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Kitabı oku: «Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I», sayfa 15

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§II.
Solution de quelques difficultés

LE texte d'Hérodote en présente deux relativement au règne de Krœsus. 1° Si ce règne ne commença qu'en 571, comment Pittacus, mort bien certainement en 570, a-t-il pu donner à Krœsus un avis cité pour sa prudence et pour sa finesse, quand ce prince déja vainqueur de la plupart des Ioniens du continent, voulut attaquer les Ioniens insulaires? 2° Comment concevoir que Krœsus, dans l'espace de moins de 8 ans (depuis l'an 571 jusqu'à 563), où Solon le trouva dans une prospérité déja affermie, eût fait cette multitude de guerres et de conquêtes (voy. p. 320 [%%n° page] ci-dessus), qui avait rendu Sardes le siége de l'opulence asiatique, et le rendez-vous de tous les savants de la Grèce, et cela dans un temps où la seule ville de Milet avait résisté 12 années aux attaques de son père, et où le moindre lieu fort exigeait des années de blocus! Ces objections sont si graves, que Larcher même en a déduit la nécessité d'une association de Krœsus au trône de son père, dès l'an 574; mais un tel fait méritait bien la peine d'être soutenu d'autorités précises; heureusement, pour l'admettre et l'appuyer, nous en trouvons une de ce caractère dans un historien antérieur à Hérodote même; dans Xanthus de Lydie, dont un fragment précieux nous a été transmis par Nicolas de Damas233.

Après avoir parlé de Sadyattes, roi de Lydie, comme très-vaillant, mais intempérant; de son fils Alyattes, également débauché lorsqu'il était jeune, etc., etc, Nicolas de Damas raconte «qu'Alyattes, devenu roi, et voulant faire la guerre aux Kariens, ordonna à ses fils de lui amener des troupes à Sardes à un jour fixe: Krœsus, l'aîné de ses fils, qui était gouverneur (vice-roi) de la province d'Adramout et du pays de Thèbes, reçut aussi cet ordre; comme il était mal vu de son père, à cause de sa paresse et de son intempérance, il voulut saisir cette occasion de rentrer en grace, et il s'adressa au plus riche marchand de Lydie pour avoir de l'argent et lever des soldats; le marchand le refusa. Il s'adressa à un autre d'Éphèse, qui lui procura 1000 pièces d'or, au moyen desquelles il leva son contingent, et cela le fit triompher de ses calomniateurs.»

Il résulte évidemment de ce récit, que Krœsus avant d'être roi de Lydie, comme héritier de son père, avait eu déja, comme prince apanagé, un état à gouverner, par conséquent une cour, une représentation, une administration militaire et politique, en un mot tout ce qui constitue la royauté, fors l'indépendance vis-à-vis de son père. C'est ainsi que de nos jours nous avons vu les enfants de Dâher être dans leurs petites principautés des souverains aussi absolus et plus fastueux que leur père, et cela par l'usage très-ancien où sont les princes asiatiques, de donner à leurs enfants des établissements royaux, qui, après la mort des pères, occasionent des guerres civiles fatales à leurs propres familles: cet usage, que l'on retrouve dans l'Inde, ayant existé dans la Lydie, comme nous en avons la preuve, l'on est fondé à dire que ce fut pendant sa vice-royauté que Krœsus eut avec les Grecs ses relations, et commença d'acquérir cette célébrité dont Hérodote nous fournit les témoignages antérieurs à l'an 572: à ce moyen tout reste intact dans son récit et dans les probabilités.

Le règne d'Alyattes présente quelques difficultés qui ne se concilient pas aussi heureusement: écoutons Hérodote.

§ XVI. «Alyattes succéda à Sadyattes son père.»

§ XVII. «Sadyattes lui ayant laissé la guerre contre les Milésiens, il la continua.»

