Kitabı oku: «Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I», sayfa 3
CHAPITRE IV.
Y a-t-il eu un cycle sabbatique?
PLUSIEURS chronologistes, pour dernière ressource, ont eu recours au cycle sabbatique, c'est-à-dire à ce jubilé prescrit par Moïse, qui avait ordonné que chaque 7e année, à l'imitation du 7e jour de la semaine, fût une année de Sabbat; c'est-à-dire d'oisiveté et de repos absolus, même pour la culture de la terre. Moïse avait de plus ordonné35 qu'en cette 7e année toute créance d'argent prêté serait annulée; que le débiteur serait libre, et de plus encore, que tout Hébreu réduit en esclavage pour dette ou autre cause, serait remis en liberté, et renvoyé avec des provisions capables de l'entretenir pendant du temps.
Il est certain que si une telle loi eût eu son exécution, elle eût produit une sensation et constitué une époque aussi remarquable par ses retours septénaires que la période olympique chez les Grecs; mais on cherche en vain dans tous les livres hébreux une mention, une indication même légère de ces jubilés. L'on n'en trouve pas la moindre trace ni dans le Livre des Juges, ni dans celui de Samuel, quoique très-détaillé dans une durée de plus de 60 ans, ni dans le Livre des Rois; au contraire, Jérémie, dans le chapitre 34 de ses prophéties, nous fournit la preuve positive de la négligence et de l'inobservation de cette loi dès son origine.
Jérémie, est-il dit, engagea le roi Sédéqiah, les grands et le peuple de Jérusalem à renvoyer leurs esclaves hébreux; ils s'y engagèrent par la cérémonie d'un sacrifice, et ils renvoyèrent leurs esclaves hébreux; puis s'en étant repentis, ils les reprirent et les contraignirent de force; et Jérémie leur dit: Écoutez les paroles du Dieu d'Israël:
«Au jour où je retirai vos pères de l'Égypte, je fis un pacte avec eux, et je leur dis: Lorsque 7 ans seront écoulés, que chacun de vous renvoie l'esclave hébreu qui lui a été vendu et qui a servi 6 ans; que l'esclave soit libre; et vos pères n'ont point écouté ma parole, ils n'ont point incliné leur oreille (à m'obéir); vous, aujourd'hui, vous vous êtes retournés (de leur sentier) et vous avez fait le bien; vous avez fait alliance avec moi, mais ensuite vous l'avez violée (comme vos pères); maintenant je vais amener sur vous tous les maux, etc.»
Pour tout lecteur qui pesera bien ces mots: «Vos pères n'ont point écouté ma parole, n'ont point obéi à mon ordre de renvoyer libre; vous, aujourd'hui, vous vous êtes retournés (de leur sentier, etc.);» pour tout lecteur, disons-nous, il sera prouvé que jusqu'au temps de Sédéqiah, les Juifs avaient imité leurs pères et n'avaient point observé le jubilé septénaire; par conséquent il n'y a point eu chez eux de cycle sabbatique avant la captivité de Babylone. Ce ne fut qu'alors et au retour dans leur patrie, qu'ayant pris à tâche d'exécuter littéralement les lois de Moïse, celle-ci devint en usage avec plusieurs autres. De savants chronologistes, quoique très-pieux, n'ont pu s'empêcher de reconnaître ces faits; entre autres, le Père Petau, jésuite, dans son Traité de la doctrine des temps, livre IX, chapitre 26, s'avoue réduit à la nécessité de révoquer en doute l'observance des années sabbatiques36 avant le règne d'Antiochus Eupator; mais beaucoup d'autres ont cru leur religion intéressée à en soutenir la croyance. Le savant Desvignoles présente, à cet égard, une inconséquence remarquable; car après avoir exposé avec candeur une masse de raisons négatives, il finit par dire37 que comme il faut avoir une mesure de temps, il se range au gros des chronologistes qui ont admis les Sabbats; ce qui ne l'empêche point de convenir ailleurs, que les cycles sabbatiques, produits par les Samaritains et les Juifs, et remontant jusqu'à la création, sont des cycles fictifs et inventés après coup38.
