qui roulaient jusqu'à ma porte dans d'excellents carrosses, avec des domestiques revêtus d'une livrée brillante. Ils restèrent près de son lit pendant des semaines. Il y eut une grande consultation, et ils conférèrent ensemble d'une voix solennelle. J'étais dans la pièce voisine; l'un des plus célèbres, parmi eux, vint m'y trouver, me prit à part, et, me disant de me préparer à la plus funeste nouvelle, m'apprit à moi, le fou! que ma femme était folle. Le docteur était seul avec moi, tout auprès d'une fenêtre ouverte, ses yeux fixés sur mon visage, sa main posée sur mon bras. D'un seul effort j'aurais pu le précipiter dans la rue, ç'aurait été une fameuse farce! mais mon secret était en jeu et je le laissai partir. Quelques jours après, on me dit que je devrais la faire surveiller, lui choisir un gardien, moi! Je m'en allai dans la campagne où personne ne pouvait m'entendre, et je poussai des éclats de rire, qui retentissaient au loin.

«Elle mourut le lendemain. Le vieillard aux cheveux blancs suivit son cercueil, et les frères orgueilleux laissèrent tomber des larmes sur le corps insensible de celle dont ils avaient contemplé la souffrance avec des muscles d'airain. Tout cela nourrissait ma gaieté secrète et, en retournant à la maison, je riais derrière le mouchoir blanc que je tenais sur mon visage, je riais tant que les larmes m'en venaient aux yeux.

«Mais quoique j'eusse atteint mon but en la tuant, j'étais inquiet et agité; je sentais que mon secret devait m'échapper avant longtemps. Je ne pouvais cacher la joie sauvage qui bouillonnait dans mon sang; et qui, lorsque j'étais seul à la maison, me faisait sauter et battre des mains, et danser, et tourner, et rugir comme un lion. Quand je sortais et que je voyais la foule affairée se presser dans les rues ou au théâtre, quand j'entendais les sons de la musique, quand je regardais les danseurs, je ressentais des transports si joyeux, que j'étais tenté de me précipiter au milieu d'eux et d'arracher leurs membres pièce à pièce, et de hurler avec les instruments. Mais alors, je grinçais des dents, je frappais du pied sur le plancher, j'enfonçais mes ongles aigus dans mes mains, je maîtrisais la folie et personne ne se doutait encore que j'étais un fou.

«Je me rappelle… quoique ce soit une des dernières choses que je puisse me rappeler… car maintenant je mêle mes rêves avec les faits réels, et j'ai tant de choses à faire ici et je sais si pressé que je n'ai pas le temps de mettre un peu d'ordre dans cette étrange confusion… je me rappelle comment cela éclata à la fin. Ha! ha! il me semble que je vois encore leurs regards effrayés! Avec quelle facilité je les rejetai loin de moi; comme je meurtrissais leur visage avec mes poings fermés, et comme je m'enfuis avec la vitesse du vent, les laissant huer et crier bien loin derrière moi. La force d'un géant renaît en moi, lorsque j'y pense. Là! voyez comme cette barre de fer ploie sous mon étreinte furieuse! Je pourrais la briser comme un roseau; mais il y a ici de longues galeries, avec beaucoup de portes, je crois que je ne pourrais pas y trouver mon chemin, et même si je pouvais le trouver, il y a en bas des grilles de fer qu'ils tiennent soigneusement fermées, car ils savent quel fou malin j'ai été, et ils sont fiers de m'avoir pour me montrer aux visiteurs.

«Voyons… oui c'est cela… j'étais allé dehors; la nuit était avancée quand je rentrai à la maison, et je trouvai le plus orgueilleux des trois orgueilleux frères, qui m'attendait pour me voir. Affaire pressante disait-il: je me le rappelle bien. Je haïssais cet homme avec toute la haine d'un fou; souvent, bien souvent, mes mains avaient brûlé de le mettre en pièces. On m'apprit qu'il était là; je montai rapidement l'escalier. Il avait un mot à me dire; je renvoyai les domestiques.