§ XVIII. «Il leur fit la guerre 11 ans.—Or des 11 ans qu'elle dura, les 6 premières appartiennent au règne de Sadyattes, qui dans ce temps-la régnait encore en Lydie. Ce fut lui qui l'alluma; Alyattes poussa avec vigueur (pendant) les 5 années suivantes, la guerre que son père lui avait laissée. A la douzième année, Alyattes met le feu aux blés des Milésiens, etc., tombe malade, et (§ XXII) conclut la paix.»

Plusieurs remarques se présentent sur ce texte. 1° Si Alyattes fit pendant 6 ans la guerre, du vivant de son père, il eut donc un apanage ou une vice-royauté comme Krœsus: ces deux exemples se confirment l'un l'autre.

2° Si la guerre dura 11 ans, pourquoi est-il dit qu'à la douzième année il y eut encore une invasion dans laquelle furent brûlés sur pied les blés, et par suite un temple de Minerve, laquelle, pour se venger, frappa Alyattes de maladie? Il y a ici contradiction entre les nombres 11 et 12.

3° Si, comme le veulent les calculs d'Hérodote Alyattes ouvrit son règne en l'an 528, les 5 dernières années de la guerre de Milet ont duré jusqu'en 624 inclusivement; en ce cas elles ont coïncidé avec la guerre de Kyaxarès: comment Alyattes a-t-il pu faire ces deux guerres à la fois? Ceci s'explique assez bien par la peinture que fait Hérodote de celle contre Milet, lib. I, § 17.

«Lorsque la terre était couverte de grains et de fruits, Alyattes se mettant en campagne, son armée marchait au son du chalumeau, de la harpe et des flûtes: arrivé sur le territoire des Milésiens, il défendait d'abattre les métairies, de les brûler et même d'en enlever les portes; il laissait intactes les maisons des cultivateurs, mais il ravageait les blés, les arbres, etc., puis il s'en retournait sans assiéger la ville, ce qui eût été inutile, les Milésiens étant les maîtres de la mer.»

Avec une guerre aussi peu embarrassante, l'on conçoit qu'Alyattes put soutenir la guerre contre Kyaxarès, surtout si l'on observe que l'usage des troupes réglées n'existait point à cette époque; que les guerres n'étaient que des incursions commencées au printemps et finies en automne; et que les troupes, formées subitement de vassaux et de paysans, comme dans les temps de la féodalité, s'empressaient, au début de l'hiver, de retourner dans leurs foyers, ce qui causa la perte de Krœsus.

Pourquoi Hérodote ne fait-il pas la remarque du concours simultané de ces deux guerres? Il est vrai qu'il l'indique, lorsque traçant le tableau sommaire du règne d'Alyattes, il dit qu'il succéda à son père, qu'il fit la guerre aux Mèdes et à Kyaxarès, qu'il prit la ville de Smyrne, et l'on voit la guerre des Mèdes placée en tête de toutes ses actions. Mais si la guerre contre Milet ne finit qu'à la sixième campagne, sa fin arriva donc en 623 au mois de juillet, 2 ans et demi après l'éclipse; cela n'est pas impossible; néanmois l'on désirerait que l'historien eût expliqué plus clairement cet enchevêtrement de faits.

Enfin comment Alyattes put-il avoir une fille nubile en 623? Supposons à cette fille 15 ou 16 ans; cela rejette la naissance d'Alyattes au moins à l'an 657; et puisqu'il mourut en 572, il aurait vécu 85 ans. Cela n'est point impossible, et l'histoire fournit à l'appui plusieurs exemples; l'on peut dire aussi qu'un usage antique et général en Asie, fut de fiancer des filles dès l'âge de 9 et 10 ans; en un tel cas Alyattes aurait vécu 81 ans comme son fils Krœsus234. Il faut en convenir, tout ceci n'est pas sans quelques nuages; mais il n'est pas permis de faire violence à un texte précis, pour obtenir de plus grandes vraisemblances.