Par une autre inconséquence, Desvignoles fournit un argument ingénieux de calculer le temps de la monarchie, en admettant la non-existence ou l'inobservance des Sabbats. Tout le monde connaît la célèbre prophétie de Jérémie, concernant l'exil et la captivité du peuple hébreu pendant 70 ans, et cela pour avoir négligé et méprisé les ordonnances de Dieu. En comparant à ce texte celui des Paralipomènes, qui dit (chap. 36, vers. 10) «Que le peuple hébreu fut déporté à Babylone, afin que la terre (d'Israël) prît plaisir à célébrer ses sabbats, et qu'elle eût 70 ans de repos;» Desvignoles a pensé que Jérémie dans sa prédiction avait eu spécialement en vue la loi de Moïse sur les jubilés de 7 ans, et que par le nombre 70 il avait entendu établir une compensation des sabbats que l'on avait omis ou négligé de célébrer: il est bien vrai que ces 70 jubilés de 7 ans donnent une somme totale de 490 ans, et que si l'on prend ces 490 ans pour la durée des rois, en y ajoutant 604, qui sont la date première de la prophétie en question, l'on a pour première année de Saül, l'an 1094 avant J.-C. Or, les calculs de Josèphe donnent pour ce même intervalle 1091, et l'analogie est frappante; mais nous avons vu que la Chronologie détaillée des Rois, en nous produisant la somme totale de 493, jusqu'à Sédéqiah (en 587), ne donne jusqu'à l'an 604, que 475 ans; ce qui fait 15 ans de moins que 490. Jérémie aurait-il aussi compris dans son calcul le temps de Samuel, qui fut de 12 ans? Il y aurait encore déficit de 3 ans. D'ailleurs il a donné à ses 70 ans de captivité, deux points de départ différents; tandis qu'au chapitre 25, verset 1139, il les fait partir de l'an 4 de Ihouaqim, au chapitre 31, verset 5-1040, dans sa lettre aux émigrés qui suivirent Iechonias à Babylone, il les fait partir de l'an 598, ce qui donne 481 ans depuis l'an 1er de Saül, et 493 depuis l'an 1er de Samuel: 4 ans de plus que les 490. Néanmoins, comme nous ignorons de quelle manière Jérémie a pu établir son calcul de la durée des rois, et qu'il a pu compter comme Josèphe41, l'idée de Desvignoles reste plausible, et tend à constater ce qui nous paraît vrai; savoir, que la loi des années sabbatiques n'a point eu d'exécution sous les rois.
Un fait positif vient aussi prouver qu'elle n'en eut point sous les juges, qui furent un véritable temps d'anarchie; car lorsque Josué entre en Palestine, on le voit admettre les Gabaonites à vivre au milieu d'Israël à titre d'esclaves et d'ilotes, malgré la loi de Moïse qui ordonnait l'extermination; et ces mêmes Gabaonites sont cités au temps de David, comme subsistants dans le même état42, ce qui n'aurait pu être si la loi des jubilés eût été exécutée. De plus, il est dit dans le Livre des Juges,43 qu'après le partage des terres, chaque tribu accorda aux Chananéens de son arrondissement, la faculté d'habiter avec le peuple de Dieu, en payant un tribut qu'ils payaient encore au temps de Salomon. On est en droit de conclure de ce double fait, que la loi des Jubilés sabbatiques, cette loi étrange d'oisiveté, de stérilité, de famine organisée pour chaque huitième année, fut abrogée dès le début de la conquête par les Hébreux, qui, après tant de peines et de dangers, trouvèrent sans doute trop dur de relâcher des esclaves et des biens achetés au prix de leur sang: dans ce premier état anarchique ou démocratique, personne n'eut intérêt à réclamer contre l'inobservance; personne n'eût eu le pouvoir de faire exécuter; dans le second état, c'est-à-dire, sous le règne monarchique, lorsque les rois investis d'un pouvoir arbitraire eurent cette faculté, leur prudence dut trouver trop dangereux de rétablir une loi qui eût tout bouleversé.