«Il était tard et nous étions seuls ensemble, pour la première fois!

«D'abord je détournai soigneusement les yeux de dessus lui, car je savais, ce qu'il n'imaginait guère, et je me glorifiais de le savoir… que le feu de la folie brillait dans mes yeux comme une fournaise. – Nous restâmes assis en silence pendant quelques minutes. Il parla à la fin. Mes dissipations récentes et d'étranges remarques, faites aussitôt après la mort de sa sœur, étaient une insulte à sa mémoire. Rassemblant beaucoup de circonstances qui avaient d'abord échappé à ses observations, il pensait que je n'avais pas bien traité la défunte, il désirait savoir s'il devait en conclura que je voulais jeter quelques reproches sur elle, et manquer de respect dû à sa famille. Il devait à l'uniforme qu'il portait de me demander cette explication.

«Cet homme avait une commission dans l'armée; une commission achetée avec mon argent, avec la misère de sa sœur! C'était lui qui avait été le plus acharné dans le complot pour m'enlacer et pour s'approprier ma fortune. C'était pour lui surtout, et par lui, que sa sœur avait été forcée de m'épouser, quoiqu'il sut bien qu'elle avait donné son cœur à ce jeune homme sentimental. —Il devait à son uniforme!– Son uniforme! La livrée de sa dégradation! Je tournai mes yeux vers lui, je ne pus pas m'en empêcher, mais je ne dis pas un mot.

«Je vis le changement soudain que mon regard produisit dans sa contenance. C'était un homme hardi, et pourtant son visage devint blafard. Il recula sa chaise, je rapprochai la mienne plus près de lui, et comme je me mis à rire (j'étais très-gai alors), je le vis tressaillir. Je sentis que la folie s'emparait de moi: lui, il avait peur.

«Vous aimiez beaucoup votre sœur quand elle vivait, lui dis-je. Vous l'aimiez beaucoup?»

«Il regarda avec inquiétude autour de lui, et je vis que sa main droite serrait le dos de sa chaise; cependant il ne répondit rien.

«Misérable! m'écriai-je, je vous ai deviné! J'ai découvert votre complot infernal contre moi. Je sais que son cœur était avec un autre lorsque vous l'avez forcée de m'épouser. Je le sais, je le sais!»

«Il se leva brusquement, brandit sa chaise devant lui et me cria de reculer; car je m'étais approché de lui, tout en parlant.

«Je hurlais plutôt que je ne parlais, et je sentais bouillonner dans mes veines le tumulte des passions; j'entendais le vieux chuchotement des esprits qui me défiaient d'arracher son cœur.

«Damnation! m'écriai-je en me précipitant sur lui. J'ai tué ta sœur! Je suis fou! Mort! Mort! Du sang, du sang! J'aurai ton sang!»

«Je détournai la chaise, qu'il me lança dans sa terreur; je l'empoignai corps à corps, et nous roulâmes tous les deux sur le plancher.

«Ce fut une belle lutte, car il était grand et fort; il combattait pour sa vie, et moi j'étais un fou puissant, altéré de vengeance. Je savais qu'aucune force humaine ne pouvait égaler la mienne, et j'avais raison, raison, raison! quoique fou! Sa résistance s'affaiblit; je m'agenouillai sur sa poitrine, je serrai fortement avec mes deux mains son cou musculeux; son visage devint violet, les yeux lui sortaient de la tête, et il tirait la langue comme s'il voulait se moquer. Je serrais toujours plus fort.

«Tout à coup la porte s'ouvrit avec un grand bruit; beaucoup de gens se précipitèrent dans la chambre en criant: «Arrêtez le fou! Mon secret était découvert; il fallait lutter maintenant pour la liberté; je fus sur mes pieds avant que personne pût me saisir; je m'élançai parmi les assaillants, et je m'ouvris un passage d'un bras vigoureux. Ils tombaient tous devant moi comme si je les avais frappés avec une massue. Je gagnai la porte, je sautai par-dessus la rampe; en un instant j'étais dans la rue.