On voit plus clair dans ce qu'Hérodote a dit, par fragments épars, de quelques anciennes irruptions faites par les Kimmériens de la Chersonèse taurique, ou presqu'île de Krimée, dans l'Asie mineure.

§ XV. «Avant Alyattes régna Sadyattes, son père, pendant 12 ans (650).»

§ XVI. «Avant Sadyattes régna Ardys, son père, pendant 49 ans (699).»

«(Or, § XV) sous le règne d'Ardys les Kimmériens chassés de leur pays par les Scythes nomades, vinrent en Asie (mineure), et prirent Sardes, excepté la citadelle.»

§ VI. «L'expédition des Kimmériens contre l'Ionie, antérieure à Krœsus, n'alla pas jusqu'à ruiner des villes; ce ne fut qu'une incursion suivie de pillage.»

(C'est celle de l'article précédent.)

§ CIII. «Après la bataille de l'éclipse (en 625), Kyaxarès assiégeait (Ninive), lorsqu'il fut assailli par une nombreuse armée de Scythes: c'était en chassant d'Europe les Kimmériens, qu'ils s'étaient jetés sur l'Asie. La poursuite des fuyards les avait conduits jusqu'aux pays des Mèdes.»

Lib IV, § XI. «Les Scythes nomades qui habitaient en Asie, accablés par les Massagètes avec qui ils étaient en guerre, passèrent l'Araxès (le Volga, appelé Rha), et vinrent en Kimmérie. Les Kimmériens, les voyant fondre sur leurs terres, délibérèrent entre eux sur cette attaque… Les sentiments furent partagés… La discorde s'alluma… Les partis se trouvant égaux, ils en vinrent aux mains, et après avoir enterré leurs morts, ils sortirent du pays, et les Scythes le trouvant désert et abandonné, s'en emparèrent.»

§ XII. «Il paraît certain que les Kimmériens fuyant les Scythes, se retirèrent en Asie, et qu'ils s'établirent dans la presqu'île où l'on voit maintenant une ville grecque appelée Sinopé. Il ne paraît pas moins certain que les Scythes s'égarèrent en les poursuivant, et qu'ils entrèrent en Médie. Les Kimmériens, dans leur fuite, côtoyèrent toujours la mer (Euxine); les Scythes au contraire avaient le Caucase à leur droite, jusqu'à ce que s'étant détournés de leur chemin, et ayant pris par le milieu des terres, ils pénétrèrent en Médie.»

Lib. I, § XVI. «Alyattes succéda à Sadyattes, il fit la guerre à Kyaxarès; ce fut lui qui chassa les Kimmériens de l'Asie.»

Ces passages comparés ne présentent que deux invasions bien distinctes; l'une (depuis le § CIII), au temps d'Alyattes et de Kyaxarès, immédiatement après la bataille de l'éclipse, et ce fut la dernière: l'autre du temps d'Ardys (§ XVI, XV et VI): sans doute celle du temps d'Alyattes fut aussi antérieure à Krœsus; mais il est évident que ces mots, «les Kimmériens n'ayant fait qu'une incursion suivie de pillage, s'en allèrent sans avoir pris la citadelle de Sardes ni ruiné des villes,» s'entendent de l'irruption sous Ardys: lors au contraire qu'ils revinrent sous Alyattes, fuyant devant les Scythes; après quelques dégâts commis pour vivre, ils tentèrent de s'établir près de Sinope, et ce fut ceux-là qu'Alyattes expulsa comme des hôtes dangereux ou incommodes: la politique de ce prince ne les troubla point sans doute du temps de leurs ennemis, les Scythes, afin de les leur opposer au besoin; mais lorsque ceux-ci eurent été chassés de Médie par Kyaxarès, Alyattes aura imité son allié.