Ainsi il est constant que depuis Josué jusqu'au temps du roi Sédéqiah, les Juifs n'observèrent point la loi sabbatique, et cela est fâcheux pour la science chronologique, qui eût trouvé dans ce cycle, une mesure précise du temps.
En résumé de toute notre discussion sur le temps des juges, le lecteur voit qu'au delà du grand-prêtre Héli, le système des Juifs est brisé et dissous; que tout y est vague, incertain, confus, que leurs annales ne remontent réellement d'un fil continu, que jusqu'à l'an 1131; enfin, qu'il est impossible d'assigner, à 20 ou 30 ans près, le temps où Moïse a vécu, et qu'il est seulement permis, par un calcul raisonnable de probabilité, de le placer entre les années 1420 et 1450.
CHAPITRE V.
Des temps antérieurs à Moïse et des livres attribués à ce législateur
MAINTENANT si les Juifs n'ont pu conserver de notions exactes du temps écoulé entre le grand-prêtre Héli et Moïse, ni du temps que dura le séjour de leurs pères en Égypte (car rien n'est clair à cet égard), comment peuvent-ils prétendre avoir mieux connu les temps antérieurs où n'existait pas encore la nation, et qui plus est, les temps où n'existait aucune nation, c'est-à-dire, l'époque de l'origine du monde, à laquelle aucun témoin n'assista, et dont leur Genèse nous fait cependant le récit, comme si l'écrivain en eût eu sous les yeux un procès verbal? Les Juifs nous disent que c'est une révélation faite par Dieu à leur prophète: nous répondons que beaucoup d'autres peuples ont tenu le même langage. Les Égyptiens, les Phéniciens, les Chaldéens, les Perses, ont eu, comme le peuple juif, leurs histoires de la création, également révélées à leurs prophètes Hermès, Zoroastre, etc. De nos jours les Indous ont présenté à nos missionnaires les Vedas et les Pouranas, avec des prétentions d'une antiquité plus reculée que la Genèse même, et que les autres livres attribués à Moïse. Il est vrai que nos savants biblistes rejettent, ou du moins contestent l'authenticité de ces livres; mais quand notre zèle convertisseur présente aux Indous la Bible, qu'aurons-nous à répondre, si les brahmes nous rétorquent nos propres arguments européens? Si, par exemple, ils nous disent:
«Vous niez l'authenticité et l'antiquité de certains Pouranas et Chastras, par la raison qu'ils mentionnent des faits postérieurs aux dates présumées de leur composition: eh bien! nous nions à notre tour l'authenticité des cinq livres que vous attribuez à Moïse, par cette même raison que nous y trouvons un grand nombre de passages et de citations qui ne peuvent convenir à ce législateur.»
La question se réduit donc à savoir si cette dernière assertion est fondée en preuve de faits; et c'est une question qui doit se traiter avant toute autre; car le système chronologique antérieur à Moïse, tirant son autorité principale de la supposition que ce prophète en a été le rédacteur, si cette supposition était démontrée fausse, l'autorité du système en serait considérablement affaiblie. De savants critiques ont déjà traité ce sujet44; mais parce qu'ils ne l'ont pas à beaucoup près épuisé, et que surtout ils n'ont pas bien saisi les conséquences qui découlent des preuves, nous allons reprendre la discussion dans ses fondements, et dresser un tableau plus complet qu'aucun autre précédent, de tous les passages du Pentateuque, qui prouvent la posthumité de cet ouvrage relativement à Moïse, et qui indiquent la véritable époque de sa rédaction.
CHAPITRE VI.
Passages du Pentateuque, tendants à indiquer en quel temps et par qui cet ouvrage a été ou n'a pas été composé
1º AU dernier chapitre du Deutéronome on lit un récit détaillé et circonstancié de la mort de Moïse, de son inhumation, et en outre ces phrases singulières: «Personne, jusqu'à ce jour, n'a connu le lieu de sa sépulture, et il ne s'est plus élevé dans Israël de prophète égal à Moïse.»
N'est-ce pas l'indice saillant d'un long temps déjà écoulé? Personne jusqu'à ce jour… il ne s'est plus trouvé de prophète.