«Je courus devant moi, droit et roide, et personne n'osait m'arrêter. J'entendais le bruit des pas derrière moi, et je redoublais de vitesse. Ce bruit devenait de plus en plus faible, à mesure que je m'éloignais, et enfin il s'éteignit entièrement. Moi, je bondissais toujours par-dessus les ruisseaux et les mares, par-dessus les murs et les fossés, en poussant des cris sauvages, qui déchiraient les airs et qui étaient répétés par les êtres étranges dont j'étais entouré. Les démons m'emportaient dans leurs bras, au milieu d'un ouragan qui renversait en passant les haies et les arbres; ils m'emportaient en tourbillonnant, et je ne voyais plus rien autour de moi, tant j'étais étourdi par la fracas et la rapidité de leur course. A la fin, ils me lancèrent loin d'eux, et je tombai pesamment sur la terre.

«Quand je me réveillai, je me trouvai ici… ici dans cette gaie cellule, ou les rayons du soleil viennent rarement, où les rayons de la lune, quand ils s'y glissent, ne servent qu'à me faire mieux voir les ombres menaçantes qui m'entourent, et cette figure silencieuse, toujours debout dans ce coin. Quand je suis éveillé, je puis entendre quelquefois des cris étranges, des gémissements affreux, qui retentissent dans ces grands bâtiments antiques. Ce que c'est, je l'ignore; mais ils ne viennent pas de cette pâle figure et n'ont aucun rapport avec elle, car depuis les premières ombres du crépuscule jusqu'aux lueurs matinales de l'aurore, elle reste immobile à la même place, écoutant l'harmonie de mes chaînes de fer, et contemplant mes gambades sur mon lit de paille.»

A la fin du manuscrit la note suivante était écrite d'une autre main.

«L'infortuné dont on vient de lire les rêveries est un triste exemple du résultat que peuvent avoir des passions effrénées et des excès prolongés, jusqu'à ce que leurs conséquences deviennent irréparables. La dissipation, les débauches répétées de sa jeunesse, amenèrent la fièvre et le délire. Le premier effet de celui-ci fut, l'étrange illusion par laquelle il se persuada qu'une folie héréditaire existait dans sa famille. Cette idée, fondée sur une théorie médicale bien connue, mais contestée aussi vivement qu'elle est appuyée, produisit chez lui une humeur atrabilaire qui, avec le temps, dégénéra en folie, et se termina enfin par la fureur. J'ai lieu de croire que les événements racontés par lui sont réellement arrivés, quoiqu'ils aient été défigurés par son imagination malade. Ce qui doit étonner davantage ceux qui ont eu connaissance des vices de sa jeunesse, c'est que ses passions, lorsqu'elles n'ont plus été contrôlées par la raison, ne l'aient point poussé à commettre des crimes encore plus effroyables.»

La chandelle de M. Pickwick s'enfonçait dans la bobèche, précisément au moment où il achevait de lire le manuscrit du vieil ecclésiastique; et comme la lumière s'éteignit tout d'un coup, sans même avoir vacillé, l'obscurité soudaine fit une impression profonde sur ses nerfs déjà excités. Il tressaillit et ses dents claquèrent de terreur. Otant donc avec vivacité les vêtements qu'il avait mis pour se relever, il jeta autour de la chambre un regard craintif et se fourra promptement entre ses draps, où il ne tarda pas à s'endormir.