Strabon (liv. 3, pag. 222) parle aussi d'une incursion des Kimmériens, qui au temps d'Homère, ou peu auparavant, avaient ravagé l'Asie mineure, jusqu'à l'Ionie et l'Æolide. Larcher235, dont les calculs sur l'époque d'Homère ne cadrent point avec ce fait, pense que le savant géographe s'est trompé. Il veut que ce soit une autre expédition antérieure au siége de Troie, et dont Euripides aurait fait mention dans son Iphigénie en Tauride. Mais parce que le poëte parle de villes ravagées, et que, selon Larcher, il n'y avait point alors de villes en Ionie, cet imperturbable critique déclare qu'Euripides s'est aussi trompé, et que c'est par une licence poétique, pour rendre son récit plus touchant, qu'il parle de villes détruites.

Il est très-difficile, comme l'on voit, d'avoir raison avec Larcher: cependant Euripides et Strabon pourraient bien n'avoir pas tort; car si l'on fait attention que les Kimmériens, peuple d'origine keltique et gauloise236, étaient des barbares vagabonds et pillards comme les Scythes, et que leur établissement dans la Tauride date d'une antiquité inconnue à l'histoire, l'on croira facilement qu'ils ont fait, comme les Normands, dans une espace de 3 à 4 siècles, plusieurs incursions dans l'Asie mineure, soit par mer, soit en traversant le Bosphore de Thrace; et ces incursions pourraient expliquer l'origine des Galates, autre nom des Keltes et des Kimmériens, dont l'établissement dans l'Asie mineure ne connaît point de date.

Quant à l'assertion du savant académicien qu'il n'y avait point de villes en Ionie, 12 ou 13 cents ans avant notre ère, c'est une conséquence naturelle du système qui croit que le monde date d'hier; et comme on ne dissuade point ceux qui, par principe de conscience, croient de telles niaiseries, nous ne perdrons point notre temps à y répondre.

Avant Ardys avait régné Gygès, son père, pendant 38 ans, ce qui remonte sa première année à l'an 727.

Ce fut ce Gygès (prononcé Gouguès par les Grecs) qui enleva le trône à Candaules, dernier rejeton de la race des Héraclides en Lydie… «Candaules, dit Hérodote, descendait d'Hercules par Alkée, fils de ce héros: car Agron (fils de Ninus, petit-fils de Bélus, arrière-petit-fils d'Alkée) fut le premier des Héraclides qui régna à Sardes, et Candaules fut le dernier. (Or) les Héraclides régnèrent, de père en fils, 505 ans en 22 générations.»

Le texte grec de tous les manuscrits et de toutes les éditions porte unanimement en toutes lettres, et non en chiffres, ces mots cinq cent cinq, en vingt-deux générations, et Larcher en convient; mais parce que le système habituel d'Hérodote est d'estimer la génération à 33 ans, lorsqu'il n'a pas de données précises sur le nombre des années, Larcher qui vient de redresser Euripides et Strabon, redresse aussi Hérodote; et sous le prétexte que la règle générale des 33 ans par génération est violée dans le calcul des 505 ans, il a, de son chef, osé falsifier le texte de son auteur, et y substituer 15 générations au lieu de 22. Qu'un traducteur éclaircisse et corrige ce qu'il croit obscur et défectueux, c'est en cela que consistent son mérite et son devoir; mais il le doit faire par des notes placées hors du corps du texte: le texte est comme le métal sacré d'une médaille antique, à qui il est défendu de mêler aucun alliage: Larcher reconnaît lui-même la vérité, la nécessité de ce principe, lorsqu'il dit, page 488, lig. 1 et 2, que l'on ne doit point insérer dans le texte d'un auteur des corrections, par conjecture, sans y être autorisé par quelque manuscrit.—Et dans un autre endroit, il tance très-sévèrement un éditeur allemand qui a pris cette licence237.

