Sadece LitRes`te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I», sayfa 30

Yazı tipi:

CHAPITRE XXVIII.
Un joyeux chapitre des fêtes de Noël, contenant le récit d'une noce et de quelques autres passe-temps qui sont, dans leur genre, d'aussi bonnes coutumes que le mariage, mais qu'on ne maintient pas aussi religieusement, dans ce siècle dégénéré

Aussi diligents que des abeilles, et presque aussi légers que des papillons, les quatre Pickwickiens se rassemblèrent, au matin du 22 décembre de l'an de grâce 1831. Noël s'approchait rapidement, dans toute sa joyeuse et cordiale hospitalité. La vieille année se préparait, comme un gymnosophiste indien, à réunir ses amis autour de soi, et à mourir doucement et tranquillement au milieu des festins et des bombances. C'était une époque de jubilation, et parmi les nombreux mortels que réjouissait la même cause, nos quatre héros étaient remarquablement enjoués et heureux.

Car ils sont nombreux les mortels à qui Noël apporte un court intervalle de gaieté et de bonheur! Combien de familles dispersées au loin par les soins, par les luttes incessantes de la vie, se réunissent alors dans cet heureux état de familiarité et de bonne volonté mutuelle, qui est la source de tant de pures délices; douce et paisible communion d'esprit qui semble si incompatible avec les soucis de l'existence, si au dessus des plaisirs de ce monde, que les nations les plus civilisées, comme les peuplades les plus sauvages, en font également une des premières jouissances réservées aux élus, dans le séjour du bonheur éternel. Combien de vieilles sympathies, combien de souvenirs assoupis se réveillent au temps de Noël!

Nous écrivons ces lignes à bien des lieues de l'heureux endroit où, pendant de longues années, nous avons rencontré, la veille de Noël, un cercle amical et joyeux. La plupart des cœurs qui palpitaient alors avec ivresse, ont cessé de battre; les mains que nous aimions à serrer, sont devenues froides; les visages gracieux qui nous charmaient, sont décharnés; les regards que nous cherchions, ont perdu leur éclat; et cependant la vieille maison, la grande salle, les plaisanteries, les rires, les voix joyeuses et les visages souriants, les circonstances les plus frivoles de ces heureuses réunions, se pressent en foule dans notre esprit, à chaque retour de cette fête. Il semble que nous n'ayons cessé de nous voir que d'hier. Heureux, heureux le jour de Noël, qui redonne au vieillard les illusions de sa jeunesse, et qui transporte le marin, le voyageur, éloigné de plusieurs milliers de lieues, parmi les joies tranquilles de la maison paternelle.

Nous nous sommes laissé entraîner par les bonnes qualités de Noël, qui, pour le dire en passant, est tout à fait un gentilhomme campagnard de la vieille école, et nous faisons attendre, au froid, M. Pickwick et ses amis. Ils viennent d'arriver à la voiture de Muggleton, soigneusement enveloppés de châles et de grandes redingotes. Les portemanteaux, les sacs de nuit sont placés, et Sam s'efforce avec le garde30 d'insinuer dans le coffre de devant une énorme morue, soigneusement empaquetée dans un long panier brun garni de paille, et qui doit reposer sur une demi-douzaine de barils d'huîtres, appartenant, comme elle, à M. Pickwick. La physionomie de celui-ci exprime le plus vif intérêt, tandis que Sam et le garde font tout ce qu'ils peuvent pour fourrer la morue dans le réceptacle, quoiqu'elle soit deux ou trois fois trop grande pour y entrer. D'abord ils veulent la mettre la tête la première, ensuite la queue la première, puis le fond du panier en haut, puis l'ouverture en haut, puis sur le côté, puis diagonalement. Mais l'implacable morue résiste opiniâtrement à tous ces artifices. Enfin, cependant, le garde, frappant par hasard sur le milieu du panier, le poisson disparaît soudainement, et cette condescendance inattendue, faisant perdre l'équilibre au garde lui-même, sa tête et ses épaules s'enfoncent en même temps dans le coffre, à la satisfaction inexprimable de tous les porteurs et assistants. M. Pickwick sourit avec bonne humeur, tire un shilling de son gilet, et lorsque le garde sort de sa boîte, le prie de boire à sa santé un verre d'eau-de-vie et d'eau chaude. Sur cela, le garde sourit aussi, et MM. Snodgrass, Winkle et Tupman sourient tous de compagnie. Le garde et Sam Weller disparaissent pendant cinq minutes, probablement pour avaler le grog, car ils sentent l'eau-de-vie en revenant. Le cocher monte sur son siége, Sam saute derrière, les Pickwickiens tirent leurs redingotes sur leurs jambes et leurs châles sur leur nez, les valets d'écurie ôtent les couvertures des chevaux, le cocher crie: «En route!» et les voilà partis.