Lorsqu'il se réveilla, le soleil faisait resplendir tous les objets dans sa chambre et la matinée était déjà avancée. La tristesse qui l'avait accablé le soir précédant s'était dissipée avec les ombres qui obscurcissaient le paysage; toutes ses pensées, toutes ses sensations étaient aussi gaies et aussi gracieuses que le matin lui-même. Après un solide déjeuner, les quatre philosophes, suivis par un homme qui portait la pierre dans sa boîte de sapin, se dirigèrent à pied vers Gravesend, où leur bagage avait été expédié de Rochester. Ils atteignirent Gravesend vers une heure, et ayant été assez heureux pour trouver des places sur l'impériale de la voiture de Londres, ils y arrivèrent, sains et saufs, dans la soirée.

Trois ou quatre jours subséquents furent remplis par les préparatifs nécessaires pour leur voyage au bourg d'Eatanswill; mais comme cette importante entreprise exige un chapitre séparé, nous emploierons le petit nombre de lignes qui nous restent à raconter, avec une grande brièveté, l'histoire de l'antiquité rapportée par M. Pickwick.

Il résulte des mémoires du club, que M. Pickwick parla sur sa découverte, dans une réunion générale qui eut lieu le lendemain de son arrivée, et promena l'esprit charmé de ses auditeurs sur une multitude de spéculations ingénieuses et érudites, concernant le sens de l'inscription. Il paraît aussi qu'un artiste habile en exécuta le dessin, qui fut gravé sur pierre et présenté à la Société royale des antiquaires de Londres et aux autres sociétés savantes; que des jalousies et des rivalités sans nombre naquirent des opinions émises à ce sujet; que M. Pickwick lui-même écrivit un pamphlet de quatre-vingt-seize pages, en très-petits caractères, où l'on trouvait vingt-sept versions différentes de l'inscription; que trois vieux gentlemen, dont les fils ainés avaient osé mettre en doute son antiquité, les privèrent de leur succession, et qu'un individu enthousiaste fit ouvrir prématurément la sienne, par désespoir de n'en avoir pu sonder la profondeur; que M. Pickwick fut élu membre de dix-sept sociétés savantes, tant nationales qu'étrangères, pour avoir fait cette découverte; qu'aucune des dix-sept sociétés savantes ne put en tirer la moindre chose, mais que toutes les dix-sept s'accordèrent pour reconnaître que rien n'était plus curieux.

Il est vrai que M. Blotton, et son nom sera dévoué au mépris éternel de tous ceux qui cultivent le mystérieux et le sublime; M. Blotton, disons-nous, vétilleux et méfiant, comme le sont les esprits vulgaires, se permit de considérer la chose sous un point de vue aussi dégradant que ridicule. M. Blotton, dans le vil dessein de ternir le nom éclatant de Pickwick, entreprit en personne le voyage de Cobham. A son retour, il déclara ironiquement au club, qu'il avait vu l'homme dont la pierre avait été achetée; que cet individu la croyait ancienne, mais qu'il niait solennellement l'ancienneté de l'inscription, et assurait avoir gravé lui-même, dans un instant de désœuvrement, ces lettres grossières, qui signifiaient tout bonnement: Bill Stumps, sa marque. M. Blotton ajoutait que M. Stumps ayant peu l'habitude de la composition, et se laissant guider par le son des mots plutôt que par les règles sévères de l'orthographe, n'avait mis qu'un l à la fin de son prénom, et avait remplacé par un k les lettres qu et e du nom marque.

Les illustres membres du Pickwick-Club, comme on pouvait l'attendre d'une société aussi savante, reçurent cette histoire avec le mépris qu'elle méritait, chassèrent de leur sein l'ignorant et présomptueux Blotton, et votèrent à M. Pickwick une paire de besicles en or, comme un gage de leur admiration et de leur confiance. Pour reconnaître cette marque d'approbation, M. Pickwick se fit peindre en pied, et fit suspendre son portrait dans la salle de réunion du club, portrait que, par parenthèse, il n'eut aucune envie de voir disparaître lorsqu'il fut moins jeune qu'on ne l'y représentait.