En effet, sans ce respect conservateur de l'identité des témoins et de leurs témoignages, qu'eût-ce été de tous les manuscrits anciens qui ne nous sont parvenus qu'au moyen d'une série de copistes? Que fût-il arrivé si chacun de ces copistes eût substitué ses idées à celles de l'auteur, sous prétexte de les redresser? et si de nos jours, au temps de l'imprimerie et de la publicité, un traducteur ose, malgré sa conscience, se permettre une telle transgression, que n'a pas dû faire, en des temps de fanatisme, le zèle audacieux des transcripteurs et des possesseurs, qui purent en secret, à volonté et impunément, altérer leurs manuscrits, dont chacun équivalait à une édition? et si de nos jours, un savant et dévot anglais, M. J. Bentley, prétend infirmer l'autorité de tous les livres hindous, par la raison qu'ils présentent des interpolations plus ou moins sensibles; s'il établit en principe de critique, qu'une seule interpolation prouvée ébranle toute l'authenticité d'un ouvrage, et le rend apocryphe, comment empêcherons-nous les Hindous, les Chinois, etc., de nous rétorquer ces principes sur nos propres livres, surtout lorsqu'ils auront des exemples si frappants à nous présenter? D'ailleurs, ce n'est point ici le seul exemple d'interpolation et d'altération que l'on ait à reprocher au traducteur d'Hérodote: nous en trouvons un autre aussi hardi au § CLXIII, où il a introduit, sans raison, contre le sens de l'auteur, le nom de Crésus, au lieu du Mède qui est dans l'original et qui se rapporte à Harpagos, général des troupes de Kyrus… Et cependant nous ne parlons que du premier livre, le seul dont nous nous soyons occupés238. Or, la conséquence de ces interpolations serait que beaucoup de lecteurs inattentifs, ne lisant point les notes, admettraient ces sens intrus comme le sens vrai de l'historien; qu'ils les pourraient citer dans d'autres livres, et que peu à peu la trace de la vérité pourrait s'effacer, même dans de nouvelles éditions.

Ici le texte d'Hérodote, aux yeux d'une saine critique, ne présente aucun motif de rejet pour les 22 générations: on n'aperçoit aucune contradiction, avec ce qui suit ou ce qui précède; il y a même un synchronisme remarquable entre l'origine du royaume lydien dans la personne d'Agron, l'an 1232, et l'origine de l'empire assyrien dans la personne de Ninus, père d'Agron, l'an 1237, ainsi qu'il résulte des calculs d'Hérodote que nous allons voir. D'ailleurs aucune vraisemblance naturelle n'est violée ici, puisque 22 générations réparties sur 505 ans donnent 23 ans par degré, à l'exception d'un seul qui n'a que 22 ans: or, pour un climat tel que celui de la Lydie, pour une famille de princes partout empressés et intéressés à se marier de bonne heure, cet âge n'a rien que de probable. On peut, il est vrai, citer plusieurs exemples de généalogies de 30 et 35 ans par degré; mais on en peut opposer un nombre encore plus grand à 24 et 26 ans; témoin celle des rois et des prêtres hébreux que nous avons vue ci-devant. La vérité est qu'il n'y a pas de règle fixe en une chose aussi variable, sur laquelle le climat, les lois, les mœurs; les conditions de la société exercent des influences si diverses.

Mais quel motif Hérodote a-t-il eu d'évaluer à 33 ans chaque génération? Voilà le point qu'il eût fallu d'abord éclaircir, et ce dont nous croyons trouver la source dans un passage de cet historien: il raconte qu'étant en Egypte (à Memphis), «les prêtres lui dirent que depuis le premier roi (Ménès) jusqu'à Séthos, prêtre et roi au temps de Sennachérib, il y avait eu 341 générations; et il ajoute: 300 générations font 10,000 ans, car trois générations valent 100 ans

De qui vient cette dernière assertion? ce ne peut être des Grecs; car puisqu'ils ne nous montrent aucune annale régulière au-dessus de Solon, ils n'ont pu conserver de généalogies capables de leur rendre un principe aussi général, sans quoi, par ces généalogies, ils auraient pu remonter l'échelle du temps jusqu'au delà du siége de Troie.

