Kitabı oku: «Fusées (Journaux Intimes)»
I
Quand même Dieu n’existerait pas, la Religion serait encore Sainte et Divine.
Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister.
Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.
L’amour, c’est le goût de la prostitution. Il n’est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la Prostitution.
Dans un spectacle, dans un bal, chacun jouit de tous. Qu’est-ce que l’art? Prostitution.
Le plaisir d’être dans les foules est une expression mystérieuse de la jouissance de la multiplication du nombre.
Tout est nombre. Le nombre est dans tout. Le nombre est dans l’individu. L’ivresse est un nombre.
Le goût de la concentration productive doit remplacer, chez un
homme mûr, le goût de la déperdition.
L’amour peut dériver d’un sentiment généreux : le goût de la prostitution ; mais il est bientôt corrompu par le goût de la propriété.
L’amour veut sortir de soi, se confondre avec sa victime, comme le vainqueur avec le vaincu, et cependant conserver des privilèges de conquérant.
Les voluptés de l’entrepreneur tiennent à la fois de l’ange et du propriétaire. Charité et férocité. Elles sont même indépendantes du sexe, de la beauté et du genre animal.
Les ténèbres vertes dans les soirs humides de la belle saison.
Profondeur immense de la pensée dans les locutions vulgaires, tous creusés par des générations de fourmis.
Anecdote du chasseur, relative à la liaison intime de la férocité de l’amour.
II
De la féminéité de l’Eglise, comme raison de son omnipuissance.
De la couleur violette (amour contenu, mystérieux voilé, couleur de chanoinesse).
Le prêtre est immense parce qu’il fait croire à une foule de choses étonnantes.
Que l’Eglise veuille tout faire et tout être, c’est une loi de l’esprit humain.
Les peuples adorent l’autorité.
Les prêtres sont les serviteurs et les secrétaires de l’imagination.
Le trône et l’autel, maxime révolutionnaire.
E.G. ou la séduisante Aventurière
Ivresse religieuse, des grandes villes. – Panthéisme. Moi, c’est tous ; Tous, c’est moi.
Tourbillon.
III
Je crois que j’ai déjà écrit dans mes notes que l’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale. Mais cette idée peut être développée de la manière la plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l’autre. Celui-là, ou celle-là, c’est l’opérateur, ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime. Entendez-vous ces soupirs, préludes d’une tragédie de déshonneur, ces gémissements, ces cris, ces râles? Qui ne les a pas proféré, qui ne les [a] irrésistiblement extorqués? Et que trouvez-vous de pire dans la question appliquée par des soigneux tortionnaires? Ces yeux de somnambule révulsés, ces membres dont les muscles jaillissent et se roidissent comme sous l’action d’une pile galvanique, l’ivresse, le délire, l’opium, dans leurs plus furieux résultats, ne vous en donneront certes pas d’aussi affreux, d’aussi curieux exemples. Et le visage humain, qu’Ovide croyait façonné pour refléter les astres, le voilà qui ne parle plus d’une expression d’une férocité folle, ou qui se détend dans une espèce de mort. Car, certes, je croirais faire un sacrilège en appliquant le mot : extase à cette sorte de décomposition.
– Epouvantable jeu où il faut que l’un des joueurs perde le gouvernement de soi-même!
Une fois il fut demandé devant moi en quoi consistait le plus grand plaisir de l’amour. Quelqu’un répondit naturellement : à recevoir, – et un autre : à se donner.
– Celui-ci dit : plaisir d’orgueil! – et celui-là : volupté d’humilité! Tous ces orduriers parlaient comme l’Imitation de
Jésus-Christ. – Enfin il se trouva un impudent utopiste qui affirma que le plus grand plaisir de l’amour était de former des citoyens pour la patrie.
Moi je dis : la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. – Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve tout volupté.