M. Blotton était expulsé, mais il ne se tenait pas pour battu. Il adressa aux dix-sept sociétés savantes un pamphlet dans lequel il répétait l'histoire qu'il avait émise, et laissait apercevoir assez clairement qu'il regardait comme des gobe-mouches les membres des dix-sept sociétés susdites.

A cette proposition malsonnante, les dix-sept sociétés furent remplies d'indignation. Il parut plusieurs pamphlets nouveaux. Les sociétés savantes étrangères correspondirent avec les sociétés savantes nationales; les sociétés savantes nationales traduisirent en anglais les pamphlets des sociétés savantes étrangères; les sociétés savantes étrangères traduisirent dans toutes sortes de langages les pamphlets des sociétés savantes nationales, et ainsi, commença cette lutte scientifique, si connue de tout l'univers sous le nom de Controverse pickwickienne.

Cependant les efforts calomnieux destinés à perdre M. Pickwick retombèrent sur la tête de leur méprisable auteur. Les dix-sept sociétés savantes votèrent unanimement que le présomptueux Blotton n'était qu'un tatillon ignorant, et écrivirent contre lui des opuscules sans nombre; enfin la pierre elle-même subsiste encore aujourd'hui, monument illisible de la grandeur de M. Pickwick et de la petitesse de ses détracteurs.

CHAPITRE XII.
Qui contient une très-importante détermination de M. Pickwick, laquelle fait époque dans sa vie non moins que dans cette véridique histoire

Quoique l'appartement de M. Pickwick dans la rue Goswell fût d'une étendue restreinte, il était propre et confortable, et surtout en parfaite harmonie avec son génie observateur. Son parloir était au rez-de-chaussée sur le devant, sa chambre à coucher sur le devant, au premier étage; et ainsi, soit qu'il fût assis à son bureau, soit qu'il se tînt debout devant son miroir à barbe, il pouvait également contempler toutes les phases de la nature humaine dans la rue Goswell, qui est presque aussi populeuse que populaire. Son hôtesse, Mme Bardell, veuve et seule exécutrice testamentaire d'un douanier, était une femme grassouillette, aux manières affairées, à la physionomie avenante. A ces avantages physiques, elle joignait de précieuses qualités morales: par une heureuse étude, par une longue pratique, elle avait converti en un talent exquis le don particulier qu'elle avait reçu de la nature pour tout ce qui concernait la cuisine. Il n'y avait dans la maison ni bambins, ni volatiles, ni domestiques. Un grand homme et un petit garçon en complétaient le personnel. Le premier était notre héros, le second une production de Mme Bardell. Le grand homme était rentré chaque soir précisément à dix heures, et peu de temps après il se condensait dans un petit lit français, placé dans un étroit parloir sur le derrière. Quant au jeune master Bardell, ses yeux enfantins et ses exercices gymnastiques étaient soigneusement restreints aux trottoirs et aux ruisseaux du voisinage. La propreté, la tranquillité régnaient donc dans tout l'édifice, et la volonté de M. Pickwick y faisait loi.

La veille du départ projeté pour Eatanswill, vers le milieu de la matinée, la conduite de notre philosophe devait paraître singulièrement mystérieuse et inexplicable, pour quiconque connaissait son admirable égalité d'esprit et l'économie domestique de son établissement. Il se promenait dans sa chambre d'un pas précipité. De trois minutes en trois minutes, il mettait la tête à la fenêtre, il regardait constamment à sa montre et laissait échapper divers autres symptômes d'impatience, fort extraordinaires chez lui. Il était évident qu'il y avait en l'air quelque chose d'une grande importance; mais ce que ce pouvait être, Mme Bardell elle-même n'avait pas été capable de le deviner.

«Madame Bardell? dit à la fin M. Pickwick, lorsque cette aimable dame fut sur le point de terminer l'époussetage, longtemps prolongé, de sa chambre.

– Monsieur? répondit Mme Bardell.