Ce principe doit donc venir des Égyptiens, à qui leurs nombreux colléges de prêtres et leurs gouvernements anciens ont pu fournir des moyens d'apprécier les générations; mais les faits par eux cités à Hérodote portant plusieurs contradictions et une impossibilité morale, comme nous le prouverons, nous disons que cette évaluation est un résultat systématique inadmissible en principe général.

Pour revenir au règne de Candaules, il est échappe à Larcher une forte distraction sur son époque. En corrigeant Pline (car toujours il corrige), «ce naturaliste, dit-il, se trompe grossièrement239, lorsqu'il dit que Caudaules mourut la même année que Romulus, puisque le prince (lydien) périt environ 500 ans avant le fondateur de Rome. Il est étonnant, que François Junius et le P. Hardouin n'aient pas relevé cette erreur.» (Encore deux auteurs châtiés en passant).

Ouvrons la table chronologique de Larcher, nous trouvons,

Candaules est tué l'an 715 avant J.-C.

Numa règne à Rome l'an 714.

Par conséquent Romulus périt l'an 716 (à cause de l'interrègne d'un an qui eut lieu entre lui et Numa). Le calcul de Pline n'offre donc qu'un an de différence; et c'est Larcher qui se trompe en entier des 500 ans qu'il lui reproche, sans que l'errata ait corrigé cette faute. Il est d'ailleurs remarquable qu'ici le calcul de Pline est encore celui de Solin et de Sosicrates; car si de 715 où périt Candaules, l'on soustrait la durée des princes lydiens jusqu'à la prise de Sardes, durée qui fut de 170 ans, on a pour résultat cette année 545, dont nous avons démontré l'erreur.

D'après tous ces exemples le lecteur peut apprécier la logique, la sagacité, même la politesse de notre censeur; désormais nous laisserons à l'écart ses notes pour ne nous occuper que du texte; et prenant pour transition les rapports de dates et de parenté qu'établit Hérodote entre Ninus et Agron, nous allons discuter le système chronologique de cet historien sur l'empire d'Assyrie, contradictoirement avec les récits de son antagoniste Ktésias.

Remarques sur la traduction de M. Larcher

Ne voulant plus importuner le lecteur des erreurs multipliées du censeur Larcher en matière de chronologie, nous voulons néanmoins démontrer par quelques exemples, qu'en fait de traduction, ce savant helléniste n'est pas toujours au pair de sa réputation.

1° Hérodote, livre Ier, parlant des anciennes guerres entre les Phéniciens et les Grecs, dit: «Les Perses les plus savants dans l'histoire,» par-là il indique l'histoire en général, selon la valeur même du mot grec logios. Pourquoi Larcher se permet-il d'introduire une restriction en ajoutant dans l'histoire de leur pays (dont la Grèce ne faisait point partie)?

2° Hérodote dit: «Les Phéniciens étant arrivés à Argos, étalèrent (exposèrent) leurs marchandises pour les vendre.» La traduction dit d'une manière triviale et inexacte, «se mirent à vendre leurs marchandises

3° Article 2. Hérodote dit: «Les Perses, peu d'accord avec les Grecs, prétendent, etc.» Le traducteur ose altérer ce texte en disant: «Les Perses, peu d'accord avec les Phéniciens.» Hérodote poursuit: «Ils ajoutent qu'ensuite quelques Grecs (c'étaient des Crétois).» Pourquoi Larcher introduit-il un doute en disant: c'étaient peut-être des Crétois?

Le texte continue et dit: Le roi de Colchide envoya un héraut en Grèce. Le traducteur dit: envoya un ambassadeur. Ce n'est pas du tout la même chose.