On nous dit que ce chapitre a été ajouté après coup, qu'il ne fait point corps avec l'ouvrage. Admettons la réponse, parce qu'elle est naturelle et raisonnable; mais comment expliquera-t-on tous les autres passages qui se trouvent au corps du livre, et qui ne sont pas moins incompatibles avec l'hypothèse reçue? Par exemple, le premier chapitre du Deutéronome débute par ces mots: «Voici les paroles que Moïse adressa à tout Israël au delà du Jourdain45, dans le désert, etc.»
On sait que Moïse ne passa point cette rivière, et qu'il mourut dans le désert qui est à son orient46, par conséquent le mot au delà désigne, relativement à Moïse, la rive occidentale, le côté où est Jérusalem. Par inverse, la rive orientale où Moïse mourut, se trouve au delà du Jourdain, relativement au pays de Jérusalem. Donc cette phrase, Moïse mourut au delà, a été écrite du côté de Jérusalem; donc ce n'est point Moïse qui l'a écrite: l'expression au delà se trouve trois autres fois: 1° Deutéronome (chap. 3, vers. 8), l'on fait dire à Moïse: «En même temps que nous enlevâmes à deux rois amorrhéens leur pays situé au delà du Jourdain, entre le torrent Arnon et le mont Hermon.» Puisque Moïse parlait dans ce pays-là même, il était en deçà et non au delà; et la note qu'il joint immédiatement, ne lui convient pas davantage....
«Or, l'Hermon est appelé Chirin par les Sidoniens, et Chinir par les Amorrhéens.»
Une telle note ne convient qu'à un auteur posthume, qui explique la nomenclature du temps passé à ses contemporains, qui ne l'entendent plus. Il en est ainsi des versets suivans:
«4° Et nous prîmes toutes les villes d'Og, roi de Basan, qui était resté seul de la race des Raphaïm ou géans: son lit est encore dans la ville de Rabat-Amon; et je donnai à Jaïr, fils de Manassé, le pays de Basan, qu'il nomma villages de Iaïr, et on les appelle ainsi jusqu'à ce jour.»
Et (chap. IV, vers. 21), on lit: «Moïse marqua trois villes au delà du Jourdain, du côté du soleil levant.»
Et (idem, versets 45 et 46), «Voilà les lois et statuts que Moïse donna aux enfants d'Israël, après la sortie d'Égypte, dans la vallée de Bethphegor, au delà du Jourdain… Et les enfants d'Israël possédèrent au delà du Jourdain, les pays de, etc., etc.»
Ces versets, et en général tout ce chapitre, sont évidemment un récit historique écrit long-temps après Moïse, par un rédacteur qui a résidé du côté de Jérusalem, au soleil couchant du Jourdain, et pour qui le soleil levant était au delà; qui parlant des faits anciens, y a joint les explications nécessaires à ses contemporains: poursuivons.
Dans la Genèse (chap. XII, vers. 6), en décrivant la route d'Abraham, depuis la Mésopotamie jusqu'à Sichem et à la vallée de Moria, il est dit: «Or les Kananéens occupaient alors le pays:»47 donc ils ne l'occupaient plus au temps de l'historien; donc cet historien écrivait après Josué, qui chassa les Kananéens de ce pays. Donc Moïse n'est pas l'historien.
Même Genèse (ch. 21, vers. 14), en parlant du lieu où Abraham voulut sacrifier son fils, on lit:
«Abraham appela ce lieu Iahouh Ierah, c'est-à-dire, «Dieu verra;» d'où est venu ce mot usité jusqu'à ce jour: Sur la montagne Dieu verra.
Notez ce mot, jusqu'à ce jour; et de plus, comment Abraham a-t-il pu appeler Dieu du nom de Iahouh, quand il est dit (chap. 6 de l'Exode, vers. 3) «que Dieu ne s'était fait connaître à personne avant Moïse, sous le nom de Iahouh…? L'auteur posthume ne se décèle-t-il pas à chaque instant?
Même Genèse (chap. 14, vers. 14), «Abraham poursuivit ses ennemis jusqu'à Dan.»