– Votre petit garçon est bien longtemps dehors.

– Vraiment, monsieur, c'est qu'il y a une bonne course d'ici au Borough.

– Ah! cela est juste,» repartit M. Pickwick, et il retomba dans le silence.

Mme Bardell recommença à épousseter avec le même soin.

«Madame Bardell? reprit M. Pickwick au bout de quelques minutes.

– Monsieur?

– Pensez-vous que la dépense soit beaucoup plus grande pour deux personnes que pour une seule?

– Là! monsieur Pickwick! répliqua Mme Bardell en rougissant jusqu'à la garniture de son bonnet, car elle croyait avoir aperçu dans les yeux de son locataire un certain clignotement matrimonial. Là! monsieur Pickwick, quelle question!

– Hé bien! qu'en pensez-vous?

– Cela dépend! repartit Mme Bardell en approchant son plumeau près du coude de M. Pickwick; cela dépend beaucoup de la personne, vous savez, monsieur Pickwick; et si c'est une personne soigneuse et économe.

– Cela est très-vrai; mais la personne que j'ai en vue (ici il regarda fixement Mme Bardell) possède, je pense, ces qualités. Elle a de plus une grande connaissance du monde, et beaucoup de finesse, madame Bardell. Cela me sera infiniment utile.

– Là! monsieur Pickwick! murmura Mme Bardell, en rougissant de nouveau.

– J'en suis persuadé! continua le philosophe avec une énergie toujours croissante, comme c'était son habitude quand il pariait sur un sujet intéressant; j'en suis persuadé, et pour vous dire la vérité, madame Bardell, c'est un parti pris.

– Seigneur Dieu! s'écria Mme Bardell.

– Vous trouverez peut-être étrange, poursuivit l'aimable M. Pickwick, en jetant à sa compagne un regard de bonne humeur; vous trouverez peut-être étrange que je ne vous aie pas consultée à ce sujet, et que je ne vous en aie même jamais parlé, jusqu'au moment où j'ai envoyé votre petit garçon dehors?»

Mme Bardell ne put répondre que par un regard. Elle avait longtemps adoré M. Pickwick comme une divinité dont il ne lui était pas permis d'approcher, et voilà que tout d'un coup la divinité descendait de son piédestal et la prenait dans ses bras. M. Pickwick lui faisait des propositions directement, par suite d'un plan délibéré, car il avait envoyé son petit garçon au Borough pour rester seul avec elle. Quelle délicatesse! quelle attention!

«Hé bien! dit le philosophe, qu'en pensez-vous?

– Ah! monsieur Pickwick! répondit Mme Bardell toute tremblante d'émotion, vous êtes vraiment bien bon, monsieur!

– Cela vous épargnera beaucoup de peines, n'est-il pas vrai?

– Oh! je n'ai jamais pensé à la peine, et naturellement j'en prendrai plus que jamais pour vous plaire. Mais vous êtes si bon, monsieur Pickwick, d'avoir songé à ma solitude.

– Ah! certainement. Je n'avais pas pensé à cela… Quand je serai en ville, vous aurez toujours quelqu'un pour causer avec vous. C'est, ma foi, vrai.

– Il est sûr que je dois me regarder comme une femme bien heureuse!

– Et votre fils?

– Que Dieu bénisse le cher petit! interrompit Mme Bardell avec des transports maternels.

– Lui aussi aura un compagnon, poursuivit M. Pickwick en souriant gracieusement; un joyeux compagnon qui, j'en suis sûr, lui enseignera plus de tours, en une semaine, qu'il n'en aurait appris tout seul en un an.

– Oh! cher, excellent homme!» murmura Mme Bardell.

M. Pickwick tressaillit.

«Oh! cher et tendre ami!» Et sans plus de cérémonies, la dame se leva de sa chaise et jeta ses bras au cou de M. Pickwick, avec un déluge de pleurs et une tempête de sanglots.