4° Article 4. Le texte dit encore: «que les Grecs assemblés envoyèrent des messagers (angeli) pour redemander Hélène.» Le traducteur en fait encore des ambassadeurs. Mais ce mot signifie chez nous quelque chose de bien plus pompeux et de moins analogue à la simplicité des anciens.

5° Article 11. La reine, épouse de Candaules, dit à Gygès: «Voici deux routes dont je te laisse le choix.» Pourquoi Larcher ajoute-t-il de son chef la phrase: «Décide-toi sur-le-champ?» Le mérite d'une traduction est surtout d'être le miroir littéral de l'original.

6° Article 30. Solon étant logé dans le palais de Crésus, les serviteurs de ce prince font voir toutes ses richesses au philosophe; au mot richesse, le texte ajoute, et son bonheur. Le traducteur a eu tort de le supprimer, attendu que l'idée de bonheur se reproduit dans l'entretien des deux personnages, surtout lorsque Crésus demande si Solon a connu quelqu'un plus heureux que lui.

7° Article 46. Le texte dit: «Pendant deux ans Crésus fut dans un très-grand deuil de la mort de son fils.» Larcher ne rend pas du tout cette idée lorsqu'il dit que «Crésus pleura pendant deux ans.» Chez les anciens le deuil se composait de formalités autres que les pleurs.

8° Article 47. Le texte dit: «Crésus envoya vers les oracles des messagers pour les éprouver (c'est-à-dire pour éprouver leur science, leur véracité).» Le traducteur altère le texte en disant, pour les sonder: sonder quelqu'un, c'est vouloir tirer son secret: mais le mettre à l'épreuve (pour savoir s'il sait le nôtre), est tout autre chose.—L'oracle répond: «Je connais la mesure (ou l'étendue) de la mer.» Le traducteur dit: «Je connais les bornes de la mer.» C'est encore une autre idée.... On peut connaître les bornes, sans connaître la capacité de la mesure.

9° Article 55. L'oracle de Delphes répondit à Crésus en deux vers hexamètres; pourquoi Larcher dit-il nûment: «L'oracle répondit en ces termes,» sans indiquer que ce sont des vers?

10° Article 59. Le texte dit: «Des citoyens armés de massues.» Larcher dit: «armés de piques

11° Article 62. Le texte dit: «L'hameçon ou l'appât est jeté, les rets sont tendus.» Larcher fait un pléonasme, en disant: «Le filet est jeté, les rets sont tendus.»

12° Article 67. Le texte dit: «L'un des Spartiates, que l'on appelle agathoerges (lesquels sont toujours les plus anciens cavaliers qui ont reçu leur congé).» Pourquoi Larcher dit-il, les plus anciens chevaliers? Ce mot donne l'idée d'un ordre privilégié qui n'avait pas lieu à Sparte.

13° Article 81. Le texte dit: «Crésus croyant que le siége de Sardes traînerait en longueur, fit partir du sein des murs de nouveaux envoyés vers ses alliés.» Pourquoi Larcher dit-il: fit partir de la citadelle, surtout lorsqu'ici le texte emploie le même mot que, deux lignes auparavant, Larcher a traduit par murailles?

14° Article 92. Le texte dit que «Crésus envoya à Thèbes un trépied d'or au dieu Apollon isménien; à Delphes, un bouclier d'or consacré à Minerve; à Éphèse, des génisses d'or et la plupart des colonnes.» Comment Larcher ose-t-il ajouter du temple? Comment imaginer que Crésus ait envoyé les colonnes du temple d'Éphèse? Il n'a pu envoyer que des colonnes votives en matière d'or, comme étaient la génisse, le trépied et le bouclier.

15° Article 93. Le texte dit que «le tombeau d'Alyattes fut élevé aux frais des marchands, des artisans et de jeunes filles exercées au travail;» au lieu de ces derniers mots, Larcher dit, des courtisanes.