Le Livre des Juges (chap. 18, vers. 29) nous apprend que jusqu'au temps des juges, on appela Laïs la ville sidonienne qui fut surprise par 600 hommes de la tribu de Dan, et que ce fut seulement alors qu'elle reçut le nom de Dan. Certainement Moïse n'a point écrit cela: l'auteur est postérieur aux juges.
Deutéronome (chap. 2, vers. 12), il est dit: «Nous tournâmes la montagne de Séir sans l'attaquer, parce qu'elle est habitée par nos frères, les enfants d'Ésaü. Or Séir était d'abord habitée par les Horiens, que chassèrent les enfants d'Ésaü, qui ont habité ce pays jusqu'à ce jour (verset 32), comme les enfants d'Israël ont habité celui que le Seigneur leur a donné.»
Ceci est manifestement postérieur à'ia conquête par Josué.
L'auteur des Rois (livre I, chap. 9, vers. 9), en parlant de Saül qui alla consulter le voyant, dit: «Autrefois, lorsqu'on allait consulter Dieu, l'usage était de dire, Allons au voyant; car, on appelait voyant ce qu'aujourd'hui on appelle prophète.» Or puisque l'usage durait encore du temps de David, qui appela Gad son voyant et non son prophète; et puisque dans tout le Pentateuque, Moïse est toujours appelé le prophète et non le voyant, il s'ensuit clairement que la rédaction du Pentateuque est postérieure au temps de David.
Enfin un passage frappant est celui du chapitre 36 de la Genèse, où, parlant de la postérité d'Ésaü, l'auteur dit (verset 31 et suivants): «Voici les rois qui régnèrent sur la terre d'Édon avant qu'Israël eût des Rois, etc.»
Or si, comme il est de fait, Israël n'eut de rois que depuis Saül, il est évident que l'auteur historique est postérieur à cette époque, et que cet auteur n'a pu être Moïse, par toutes les raisons ci-dessus. Ainsi nous avons une masse de preuves incontestables que le Pentateuque, tel qu'il est en nos mains, n'a point été rédigé par Moïse, mais par un écrivain anonyme dont l'époque n'a pu précéder le temps des rois David et Salomon; bientôt nous verrons encore d'autres preuves de cette posthumité, lorsque l'époque de cette rédaction nous sera connue: il s'agit maintenant de la connaître.
Quelques écrivains critiques,48 qui comme nous ont senti que le Pentateuque n'a pu être rédigé par Moïse, ont essayé d'en deviner l'auteur, et ils ont cru l'apercevoir dans le lévite Esdras, qui, au temps d'Artaxercès roi de Perse, ranima chez les Juifs attiédis l'observance et l'étude de la loi. Sur l'autorité accréditée de ces écrivains, nous avions d'abord admis cette opinion; mais l'intérêt qu'excite ce sujet nous ayant engagé à de nouvelles recherches, nous avons trouvé, dans une lecture attentive des livres hébreux, des raisons de penser différemment, et d'attribuer le Pentateuque à un autre auteur, indiqué par les textes mêmes avec plus d'évidence que le lévite Esdras.
D'abord on cherche vainement des indices quelconques de l'existence du Pentateuque, soit dans le livre de Josué, l'un des plus anciens, soit dans le livre dit des Juges, soit dans les deux livres intitulés Samuel, soit enfin dans l'histoire des premiers rois juifs. Ce silence, surtout au temps de Salomon, est d'autant plus remarquable, que l'auteur de la Chronique, en nous apprenant que les Tables de la Loi de Moïse furent déposées dans le temple bâti par ce prince, ne dit pas un mot des livres de Moïse; et cependant si le Pentateuque eût été l'ouvrage de Moïse, le manuscrit autographe devait encore exister, et il est inconcevable qu'un livre si précieux fût laissé dans un oubli absolu; surtout lorsqu'en cette inauguration du temple, une foule d'objets moins importants, moins appropriés au sujet, sont relatés et mentionnés.
Une autre circonstance encore digne de remarque, est que dans les livres de Salomon, dans les psaumes réellement de David,49 et même dans les prophéties d'Isaïe, l'on ne trouve presque aucune citation que l'on puisse rapporter avec évidence au Pentateuque. Il faut descendre jusqu'au règne de Josias, pour en découvrir une indication probable; le passage qui la contient mérite d'être cité en entier, pour en bien scruter les détails. (Voyez Reg., lib. 2, cap. 22.)