Ils ont circulé à travers les rues, ils ont été cahotés sur le pavé, et, à la fin, ils atteignent la campagne. Les roues glissent sur le terrain dur et gelé. Au claquement aigu du fouet, les chevaux partent au petit galop et entraînent à leurs talons voiture, voyageurs, morue, barils d'huîtres, et le reste, comme si ce n'était qu'une plume légère. Ils ont descendu une pente douce et se trouvent sur une chaussée horizontale, de deux milles de long, aussi sèche, aussi compacte qu'un bloc de granit. Un autre claquement de fouet, et ils s'élancent au grand galop, secouant leur tête et leur harnais, sous l'influence excitante de leur mouvement rapide. Cependant le cocher, tenant le fouet et les guides d'une main, ôte son chapeau avec l'autre, le pose sur ses genoux, tire son mouchoir et essuie son front; partie parce qu'il a l'habitude d'agir ainsi, et partie pour montrer aux voyageurs comme il est à son aise, et combien c'est une chose facile de conduire quatre chevaux, quand on a autant de pratique que lui. Ayant fait cela fort tranquillement (car autrement l'effet en serait notablement diminué), il replace son mouchoir, remet son chapeau, ajuste ses gants, équarrit ses coudes, fait claquer son fouet de nouveau, et au galop! plus gaiement que jamais!

Quelques maisons, éparpillées des deux cotés de la route, annoncent l'entrée d'un village. Le cornet du garde fait vibrer dans l'air pur et frais des notes animées, qui réveillent le vieux gentleman de l'intérieur. Il abaisse la glace à moitié, regarde un instant au dehors, et relevant soigneusement la glace, informe l'autre habitant de l'intérieur que l'on va relayer dans quelques minutes. D'après cet avis, celui-ci se secoue, et se détermine à remettre son premier somme jusqu'à ce qu'on soit reparti. Le cornet résonne encore vigoureusement, et, à ce bruit, les femmes et les enfants du village viennent regarder à la porte de leur chaumière, et suivent des yeux la voiture jusqu'à ce qu'elle tourne le coin, puis ils rentrent s'étendre autour d'un feu brillant et y jettent un autre morceau de bois pour quand le père reviendra. Cependant le père lui-même, à un mille de là, vient d'échanger un signe de tête amical avec le cocher, et s'est retourné pour examiner longuement la voiture qui s'enfuit loin de lui.

Et maintenant, pendant que les roues retentissent dans les rues mal pavées d'une ville provinciale, le cornet joue un air guilleret. Le cocher, défaisant la boucle qui réunit ses guides, s'apprête à les jeter au moment même où il arrêtera. M. Pickwick sort du collet de sa redingote, et regarde autour de lui avec grande curiosité; le cocher, qui s'en aperçoit, l'instruit du nom de la ville, et lui dit que c'était hier jour de marché; double information que M. Pickwick s'empresse de faire passer à ses compagnons de voyage, et qui les décide à sortir aussi de leurs collets et à regarder autour d'eux. M. Winkle, qui est assis à l'extrémité de la banquette, avec une jambe dandinante en l'air, est presque précipité dans la rue lorsque la voiture tourne brusquement pour entrer dans la place du marché; et M. Snodgrass, qui se trouve assis auprès de lui, n'est point encore remis de son effroi, lorsqu'elle arrête dans la cour de l'auberge, où les chevaux frais, avec leurs couvertures, piaffent déjà. Le cocher jette les guides et descend de son siége; les voyageurs extérieurs descendent aussi, excepté ceux qui n'ont pas grande confiance dans leur habileté pour remonter. Ceux-là restent où ils sont, frappent leurs pieds contre la voiture pour se les réchauffer, et regardent avec un œil d'envie le feu qui brille dans la salle, et le buis, orné de baies rouges, qui pare les fenêtres de l'auberge.

