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Kitabı oku: «David Copperfield – Tome I», sayfa 29

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Elle choisit alors deux ou trois de ses légers instruments avec une petite fiole, et demanda, à ma grande surprise, si la table était solide. Sur la réponse affirmative de Steerforth, elle approcha une chaise, et me demandant de lui donner la main, elle monta assez lestement sur la table comme sur un théâtre.

«Si l'un de vous a vu le bas de ma cheville, dit-elle, une fois arrivée en sûreté, il n'a qu'à le dire, et je vais me pendre.

– Je n'ai rien vu, dit Steerforth.

– Ni moi, ajoutai-je.

– Eh bien! alors, s'écria miss Mowcher, je consens à vivre. Allons, mon fils, venez vous mettre entre les mains de l'exécuteur.»

Steerforth, cédant à son appel, s'assit le dos contre la table, et tournant de mon côté son visage, il soumit sa tête à l'examen de la naine, évidemment sans autre but que de nous amuser. C'était un curieux spectacle que de voir miss Mowcher penchée sur lui et examinant ses beaux cheveux bruns, à l'aide d'une loupe qu'elle venait de tirer de sa poche.

«Vous faites un joli garçon, allez! dit miss Mowcher après un court examen; sans moi vous seriez chauve comme un moine avant la fin de l'année. Je ne vous demande qu'une dernière minute, et je vais laver vos cheveux avec une eau qui vous les conservera dix ans.»

En même temps elle versa le contenu de sa fiole sur un petit morceau de flanelle, puis imbibant de la même préparation une des petites brosses, elle commença à frotter la tête de Steerforth avec une activité incomparable, toujours parlant, sans discontinuer.

«Vous connaissez Charlot Pyegrave, le fils du duc, dit-elle; vous savez bien? et elle regarda Steerforth par-dessus sa tête.

– Oui, un peu, dit Steerforth.

– En voilà un homme! en voilà des favoris! Si ses jambes étaient seulement aussi droites, elles seraient sans égales. Croiriez-vous qu'il a voulu essayer de se passer de moi? un officier des gardes! comprend-on ça?

– Il était donc fou? dit Steerforth.

– Cela m'en a tout l'air; mais fou ou non, il a voulu en faire l'essai, répliqua miss Mowcher. Que fait-il, je vous prie? il entre chez un parfumeur, et demande une bouteille d'eau de Madagascar.

– Charlot?

– Charlot en personne. Mais on n'avait pas d'eau de Madagascar.

– Qu'est-ce que c'est que ça? quelque chose pour boire? demanda Steerforth.

– Pour boire? répliqua miss Mowcher en s'arrêtant pour lui donner un petit soufflet. Pour arranger lui-même ses moustaches, vous savez? Il y avait une femme dans la boutique, un peu âgée, un vrai Cerbère, qui n'avait jamais entendu ce nom-là. «Pardon, monsieur, dit le Cerbère à Charlot, ce n'est pas… ce n'est pas du rouge, par hasard? – Du rouge! dit Charlot au Cerbère, que voulez-vous que je fasse de votre rouge? – Pardon, monsieur, dit le Cerbère, mais on nous demande cet article-là sous tant de noms différents, que je pensais que c'en était peut-être un de plus.» Voilà, mon cher enfant, continua miss Mowcher en frottant toujours de toutes ses forces, voilà un autre échantillon de ces jolis enjôleurs dont je vous parlais tout à l'heure. Je ne dis pas que je ne m'en mêle pas comme un autre, peut-être même plus qu'un autre, peut-être moins; mais motus! mon garçon, cela ne vous regarde pas.

– De quoi dites-vous que vous vous mêlez? du commerce en rouge? dit Steerforth.