CHAPITRE VII
Époque de l'apparition du Pentateuque
APRÈS la mort du roi Amon, son fils Josiah devint roi à l'âge de 8 ans; on sent qu'un roi de 8 ans eut un tuteur régent, qui n'est point nommé, mais qui naturellement et par l'indication des faits, fut le grand-prêtre Helqiah.
La 18e année de son règne, Josiah envoie, sans motif apparent, Saphan, scribe ou secrétaire du temple, vers le grand-prêtre, pour lui dire de'recueillir tout l'argent donné par le peuple aux portiers du temple, et de le remettre aux entrepreneurs et ouvriers des réparations, sans leur faire rendre compte, et en se reposant sur leur bonne foi. Pour réponse, le grand-prêtre Helqiah dit au secrétaire: «J'ai trouvé un livre (ou le livre) de la loi dans le temple du Seigneur;» et il donne ce livre au secrétaire qui le lit. Saphan retourne vers le roi, et lui dit: «Vos ordres sont exécutés…; (de plus), Helqiah m'a remis un livre;» et il (commença) de le lire devant le roi…; et lorsque le roi entendit les paroles de la loi, il déchira ses vêtements, et il dit à Helqiah, à Ahiqom, à Akbour, à Saphan, secrétaire, et à Achih, serviteur du roi: «Allez et consultez Dieu sur moi et sur tout le peuple juif, au sujet des paroles de ce livre qu'on a trouvé; car la colère de Dieu est allumée contre nous de ce que nos pères n'ont point pratiqué ses préceptes.... Et ils-se rendirent tous ensemble chez Holdah, prophétesse, qui demeurait à Jérusalem, et dans la rue Seconde. Holdah leur annonça, de la part de Dieu, de grands maux contre le pays et la ville. Mais, ajouta-t-elle, parce que le roi a écouté la parole du Seigneur, qu'il a pleuré et déchiré ses vêtements, ces maux n'arriveront point de son vivant.... Helqiah et les autres envoyés portent cette réponse au roi.... Le roi envoie de tous côtés des ordres dans la ville. Tous les anciens et gens notables se rassemblent dans le palais.... Le roi va ensuite au temple, et il y est suivi des prêtres et des anciens, et de tout le peuple depuis le plus grand jusqu'au plus petit; et là on fait une lecture solennelle de ce livre trouvé. Le roi monte ensuite aux degrés (de l'autel), et fait un sacrifice d'alliance pour pratiquer tout ce qui est dans le livre....; et le peuple en prend l'engagement.... Alors en exécution de ce pacte et des préceptes du livre, l'on jette hors du temple les vases de Baal; on souille les lieux hauts où l'on sacrifiait, et celui où l'on passait les enfants par la flamme…; on chasse des portiques du temple les chevaux sacrés que les rois entretenaient en l'honneur du soleil; on brûle les chars consacrés au soleil; on détruit les autels élevés par Achaz et Manassé, et ceux élevés par Salomon sur les hauts lieux aux dieux de ses femmes. Josiah, présent à tous ces actes qu'il commande et dirige, fait déterrer même les morts sur les hauts lieux, et égorger tous les prêtres de Baal qu'il y trouve… De retour à Jérusalem, il fait célébrer une pâque si solennelle, qu'il n'y en eut point de telle depuis les juges d'Israël et pendant tout le temps des rois.»