«Le ciel me protège! s'écria M. Pickwick plein d'étonnement; madame Bardell! ma bonne dame! Bonté divine, quelle situation! Faites attention, je vous en prie! Laissez-moi, madame Bardell, si quelqu'un venait!

– Eh! que m'importe? répondit Mme Bardell avec égarement; je ne vous quitterai jamais! Cher homme! excellent cœur! Et en prononçant ces paroles elle s'attachait à M. Pickwick aussi fortement que la vigne à l'ormeau.

– Le Seigneur ait pitié de moi! dit M. Pickwick en se débattant de toutes ses forces; j'entends du monde sur l'escalier. Laissez-moi, ma bonne dame; je vous en supplie, laissez-moi!»

Mais les prières, les remontrances étaient également inutiles, car la dame s'était évanouie dans les bras du philosophe, et avant qu'il eût eu le temps de la déposer sur une chaise, master Bardell introduisit dans la chambre MM. Tupman, Winkle et Snodgrass.

M. Pickwick demeura pétrifié. Il était debout, avec son aimable fardeau dans ses bras, et il regardait ses amis d'un air hébété, sans leur faire un signe d'amitié, sans songer à leur donner une explication. Eux, à leur tour, le considéraient avec étonnement, et master Bardell, plein d'inquiétude, examinait tout le monde, sans savoir ce que cela voulait dire.

La surprise des pickwickiens était si étourdissante, et la perplexité de M. Pickwick si terrible, qu'ils auraient pu demeurer exactement dans la même situation relative jusqu'à ce que la dame évanouie eut repris ses sens, si son tendre fils n'avait précipité le dénoûment par une belle et touchante ébullition d'affection filiale. Ce jeune enfant, vêtu d'un costume de velours rayé, orné de gros boutons de cuivre, était d'abord demeuré, incertain et confus, sur le pas de la porte; mais, par degrés, l'idée que sa mère avait souffert quelque dommage personnel s'empara de son esprit à demi-développé. Considérant M. Pickwick comme l'agresseur, il poussa un cri sauvage, et se précipitant tête baissée, il commença à assaillir cet immortel gentleman aux environs du dos et des jambes, le pinçant et le frappant aussi vigoureusement que le lui permettaient la force de son bras et la violence de son emportement.

«Otez-moi ce petit coquin! s'écria M. Pickwick dans une agonie de désespoir; il est enragé!

– Qu'est-il donc arrivé? demandèrent les trois pickwickiens stupéfaits.

– Je n'en sais rien, répondit le Mentor avec dépit; ôtez-moi cet enfant!»

M. Winkle porta à l'autre bout de l'appartement l'intéressant garçon, qui criait et se débattait de toutes ses forces.

«Maintenant, poursuivit M. Pickwick, aidez-moi à faire descendre cette femme.

– Ah! je suis mieux maintenant, soupira faiblement Mme Bardell.

– Permettez-moi de vous offrir mon bras, dit M. Tupman, toujours galant.

– Merci, monsieur, merci!» s'écria la dame d'une voix hystérique, et elle fut conduite en bas, accompagnée de son affectionné fils.

– Je ne puis concevoir, reprit M. Pickwick quand ses amis furent revenus, je ne puis concevoir ce qui est arrivé à cette femme. Je venais simplement de lui annoncer que je vais prendre un domestique, lorsqu'elle est tombée dans le singulier paroxysme où vous l'avez trouvée. C'est fort extraordinaire!

– Il est vrai, dirent ses trois amis.

– Elle m'a placé dans une situation bien embarrassante, continua le philosophe.

– Il est vrai,» répétèrent ses disciples, en toussant légèrement et en se regardant l'un l'autre d'un air dubitatif.

Cette conduite n'échappa pas à M. Pickwick. Il remarqua leur incrédulité; son innocence était évidemment soupçonnée.

