Kitabı oku: «Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I», sayfa 9
Maintenant, s'il existe une analogie marquée entre les Boudhistes et les Parsis, quant au système cosmogonique, n'est-il pas à croire que la cause de cette analogie se trouve dans la réforme ou innovation de Darius Hystasp, qui rapporta de l'Inde ces idées qu'il communiqua aux mages, dont il fit une création nouvelle. Alors le Boun-Dehesch aura été composé après cette époque, et probablement peu après la ruine de l'empire perse par Alexandre, lorsque les livres sacrés devinrent plus rares par les troubles et les incendies des guerres. D'autre part, les Brahmes et les Boudhistes s'accordent à dire qu'ils ne sont point indigènes de l'Indostan; qu'ils sont originaires du nord, et leur figure ovale porte le caractère scythe: leur berceau ancien et premier aurait-il été par les 49 degrés 20 minutes de latitude, et aurait-il existé là très-anciennement un peuple policé, auteur de l'observation citée? L'illustre Bailly, dans son Astronomie ancienne, a cité beaucoup de faits à l'appui de cette opinion; son émule, Lalande, qui ne fut point versé en littérature ancienne, a voulu beaucoup la déprécier, mais si quelque jour un homme doué de talent réunit aux connaissances astronomiques l'érudition de l'antiquité que l'on en sépare trop, cet homme apprendra à son siècle bien des choses que la vanité du nôtre ne soupçonne pas. Revenons à notre cosmogonie juive, et à nos douze mille ans étrusques et parsis.
Astronomiquement parlant, il n'existe point de périodes de 12,000 ans, c'est-à-dire que ce nombre ne convient à aucune révolution simple ou compliquée d'astres ou de planètes. Pourquoi donc se trouve-t-il employé en ce sens par les anciens? Ceci est encore un logogriphe astrologique dont il faut demander la solution aux adeptes de la science secrète. Cette solution nous est donnée par l'ingénieux et savant Dupuis, dans son Mémoire sur les grands Cycles ou Périodes de restitution. «En comparant avec attention diverses périodes des Indiens et des Chaldéens, dit-il en substance, l'on s'aperçoit que leur composition est due à une addition ou soustraction croissante ou décroissante d'un premier nombre élémentaire qui suit l'ordre arithmétique direct 1, 2, 3, 4, ou l'ordre inverse 4, 3, 2, 1; c'est ce que démontre l'analyse.»
1° L'Ezour-Vedam rapporte une tradition indienne140 d'après laquelle les quatre âges du monde, ont eu la durée suivante: savoir,
[141] Voyez Legentil, Mémoires de l'Académie des Sciences, 1772, tome II, page 190; Abraham Roger, Mœurs des Brahmines, part. II, chap. 5, page 179; le Père Beschi, Grammaire tamoulique.
D'autre part, les Indiens disent qu'une année des dieux se compose de 360 années des hommes: les 4,320,000 étant des années de cette dernière espèce, divisons cette somme par 360, qui est le dénominateur des années divines; le quotient qui vient est la période 12,000; n'est-il pas singulier de voir les calculs indiens prendre leurs éléments chez les Perses et chez les Étruriens?
En outre, dans la période indienne nous avons pour élément premier la fameuse période chaldaïque de Bérose, 432,000 ans.
Maintenant, pour la composer suivons l'ordre arithmétique 1, 2, 3, 4 jusqu'à 8, en prenant comme élément premier la période
Il n'est pas besoin de raisonner longuement sur cet exposé, que nous avons beaucoup abrégé; le lecteur en voit facilement découler plusieurs conséquences.
1° Il est clair que toutes ces périodes sont des combinaisons mathématiques plus ou moins fictives et arbitraires, imaginées par les anciens pour faciliter leurs opérations d'astrologie plutôt que de véritable astronomie.
2° Il est sensible que ces périodes qui, quoique éparses chez divers peuples à diverses époques, s'amalgament si parfaitement quand on les rassemble, appartiennent à un seul et même corps de doctrine dont l'origine remonte à une très-haute antiquité, et dont le foyer semble se placer de préférence chez les Égyptiens et les Chaldéens.