Pesons les mots et les circonstances de ce récit; et d'abord remarquons que Josiah, enfant couronné dès l'âge de 8 ans, fut élevé par le grand prêtre Helqiah, qui pendant 10 ou 12 ans fut le véritable régent de l'État et du prince: par conséquent Josiah, maintenant âgé de 25 à 26 ans, est encore sous l'influence morale du pontife et de l'éducation sacerdotale qu'il en a reçue. A cet âge et l'an 18 de son règne, il fait un message solennel au grand-prêtre: l'objet de ce message est de remettre aux entrepreneurs des réparations du temple, des sommes d'argent sans leur en faire rendre compte. Pourquoi cette faveur d'un genre singulier, même injuste et imprudent? Elle a certainement un motif, un objet en vue; cet objet est de se concilier ces gens: et leurs familles, et, par suite, leurs amis et le peuple dont ils font partie: pour réponse, le grand-prêtre présente un livre, qu'il dit être le livre de la loi, et qu'il dit avoir trouvé dans le temple. Où est la preuve qu'il a trouvé ce livre? at-il des témoins? On ne le dit pas; mais il est clair que s'il a besoin d'appui, tous les ouvriers du temple qu'il a gratifiés lui seront dévoués. Admettons qu'il ait trouvé ce livre, et qu'il ne l'ait pas lui-même composé; du moins il l'a eu en main, seul et aussi long-temps qu'il a voulu: n'y a-t-il pas fait des changements? C'est un manuscrit unique; personne ne l'a contrôlé; rien n'établit son authenticité. Ce manuscrit dut être un rouleau de papyrus ou de vélin; quelle main l'a écrit? est-ce la main de Moïse? Helqiah ne le dit pas, il dit seulement le livre de la loi: cela est remarquable. S'il fût venu de Moïse, Helqiah eût-il supprimé une circonstance, si propre à ajouter au respect? D'ailleurs, s'il fût venu de Moïse, ce manuscrit aurait eu à cette époque plus de 800 ans d'existence; et depuis tant de temps, oublié dans quelque armoire, il eût dû être rongé des vers et de poussière, dans un climat aussi rongeur que l'est la Judée. Il y aurait eu des lacunes; l'écriture même aurait dû être différente, et beaucoup de mots tombés en désuétude; car il est sans exemple qu'une langue et qu'une forme d'écriture aient subsisté 800 ans sans altération. Cependant le secrétaire Saphan le lit couramment et à livre ouvert: il porte le livre au roi, et le roi entendant le contenu, est surpris, effrayé au point de déchirer ses vêtements. Quoi, le roi Josiah, élevé par le grand-prêtre, ne connaissait pas la loi de Moïse! cette loi, dont tout prince, à son avénement, devait avoir une copie transcrite à son usage par les prêtres, selon un ordre exprès du Deutéronome, chapitre 17. Tout était donc oublié; ou bien tout est simulé. Le roi Josiah de suite fait consulter Dieu; l'oracle auquel on s'adresse est une vieille femme, exerçant le métier de devineresse, et jouissant d'un grand crédit sur le peuple, c'est-à-dire dans la classe des ouvriers que le roi a gratifiés. Le grand-prêtre, le secrétaire Saphan, Akbour et d'autres prêtres, se rendent en pompe chez cette femme.... N'est-il pas clair que l'intention d'une telle démarche est de produire une vive sensation sur le peuple et de donner de l'éclat à une chose nouvelle?
La prophétesse répond dans le sens désiré..... Elle annonce que Iahouh, Dieu d'Israël, va envoyer contre Jérusalem et ses habitants, toutes les calamités écrites dans le livre que le roi a entendu, et cela parce que les Juifs ont abandonné leur Dieu, et qu'ils ont sacrifié à des dieux étrangers.
Ces expressions nous deviendront bientôt utiles; mais pour le présent remarquons que cette prophétie de Holdah a une analogie frappante avec les autres prophéties que depuis cinq ans proclamait Jérémie: or, dans sa qualité de prêtre et de fils de prêtre, Jérémie avait des rapports nécessaires avec le pontife; il était, comme Holdah, dans la dépendance plus ou moins médiate de Helqiah50; et lorsque nous trouvons que peu d'années après les fils de Saphan et d'Akbour furent les amis et protecteurs zélés de Jérémie contre la colère de Ihouaqim, nous avons lieu de soupçonner que déja il avait des liaisons avec Saphan et Akbour, qui figurent dans cette affaire; que par conséquent il était lui-même, comme Holdah, l'un des confidents de ce drame concerté; qu'en un mot il y a eu dans cette occasion un pacte secret, un plan combiné entre le grand-prêtre, le roi, le secrétaire Saphan, le prêtre Akbour, le prophète Jérémie et la prophétesse Holdah; et cela, pour un motif, une affaire d'état de la plus haute importance, puisqu'il s'agissait de sauver la nation du danger imminent d'une destruction absolue ou d'une dispersion prochaine.