– Vous n'avez qu'à additionner ceci et cela, mon cher élève, dit la rusée miss Mowcher en touchant le bout de son nez; faites-en une règle de trois multipliée par les secrets de commerce, et cela vous donnera pour produit le résultat demandé. Je dis que je me mêle un peu d'enjôler aussi dans mon genre. Il y a des douairières qui m'appellent soi-disant pour avoir du baume pour les lèvres; telle autre me demande des gants; une troisième, une chemisette; une dernière, un éventail. Moi, je donne à tout cela le nom qu'elles veulent. Je leur fournis l'article demandé; mais nous nous gardons si bien le secret l'une à l'autre, et faisons si bonne contenance, ma foi! qu'elles ne se gêneraient pas plus pour se pommader de leur rouge devant le monde que devant moi. Je vais chez elles, n'ont-elles pas le front de me dire quelquefois, avec un bon doigt de rouge sur la figure, pour le moins: «Quelle mine me trouvez-vous, miss Mowcher? ne suis-je pas un peu pâle?» Ah! ah! ah! en voilà encore des enjôleuses; qu'en dites-vous, mon garçon?»

Jamais de ma vie ni de mes jours je n'ai rien vu qui approchât de miss Mowcher debout sur la table à manger, riant de cette bonne plaisanterie, et frottant sans relâche le crâne de Steerforth, pendant qu'elle clignait de l'oeil de mon côté, en me regardant par-dessus la tête.

«Ah! par exemple, on ne demande pas beaucoup ces articles-là de ce côté-ci, dit-elle. Voilà qui m'étonne. Je n'ai pas vu une jolie femme depuis que je suis ici, Steerforth.

– Non? dit Steerforth.

– Pas seulement l'ombre, répliqua miss Mowcher.

– Nous pourrions lui en montrer le corps en substance, je pense, dit Steerforth en tournant les yeux vers moi. N'est-ce pas, Pâquerette?

– Bien certainement, répondis-je.

– Ah! ah! dit la petite créature en me regardant d'un oeil perçant, puis en jetant un coup d'oeil sur Steerforth, ah! ah!»

La première exclamation semblait une question adressée à tous deux, la seconde était évidemment à l'adresse de Steerforth seul. Ne recevant de l'un ni de l'autre la réponse qu'elle espérait sans doute, elle continua de frotter en penchant la tête et en tournant un oeil vers le plafond, comme si elle cherchait dans les airs la réponse qui lui faisait défaut ici-bas, et qu'elle s'attendit à la voir apparaître immédiatement.

«Une soeur à vous, monsieur Copperfield? s'écria-t-elle après un moment de silence et en conservant toujours la même attitude; une soeur à vous?

– Non, dit Steerforth sans me laisser le temps de répondre, point du tout. Au contraire, M. Copperfield a eu lui-même beaucoup de goût pour elle ou je me trompe fort.

– Et c'est passé? répliqua miss Mowcher. Il est donc volage? quelle honte!

Il a sucé le suc de chaque fleur,Portant partout son inconstante ardeurJusqu'au jour où, belle Marie,Vous l'avez fixé pour la vie.

Qu'en dites-vous? est-ce bien Marie qu'elle s'appelle?»

Cette question tombait si brusquement sur moi, et l'espèce de lutin qui me l'adressait me regardait d'un air si rusé, que je fus tout à fait déconcerté pendant un moment.

«Non, miss Mowcher, répondis-je, elle s'appelle Émilie.

– Ah! ah! dit-elle du même ton. Voyez-vous ça? Je suis sûre que vous me trouvez bien bavarde, n'est-ce pas, monsieur Copperfield? Mais n'ayez pas peur, je suis discrète.»

Son ton et ses regards avaient une signification qui ne me plaisaient pas dans la circonstance. Je lui dis donc d'un air plus grave que celui que nous avions pris jusqu'alors:

«Elle est aussi vertueuse qu'elle est jolie; elle doit épouser un excellent et digne homme de sa condition. Si je l'aime pour sa beauté, je ne l'estime pas moins pour son bon sens.