3° Enfin il nous semble également démontré que toutes ces idées, tous ces systèmes de création, de durée, de destruction et d'âges du monde ont eu leurs types primitifs dans les idées simples et naturelles d'un système originel dont les figures hiéroglyphiques mal interprétées, dont les termes équivoques mal compris, sont devenus une cause de désordre moral et métaphysique. Ainsi les 4 âges du monde, si célèbres dans l'Inde et la Grèce, quoique aucun mortel n'en pût avoir de notion, ces 4 âges n'ont point d'autre origine, d'autre type que les 4 saisons de l'année, ce grand cercle monde dont une révolution commence et finit toutes les opérations de la nature. La création n'est autre chose que la production nouvelle, que le mouvement de vie spontané qui, chaque année, au printemps, a lieu dans tout le système des végétaux et des animaux. Ce printemps, saison de feuilles, de fleurs et de pâturages, d'abondance, de lumière et de chaleur, fut l'âge d'or, parce qu'il est sous l'influence du soleil, qui dans l'alchimie et l'astrologie a l'or pour emblème; l'été, l'âge d'argent, parce que ses nuits longues et sereines sont sous l'empire de la lune à l'emblème d'argent: Vénus au blason de cuivre, Mars au blason de fer, présidèrent à l'automne et à l'hiver; et voilà l'ordre figuré sur lequel les moralistes bâtirent leurs systèmes de bonheur originel, de vertu première, de dégradation postérieure et successive, de vice et de malheur final, punis par une destruction à laquelle ils ne manquent jamais de faire succéder une nouvelle organisation calquée sur celle du monde ou cercle zodiacal. Voilà les bases de cette doctrine qui, professée d'abord secrètement dans les mystères d'Isis, de Cérés et de Mithra, etc., se répandit ensuite avec éclat dans toute l'Asie, et qui a fini par envahir toute la terre. Mais il est temps de clore cet article, et cependant ne passons point sous silence la différence apparente ou réelle qui existe entre la Genèse et Bérose au sujet de la création. Il est fâcheux que le récit de cet écrivain ne nous soit parvenu qu'après avoir été copié d'abord par Alexandre Polyhistor qui a pu y faire quelque changement, puis retouché par le Syncelle qui l'abrège et le censure selon ses idées; de manière qu'il y a plusieurs voiles entre nous et le texte originel et primitif des traditions chaldéennes traduites en grec et commentées par Bérose.
Selon cet historien, dans le fragment qui nous est transmis,141 «l'on avait conservé avec beaucoup de soin à Babylone, des archives ou registres contenant l'histoire de 15 myriades d'années et traitant du ciel, de la mer, de l'origine des choses, puis des (X) rois et de leurs actions, etc.» Bérose décrit d'abord l'état physique du pays de Babylone, ses productions, ses limites, sa population…
Dans le principe, les hommes vivaient à la manière des brutes, sans mœurs et sans lois, lorsque de la mer Erythrée (golfe persique), sur la plage chaldéenne, sortit un animal ayant la forme d'un poisson selon Apollodore, portant sous sa tête de poisson une autre tête et des pieds d'homme attachés près sa queue de poisson; cet animal, appelé Oan, avait la voix et le langage des hommes, et l'on conserve encore (à Babylone) son effigie peinte. Cet être qui ne mangeait point, venait de temps à autre se montrer aux hommes, pour leur enseigner tout ce qui est utile, les arts mécaniques, les lettres, les sciences, la construction des villes et des temples, la confection des lois, la géométrie, l'agriculture, et tout ce qui rend une société policée et heureuse. Depuis cette époque l'on n'en a plus ouï parler. Cet animal Oan, au coucher du soleil, descendait dans la mer, et passait la nuit sous l'eau ou près de l'eau: par la suite, d'autres animaux semblables à lui se montrèrent aussi. Il avait écrit un livre qu'il laissa aux hommes, sur l'origine des choses et sur l'art de conduire la vie. Un temps exista où tout était eau et ténèbres contenant des êtres inanimés informes, qui (ensuite) reçurent la vie et la lumière sous diverses formes et espèces étranges: c'étaient des corps humains, les uns à 2, les autres à 4 ailes d'oiseau avec 2 visages; ceux-ci, sur un seul corps, portaient une tête d'homme et une tête de femme avec l'un et l'autre sexe; ceux-là avaient des jambes et des cornes de chèvre; d'autres, tantôt la tête, tantôt la croupe d'un cheval: il y avait aussi des taureaux à tête d'homme et une foule d'autres combinaisons bizarres de têtes, de corps, de queues de divers animaux, tels que les chiens, les chevaux, les poissons, les serpens, les reptiles, dont les figures se voient encore peintes dans le temple de Bel. Une femme nommée Omoroka présidait à toutes ces choses: ce mot chaldéen signifie en grec la mer et désigne la lune. Or Belus, divisant cette femme en deux moitiés, de l'une fit la terre, et de l'autre le ciel, d'où s'ensuivit la mort des animaux.