En effet, à l'époque dont nous parlons, l'an 621, le royaume de Jérusalem se trouvait dans les circonstances les plus désastreuses. Depuis quatre ans les Scythes, venus du Caucase, exerçaient ces ravages dont parle Hérodote, et dont leurs pareils, les Tatars de Genghizkan et de Tamerlan, nous ont fourni d'effrayants exemples dans les temps modernes. Vainqueurs de Kyaxare et de ses Mèdes, maîtres de la haute et de la basse Asie, les Scythes n'avaient pu parvenir à Azot, où les arrêta Psammitik, sans inonder la Syrie et la Palestine: leur cavalerie innombrable avait ravagé tout le pays plat, avec cette cruauté féroce et impitoyable qui a toujours caractérisé les Tatars; le pays montueux, investi de toutes parts, privé de toutes communications, attaqué dans ses postes faibles, menacé dans toute sa masse, ressemblait à une grande place assiégée, et subissait tous les maux attachés à cette situation: or voilà premièrement le tableau que trace Jérémie dans ses dix-sept premiers chapitres.
«L'an 13 de Josiah, dit cet écrivain, le (Dieu de Moïse) Iahouh, m'adressa la parole51, «Et il me dit (chap. 1): Que vois-tu? Je vois une chaudière bouillante; elle est dans le nord (prête à verser), et Dieu dit: Du nord accourt le mal sur tous les habitants de cette terre; car voici que j'appelle toutes les familles des royaumes du nord, et elles viennent établir chacune leur tente aux portes de Jérusalem, autour de ses murs et dans toutes les villes de Juda, et je prononcerai mes décrets contre les pervers qui m'ont abandonné, et qui ont sacrifié aux dieux étrangers».
Cette dernière phrase est mot pour mot, le motif allégué par la prophétesse Holdah. Les chapitres suivants sont remplis de reproches, de menaces et d'exhortations.
Le prophète s'écrie (ch. 4): «Annoncez dans Juda; publiez dans Jérusalem; sonnez de la trompette; criez et dites: Rassemblez-vous; retirez-vous dans les villes fortes; élevez des signaux de fuite; ne restez pas, parce que, dit le Seigneur, voici que j'apporte du nord une calamité, une grande destruction; le lion a quitté son repaire; le destructeur des peuples est parti de son pays pour réduire cette terre en solitude».
Ceci convient parfaitement aux Scythes; ce qui suit les caractérise encore mieux:
«Voici qu'un peuple vient du nord; une grande nation est sortie des flancs de la terre....; ils portent l'arc et le bouclier; ils brisent et déchirent sans pitié....; leur bruit ressemble au bruissement des flots; ils montent des chevaux armés (et bardés) eux-mêmes comme un guerrier, etc.»: voilà bien les cavaliers scythes.
«Voici que (l'ennemi) monte comme une nue, ses chars (volent) comme un tourbillon; ses chevaux sont plus légers que les aigles.... Malheur à nous! nous sommes ravagés.—Un cri d'alarme vient du côté de Dan; on apprend des horreurs (iniquitatem) de la montagne d'Éphraïm..... Faites entendre dans Jérusalem que des troupes d'éclaireurs viennent d'une terre lointaine.....
«J'ai regardé le pays, il est désert… J'ai vu les montagnes, et elles tremblent; les collines, et elles se choquent; j'ai regardé (partout), il n'y a plus d'hommes; les oiseaux du ciel se sont envolés..... J'ai regardé le Carmel, il est désert, et toutes les villes détruites devant la face de Iahouh et de sa fureur».
(Chap. 5, v. 15): «J'amène sur vous une nation lointaine, une nation robuste, antique, dont vous ne connaissez point le langage, dont vous ne comprenez point les paroles…: son carquois est un sépulcre ouvert…; tous ses guerriers sont forts. Ils mangeront votre pain, votre moisson, vos enfants, vos bœufs, vos figues, vos raisins, etc.»