– Bien parlé! dit Steerforth. Écoutez, écoutez! maintenant, ma chère Pâquerette, je vais éteindre la curiosité de cette petite Fatime, pour qu'elle n'aille pas se mettre martel en tête… C'est une jeune fille qui est pour le moment en apprentissage, miss Mowcher, chez Omer et Joram, marchands de nouveautés, de modes, etc., dans cette ville. Vous entendez bien? Omer et Joram! Elle est fiancée, comme mon ami vous l'a dit, à son cousin, nom de baptême, Ham; nom de famille, Peggotty; état, constructeur de bâtiments, de la même ville. Elle vit avec un de ses parents; nom de baptême, inconnu; nom de famille, Peggotty; état, marin, de la même ville. C'est la plus jolie et la plus charmante petite fée qu'on puisse voir: je la trouve, comme mon ami… extrêmement jolie. Si ce n'était que j'aurais l'air de rabaisser son fiancé, ce qui déplairait à mon ami, j'ajouterais qu'il me semble qu'elle déroge, qu'elle aurait pu trouver un meilleur parti, et qu'elle était née pour être une dame, ma parole d'honneur!»

Miss Mowcher écouta ces paroles, qui furent prononcées lentement et distinctement, en penchant sa tête de côté et en cherchant toujours de l'oeil la réponse qu'elle attendait. Quand il eut fini, elle reprit tout à coup son activité, et recommença à bavarder avec une volubilité étonnante.

«Oh! voilà toute l'histoire? s'écria-t-elle en coupant les favoris de son client, avec une petite paire de ciseaux qu'elle faisait voltiger autour de sa tête dans toutes les directions, très-bien! très-bien! c'est tout un roman. Cela devrait finir par «et ils vécurent heureux,» n'est ce pas? Ah! comment donc dit-on aux petits jeux? «J'aime mon amie par E, parce qu'elle est Enchanteresse; je déteste mon amie par E, parce qu'elle est Engagée; je l'ai menée à l'enseigne de l'Enjôleur, et je l'ai régalée d'un Enlèvement; elle s'appelle Émilie, et elle demeure dans l'Est.» Ah! ah! ah! monsieur Copperfield, n'est-ce pas que vous me trouvez bien folichonne?»

Elle n'attendit pas ma réponse, et, se contentant de me regarder de l'air le plus rusé, elle continua sans reprendre haleine:

«Là! s'il y a jamais eu un mauvais sujet peigné et arrangé dans la perfection, c'est bien vous, Steerforth. S'il y a une caboche au monde que je connaisse comme ma poche, c'est la vôtre. M'entendez- vous, mon garçon? Je vous connais, dit-elle en se penchant sur lui. Maintenant votre affaire est jugée; huissier appelez celle qui suit sur le rôle, comme nous disons à la Cour; si M. Copperfield veut prendre votre place, je vais l'opérer à son tour.

– Qu'en dites-vous, Pâquerette? demanda Steerforth en riant et en me cédant son siège; voulez-vous un petit coup de peigne?

– Je vous remercie, miss Mowcher, pas ce soir.

– Ne refusez pas, dit la petite femme en me regardant d'un air de connaisseur, un peu plus de sourcils!

– Merci, répliquai-je, une autre fois.

– Il leur faudrait un centimètre plus près de la tempe, dit miss Mowcher, c'est l'affaire de quinze jours au plus.

– Non, merci. Pas pour le moment.

– Et vous ne voulez pas une petite houppe, reprit-elle, non? Eh bien! laissez-moi seulement relever l'échafaudage de votre chevelure, après cela nous passerons aux favoris. Allons!»

Je ne pus m'empêcher de rougir tout en refusant, car je sentais qu'elle venait de toucher là mon côté faible. Mais miss Mowcher, voyant que je n'étais pas disposé à subir les améliorations que son art pouvait apporter dans ma personne, et que je résistais, pour le moment du moins, aux séductions de la petite fiole qu'elle tenait en l'air à mon intention, me dit que nous ne tarderions pas à nous revoir, et me demanda la main pour descendre de son poste élevé. Grâce à ce secours, elle descendit très-lestement et commença à replier son double menton par-dessus les cordons de son chapeau.