Bérose observe que ceci est une manière figurée d'exprimer la formation du monde et des êtres animés avec une matière humide.
Le dieu Bel ayant enlevé la tête de cette femme, d'autres dieux (Elahim) mêlèrent à la terre son corps qui était tombé, et dont furent formés les hommes; c'est par cette raison qu'ils sont doués de l'intelligence divine. En outre le dieu Bel, qui est Youpiter, ayant partagé les ténèbres en deux moitiés, sépara le ciel de la terre, établit le monde dans l'ordre où il est, et les animaux qui ne purent soutenir la lumière, disparurent. Bel, qui vit que la terre était déserte quoique fertile, ordonna aux autres dieux de se couper chacun la tête, de mêler leur sang à la terre, et d'en former des êtres qui supportassent l'air; enfin Bel lui-même fit les astres, le soleil, la lune et les 5 autres planètes.
Voilà ce que Polyhistor raconte en son livre 1er, d'après Bérose.
Ces récits, pris à la lettre, seraient trop choquans, trop absurdes; aussi le prêtre Bérose nous observe-t-il qu'il y faut voir une expression figurée des opérations de la nature; et l'étude de l'histoire ancienne et moderne, en nous montrant chez des peuples divers, tels que les Égyptiens, les Indiens, les Chaldéens, les Chinois, les Mexicains, etc., des systèmes entiers de figures monstrueuses du même genre que celles-ci, nous apprend que cette manière de peindre et de rendre sensibles à la vue les attributs et les rapports abstraits des corps, est la première opération dont s'avise l'entendement humain; c'est cette écriture, dite hiéroglyphique, qui partout a précédé l'écriture dite alphabétique, née ensuite d'une abstraction et d'une observation comparée beaucoup plus subtile et raffinée. Dans le prétendu monstre Oan, la tête d'homme désigne l'intelligence, le raisonnement, tandis que la forme de poisson désigne l'habitude ou la nature aquatique combinées, pour exprimer les effets et l'action de la constellation appelée poisson austral: l'étoile principale de cette constellation avait le mérite de mesurer exactement la plus courte nuit de l'année, en se levant, le jour du solstice d'été, au moment où se couchait le soleil, et en se couchant au moment où il se levait: par cette raison, elle joua un rôle important en Égypte, où elle annonçait l'inondation, et en Chaldée, ainsi qu'en Syrie, où elle servait à régler l'époque de certains travaux agricoles, et à conjecturer certains accidens de la saison ou du climat. C'est le Dagon des Philistins.142 Avec cette clef, l'on explique toutes les autres figures d'animaux monstrueux. On leur donnait des ailes, pour désigner leur nature aérienne; des sexes, pour exprimer leur nature passive ou active; des têtes de chien, pour exprimer leur propriété d'avertir comme l'animal qui aboie: tous étaient des symboles d'astres ou de constellations, et voilà pourquoi leurs images étaient peintes sur les murs du temple de Bel, comme d'autres semblables l'étaient dans l'antre des Nymphes, dans la caverne de Zoroastre et dans tous les temples des dieux égyptiens où on les retrouve. Voilà aussi pourquoi l'auteur juif de là Genèse, ennemi des idoles, a répudié cette partie de la cosmogonie chaldéenne, mais l'emprunt qu'il a fait des autres parties, se retrouve dans plusieurs phrases de la formation ou création de l'univers par Bel. Un temps exista ou tout était eau et ténèbres. Et Dieu partagea les ténèbres en 2 moitiés, sépara le ciel de la terre, fit les astres, le soleil, la lune, etc. Toutes ces phrases, qui ne sont que des extraits peu fidèles du texte chaldéen, ont cependant une analogie marquée avec le texte de la Genèse; dans Bérose, les dieux Elahim forment l'homme, et lui donnent l'intelligence divine. Dans la Genèse, les dieux disent: faisons l'homme à notre image; par le mot notre, ils s'avouent plusieurs. Bel était le grand dieu, Elah-Akbar: eux étaient les dieux Kabirim, ces douze grands dieux Cabires, adorés des Grecs.