Cependant le garde a déposé, à la boutique du grènetier, le paquet de papier gris qu'il a tiré de la petite besace pendue sur son épaule, à un baudrier de cuir. Il a soigneusement examiné les nouveaux chevaux; il a jeté sur le pavé la selle apportée de Londres, sur l'impériale; il a assisté à la conférence tenue par le cocher et par le valet d'écurie sur la jument grise, qui s'est blessée à la jambe de devant mardi passé; il est remonté derrière la voiture avec Sam; le cocher est juché sur son siége; le vieux gentleman du dedans, qui avait tenu la glace baissée de deux doigts, durant tout ce temps, l'a relevée, et les couvertures des chevaux sont ôtées, et tout est prêt pour partir, excepté les deux gros gentlemen, dont le cocher s'enquiert avec grande impatience; puis le cocher, et le garde, et Sam, et M. Winkle, et M. Snodgrass, et tous les palefreniers, et tous les flâneurs, qui sont plus nombreux que tous les autres ensemble, se mettent à brailler à tue-tête après les voyageurs manquants. Une réponse lointaine s'entend au fond de la cour; M. Pickwick et M. Tupman la traversent en courant, tout hors d'haleine, car ils ont bu chacun un verre d'ale, et les doigts de M. Pickwick sont si froids, qu'il a été cinq grandes minutes avant de pouvoir tirer six pence pour payer. Le cocher vocifère d'un air mécontent: «Allons, gentlemen, allons!» Le garde répète le même cri; le vieux gentleman de l'intérieur trouve fort extraordinaire qu'on veuille descendre, quand on sait qu'on n'en a pas le temps; M. Pickwick s'efforce de grimper d'un côté, M. Tupman de l'autre; M. Winkle crie. Ça y est, et les voilà repartis! Les châles sont remis, les collets d'habits sont rajustés, le pavé cesse, les maisons disparaissent, et nos voyageurs s'élancent de nouveau sur la grande route, et l'air clair et piquant baigne leur visage et les réjouit jusqu'au fond du cœur.

C'est ainsi que le Télégraphe de Muggleton transportait M. Pickwick et ses amis sur le chemin de Dingley-Dell. A trois heures de l'après-midi, ils débarquaient tous, sains et saufs, sur les marches du Lion bleu, ayant pris sur la route assez d'ale et d'eau-de-vie pour défier la gelée, qui couvrait, de ses belles dentelles blanches, les arbres et les haies.

M. Pickwick était sérieusement occupé à surveiller l'exhumation de la morue, lorsqu'il se sentit tirer doucement par le pan de son habit. Il se retourna et reconnut le page favori de M. Wardle, mieux connu des lecteurs de cette véridique histoire sous le nom du gros joufflu.

«Ha! ha! fit M. Pickwick.

– Ha! ha! fit le gros joufflu en regardant amoureusement la morue et les barils d'huîtres. Il était plus gros que jamais.

– Eh bien! mon jeune ami, dit M. Pickwick, vous m'avez l'air assez rougeaud.

– J'ai dormi devant le feu de la buvette, répondit le gros joufflu, qu'une heure de somme avait monté au ton d'une brique. Maître m'a envoyé avec la charrette pour porter votre bagage à la maison. Il aurait envoyé quelques chevaux de selle; mais, comme il fait froid, il a pensé que vous aimeriez mieux marcher.

– Oui! oui! nous aimons mieux marcher, répliqua précipitamment M. Pickwick, car il se rappelait la cavalcade qu'il avait déjà faite sur la même route. Sam!

– Monsieur!

– Aidez le domestique de M. Wardle à mettre les paquets dans la charrette, et montez-y avec lui; nous allons aller en avant.»

Ayant donné ces instructions et terminé son compte avec le cocher, M. Pickwick, suivi de ses amis, prit le sentier de traverse et s'éloigna d'un pas gaillard.

Sam, qui se trouvait pour la première fois confronté avec le gros joufflu, l'examinait curieusement, mais sans rien dire: quand il l'eut bien considéré, il commença à arranger rapidement tous les paquets dans la charrette, tandis que Joe le regardait d'un air tranquille, et paraissait trouver un immense plaisir à voir avec quelle activité Sam faisait cette opération.

«Voilà, dit Sam, en jetant le dernier sac dans la charrette: ils y sont tous.

– Oui, observa Joe d'un ton satisfait: ils y sont tous…

– Savez-vous, mon petit, que vous auriez bien pu obtenir le prix au grand concours.

– Bien obligé.

– Est-ce que vous avez quelque chose dessus votre cœur qui vous affecte?

– Non, je ne crois pas.

– J'aurais pourtant imaginé, en vous regardant, que vous aviez une passion malheureuse.»

Joe secoua la tête d'une manière négative.

«Eh bien! poursuivit Sam; tant mieux! Buvez-vous?

– J'aime mieux manger.

– Ah! j'aurais imaginé ça. Mais je veux dire, voulez-vous prendre une goutte de quelque chose qui vous réchaufferait votre petit estomac? Du reste vous êtes gentiment rembourré et vous ne devez pas avoir froid souvent.

– Quelquefois, et j'aime bien à boire la goutte, quand c'est du bon.

– Ah! c'est-il vrai? Hé bien, venez par ici alors.»

Nos nouveaux amis furent bientôt transportés à la buvette du Lion bleu, et le gros joufflu avala un verre d'eau-de-vie sans sourciller, exploit qui l'avança considérablement dans la bonne opinion de Sam. Lorsque celui-ci eut opéré pour son propre compte, ils montèrent dans la charrette.

«Savez-vous conduire? demanda le page de M. Wardle.

– Un peu, mon neveu!

– Voilà alors, dit le gros joufflu en mettant les guides dans la main de Sam et en lui montrant une ruelle. Il n'y a qu'à aller tout droit, et vous ne pouvez pas vous tromper.»

Ayant prononcé ces mots, il se coucha affectueusement à côté de la morue, et plaçant un baril d'huîtres sous sa tête, en guise de traversin: il s'endormit instantanément.

«Eh bien! par exemple, fit Sam: pour un jeune homme sans gêne, voilà un jeune homme sans gêne! Allons, réveillez-vous, jeune hydropique.»

Mais comme le jeune hydropique ne montrait aucun symptôme d'animation, Sam s'assit sur le devant du char, et faisant partir le vieux cheval par une secousse des guides, le conduisit d'un trot soutenu vers Manoir-ferme.

Cependant M. Pickwick et ses amis, ayant rétabli par la marche une active circulation dans leur système veineux et artériel, poursuivaient gaiement leur chemin. La terre était durcie, le gazon blanchi par la gelée; l'air froid et sec était fortifiant, et l'approche rapide du crépuscule grisâtre (couleur d'ardoise serait une expression plus convenable dans un temps de gelée), rendait plus séduisante pour nos voyageurs l'agréable perspective des conforts qui les attendaient chez leur hôte. C'était précisément l'espèce d'après-midi, qui, dans un champ solitaire, pourrait induire un couple de barbons à ôter leurs habits et à jouer à saute-mouton, par pure légèreté d'esprit. Aussi sommes-nous fermement persuadés que si dans cet instant M. Tupman s'était courbé, en appuyant les mains sur ses genoux, M. Pickwick aurait profité, avec la plus grande avidité, de cette invitation indirecte.

Quoi qu'il en soit, M. Tupman ne s'étant pas posé de cette manière, nos amis continuèrent à marcher, en conversant joyeusement. Comme ils entraient dans une ruelle qu'ils devaient traverser, un bruit confus de voix vint frapper leurs oreilles, et avant d'avoir eu le temps de former une conjecture sur les personnes à qui ces voix appartenaient, ils se trouvèrent au milieu d'une société nombreuse qui attendait leur arrivée.

C'était le vieux Wardle, qui poussait de bruyants hourras, et qui, s'il est possible, avait l'air encore plus jovial que de coutume; c'était Bella et son fidèle Trundle; c'était Émily enfin, et huit ou dix autres jeunes demoiselles, qui étaient venues pour assister aux opérations matrimoniales du lendemain, et qui se trouvaient toutes dans cette disposition de gaieté et d'importance ordinaire aux jeunes ladies dans ces intéressantes occasions. Les champs et les ruelles retentissaient au loin des éclats de rire de cette bande joyeuse.

Les cérémonies des présentations furent bientôt terminées, ou plutôt les présentations furent bientôt parfaites, sans aucune cérémonie. Au bout de deux minutes, M. Pickwick, aussi à son aise, aussi peu contraint que s'il avait connu toute sa vie ces jeunes demoiselles, plaisantait avec celles qui ne voulaient pas passer par-dessus les barrières quand il regardait, ou qui ayant de jolis pieds et des chevilles sans reproche, avaient soin de rester debout sur la balustrade pendant cinq ou six minutes, en déclarant qu'elles avaient trop peur pour oser faire aucun mouvement. Il est digne de remarque que M. Snodgrass offrit à Émily Wardle beaucoup plus d'assistance que les terreurs de la barrière ne semblaient l'exiger, quoiqu'elle eût bien trois pieds de haut et qu'il fallût y monter sur une couple de pierres, servant de marches. Enfin l'on observa qu'une jeune demoiselle, qui avait des yeux noirs et de très-jolis petits brodequins garnis de fourrures, poussa de grands cris lorsque M. Winkle lui offrit la main pour l'aider à descendre.

Quand les difficultés des barrières furent surmontées, quand on se retrouva sur un terrain plat, M. Wardle apprit à M. Pickwick qu'on venait d'examiner, en corps, l'ameublement de la maison où le jeune couple devait habiter après les fêtes de Noël. A cette communication, Bella et Trundle devinrent tous les deux aussi rouges que le gros joufflu après son somme au coin du feu. Cependant la jeune lady aux yeux noirs et aux brodequins garnis de fourrure murmura quelque chose dans l'oreille d'Émily, en regardant malicieusement M. Snodgrass. Émily lui répondit: Vous êtes folle; mais elle rougit beaucoup malgré cela: et M. Snodgrass, qui était aussi modeste que le sont ordinairement tous les grands génies, sentit le rouge lui monter jusqu'au sommet de la tête, et souhaita dévotement, dans le fond de son cœur, que la jeune lady susdite, ses yeux noirs, sa malice et ses brodequins garnis de fourrure, fussent tous confortablement déposés à l'autre bout de l'Angleterre.

Si les Pickwickiens avaient été reçus d'une manière amicale hors de la maison, imaginez quelles furent la chaleur et la cordialité de leur réception quand on arriva à la ferme. Les domestiques eux-mêmes grimaçaient de plaisir en voyant M. Pickwick; et la femme de chambre, Emma, lança à M. Tupman un regard de reconnaissance, moitié modeste, moitié impudent, et si joli qu'il aurait suffi pour décider la statue de Bonaparte, située dans le vestibule, à ouvrir ses bras et à la presser sur son sein.

La vieille lady était assise dans le parloir, avec sa majesté accoutumée. Mais elle était d'assez mauvaise humeur, et par conséquent très-complétement sourde. Elle ne sortait jamais, et comme beaucoup d'autres vieilles dames de la même étoffe, lorsque d'autres faisaient ce qu'elle ne pouvait pas faire elle-même, elle croyait que c'était un crime de haute trahison domestique. Aussi se tenait-elle toute droite dans son grand fauteuil, et avait-elle l'air aussi sévère qu'elle le pouvait. Mais après tout, que Dieu la bénisse! c'était encore un air bénévole.

«Maman, dit M. Wardle, voilà M. Pickwick. Vous vous en souvenez.

– C'est bien! c'est bien! répliqua-t-elle avec dignité: Ne tourmentez pas M. Pickwick pour une vieille créature comme moi. Personne ne se soucie plus de moi, maintenant, et c'est fort naturel. En prononçant ces mots elle secouait sa tête, et détirait d'une main tremblante les plis de sa robe de soie.

– Allons! allons! madame, dit M. Pickwick; ne repoussez pas comme cela un vieil ami. Je suis venu exprès pour avoir une longue conversation avec vous, et pour faire un autre rob. Et puis nous montrerons à ces enfants à danser un menuet avant qu'ils soient plus vieux de quarante-huit heures.»

La vieille dame s'adoucissait rapidement, mais elle n'aimait pas avoir l'air de céder tout à coup, aussi se contenta-t-elle de dire: «Ah! je ne peux pas l'entendre.

– Allons! maman, quel enfantillage! reprit M. Wardle: ne soyez donc pas de mauvaise humeur; pensez à Bella, pauvre fille; il faut que vous l'encouragiez.»

La bonne vieille dame entendit ceci, car ses lèvres tremblèrent pendant que son fils parlait. Mais l'âge a ses petites infirmités mentales, et elle n'était point encore tout à fait apaisée. Elle recommença donc à détirer sa robe, et se tournant vers M. Pickwick, «Ah! monsieur Pickwick, lui dit-elle, les jeunes gens étaient bien différents dans mon temps.

– Sans aucun doute, madame, et c'est pour cela que j'aime tant ceux qui ont quelques traces de l'ancienne roche.» En disant ces mots notre excellent ami attira doucement Isabelle, et déposant un baiser sur son front, la fit asseoir sur le petit tabouret aux pieds de sa grand'mère. Alors, soit que l'expression de ce jeune visage, levé vers la vieille dame, lui rappelât des souvenirs d'autrefois, soit qu'elle fût touchée par la bienveillante bonhomie de M. Pickwick, quelle qu'en fût la cause enfin, elle s'amollit complétement; elle jeta ses bras au cou de Bella, et toute cette petite mauvaise humeur s'évapora en larmes silencieuses.

Ce fut une heureuse soirée. Le whist où M. Pickwick et la vieille lady jouaient ensemble, était grave et solennel, mais la joie de la table ronde était bruyante et tumultueuse. Longtemps après que les dames se furent retirées, le vin chaud bien assaisonné d'eau-de-vie et d'épices, circula à la ronde et recircula fréquemment. Le sommeil qu'il produisit fut profond, et les rêves qu'il amena furent agréables. C'est un fait remarquable que ceux de M. Snodgrass se rapportaient constamment à Émily Wardle, et que la principale figure des visions de M. Winkle était une jeune demoiselle, avec des yeux noirs, un sourire malin, et des brodequins remarquablement petits.

M. Pickwick fut réveillé de bonne heure, le lendemain, par un murmure de voix, par un bruit confus de pas, qui auraient suffi pour tirer le gros joufflu lui-même de son pesant sommeil. Il se leva sur son séant et écouta. Les domestiques et les hôtes féminins couraient constamment de tous côtés, et il y avait tant et de si instantes demandes d'eau chaude, tant de supplications répétées pour des aiguilles et du fil, tant de: «Oh! venez m'agrafer ma robe, vous serez bien gentille!» que M. Pickwick, dans son innocence, commença à s'imaginer qu'il était arrivé quelque chose d'épouvantable. Cependant ses idées s'éclaircissant de plus en plus, il se rappela que c'était le jour des noces. L'occasion étant importante, il s'habilla avec un soin particulier, et descendit dans la chambre où l'on devait déjeuner.