Après quelques instants de silence, M. Tupman prit la parole et dit:

«Il y a un homme en bas, dans le vestibule.

– C'est celui dont je vous ai parlé, répliqua M. Pickwick; je l'ai envoyé chercher au bourg. Ayez la bonté de le faire monter, Snodgrass.»

M. Snodgrass exécuta cette commission, et M. Samuel Weller se présenta immédiatement.

«Ha! ha! vous me reconnaissez, je suppose? lui dit M. Pickwick.

– Un peu! répliqua Sam avec un clin d'œil protecteur. Drôle de gaillard, celui-là! Trop malin pour vous, hein? il vous a légèrement enfoncé, n'est-ce pas?

– Il ne s'agit point de cela maintenant, reprit vivement le philosophe; j'ai à vous parler d'autre chose. Asseyez-vous.

– Merci, monsieur, répondit Sam, et il s'assit sans autre cérémonie, ayant préalablement déposé son vieux chapeau blanc sur le carré. Ça n'est pas fameux, disait-il en parlant de son couvre-chef, et en souriant agréablement aux pickwickiens assemblés, mais c'est étonnant à l'user. Quand il avait des bords, c'était un beau bolivar; depuis qu'il n'en a plus, il est plus léger; c'est quelque chose: et puis chaque trou laisse entrer de l'air; c'est encore quelque chose. J'appelle ça un feutre ventilateur.

– Maintenant, reprit M. Pickwick, il s'agit de l'affaire pour laquelle je vous ai envoyé chercher, avec l'assentiment de ces messieurs.

– C'est ça, monsieur, accouchons, comme dit c't autre à son enfant qui avait avalé un liard.

– Nous désirons savoir, en premier lieu, si vous avez quelque raison d'être mécontent de votre condition présente.

– Avant de satisfaire cette question ici, je désirerais savoir, en premier lieu, si vous en avez une meilleure à me donner.»

Un rayon de calme bienveillance illumina les traits de M. Pickwick lorsqu'il répondit: «J'ai quelque envie de vous prendre à mon service.

– Vrai?» demanda Sam.

M. Pickwick fit un geste affirmatif.

– Gages?

– Douze guinées par an.

– Habits?

– Deux habillements.

– L'ouvrage?

– Me servir et voyager avec moi et ces gentlemen.

– Otez l'écriteau! s'écria Sam avec emphase. Je suis loué à un gentleman seul, et le terme est convenu.

– Vous acceptez ma proposition?

– Certainement. Si les habits me prennent la taille moitié aussi bien que la place, ça ira.

– Naturellement, vous pouvez fournir de bons certificats?

– Demandez à l'hôtesse du Blanc-Cerf, elle vous dira ça, monsieur.

– Pouvez-vous venir ce soir?

– Je vas endosser l'habit à l'instant même, s'il est ici, s'écria Sam avec une grande allégresse.

– Revenez ce soir, à huit heures, répondit M. Pickwick, et si les renseignements sont satisfaisants, nous verrons à vous faire habiller.»

Sauf une aimable indiscrétion, dont s'était en même temps rendue coupable une des servantes de l'hôtel, la conduite de M. Weller avait toujours été très-méritoire. M. Pickwick n'hésita donc pas à le prendre à son service, et avec la promptitude et l'énergie qui caractérisaient non seulement la conduite publique, mais toutes les actions privées de cet homme extraordinaire, il conduisit immédiatement son nouveau serviteur dans un de ces commodes emporiums, où l'on peut se procurer des habits confectionnés ou d'occasion, et où l'on se dispense de la formalité inconnue de prendre mesure. Avant la chute du jour, M. Weller était revêtu d'un habit gris avec des boutons P.C., d'un chapeau noir avec une cocarde, d'un gilet rayé, de culottes et de guêtres, et d'une quantité d'autres objets trop nombreux pour que nous prenions la peine de les récapituler.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
01 kasım 2017
Hacim:
590 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
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Public Domain
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