Dieu Elahim fit le vide au ciel et au milieu des eaux....... Ce mot vide en hébreu est Raqia (ou Rakia); en chaldéen, om-o-raka signifie littéralement mère du vide, c'est-à-dire l'espace sans bornes que le vulgaire, trompé par le mot mère, a pris pour une femme. Le sens vrai est que Bel partagea le vide en deux moitiés, dont la supérieure fut le ciel; l'inférieure fut la terre, et c'est littéralement le sens de l'hébreu, Dieu fit le vide (Raqia), au milieu des eaux, et il donna le nom de ciel aux eaux de dessus, et les eaux d'au-dessous furent la mer et la terre. Dans la cosmogonie des Boudhistes du Tibet, qui, comme nous l'avons déja dit, paraît venir de l'école chaldéenne, le ciel n'a pas d'autre nom que le vide, l'immensité (om-o-raka); et un vent impétueux, excité par le destin sur les eaux, fut le premier signe de la création de l'univers143. Dans la Genèse, ce qu'on traduit l'esprit de Dieu, n'est littéralement que le vent de Dieu s'agitant sur les eaux. Ce vent, premier moteur, ou premier mû, se retrouve dans la cosmogonie phénicienne, où nous lisons que le vent Kolpia eut pour femme Bâau, c'est-à-dire la nuit, l'obscurité ténébreuse.... Ce terme Bâau, dans la Genèse, est l'épithète de la terre informe, qui d'abord fut Tohou, Bahou, traduit par la version grecque et par Josèphe, invisible, ténébreuse. Les hébraïsants se fondant sur l'arabe, interprètent Bahou, par le vide immense; et alors c'est la femme Om-o-raka du chaldéen. De ce vent Kolpia, premier moteur, comme le cœur (qui en arabe se dit aussi qolb et qalb), naissent Aïon et premier-né. En sanscrit adima signifie premier, et dans l'hébreu, Adam est le premier-né.
Ainsi à chaque instant, à chaque pas, nous trouvons de nouvelles preuves de notre proposition première et fondamentale, savoir, que «la Genèse n'est point un livre particulier aux Juifs, mais un monument originairement et presque entièrement chaldéen, auquel le grand-prêtre Helqiah se contenta de faire quelques changements dictés par l'esprit de sa nation et adaptés au but qu'il se proposa.»
Désormais le lecteur sait que penser de ces créations du monde, que l'on nous raconte comme s'il y eût eu des témoins à en dresser procès-verbal: il voit à quoi se réduisent ces prétendues chronologies qui tronquent l'histoire des nations, et restreignent la formation, les progrès, la succession de toutes les institutions, de toutes les inventions humaines, y compris le langage et l'écriture, à un petit nombre d'années, incompatible avec la nature de l'entendement et avec le témoignage des monuments subsistants.
CHAPITRE XVIII.
Examen du chapitre 10 de la Genèse, ou système géographique des Hébreux
UN dernier exemple choquant de ce genre d'invraisemblances est la prétendue généalogie du dixième chapitre de la Genèse; l'auteur y suppose que les enfants de Nohé dès la troisième génération occupèrent l'immensité du pays qui s'étend depuis la Scythie jusqu'à l'Éthiopie ou Abissinie, d'une part; depuis la Grèce jusqu'à l'Océan qui borde l'Arabie, d'autre part; et qu'ils y devinrent chacun la souche des peuples que l'on y dénombrait de son temps. Le tableau généalogique et la carte géographique que nous joignons ici, présentent son système sous un coup-d'œil facile à saisir. Quelques savants, tels que Samuël Bochart,144 dom Calmet,145 Pluche,146 Michaëlis,147 qui se sont occupés à éclaircir les difficultés de géographie, ont bien senti l'impossibilité du sens littéral, mais les préjugés dominants ne leur ont pas permis d'en faire sentir les inconséquences. Il est vrai qu'on peut excuser l'auteur, en disant que par une métaphore naturelle aux langues orientales, et usitée chez les Grecs et chez les Latins, donnant à chaque peuple un nom collectif, il lui a aussi donné l'apparence d'un individu: ainsi, sous le nom d'Ioun, il désigne les Ioniens; sous celui d'Ashour, les Assyriens; sous celui de Kanaan, les Phéniciens; sous celui de Koush, les Éthiopiens ou Abissins. L'invraisemblance consiste à nous dire que Ioun, Ashour, Kanaan, Koush, Sidon, etc., furent des individus pères et auteurs des peuples de leurs noms; mais cet abus se retrouve chez les Grecs, qui nous disent que Pelasgus fut père des Pelasgues; que Cilix fut père des Ciliciens; Latinus, père des Latins, etc. Il paraît qu'en général les anciens, lorsqu'ils voulurent remonter aux origines, et qu'ils n'eurent aucun monument précis, employèrent cette formule, et donnèrent au premier auteur le nom de la chose: et parce que la nature même du langage les conduisit à personnifier tous les êtres, il en résulta que tout effet résultant d'une cause, fut censé engendré par elle, en fut appelé le fils, le produit, comme elle-même en fut appelée la mère ou le père; ainsi, parce que la terre alimente le peuple qui l'habite, qu'elle semble en être la nourrice, la mère, ce peuple fut appelé, et l'est encore, en arabe, enfant de cette terre, de ce pays. Beni-masr, les enfants de l'Égypte; Beni-sham, les enfants de Syrie; Beni-fransa, les enfants de la France. Avec cette explication fondée en raison et en fait, tout entre dans l'ordre, et alors tout le dixième chapitre doit se considerer comme une nomenclature géographique du monde connu des Hébreux à l'époque où écrivit l'auteur; nomenclature dans laquelle les peuples et les pays figurent sous des noms individuels, tantôt au singulier et tantôt au pluriel; comme Medi, les Mèdes; Masrim, les Égyptiens; Rodanim, les Rhodiens, etc., et dans laquelle les rapports d'origine par colonie, ou d'affinité par mœurs et par langage, sont exprimés sous la forme d'engendrement et de parenté. L'écrivain juif semble lui-même écarter le voile, lorsqu'après chaque branche de famille, ou chaque division de pays, il ajoute cette phrase: Voilà les enfants de Sem, de Cham, de Iaphet, selon leurs tribus, selon leurs langues, leurs pays et leurs nations: Ces expressions: selon leurs langues et leurs pays, sont d'autant plus remarquables, qu'après avoir placé chaque peuple selon les meilleures indications géographiques, nous les trouvons tous distribués dans un ordre méthodique de voisinage et de contiguité, et que ceux de chaque branche ont un système commun de langage: par exemple, chez tous les peuples de Iaphet, la source du langage est cet idiome scythique appelé sanscrit, que des études récentes nous ont appris avoir jadis régné depuis l'Inde jusqu'à la Scandinavie, et que nous trouvons aujourd'hui être un des éléments de l'ancien grec et de l'ancien latin. Chez les enfants de Sem, la langue-mère est l'idiome arabique commun aux Élyméens, aux Assyriens, aux Araméens (les Syriens). Chez les enfants de Cham, c'est encore ce même idiome que parlèrent les Phéniciens et les Éthiopiens: les Égyptiens eurent un système à part.
Le dixième chapitre offre encore cette particularité, que tous les peuples étant placés dans leurs pays respectifs l'on se trouve avoir trois grandes divisions du monde connu des Hébreux, qui ont une analogie sensible aux trois grandes divisions du monde connu des anciens; aux trois divisions de la terre, par Zoroastre, en pays de Tazé ou Arabes, pays de Mazendran ou Nord, et pays de Hosheng; et au partage du monde entre les trois dieux, Jupiter, Pluton et Neptune; notez que Cham ou plutôt Ham, qui signifie noir, brûlé, et qui se traduit en grec asbolos, couleur de suie, est le synonyme de Pluton. Mais commençons par établir tous les noms de la liste sur la carte, afin de rendre plus palpables nos propositions. Nous n'entrerons point dans tous les détails de discussion qui ont occupé Samuël Bochart, dom Calmet et Michaëlis; en profitant de leur travail, nous insisterons seulement sur quelques articles où notre opinion diffère de la leur. Iaphet a pour descendants ou pour dépendants:
1° GMR, qui, étant écrit sans voyelles, peut se prononcer Gomer ou Gamr, ou Gimr (prononcez Guimr); nous préférons cette dernière lecture, et nous disons avec l'historien Josèphe, que Guimr représente les Kimr ou Kimmériens de l'Asie mineure et de la Chersonèse Kimmérienne ou Kimbrique. Hérodote parle de leurs incursions à l'époque même de Helqiah, lors de l'incursion des Scythes en 625; ils en avaient fait une autre sous Ardys, et encore antérieurement; et ils avaient fini par établir des colonies, que Josèphe confond avec les Galates, et que la Genèse désigne sous les noms d'Ashkenez, Riphat et Togormah.
Ashkenez a des traces dans la province d'Arménie, appelée par Strabon, Asikins-ene, et qu'il place entre la Sophène et l'Akilisène.
Riphat est l'altération facile de Niphates, mont et pays arménien, dont l'r a été prononcé nasalement.
Togormah est reconnu par Moïse de Chorène (pag. 26), pour être le nom d'un peuple qui habitait un autre canton montueux appelé Harch, dans la grande Arménie: ces trois peuples nous sont donc indiqués ici comme des colonies des Kimmériens ou Kimbres, fondées à une époque inconnue.
2° Le second peuple de Iaphet, appelé Magog, représente les Scythes, de l'aveu unanime des auteurs grecs et arabes. On ne fait point mention ici de Gog ou Goug, qu'Ézéqiel associe à Moshk, Roush148, et Toubal, et qui doit être encore un peuple scythique: dans Strabon, le pays dit Gogarene est voisin des Moschi. Dans l'ancien grec et latin, goug-as signifie géant, et les légendes grecque et chaldéenne placent toujours les géants dans le nord comme les Scythes. Justin, au début de son histoire, observe que les Scythes, dans des temps anciens, antérieurs même à Sésostris (1350), dominèrent sur l'Asie pendant 1500 ans. Cela cadre bien avec l'étendue de leur langue (le sanscrit).
3° Le troisième peuple est Medi, nom pluriel des Mèdes: Hérodote en compte sept nations; il ajoute que jadis leur nom était Arioi, les braves149: les livres parsis n'en citent pas d'autre à l'époque de Zoroastre. Ne peut-on pas en inférer, que le nom des Mèdes ne se serait introduit que depuis la conquête de ces peuples par Ninus et les Assyriens?
4° Le quatrième peuple est Ioun, l'Ionien ou Grec de l'Asie mineure. Selon les auteurs grecs, la colonie des Ioniens ne vint s'établir en Asie que 80 ans après la guerre de Troie150. Les Grecs les appelèrent Pélasgues aigialéens (c'est-à-dire pécheurs) aussi long-temps qu'ils habitèrent l'Achaïe151; Strabon (lib. VI) dit que l'Ionie, avant eux, était occupée par les Cariens et les Lelèges: les Pélasgues les ayant chassés, reçurent des barbares, selon quelques auteurs, le nom de Ioun et Iaoun152 (dont on a fait Iavan): selon d'autres, c'était le nom d'une tribu athénienne, qui d'abord faible, devint ensuite prépondérante dans le lieu de son émigration. De ces Ioniens vinrent ou descendirent Elishah, Tarshish, Ketim et Rodanim.
Elishah est l'Ellas, ancien nom de la Grèce ou Peloponese; il pourrait aussi être l'Elis, très-ancienne portion de ce pays qui en aurait pris le nom chez les Phéniciens. Mais ici les Grecs sont en contradiction avec l'auteur de la Genèse, puisqu'ils soutiennent que c'est de l'Ellas que sont venus les Ioniens et les autres colonies citées.
Ketim est le nom pluriel des Kitiens, peuple ancien et prépondérant de l'île de Cypre, qui paraît en avoir pris le nom: ce nom se trouve aussi appliqué à la côte de Cilicie. (Isaïe, c. XIII.)
Rodanim sont les Rhodiens.
Tarshish est la ville et pays de Tarsous, sur la côte de Cilicie, en face de Cypre. Tous ces pays sont contigus sur la carte, comme dans la liste de l'auteur; et tous sont maritimes ou insulaires; ce qui sans doute lui fait dire «que par eux furent partagées les îles des nations.»
Isaïe, ch. LXVI, associe, dans un même récit, Phul, Loud, Ketim, Tarshish, Ioun, Moshk et Tubal. Phul est la Pam-phulie; Loud est la Lydie. La contiguité est bien observée.
5° Le cinquième peuple de Iaphet est Toubal, que Josèphe dit représenter les Ibériens. La capitale de ce pays, nommée Tebl-is et Teflis, offre quelque analogie au mot Tebl; mais les peuples Tubar-eni, sur le rivage de l'Euxin, pourraient ici être désignés, et rempliraient mieux l'indication d'Isaïe.
6° Le sixième peuple est Moshk, qui représente les habitants des Moschici montes, au nord de l'Arménie.
7° Enfin le septième peuple est Tiras, que l'on regarde comme le représentant des Thraces établis dans la Bithynie. Moïse de Chorène dit à ce sujet:153 «Nos antiquités s'accordent à regarder Tiras non comme fils propre de Iaphet, mais comme son petit-fils.» Ceci indique des sources communes où a puisé Helqiah.
Si l'on examine la carte, l'on voit que tous ces peuples de Iaphet sont situés au nord du Taurus, comme le remarque Josèphe, ayant pour limites la Grèce à l'ouest, la Scythie au nord et au nord-est; ce qui nous donne de ce côté les bornes du monde connu des Hébreux; dans lequel Iaphet représente le continent ou le climat du nord.
En opposition, le midi est occupé par Ham ou Cham, qui effectivement signifie brûlé, noir de chaleur. L'épithète de ammonia, que les Grecs donnent à quelques parties de l'Afrique, n'est que le mot phénicien-hébreu privé de son aspiration H.
Les dépendances de Ham sont Kanaan, Phut, Masrim et Kush. Sous le nom collectif de Kanaan sont compris les peuples Phéniciens, au nombre de onze, dont les positions sont connues: l'on peut s'étonner de ne point y voir les Tyriens compléter le nombre sacré douze; mais si, comme le disent plusieurs auteurs anciens, Tyr ne fut fondée que 240 ans avant le temple de Salomon par des émigrés de Sidon, Helqiah n'a point dû placer cette colonie posthume dans le tableau primitif; et ce silence, joint au mot d'Isaïe, qui appelle Tyr, fille de Sidon, vient à l'appui de l'opinion que nous indiquons.
Tous les auteurs grecs s'accordent à dire que la nation phénicienne avait émigré des bords de la mer Erythrée ou Rouge, à raison du bouleversement de leur pays par des volcans. Ceci nous indiquerait son siége ancien et primitif sur la côte frontière de l'Iémen, dans le Téhama, en face des îles volcaniques de Kotombel, de Foosth, de Gebel-Târ, de Zekir; tout ce local, jusqu'à l'autre rive où est Dahlak, porte des traces de combustion et de tremblements de terre. Par cette raison géographique, les Phéniciens se trouvent être un peuple arabique; leur langue nous en est garant; et parce que nous allons voir le foyer présumé de leur origine occupé par une branche d'Arabes qui nous sont désignés comme les plus anciens de tous, nous avons lieu de les classer dans cette branche. A quelle époque se fit cette émigration? L'histoire n'en dit rien, et c'est une preuve de son antiquité. La fondation du temple d'Hercule à Tyr, en même temps que l'on fonda cette ville154, 2760 ans avant notre ère, nous montre les Phéniciens déja établis; mais ils ont pu être arrivés bien antérieurement.
2° Sous le nom pluriel de Masrim sont désignés les Égyptiens, dont le pays et la capitale sont encore aujourd'hui appelés par les Arabes Masr.
Leurs enfants, c'est-à-dire les peuples compris dans leur territoire, sont:
1° Les Loudim, qu'il ne faut pas confondre avec les Lydiens d'Asie. Jérémie, chap. LXVI, en les associant aux Libyens et à d'autres peuples du Nil, ne permet pas qu'on les écarte de ce local; ils doivent être les habitants du pays de Lydda ou Diospolis, l'une des villes anciennement populeuses et puissantes de la Haute-Égypte.
Les Aïnamim n'ont pas laissé de trace apparente, non plus que les Nephtahim et les Kasalhim.
Les Phatrousim sont les habitants du nome ou pays de Phatoures, près Thèbës, comme l'a très-bien prouvé Bochart155, dont les arguments démontrent que la division de l'Égypte, en haute et basse (Saïd et Masr), telle que la font encore les Arabes, a dû être usitée chez les Juifs, leurs frères à tant d'égards.
Les Lehabim doivent être les Libyens: Ezéqiel est le seul qui ait parlé d'un pays de Qoub dans ce désert; les Cobii de Ptolomée en remplissent l'indication.
Les Philistins nous sont indiqués ici comme un peuple émigré d'Egypte, et l'histoire nous dit qu'effectivement des dissensions religieuses chassèrent souvent des peuplades de ce pays. Les Kaphtorim peuvent être les habitants de Gaza, mais en aucun cas ceux de Cypre, comme l'a cru Michaëlis.
Isaïe, Jérémie et d'autres écrivains hébreux parlent de quelques villes d'Égypte qu'il est bon de placer.
Sin est Péluse; Taphnahs est Daphnas d'Hérodote; Tsan est Tanis dans le lac Menzâlé.
Nouph est l'O-nuph-is de Ptolomée plutôt que Memphis.
Na-amoun, ville comparée à Ninive, pour la splendeur, ne peut être que Thèbes, ainsi que l'on en est d'accord d'après les raisons de Bochart.
On ou Aoun est connu pour être Héliopolis.
Quant à la division de Phut, elle n'a pas de trace, à moins de la voir, avec Josèphe, dans le fleuve Phutes en Mauritanie.
Le quatrième peuple de la division de Cham est Kush, dont Josèphe nous déclare que le nom correspond, chez les Asiatiques, au mot Éthiopien chez les Grecs. Par conséquent Kush156 désigne les peuples noirs à cheveux plats, habitant l'Abissinie en général, spécialement le pays d'Axoum, où parait avoir été l'ancienne capitale de Kush; il faut distinguer ces noirs à cheveux plats, des noirs à cheveux crépus (les nègres): cette distinction est exprimée chez les Grecs par l'expression d'Éthiopiens occidentaux et Éthiopiens orientaux. Dans Homère157, ceux-ci sont proprement les peuples de l'Abissinie, dont les rois conquirent plusieurs fois l'Égypte; par la suite le nom d'Éthiopiens s'étendit aux peuples noirs que les Persans appelaient Hind, ou Hindous, et ce nom de Hindous ou Indiens, au temps des Romains, revint aux peuples de l'Iémen, qui étaient effectivement des hommes noirs, des Éthiopiens. Hérodote, dans sa description de l'armée de Xercés, joint les Arabes aux Éthiopiens-Abissins, et nous les montre réunis sous un même chef, ce qui indique une affinité étroite de constitution et de langage. Cette affinité se trouve confirmée par l'auteur de la Genèse, lorsqu'il dit: Les enfants de Kush sont Saba, Haouilah, Sabta, Sabtaka et Ramah.