Toutes les servantes de la maison, vêtues d'un uniforme de mousseline, couraient çà et là dans un état d'agitation et d'inquiétude impossible à décrire. La vieille lady était parée d'une robe de brocart, qui depuis vingt années n'avait pas vu la lumière, excepté lorsque quelque rayon vagabond s'était glissé à travers les fentes de la boîte où elle était enfermée. M. Trundle resplendissait de satisfaction, mais on voyait pourtant que ses nerfs n'étaient pas bien solides. Quant au cordial amphitryon, il échouait complétement dans ses efforts pour paraître tranquille et gai. Excepté deux ou trois favorites, demeurées en haut, et honorées d'une vue particulière de la mariée et des demoiselles d'honneur, toutes les jeunes personnes étaient en larmes et en robe de mousseline. Les pickwickiens avaient également revêtu des costumes appropriés à la circonstance. Enfin l'on entendait sur le gazon, devant la grande porte, de terribles hurlements, poussés par tous les hommes, jeunes gars et gamins, dépendant de la ferme, et portant chacun une cocarde blanche à leur boutonnière. C'était Sam qui dirigeait leurs cris, du précepte et de l'exemple; car il était déjà parvenu à se rendre fort populaire, et se trouvait là aussi à son aise que s'il avait été conçu et enfanté sur les terres de M. Wardle.

Un mariage est un sujet privilégié de plaisanteries; et cependant après tout, il n'y a pas grande plaisanterie dans l'affaire. Nous parlons simplement de la cérémonie, et demandons qu'il soit bien entendu que nous ne nous permettons aucun sarcasme caché contre la vie maritale. Aux plaisirs, aux espérances qu'apporte le mariage, est mêlé le regret d'abandonner sa maison, sa famille, de laisser derrière soi les tendres amis de la portion la plus heureuse de la vie, pour en affronter les soucis avec une personne qu'on n'a pas encore éprouvée et qu'on connaît peu. Mais en voilà assez sur ce sujet: nous ne voulons pas attrister notre chapitre par la description de ces sentiments naturels, et nous regretterions encore bien plus de les tourner en ridicule.

Nous dirons donc brièvement que le mariage fut célébré par le vieil ecclésiastique, dans l'église paroissiale de Dingley-Dell; et que le nom de M. Pickwick est inscrit sur le registre, conservé jusqu'à ce jour dans la sacristie; que la jeune demoiselle aux yeux noirs ne signa pas son nom d'une main ferme, coulante et dégagée; que la signature d'Émily et celle de l'autre demoiselle d'honneur sont presque illisibles; que d'ailleurs tout se passa très-bien et d'une manière fort agréable; que les jeunes demoiselles trouvèrent, généralement, que la cérémonie était bien moins terrible qu'elles ne se l'étaient imaginé; et que si la propriétaire des yeux noirs et du sourire malicieux jugea convenable d'informer M. Winkle, qu'assurément elle ne pourrait jamais se soumettre à une chose aussi odieuse, nous avons, d'autre part, les meilleures raisons pour supposer qu'elle se trompait. A tout cela nous pouvons ajouter que M. Pickwick fut le premier qui embrassa la mariée, et qu'en même temps il lui jeta autour du cou une riche chaîne d'or, avec une montre du même métal, qui n'avaient été vues auparavant par les yeux d'aucun mortel, excepté ceux du joaillier. Enfin les cloches de la vieille église sonnèrent aussi gaiement qu'elles le purent, et tout le monde s'en retourna déjeuner.

«Où les petits pâtés de Noël se placent-ils, jeune mangeur d'opium? demanda Sam au gros joufflu, en aidant cet intéressant fonctionnaire à mettre sur la table les articles de consommation qui n'avaient point été arrangés le soir précédent.

Joe indiqua la destination des pâtés.

«Très-bien! dit Sam: Mettez un rameau de Noël dedans. L'autre plat à l'opposite. Maintenant nous avons l'air compact et confortable, comme observait le papa en coupant la tête de son moutard pour l'empêcher de loucher.»

En faisant cette citation savante, Sam recula d'un pas ou deux pour examiner les préparatifs du festin. Il était encore plongé dans cette délicieuse contemplation, lorsque la société arriva et se mit à table.

«Wardle, dit M. Pickwick, presque aussitôt qu'on fût assis; un verre de vin en honneur de cette heureuse circonstance.