«Je vous dois…? dit Steerforth.

– Cinq shillings, dit miss Mowcher, et c'est pour rien, mon garçon. N'est-ce pas que je suis bien folichonne, monsieur Copperfield?»

Je répondis poliment par un, «mais non.» Ce qui ne m'empêchait pas de protester intérieurement contre cet aveu pusillanime, quand je la vis l'instant d'après jeter en l'air sa pièce de cinq shillings, la rattraper comme un escamoteur et la glisser dans sa poche en frappant dessus.

«C'est là la petite caisse, dit miss Mowcher, qui s'approcha ensuite de la chaise, et remit dans le sac tous les menus objets qu'elle en avait sortis. Voyons, dit-elle, ai-je bien toutes mes affaires? Il me semble que oui. Il ne serait pas agréable de se trouver dans la situation de Ned Bradwood, quand on le mena à l'église pour lui faire épouser quelqu'un, comme il disait, et qu'on avait oublié la mariée. Ah! ah! ah! un franc mauvais sujet que ce Ned, mais il est si drôle! Maintenant je sais que je vais vous briser le coeur, mais je suis obligé de vous quitter. Prenez votre courage à deux mains et tâchez de supporter ce coup. Bonsoir, monsieur Copperfield! soignez-vous bien, Jockey de Norfolk! Ai-je assez babillé! C'est votre faute, petits coquins. Allez, je vous pardonne! Boun'soir comme disait Bob, après sa première leçon de français, «Boun'soir, mes enfants!»

Son sac suspendu à son bras, et jacassant toujours, elle s'avança en se balançant vers la porte, et s'arrêta tout à coup pour demander si nous ne voulions pas une mèche de ses cheveux. «Vous devez me trouver bien folichonne?» dit-elle en guise de commentaire à cette proposition, et elle disparut le doigt appuyé sur son nez.

Steerforth riait si fort que je ne pus m'empêcher d'en faire autant; je ne sais sans cela si j'aurais ri. Après cette explosion de gaieté qui dura un moment, il me dit que miss Mowcher avait une clientèle très-étendue, et qu'elle se rendait utile à quantité de gens de toute manière. Il y avait des personnes qui la traitaient légèrement comme un échantillon des excentricités de la nature, mais elle avait l'esprit observateur et fin autant que qui que ce fût; si elle avait les bras courts, elle n'en avait pas moins le nez long. Il ajouta qu'elle avait dit la vérité en se vantant d'être à la fois à droite, à gauche et en tous lieux, car elle faisait de temps en temps des excursions en province; elle y ramassait toujours quelques pratiques et finissait par connaître tout le monde. Je lui demandai quel était son caractère, si la malignité en faisait le fond, et si sa sympathie se trouvait en général du bon côté; mais voyant que mes questions n'avaient pas le don de l'intéresser, après deux ou trois tentatives malheureuses, je renonçai à les renouveler. Au lieu de ce que je lui demandais, il se contenta de me conter en l'air une foule de détails sur son habileté et ses profits; il m'apprit même qu'elle était très-adroite à poser des ventouses dans le cas où j'aurais besoin de lui demander ce genre de service.

Miss Mowcher fut donc le principal sujet de notre conversation ce soir-là, et en nous séparant pour la nuit, Steerforth se pencha encore sur la rampe de l'escalier, pendant que je descendais, pour me répéter «Boun'soir.»

Je fus très-étonné, en arrivant devant la maison de M. Barkis, de trouver Ham qui marchait en long et en large, et plus surpris encore d'apprendre que la petite Émilie était chez sa tante. Je demandai naturellement pourquoi Ham n'entrait pas au lieu de se promener en long et en large dans la rue.

«Voyez-vous, monsieur David, dit-il en hésitant, c'est qu'Émilie est en train de parler avec quelqu'un.

– J'aurais cru, dis-je en souriant, que c'était une raison de plus pour que vous y fussiez aussi, Ham.