16° Article 98. Hérodote appelle «Ekbatane, la capitale des Mèdes.» Pourquoi Larcher écrit-il toujours Agbatane?—«Les Mèdes permettent à Deiokès de choisir dans toute la nation, des gardes pour lui donner de la force,» (c'est-à-dire, pour que ce roi, nouvellement élu, pût faire exécuter ses ordres, que beaucoup de gens auraient pu méconnaître). Le traducteur fait croire que ce fut uniquement pour sa sûreté, en disant, choisir des gardes à son gré.

17° Article 14. En parlant de Kyrus qui, encore enfant, se nomme des officiers, le texte dit: «L'un était l'œil du roi, l'autre devait porter au loin ses mandements ou ses ordres.» Le traducteur dit: devait lui présenter les requêtes des particuliers; ce n'est pas du tout la même chose.

18° Article 165. Le texte dit: «Les Phocéens, chassés par les Perses, s'embarquèrent pour chercher un asile, et tandis qu'ils étaient en route pour aller en Corse, plus de la moitié, touchés de désir en regrettant la patrie, retournèrent vers Phocée.» Le traducteur ne commet-il pas un contre-sens évident, lorsqu'il dit, touchés de compassion?

19° Article 167. Le texte parle de membres affectés d'inflammation, la traduction dit des membres perclus.

20° Article 170. Larcher dit, les plus riches de tous les Grecs; Hérodote a écrit, les plus heureux de tous les Grecs; et il en donne des raisons qui ne s'appliquent pas aux richesses.

21° Article 173. Le texte dit: «Si un citoyen, même du rang le plus distingué, épouse une étrangère ou une concubine, ses enfants n'ont plus les honneurs ou la considération de leur père.» Pourquoi Larcher dit-il sont exclus des honneurs? Hérodote indique une dégradation, et ce n'est pas la même chose qu'une exclusion.

22° Article 185. Nitokris fit creuser un lac dont les bords furent revêtus de pierre circulairement. Pourquoi le traducteur a-t-il omis ce mot important qui désigne la figure du lac?

23° Article 211. Le texte, parlant des Massagètes, dit que (selon l'usage des anciens) «leurs guerriers se couchèrent ou s'assirent à terre pour prendre leur repas.» Le traducteur les fait mettre à table comme nous, et par cette expression, il masque l'usage des anciens.

Ainsi, voilà dans le premier des neuf livres d'Hérodote seulement, plus de vingt altérations matérielles, sans compter celles que nous avons déja citées, et celles que nous ayons négligées comme de moins graves, qui cependant ne laissent pas d'altérer le sens. Or si, comme il est vrai, le mérite d'une traduction consiste à représenter littéralement l'original; si le texte du narrateur doit être considéré comme un procès verbal dont chaque expression a un sens précis qu'il importe de n'altérer ni en plus ni en moins, il est évident que la traduction de Larcher est très-défectueuse, très-incorrecte, et que pour bien connaître Hérodote, une autre traduction serait un ouvrage non-seulement utile, mais indispensable.

233.Excerpta Valesii, page 452.
234.Krœsus, âgé de 35 ans lorsqu'il règne en 570, est par conséquent né en 605: nous le retrouvons en Égypte à la suite de Kambyse en 525: par conséquent il était âgé de 80 ans. Xanthus de Lydie et Plutarque en observant qu'Alyattes son père eut plusieurs femmes, nous indiquent assez qu'il fut d'un autre lit que cette fille d'Alyattes.
235.Note 19, page 183.
236.Les amateurs d'antiquités keltiques ou celtiques savent que Kimr est le nom national que se donnent les Gâlois ou peuple du pays de Galles, qui, comme les Bas-Bretons, sont les descendants des anciens Keltes, et les restes de la souche keltique: le nom de Kimr a fait aussi Kimbri ou les Cimbres.
237.Voyez sa Chronologie, page 355.
238.Voyez la note à la fin de ce chapitre.
239.Note 20 sur le § VII.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
426 s. 27 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain