Kitabı oku: «Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II», sayfa 20
RECHERCHES
Sur les antiquités du temple de Dendéra, dans la Haute-Égypte, d’après la construction du zodiaque au plafond de son péristyle.
PAR M. NOUET
LE plafond du péristyle du temple de Dendéra est soutenu par vingt-quatre colonnes sur six rangs qui divisent le plafond en sept plates-bandes parallèles à l’axe du temple; la plate-bande du milieu, beaucoup plus large, comprend dans sa longueur des globes ailés qui en occupent toute la largeur; les six autres plates-bandes, dont trois de chaque côté, contiennent chacune deux rangs de figures sculptées en relief et peintes; elles ont environ trois pieds de hauteur283.
Les constellations du zodiaque se trouvent dans une moitié de chaque plate-bande extrême à droite et à gauche du péristyle: les espaces entre chaque constellation, sont occupés par des personnages dont plusieurs, avec les attributs des divinités, doivent avoir avec les constellations des relations qui ne peuvent être données que par l’auteur de l’Origine des Cultes, lorsqu’il aura sous les yeux le dessin exact et plus en grand de ce péristyle, que la Commission des sciences et arts d’Égypte doit mettre au jour.
La plate-bande extrême à gauche, en entrant sous le péristyle, comprend dans sa demi-largeur, qui se trouve du côté du milieu de ce péristyle, les constellations ascendantes dans l’ordre suivant, à partir du mur du temple: le Verseau, les Poissons, le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer. La seconde partie de cette plate-bande est occupée par dix-huit bateaux conduits par des figures emblématiques qui représentent les dix-huit décans, et doivent avoir des relations directes avec chaque constellation. Ce sont ces bateaux qui ont servi de comparaison aux dessinateurs pour placer fidèlement chaque constellation au lieu correspondant sur le plafond.
La dernière plate-bande à droite en entrant sous le péristyle, comprend dans sa demi-largeur, du côté du milieu de ce péristyle, les six constellations descendantes dans l’ordre suivant, à partir du côté de la cour au mur du temple: le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne. L’autre demi-plate-bande renferme dix-huit bateaux qui représentent dix-huit décans.
J’ai remarqué une disposition particulière dans la manière de distribuer les constellations ascendantes et descendantes: le Lion, première constellation descendante, se trouve plus avancé qu’il ne devrait être s’il occupait le milieu de l’espace d’un signe; le Capricorne, dernière constellation descendante, se trouve contiguë au mur du temple; l’espace qui devrait être entre cette constellation et le temple se trouve transposé dans la plate-bande des constellations ascendantes; où le Verseau est trop distant du mur du temple. L’espace de la constellation du Cancer est plus petit que celui de l’espace d’un signe. La constellation du Cancer est transposée à l’extrémité de la plate-bande et dans le milieu de sa largeur. Un buste d’Isis, placé au-dessus d’un portique, se trouve occuper la place du Cancer; au bas de ce portique s’élève une fleur de lotus, du milieu de laquelle sort un serpent. Un soleil placé au solstice, sur le prolongement de la ligne des bateaux, envoie un faisceau de rayons divergens sur le buste d’Isis: emblème du lever héliaque de Sirius, gardien d’Isis, et placé à la porte du jour.
Ce langage astronomique indique clairement que le soleil, parvenu au solstice, fait, par la force de ses rayons, disparaître Sirius à son lever héliaque; la fleur de lotus annonce le débordement du Nil qui arrive toujours au solstice.
Dans une chambre supérieure du temple on trouve sculpté au plafond un petit planisphère tracé sur le plan de l’écliptique; les douze constellations y forment une ligne circulaire rentrante, de manière que la dernière constellation se trouve, après sa révolution, passer en partie au-dessus de la première. Ce zodiaque commence par le Lion; chaque constellation semble aller dans le même sens, et, la constellation du Cancer empiète au-dessus du Lion, par l’effet de la courbe en portion de spirale.
Cette disposition, d’après les données du zodiaque du péristyle, indique le mouvement d’une période qui a commencé au Lion, et qui doit se terminer dans le Cancer.
On peut conclure de cet exposé et du déplacement sensible et assez reconnaissable aux extrémités des constellations ascendantes et descendantes du zodiaque du péristyle, l’époque approchée de la construction de ce zodiaque. J’exposerai les résultats des calculs qui conduisent à cette époque, après avoir donné les éclaircissements suivants.
Les Égyptiens avaient leur année civile de 365 jours, sans aucune intercalation, en sorte que le lever héliaque de Sirius qui répondait à une époque donnée de leur calendrier, ne pouvait revenir à la même époque qu’après une période de 1461 de leurs années civiles (ces 1461 années égyptiennes répondaient à 1460 années cyniques ou sothiaques. C’est la grande année caniculaire, ainsi nommée, parce qu’elle commence au lever héliaque de Sirius ou du grand Chien, gardien des portes du jour et de la nuit.
De Lalande nous dit, en son Astronomie, que l’an 138 de l’ère vulgaire correspondait à la fin d’une période sothiaque, qui, d’après cette donnée, a dû commencer 3122 ans avant l’an 1800 de notre ère (1322 av. J.-C.), et la précédente, 4582 ans avant l’an 1800 (2782 av. J.-C.). Pour trouver les différences entre le solstice et le lever héliaque de Sirius pour le commencement de chacune de ces périodes, j’ai fait les calculs suivants pour la latitude du temple de Dendéra, 26° 9´.
On a pour la période qui a commencé l’an 1322 avant J.-C., les données suivantes:
On trouve pour longitude du soleil, le jour du lever héliaque de Sirius, 90° 28´ 0´´: c’est-à-dire que le lever héliaque de Sirius a eu lieu 10 jours après le solstice.
En remontant à la période précédente qui a commencé l’an 2782 avant J.-C., on a pour la coïncidence du lever héliaque de Sirius avec le solstice, les données suivantes:
Les résultats des calculs donnent pour longitude du soleil, 90° 0′ 0″: c’est-à-dire que le lever héliaque de Syrius se fit au solstice, l’an 2782 av. J.-C., à’ l’époque de la grande année caniculaire des Égyptiens.
Ces résultats qui établissent la correspondance entre le solstice et le lever héliaque de Sirius, supposent une dépression du soleil de 12° 9′ sous l’horizon, pour faire disparaître Sirius à son lever; cette supposition est d’autant plus admissible, que le tour de l’horizon en Égypte est tellement chargé de vapeurs, que dans les belles nuits, si communes en ce pays fait pour l’astronomie, on ne voit jamais d’étoiles à quelques degrés au-dessus de l’horizon dans les secondes et troisièmes grandeurs; le soleil même à son lever et à son coucher se trouve entièrement déformé.
Les Égyptiens, peuple religieux et reconnaissant envers les dieux, des faveurs de leur fleuve, ont, sur ses bords, élevé des temples couverts intérieurement de tableaux, d’offrandes à Osiris et à Isis, pour obtenir l’ouverture des riches réservoirs des eaux qui à des époques fixes viennent fertiliser leurs terres.
Or c’est l’époque célèbre de la période sothiaque dont le commencement a concouru avec le solstice que les Égyptiens ont consacré dans leur zodiaque du temple de Dendéra, pour la date de l’inondation du Nil qui arrive au solstice.
D’après la longitude de γ du Belier en 1800 et le mouvement rétrograde des points solsticiaux, on trouve que, l’an 1322 avant J.-C., commencement de la dernière période, le solstice a eu lieu dans 13° 23′ de la constellation du Cancer, et l’an 2782 avant J.-C.; le solstice a eu lieu dans 3° 48′ de la constellation du Lion; le mouvement du solstice a été d’une période à l’autre, de 20° 23′, dont la moitié 10° 11′, étant ajoutée à 13° 23′ du Cancer, où finit la première période, on aura le milieu de la période précédente représenté par le zodiaque de Dendéra; le Cancer transposé et mis en évidence au delà des constellations ascendantes indique que cette période doit s’écouler dans cette constellation. Le buste d’Isis mis en place de la constellation du Cancer à 12° du soleil, représente Sirius lorsqu’à son lever il disparaît dans les rayons de cet astre. Ce zodiaque a donc été construit pour représenter le milieu de cette période (état du ciel lors de sa construction), quand le solstice arrivait vers 24° du Cancer, c’est-à-dire 3852 ans avant l’an 1800 de notre ère (2052 avant J.-C.)
On peut déterminer, d’une manière conforme à celle qui vient d’être exposée, l’époque du zodiaque du temple de Dendéra, en faisant usage d’un symbole hiéroglyphique de ce zodiaque, dont nous connaissons la signification.
Entre la constellation de la Balance et du Scorpion, nous trouvons dans ce zodiaque une figure assise qui a une tête de chien; cette figure est incontestablement celle du Cynocéphale des Égyptiens. Mais le Cynocéphale assis signifie les équinoxes, selon les Égyptiens, ainsi que nous l’apprend Horapollo (Hiéroglyph., liv. I, ch. 16, pag. 31 et 32 de l’édition de Paw). Donc dans le zodiaque de Dendéra l’équinoxe d’automne (c’est celui qu’il faut prendre ici, de l’aveu de ceux qui ont écrit sur ce zodiaque) est placé entre la Balance et le Scorpion: le Cynocéphale étant assez éloigné de la constellation de la Balance, et assez rapproché de la constellation du Scorpion, il faut, pour fixer les idées, prendre pour le point équinoxial la longitude d’une étoile zodiacale qui soit assez éloignée des étoiles principales de la Balance, et assez rapprochée des étoiles du front du Scorpion: cette étoile est celle de χ de la Balance, de quatrième grandeur, qui, dans le Catalogue de Mayer pour 1756, avait en longitude 7s 24° 21′ 12″ (Connaissance des temps, 1788). L’excès de sa longitude sur 6s est de 1s 24° 21′ 12″, ou 195672″. Par la précession annuelle des équinoxes de 50″ 1, admise assez généralement par les astronomes, on trouve que cette étoile était à l’équinoxe d’automne 3905 ans avant le commencement de 1756 de notre ère (2149 avant J.-C.) En fixant le point équinoxial à une bien petite distance de la longitude de cette étoile, on trouve facilement les 2052 ans avant J.-C., ou les 3852 ans avant 1800 établis précédemment.
Il s’agit maintenant de répondre à une difficulté qui se présente: c’est qu’en plaçant le point équinoxial d’automne aux environs de l’étoile κ de la Balance, il arrive que la constellation du Lion se trouve en grande partie dans celle du Cancer avant le point solsticial d’été, tandis que dans le zodiaque de Dendérah, partagé en deux par les solstices, le Lion est placé tout entier dans le commencement des constellations descendantes.
Cette difficulté disparaît si on remonte aux plus anciens zodiaques des Grecs qu’on sait devoir leurs connaissances astronomiques aux Égyptiens. Ptolémée, au commencement de son Catalogue d’étoiles, dit qu’il a fait des changements aux constellations qui avaient été en usage avant lui. Il faut donc recourir à des zodiaques plus anciens: nous en trouvons un qui l’est incontestablement, c’est celui de l’Atlas de Farnèse (ainsi appelé de son possesseur), dont Passeri a donné la figure et l’explication dans le troisième volume de ses Gemmœ astriferœ, et dont Bentley a inséré la figure dans son Manilius. Le zodiaque de cet Atlas appartient à des temps antérieurs à Ptolémée, puisque le colure des équinoxes du printemps passe par la corne précédente du Bélier. Dans ce zodiaque le Lion n’est point figuré la tête avancée sur le Cancer, comme dans le zodiaque moderne; au contraire, elle est retirée très en arrière de ses pattes de devant; de sorte qu’une ligne droite, menée de l’extrémité d’une des serres du Cancer à l’autre, passe par les pattes antérieures du Lion et que la tête du Lion suit d’assez loin cette ligne.
Il résulte de là que les étoiles qui forment la tête du Lion dans le zodiaque de Ptolémée suivi par les modernes, appartiennent au Cancer dans cet ancien zodiaque de l’Atlas de Farnèse, et que la tête du Lion de cet ancien zodiaque est toute entière dans cette partie du Lion que nous appelons sa crinière.
Dans la position que le zodiaque de Dendéra donne à l’équinoxe d’automne, le colure du solstice passe par les étoiles les moins avancées en longitude de la crinière du Lion. C’est tout ce qu’il faut ici pour faire voir que le colure du solstice ne coupe pas le Lion dans le zodiaque de Dendéra, et laisse le Lion tout entier dans les constellations descendantes.
De même, dans la position que le zodiaque de Dendéra assigne à l’équinoxe d’automne, la constellation du Capricorne se trouve toute entière dans les constellations descendantes. On pourrait dire qu’une partie du Verseau, son bras précédent, se trouve dans les constellations descendantes, tandis que la figure entière du Verseau est dans les constellations ascendantes du zodiaque de Dendéra; mais on peut répondre ici que dans l’ancien Atlas de Farnèse, le bras du Verseau n’est point avancé par-dessus le Capricorne, et qu’il est ramené vers la poitrine même du Verseau.
Les Égyptiens, avant cette époque, connaissaient le mouvement rétrograde des solstices, comme on peut s’en convaincre en consultant le zodiaque du temple d’Esneh (latitude 25° 18). Ce zodiaque est placé aux deux extrémités du plafond du péristyle, comme celui de Dendéra. Les constellations ascendantes sont à gauche en entrant, et les constellations descendantes sont à droite. Ces constellations paraissent espacées également dans leurs plates-bandes respectives et se correspondre exactement. Les constellations ascendantes sont, à partir du mur du temple, les Poissons, le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion; les constellations descendantes sont, à partir de l’entrée du péristyle au mur du temple, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, Le Capricorne, le Verseau.
D’après cette disposition, le solstice se trouve exactement entre les constellations du Lion et de la Vierge. Le mouvement rétrograde des solstices depuis cette époque jusqu’en 1800 de notre ère, correspond à 6400 ans (4600 avant J.-C.), époque de la construction de ce temple, qui se trouve entièrement sous la ville, par l’amas successif des débris des maisons qui se sont succédées pendant une longue suite de siècles; il ne reste plus qu’une ouverture en avant du péristyle par laquelle on descend les décombres des environs; et dans quelques siècles on perdra le souvenir de l’existence d’un temple entièrement conservé, enseveli sous terre.
Au reste, avant nous, et avant nos raisonnements actuels, Edouard Bernard avait déjà découvert et prononcé d’après d’anciens monuments, que les prêtres égyptiens faisaient, comme nous, le mouvement de précession de 50″ 9‴ ¾ par an284; par conséquent qu’ils le connaissaient avec autant de précision que nous prétendons le faire aujourd’hui. Il serait singulier que nous prissions notre ignorance de leurs mystères pour un argument de la leur.
NOUET.
D’après ces principes, qui sont ceux de tous les astronomes, nous voyons que la précession annuelle étant de 50″ et d’une fraction d’environ ¼ ou ⅓, il en résulte qu’un degré entier est déplacé en 71 ans 8 ou 9 mois, et un signe entier en 2152 ou 53 ans.
Or si, comme il est de fait en astronomie, le point équinoxial du printemps se trouvait au premier degré du Bélier en l’an 388 avant J.-C.285, il en résulte qu’il était au premier degré du Taureau environ 2152 ans auparavant, c’est-à-dire vers l’an 2540 avant J.-C.; et ainsi remontant de signe en signe, le premier degré du Bélier se trouva être le point équinoxial d’automne, environ 12,921 ans avant l’an 388, c’est-à-dire 13,300 ans avant notre ère: ne serait-ce pas ce qu’a voulu dire Pomponius Mela, lorsqu’il rapporte que, selon les Égyptiens, l’origine du monde (c’est-à-dire du grand cercle céleste), remonte à 13,000 ans? notre surplus de 300 ans ne serait pas une difficulté, parce que Pomponius a pu citer un calcul savant fait vers le temps de Ptolémée ou d’Alexandre286.
Il est d’ailleurs digne de remarque que jamais les Égyptiens n’ont admis ou reconnu dans leur chronologie le déluge des Chaldéens dans le sens où nous le prenons; et cela, sans doute, parce que chez les Chaldéens eux-mêmes il n’était qu’une manière allégorique d’exprimer la présence du Verseau au point solsticial d’hiver, laquelle présence eut réellement lieu à l’époque où le point équinoxial du printemps se trouvait dans le Taureau, ce qui nous reporte vers le 31 ou 32e siècle avant notre ère, c’est-à-dire précisément aux dates établies par les Indiens et par les Juifs copistes des Chaldéens. Une belle carrière est ouverte en ce genre de recherches, aux savants qui y porteront le désir impartial de la vérité uni aux connaissances scientifiques de l’astronomie. Sans ces deux conditions il n’est plus possible de pénétrer dans l’antiquité. Notre tâche est finie…
Époques et dates principales de la chronologie d’Égypte, éclaircies et appuyées par des dates parallèles, étrangères
(Pour la suite, voyez le tableau d’Hérodote, à la fin de ce volume.)
Note sur le système des générations
DANS287 sa Chronologie (tome VII), chapitre des Héraclides, page 474, M. Larcher nous dit:
«La règle des générations n’est pas la même chez les Lacédémoniens que chez les autres nations. Ce peuple, comme je l’ai observé dans le chapitre XIV de la prise de Troie, avait défendu de se marier avant l’âge de 36 ans ou même 37… Les générations étaient donc de 37 ans à Lacédémone, tandis qu’elles n’étaient que de 33 ans dans le reste de la Grèce.»
On croirait, d’après ce texte, que réellement Larcher a prouvé ce fait étrange, qu’un peuple entier ne se mariait qu’à 36 ou 37 ans: nous avions lu une première fois le ch. XIV, sans apercevoir cette démonstration; nous l’avons relu une seconde fois avec une scrupuleuse attention, et voici les seuls raisonnements que nous y trouvons (pag. 398 et suiv.): «C’était une maxime universellement reçue dans les premiers temps de la Grèce, qu’on ne se mariait qu’à 33 ans, et ensuite à 30.»
(Nous nions à L*** cette prétendue maxime, ou plutôt ce fait bizarre, incroyable: qu’il nous le prouve d’abord et par des témoignages et par des exemples.)
«De là les générations étaient évaluées à 33 ans et quelque chose, et dans la suite elles le furent a 30 ans.»
Nous disons qu’elles furent évaluées systématiquement par les Égyptiens, puis par les Grecs, pour avoir un moyen quelconque d’estimer des temps incertains. Mais nous nions qu’elles fussent civilement évaluées par les peuples, même dans les temps dont il s’agit.
«Les Lacédémoniens faisaient une exception à la règle générale: Lycurgue, dont toutes les institutions tendaient à former des soldats vigoureux,—voulant empêcher ses concitoyens de prendre femme quand ils le jugeraient à propos, ordonna qu’ils ne se marieraient que lorsque le corps aurait acquis toute sa vigueur, regardant ce réglement comme très-utile pour se procurer des enfants robustes.» (Xénophon, de Republicâ Lacedæm., cap. I § VI.)
Raisonnons sur ce passage de Xénophon:—Si Lycurgue fit une telle loi, ce ne put être que parce que l’on avait senti l’abus de se marier trop jeune: l’abus existait, il le réprima; et cet abus devait d’autant mieux exister dans toute l’ancienne Grèce, qu’on le trouve chez tous les peuples anciens et modernes, en raison de ce que leurs mœurs domestiques sont plus simples, sont moins contraintes par des réglements de police et de civilisation. Larcher a senti cette objection, car il reprend (page 400):
«On peut m’objecter que ce réglement n’étant pas antérieur à Lycurgue, les générations qui ont précédé ce législateur ne doivent être évaluées qu’à 33 ans, comme dans le reste de la Grèce… Cette objection aurait quelque force, si l’on pouvait prouver qu’avant la législation de Lycurgue les usages reçus à Sparte fussent absolument contraires à ceux adoptés par ce législateur… Si tel eût été le cas, comment se persuader qu’il eût réussi à réformer l’État.... On connaît l’attachement des peuples à leurs usages… Il eût certainement révolté toutes les classes de citoyens… Il y avait sans doute alors à Lacédémone des coutumes que l’on suivait ou que l’on négligeait impunément, parce que la loi n’avait point prononcé: Lycurgue choisit parmi ces usages ceux qui lui parurent les plus raisonnables.... Il est donc vraisemblable que Lycurgue trouva établie avant lui la coutume de ne se marier qu’à 36 ans.»
N’est-ce pas là une logique vraiment curieuse? Larcher a d’abord posé en fait que «c’était une maxime des anciens Grecs de ne se marier qu’à 33 ans, et même à 37…» Il dit avoir prouvé ce fait relativement aux Lacédémoniens, dans son chapitre XIV. Ses preuves consistent dans une loi de Lycurgue qui défend de se marier avant que le corps ait atteint toute sa vigueur: il s’aperçoit que cette défense indique comme existant, l’abus de se marier trop jeune. Pour esquiver la conséquence, il a recours à des suppositions, à des vraisemblances; Lycurgue n’eût ôsé faire cette loi, si l’usage n’eût déjà existé: le peuple se fût certainement révolté… C’est-à-dire que, selon Larcher, toutes les lois de Lycurgue existaient déjà avant d’être mises en vigueur par ce prince; car le raisonnement de notre logicien peut s’appliquer à toutes. On peut dire de chacune: le peuple se fût révolté… il est attaché à ses usages… il y avait sans doute une coutume..... il est vraisemblable que Lycurgue… etc.; certainement, sans doute, vraisemblable; telle est la gradation de Larcher. «Il faudrait prouver, dit-il, qu’avant Lycurgue, les usages de Sparte fussent contraires à ses lois.»—Mais c’est à vous, Monsieur, de prouver qu’ils furent les mêmes; et vous avez d’abord contre vous le cri de toute l’antiquité, qui atteste que la législation de Lycurgue fut un phénomène d’innovation contre les usages reçus; un système spéculatif et philosophique qui heurta tellement les esprits que le peuple de Sparte s’ameuta; que dans cette émeute Lycurgue perdit un œil288; et que pour arriver à son but, cet homme sévère et opiniâtre fut obligé d’user de supercherie en faisant espérer qu’il modifierait ses lois après un voyage entrepris pour consulter les oracles, et en faisant promettre au peuple, par serment, de les exécuter provisoirement jusqu’à son retour, qui n’eut point lieu, puisqu’il préféra de mourir…
Vous avez ensuite contre vous cet axiome, «que toute loi prohibitive prouve par son fait l’existence de l’acte qu’elle change ou supprime…»—Lycurgue voulut empêcher que l’on prit femme à volonté.—Donc l’on en usait ainsi.—Il ordonna de ne se marier (expression impropre); il défendit de se marier avant d’avoir acquis toute la vigueur;—donc l’on se mariait ainsi; donc l’usage dominant était de marier les enfants trop jeunes; et cet usage devait exister, parce qu’il avait pour cause deux puissants motifs, l’un physique, l’autre politique, que nous retrouvons dans tous les temps et dans tous les pays.
Le premier de ces motifs est la passion naturelle commune à tous les parents de marier leurs enfants de bonne heure, afin de se voir revivre dans leur postérité.
De nos jours nous voyons encore cette passion avec ses effets subsister dans cette même Grèce dont on nous parle, dans l’ancienne Asie mineure, dans la Syrie, l’Égypte, la Perse, dans tout l’Orient. Tous les voyageurs modernes qui ont parcouru la Turkie, l’Inde, la Chine, attestent que dans ces pays les mariages sont généralement précoces; d’abord par le développement précoce de la puberté dans l’un et l’autre sexe; ensuite, et plus spécialement, par le désir qu’ont les parents de marier leurs enfants qui, sans cela et de leur propre volonté, ne pourraient contracter l’acte civil appelé mariage. L’abus est porté au point qu’il n’est pas rare de voir des enfants de 12 ans qui cohabitent avant 15; et cet abus existe chez les Grecs de Morée comme chez ceux de l’Asie mineure; en général les filles y sont mariées avant 15 et 18 ans, et les hommes avant 20. Direz-vous que c’est un effet de la religion chrétienne afin de prévenir le libertinage? Pourquoi cet effet a-t-il également lieu dans la religion musulmane, dans celle de Brahma, et dans celle de Foë? Les anciens païens, adorateurs du libertin Jupiter, étaient donc plus continens, et plus chastes? Direz-vous que c’est un effet du climat? Pourquoi, dans toute l’Amérique septentrionale, même au Canada, les mariages se font-ils généralement avant 20 ans pour les femmes, et avant 24 pour les hommes; et cela chez un peuple de sang anglais, écossais, allemand? Pourquoi, dans notre Europe même, les mariages se font-ils généralement à ce même âge dans certaines classes du peuple, telles que les gens de la campagne et les ouvriers de tout genre, tandis qu’ils sont généralement plus tardifs dans d’autres classés, et spécialement dans les classes bourgeoises vivant de leurs rentes? Pourquoi sont-ils généralement plus tardifs dans les villes que dans les campagnes, dans les capitales que dans les provinces? La vraie raison se fait sentir par ces contrastes. On se marie plus tôt partout où l’on peut élever des enfants sans trop de gêne, partout où la subsistance est facile, abondante. Dans de tels pays et dans un tel ordre social, on obéit de bonne heure aux penchants de la nature, au plus impérieux de ses désirs. On se marie plus tard là où la subsistance est difficile, où les enfants deviennent un fardeau dès le bas âge, où l’on ne sait comment les placer quand ils sont grands… Et parce que chez certains peuples et dans certaines organisations politiques, il y a plus ou moins de facilité à éluder le fardeau du mariage sans se priver de ses douceurs; parce que dans les villes, et surtout dans les grandes villes, cette facilité existe, surtout pour les classes riches ou aisées; les mariages y sont soumis à des calculs de convenances de société et de luxe, qui intervertissent ou modifient l’ordre naturel… En sorte que le régulateur le plus général des mariages est, d’une part, la simplicité, la grossièreté même des besoins et des mœurs (et de là les mariages plus faciles et plus précoces dans les classes pauvres); d’autre part, le luxe, c’est-à-dire l’extension des besoins factices et conventionnels (et de là les mariages plus onéreux, plus difficiles, plus tardifs et moins féconds dans les classes d’une aisance précaire et moyenne). Ici j’ai le bonheur d’être d’accord avec Montesquieu.
Le second motif qui dut rendre les mariages précoces et faciles chez les anciens Grecs, fut le besoin politique qu’éprouvaient les familles d’avoir beaucoup de bras pour leurs travaux agricoles, et surtout pour leur défense et pour leur sûreté. Ces peuples, comme l’on sait, composant chacun une société de 50 à 60,000; tout au plus de 100,000 citoyens, resserrés au nombre de 15 ou 20 sociétés, dans un espace borné de mers et de montagnes, vivaient entre eux dans un état habituel de jalousie et de guerre, et par cela même faisaient une grande consommation d’hommes. La chose publique, la société avait besoin de défenseurs, avait intérêt que l’on se mariât: aussi voit-on que le célibat y était décrié dans l’opinion, qu’il fut même puni par les lois quand il y eut des lois; mais de plus, avant ces lois, dans l’état de liberté ou d’anarchie qui fut celui dont nous traitons, aucune police intérieure ne réprimant les délits, la sûreté de chaque famille dépendait de ses propres moyens, de ses seules forces… Était-elle faible, on la vexait, elle était pillée, et pouvait être détruite; était-elle forte, c’est-à-dire nombreuse, on la respectait: elle armait tous ses membres pour réprimer un empiétement, pour punir un meurtre. C’était exactement l’état civil des Hébreux, des Arabes anciens et modernes, et de nos jours celui des Druses, des Maïnotes et des Corses sous les Génois. Chaque famille avait donc, à être nombreuse, le même intérêt, les mêmes motifs qu’avait la nation; et imaginer que, dans un tel état de choses, des peuples en guerre et en anarchie constantes fussent convenus de la maxime de ne se marier qu’à 33 ans, est une chimère, un vrai rêve de cabinet.
La loi de Lycurgue, citée par Xénophon, n’exprime pas l’âge où il devint licite de se marier: pour le fixer, voici comme Larcher raisonne (page 474, 475): Aristote a connu, a eu en main les lois de Lycurgue: or Aristote (dans son plan systématique de république) dit qu’il ne faut point se marier tant que le corps prend de l’accroissement, et que les hommes ne doivent prendre une compagne que vers leurs 37e année: donc Aristote fait ici allusion à la loi de Lycurgue; donc Lycurgue a établi l’âge de 37 ans; donc les Lacédémoniens, dès avant Lycurgue, ne se mariaient qu’à 37 ans; car, sans cela, Lycurgue les eût révoltés… Et page 40: Il est bien vrai que Platon, qui en cent endroits fait l’éloge des lois de Lycurgue, prescrit pour se marier l’âge de 30 à 35 ans; en sorte que l’on pourrait croire qu’il a imité celle-ci, et que le terme fixé à Sparte eût été de 30 à 35 ans. Mais, etc.
Laissons Larcher à ses raisonnements et à ses conjectures sur Platon et sur Aristote: il est évident, par la diversité des trois termes 30, 35, 37, que Lycurgue fut plus sage que ces rêveurs, et qu’il n’exprima point un âge fixe: l’établir à 37 ou même à 30 ans, eût été priver l’état de 8 ou 10 ans d’une fécondité ordonnée par la nature, et dissiper en libertinage des forces utiles à la nation. Aristote et Platon, pleins, comme l’on sait, des idées systématiques d’une physique erronée et originairement astrologique, ont dit: «La vie ordinaire de l’homme sain est de 70 à 75 ans. Tout ce qui ne croît pas, décroît: la moitié de la vie doit se passer à croître, l’autre à décroître… 33 à 37 sont le terme mitoyen entre zéro et 70 ou 75. Donc le corps n’est parfait qu’à 35 ou à 37.»—L’erreur de ces systèmes est démontrée par les faits et par la science physiologique. En résultat, il n’existe pas la plus légère preuve que les Grecs anciens, modernes ou mitoyens, se soient mariés au terme général de 30 ni de 35 ans; il est au contraire prouvé par la nature de la question et par les généalogies d’époque certaine, qu’ils se sont mariés plus tôt; et tout prouve que l’évaluation de trois générations par siècle a été un moyen purement idéal et systématique dont d’usage ne peut qu’induire en erreur.
Candidus auratis aperit cum cornibus annum.