– Oui, monsieur David, c'est vrai, en général, répliqua-t-il, mais voyez-vous, monsieur David, dit-il en baissant la voix et en parlant d'un ton grave, c'est une jeune femme, monsieur, une jeune femme qu'Émilie a connue autrefois, et qu'elle ne doit plus voir.»

Ses paroles furent un trait de lumière qui vint éclairer mes doutes sur la personne que j'avais vue suivre Émilie quelques heures auparavant.

«C'est une pauvre femme, monsieur David, qui est vilipendée par toute la ville, de droite et de gauche. Il n'y a pas un mort dans le cimetière dont le revenant soit plus capable de faire sauver tout le monde.

– N'est-ce pas elle que j'ai vue ce soir sur la plage, après vous avoir quitté?

– Qui nous suivait? dit Ham. C'est probable, monsieur David. Je ne savais pas qu'elle fût là, mais elle s'est approchée de la petite fenêtre d'Émilie quand elle a vu la lumière, et elle disait tout bas: «Émilie, Émilie, pour l'amour du Christ, ayez un coeur de femme avec moi. J'ai été jadis comme vous!» C'étaient là des paroles bien solennelles, monsieur David: comment refuser de l'entendre?

– Vous avez bien raison, Ham. Et Émilie, qu'a-t-elle fait? Émilie a dit: «Marthe, est-ce vous? Marthe, est-il possible que ce soit vous!» car elles avaient travaillé ensemble pendant longtemps chez M. Omer.

«Je me souviens d'elle, m'écriai-je, car je me rappelais une des deux filles que j'avais vues la première fois que j'étais allé chez M. Omer. Je me souviens parfaitement d'elle.

– Marthe Endell, dit Ham: elle a deux ou trois ans de plus qu'Émilie, mais elles ont été à l'école ensemble.

– Je n'ai jamais su son nom: pardon de vous avoir interrompu.

– Quant à cela, monsieur David, dit Ham, l'histoire n'est pas longue: la voilà tout entière dans ce peu de mots: «Émilie, Émilie, pour l'amour du Christ, ayez un coeur de femme avec moi. J'ai été jadis comme vous!» Elle voulait parler à Émilie: Émilie ne pouvait lui parler à la maison, car son bon oncle venait de rentrer, et quelque tendre, quelque charitable qu'il soit, il ne voudrait pas, il ne pourrait pas, monsieur David, voir ces deux jeunes filles à côté l'une de l'autre, pour tous les trésors qui sont cachés dans la mer.»

Je savais bien que c'était vrai. Ham n'avait pas besoin de me le dire.

Émilie écrivit donc au crayon sur un petit morceau de papier, et lui passa son billet par la fenêtre.

«Montrez ceci, dit-elle, à ma tante mistress Barkis, et elle vous fera asseoir au coin du feu pour l'amour de moi jusqu'à ce que mon oncle soit sorti et que je puisse aller vous parler.» Puis elle me dit ce que je viens de vous raconter, monsieur David, en me demandant de l'amener ici. «Que pouvais-je faire? Elle ne devrait pas connaître une femme comme ça, mais comment voulez-vous que je lui refuse quelque chose quand elle se met à pleurer?»

Il plongea la main dans la poche de sa grosse veste et en tira avec grand soin une jolie petite bourse.

«Et si je pouvais lui refuser quelque chose quand elle se met à pleurer, monsieur David, dit Ham, en étalant soigneusement la petite bourse dans sa main calleuse, comment aurais-je pu lui refuser de porter cela ici, quand je savais si bien ce qu'elle en voulait faire? Un petit joujou comme ça, dit Ham en regardant la bourse d'un air pensif, et si peu garni d'argent! chère Émilie!»

Je lui donnai une poignée de main quand il eut remis la bourse dans sa poche, car je ne savais comment lui exprimer mieux ma sympathie, et nous continuâmes à marcher de long en large, gardant le silence pendant quelques minutes. La porte s'ouvrit alors; Peggotty parut et fit signe à Ham d'entrer. J'aurais voulu rester en arrière, mais elle revint me prier d'entrer aussi. Je n'en aurais pas moins évité de passer par la chambre où l'on était réuni, mais ils étaient dans cette cuisine proprette dont j'ai parlé et la porte de la rue y donnait directement, en sorte que je me trouvai au milieu du groupe avant de savoir où j'allais.

La jeune fille que j'avais vue sur la plage était près du feu. Elle était assise par terre, la tête et le bras appuyés sur une chaise qu'Émilie venait de quitter, j'imagine, et sur laquelle elle avait tenu sans doute la tête de la pauvre abandonnée posée sur ses genoux. Je vis à peine sa figure, ses cheveux étaient épars comme si elle les avait défaits de ses propres mains. Cependant je pus voir qu'elle était jeune et qu'elle avait un beau teint. Peggotty avait pleuré, la petite Émilie aussi. Pas un mot ne fut prononcé au moment de notre arrivée, et le tic tac de la vieille horloge hollandaise à côté du dressoir semblait deux fois plus fort qu'à l'ordinaire dans ce profond silence.

Émilie parla la première.

«Marthe voudrait aller à Londres, dit-elle à Ham.

– Pourquoi à Londres? répondit Ham.»

Il était debout entre elles et regardait la jeune fille étendue à terre, avec un mélange de compassion pour elle et de déplaisir de la voir dans la société de celle qu'il aimait tant. Je me suis toujours rappelé ce regard. Ils parlaient tout bas l'un et l'autre comme si elle était malade, mais on entendait tout distinctement, quoique leurs voix s'élevassent à peine au-dessus d'un murmure.

«Je serai mieux là qu'ici, dit tout haut une troisième voix, celle de Marthe, qui restait toujours à terre. Personne ne m'y connaît: tout le monde me connaît ici.

– Que fera-t-elle là-bas?» demanda Ham. Elle se souleva, le regarda un moment d'un air sombre, puis, baissant la tête de nouveau, elle se passa le bras droit autour de son cou, avec une expression de douleur aussi vive que si elle était dans l'agonie de la fièvre, ou qu'elle vînt de recevoir un plomb mortel.

«Elle tâchera de se bien conduire, dit la petite Émilie. Vous ne savez pas tout ce qu'elle nous a dit. N'est-ce pas, ma tante, ils ne peuvent pas savoir?»

Peggotty secoua la tête d'un air de compassion.

«Oui, je tâcherai, dit Marthe, si vous voulez m'aider à m'en aller. Je ne puis toujours faire pis qu'ici. Peut-être me conduirai-je mieux. Oh! dit-elle avec un frisson de terreur, arrachez-moi de ces rues où tout le monde me connaît depuis mon enfance!»

Émilie étendit la main, je vis que Ham y plaçait un petit sac. Elle le prit, croyant que c'était sa bourse, et fit un pas en avant; puis, reconnaissant son erreur, elle revint à lui (il s'était retiré près de moi) en lui montrant ce qu'il venait de lui donner.

«C'est à vous, Émilie, lui dit-il. Je n'ai rien au monde qui ne soit à vous, ma chère, et je n'ai de plaisir qu'en vous.»

Les yeux d'Émilie se remplirent encore de larmes, mais elle se détourna, puis s'approcha de Marthe. Je ne sais ce qu'elle lui donna. Je la vis se pencher sur elle et lui mettre de l'argent dans son tablier. Elle prononça quelques mots à voix basse et lui demanda si c'était suffisant. «Plus que suffisant,» dit l'autre; et, prenant sa main, elle la baisa.

Alors Marthe se leva et, s'enveloppant dans son châle, elle y cacha son visage et s'avança lentement vers la porte en pleurant à chaudes larmes. Elle s'arrêta un moment avant de sortir, comme si elle voulait dire quelque chose et retourner en arrière, mais pas une parole ne s'échappa de ses lèvres. Elle sortit en poussant seulement par-dessous son châle le même gémissement sourd et douloureux.

Quand la porte se referma, la petite Émilie jeta sur nous un regard rapide, puis cacha sa tête dans ses mains et se mit à sangloter.

«Allons, Émilie, dit Ham en lui tapant doucement sur l'épaule, allons, ma chère, ne pleurez pas ainsi.

– Oh! s'écria-t-elle, les yeux pleins de larmes, je ne suis pas aussi bonne fille que je le devrais, Ham! Je sais que je ne suis pas toujours reconnaissante comme je le devrais.

– Que si, que si, vous êtes reconnaissante, dit Ham, j'en suis sûr.

– Non, dit la petite Émilie en sanglotant et en secouant la tête. Je ne suis pas aussi bonne fille que je le devrais, à beaucoup près, à beaucoup près!»

Et elle pleurait toujours comme si son coeur allait se briser.

«Je mets trop souvent votre affection à l'épreuve, je le sais bien, continua-t-elle. Je suis maussade et capricieuse avec vous, quand je devrais être tout le contraire. Ce n'est pas vous qui seriez comme cela avec moi! Pourquoi donc suis-je ainsi avec vous, quand je ne devrais penser qu'à vous montrer ma reconnaissance et à tâcher de vous rendre heureux!

– Vous me rendez toujours heureux, dit Ham. Je suis heureux quand je vous vois, ma chère. Je suis heureux tout le jour, en pensant à vous.

– Ah! cela ne suffit pas, s'écria-t-elle. Cela vient de votre bonté et non de la mienne. Oh! vous auriez eu plus de chances de bonheur, Ham, si vous en aviez aimé une autre, une créature plus sensée et plus digne de vous, une femme à vous, tout entière, et non pas vaine et variable comme moi.

– Pauvre petit coeur! dit Ham à voix basse, Marthe l'a toute bouleversée.

– Je vous en prie, ma tante, balbutia Émilie, venez ici, que j'appuie ma tête sur votre épaule. Je suis bien malheureuse ce soir, ma tante. Je sens bien que je ne suis pas aussi bonne fille que je devrais être!»

Peggotty s'était hâtée de s'asseoir auprès du feu: Émilie à genoux près d'elle, les bras passés autour de son cou, la regardait d'un air suppliant.

«Oh! je vous en prie, ma tante, venez-moi en aide! Ham, mon ami, essayez aussi de me venir en aide! Monsieur David, pour l'amour du temps passé, je vous en prie, essayez de me venir en aide! Je veux devenir meilleure que je ne suis! Je voudrais me sentir mille fois plus reconnaissante. Je voudrais me rappeler toujours quel bonheur c'est d'être la femme d'un excellent homme, et de mener une vie paisible. Oh! mon coeur, mon coeur!»

Elle cacha sa tête sur le sein de ma vieille bonne, et cessant cet appel suppliant qui, dans son angoisse, tenait à la fois de la femme et de l'enfant, comme toute sa personne, comme le caractère de sa beauté même, elle continua de pleurer en silence, pendant que Peggotty l'apaisait comme un baby qui pleure.

Peu à peu elle se calma, et nous pûmes la consoler en lui parlant d'abord d'un ton encourageant, puis en la plaisantant un peu; si bien qu'elle commença à relever la tête et à parler aussi. Elle en vint bientôt à sourire, puis à rire, puis à s'asseoir, un peu honteuse; alors Peggotty remit en ordre ses boucles éparses, lui essuya les yeux et lui rangea ses vêtements, de peur que son oncle, en la voyant rentrer, ne demandât pourquoi sa fille chérie avait pleuré.

Je lui vis faire ce soir-là ce que je ne lui avais jamais vu faire. Je la vis embrasser innocemment son fiancé, puis se presser contre ce tronc robuste comme pour y chercher son plus sûr appui. Lorsqu'ils s'en allaient et que je les regardais s'éloigner à la clarté de la lune, en comparant dans mon esprit ce départ et celui de Marthe, je vis qu'elle lui tenait le bras à deux mains et qu'elle se serrait contre lui, comme pour ne point le quitter.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
690 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain
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