– J'en serai charmé, mon vieux camarade, répliqua M. Wardle. Joe… damné garçon! il est allé dormir.

– Non, monsieur, je ne dors pas, répondit le gros joufflu en sortant d'un coin de la chambre, où, comme l'immortel Jack Horner, patron des gros garçons, il s'occupait à dévorer un pâté de Noël, sans toutefois s'acquitter de cette besogne avec le sang-froid qui caractérisait les opérations gastronomiques de l'illustre héros de la ballade enfantine.

– Remplissez le verre de M. Pickwick.

– Oui, monsieur.»

Le gros joufflu emplit le verre de M. Pickwick et se retira ensuite derrière la chaise de son maître, d'où il observa avec une espèce de joie sombre et inquiète, le jeu des fourchettes et des couteaux, et le trajet des morceaux choisis depuis les plats jusqu'aux assiettes, et des assiettes jusqu'aux bouches des convives.

«Que Dieu vous bénisse, mon vieil ami, dit M. Pickwick.

– Je vous en dis autant, mon garçon, répliqua Wardle, et ils se firent raison du fond du cœur.

– Mme Wardle, reprit M. Pickwick, nous autres vieilles gens nous devons boire un verre de vin ensemble en honneur de cet heureux événement.»

La vieille lady était en ce moment dans une posture pleine de grandeur, car elle était assise au haut bout de la table, dans sa robe de brocart, ayant la nouvelle mariée d'un coté et M. Pickwick de l'autre, pour découper. M. Pickwick n'avait pas parlé très-haut, mais elle l'entendit du premier coup, et but un verre de vin tout entier à sa longue vie et à son bonheur. Ensuite la bonne vieille créature se lança dans un récit circonstancié de son propre mariage, accompagné d'une dissertation sur la mode des talons hauts, et de quelques particularités concernant la vie et les aventures de la charmante lady Tollimglower, décédée. A chaque pose de son récit, la vieille dame riait de tout son cœur, et les jeunes ladies en faisaient autant; puis elles se demandaient entre elles de quoi leur grand'maman pouvait parler si longtemps. Or, quand les jeunes ladies riaient, la vieille dame éclatait dix fois plus fort, et déclarait que son histoire avait toujours été regardée comme excellente; ce qui faisait rire de nouveau tout le monde, et inspirait à la vieille dame la meilleure humeur possible.

Cependant le fameux plum-cake, le gâteau de noce, fut découpé et circula autour de la table. Les jeunes demoiselles en gardèrent des morceaux, pour mettre sous leur traversin et rêver de leur futur époux, ce qui occasionna une grande quantité de rougeurs et d'éclats de rire.

«Monsieur Miller, un verre de vin, dit M. Pickwick à sa vieille connaissance, le gentleman dont la tête ressemblait à une pomme de reinette.

– Avec grande satisfaction, monsieur, répondit celui-ci d'un air solennel.

– Vous me permettrez d'en être, dit le vieil ecclésiastique bénévole.

– Et à moi aussi, ajouta sa femme.

– Et à moi aussi, et à moi aussi,» répétèrent du bas de la table une couple de parents pauvres, qui avaient bu et mangé de tout leur cœur, et qui s'empressaient de rire à tout ce qui se disait.

M. Pickwick, dont les yeux rayonnaient de bienveillance et de plaisir, exprima son intime satisfaction à chaque addition nouvelle. Ensuite, se levant tout d'un coup:

«Ladies et gentlemen, dit-il.

– Écoutez! écoutez! écoutez! écoutez! écoutez! écoutez! cria Sam, emporté par l'exaltation du moment.

– Faites entrer tous les domestiques, dit le vieux Wardle en s'interposant pour prévenir la rebuffade publique que Sam aurait infailliblement reçue de son maître; et donnez-leur à chacun un verre de vin pour boire le toast; maintenant, Pickwick…»

30
  Le conducteur. Cette appellation est un reste du temps où les routes étaient si peu sûres que chaque voiture était accompagnée d'un véritable garde.
(Note du traducteur.)

[Закрыть]
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
01 kasım 2017
Hacim:
590 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain