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Kitabı oku: «Leçons d'histoire», sayfa 7

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Désormais j'ai épuisé plutôt que complété mes considérations sur l'histoire; il faudrait maintenant que j'en fisse l'application à quelques ouvrages remarquables, modernes ou anciens, et que je vérifiasse en pratique les règles de critique que je vous ai proposées; mais le travail exagéré et précipité auquel j'ai été soumis depuis deux mois, ne me permet pas de fournir cette seconde carrière sans reprendre haleine; et après avoir fait acte de dévouement à la chose publique31, en fournissant la première sans une préparation de plus de quinze jours, privé même de mes manuscrits, il me devient indispensable de suspendre ces leçons, pour reposer mes forces et avoir le temps d'assembler de nouveaux matériaux.

Nota. L'École Normale ayant été dissoute peu de temps après, l'auteur n'a plus eu de motifs de continuer ce travail.

HISTOIRE DE SAMUEL, INVENTEUR DU SACRE DES ROIS

PREFACE DE L'ÉDITEUR

AU moment où un gouvernement constitutionnel se propose de donner à l'Europe du dix-neuvième siècle le spectacle d'un roi légitime requérant ou acceptant son titre d'investiture de la main d'un prêtre, son sujet: au moment où l'on trouve sage de rappeler aux Français qu'un sacre, même papal, n'a pas eu la vertu de conjurer la chute d'un gouvernement puissant, mais illibéral, il ne sera peut-être pas sans intérêt pour beaucoup de lecteurs, de connaître mieux qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour quelle a été l'origine égyptienne ou juive de la bizarre cérémonie, qui, au moyen d'un peu d'huile versée sur la tête d'un homme, prétend lui imprimer des droits indélébiles, indépendants de sa conduite et de sa capacité; de connaître quels furent le caractère personnel, les vues, la moralité de l'individu prêtre, qui le premier administra de son chef ce nouveau genre de sacrement; quels furent enfin les effets de ce don perfide, et pour les deux rivaux qui le reçurent, et pour la nation imprudente et superstitieuse qui se le laissa imposer. On méprise les Juifs et on les imite; on repousse leur code, on garde leurs rites; on parle doctrine, on n'est que passion; on invoque la religion, on ne veut que son moyen; on s'autorise des Bibles, on ne les a pas lues; on les a lues, on ne les a pas comprises; on ne l'a pu, car aucune de leurs traductions n'est fidèle; aucune ne rend constamment le sens vrai de l'original. Quel homme instruit, quel grammairien osera nier ce fait? L'écrit que nous présentons en offre une preuve nouvelle; il ne fut pas destiné d'abord à l'emploi que nous en faisons aujourd'hui; mais il s'y adapte si bien que tout ami du bon sens et de l'honneur national, disons même de l'honneur royal, nous saura gré de l'y avoir appliqué.

Le manuscrit original paraît venir d'un voyageur américain, de la société des amis dits Free-Quakers: le traducteur a dû supprimer la formule du tutoiement qui est de mauvais goût, et convertir les mesures anglaises en mesures françaises.

HISTOIRE DE SAMUEL, INVENTEUR DU SACRE DES ROIS

§ 1er

Préliminaires du voyageur.—Motifs accidentels de cette dissertation.

Au Kaire, en Égypte, 1818, second
mois (février, style des Quakers).
Lettre de JOSIAH NIBBLER à son ami KALEB LISTENER, négociant à Philadelphie (État-Unis d'Amérique.)

ENFIN j'ai vu Jérusalem, et la terre de lait et de miel si vantée32; j'ai mesuré le pays des fameux Philistins, qui purent posséder 15 lieues de long sur 7 de large; j'ai calculé l'enceinte de la puissante Tyr, jadis située sur un îlot de rocailles, dont le pourtour actuel n'est pas de plus de 1600 toises33; j'ai traversé deux fois le fleuve Jourdain, qui du plus au moins peut avoir 60 à 80 pieds de large; j'ai visité, à l'entrée de l'Égypte, la terre de Goshen, séjour ancien des Hébreux, aujourd'hui vallon de Tomlât; elle peut avoir 11 lieues d'étendue..... Vous le dirai-je, mon ami? j'ai perdu beaucoup d'illusions; mais j'ai gagné beaucoup de faits positifs, intéressants, que j'ai le droit d'appeler des vérités. Me voici en Égypte, dans cette terre d'abondance, but premier de notre spéculation.

Ne me blâmez point de mon épisode. Ayant terminé nos affaires à Tunis, je trouvai impossible de me rendre au Kaire sans caravane, par terre, au mois d'août; une occasion de mer se présente pour Acre en Syrie, d'où l'on passe facilement à Damiette; je la saisis: un coup de vent nous jette sur Saide ou Sidon; j'y débarque, et de suite voilà que je conçois le projet d'une tournée intéressante: devant moi je voyais les montagnes des Druzes; sur ma gauche, au loin, les cimes du Liban; à ma droite, l'ancienne Phénicie, qui me menait aux dix Tribus et à la Judée. Vous savez combien notre éducation biblique a nourri notre esprit des idées et des noms de ces contrées: je se pus résister au désir de les voir, de les juger par moi même; j'étais encouragé par un moyen précieux.

Pendant les quinze mois de négociations qu'il m'avait fallu passer à Tunis, j'avais employé mes loisirs à apprendre l'arabe vulgaire; j'arrivai en Syrie comme en pays connu; au bout de quinze jours j'entendis et je fus entendu: je me mis sous la protection d'une autorité française; j'eus bientôt converti à mon désir l'autorité turke; un peu d'argent placé à propos ne manque pas son but avec celle-ci; la politesse, les bons procédés réussissent avec l'autre: je fus censé un commis de maison cherchant des débouchés de commerce; j'eus des recommandations pour la montagne Druze; bientôt j'y acquis droit d'hospitalité; quelques présents me firent des amis; j'eus l'air d'acheter et de vendre des bagatelles d'un lieu à l'autre: mon peu de botanique me fut très-utile; j'appliquai même au besoin l'ipécacuanha et l'émétique, qui sont le grand remède de ces gens-là: mais mon meilleur instrument, mon plus efficace passe-port fut de parler couramment la langue et d'agir directement sur les esprits; l'on n'apprécie pas toute la puissance de ce moyen: tout est là.

Le voyageur qui ne peut converser, est un sourd et muet qui ne fait que des gestes, et de plus un demi-aveugle qui n'aperçoit les objets que sous un faux jour; il a beau avoir un interprète, toute traduction est un tapis vu à revers: la parole seule est un miroir de réflexion, qui met en rapport deux âmes sensibles..... La plus forte finit par maîtriser l'autre; j'en ai fait d'heureuses épreuves: muni des connaissances scientifiques que donne l'éducation moderne à nous autres Occidentaux, j'ai imprimé l'attention et le respect en éveillant la curiosité. Le bon ton en ce pays est un air grave, un maintien posé, une indifférence apparente pour ce qui entoure; avec ces manières on voit mieux et plus que les babillards et les empressés qui sèment leur argent; j'ai circulé pendant trois mois dans un intérieur peu connu. Je me joignis à une caravane venant de Damas, pour m'introduire dans Jérusalem; là, je me suis gardé d'être pèlerin, j'eusse été en proie à l'avarice turke, et ce qui la vaut bien, à l'hypocrite mendicité chrétienne: j'ai eu le bonheur de sortir sans dommage de ce foyer de superstition et de fourberie, de malice et de pauvreté.

Je voulais rejoindre Acre par Jafa: un de ces hasards qui ne manquent guère en voyage, me fit trouver dans la garnison de cette dernière ville le frère de notre censal34, Maure de Tunis; il m'offrit ses services avec cette gravité musulmane qui ne trompe point; je lui confiai mon désir de me rendre au Kaire: l'aga préparait une petite caravane pour faire ce trajet hasardeux; j'y fus joint avec protection. Chemin faisant, je vis les ruines d'Azot et d'Ascalon; je traversai à sec le torrent d'Égypte, les anciens marais de Sirbon, et depuis six semaines je suis en cette ville d'abondance et de tranquillité: j'y occupe mon repos à digérer mes idées nouvelles, à mettre en ordre les faits assez nombreux que j'ai acquis; c'est de ce sujet que je veux vous entretenir aujourd'hui.

Je ne saurais vous exprimer le changement que cette tournée de quelques mois a produit dans mon esprit, et surtout dans mes opinions du genre historique; presque rien de tout ce que j'ai vu n'a ressemblé aux images que je m'en étais faites, aux idées que nous en donne notre éducation: et, au fait, que peuvent en savoir plus que nous nos docteurs d'école et de cabinet? Aujourd'hui il m'est démontré que nous autres Occidentaux n'entendons rien aux choses d'Asie: les usages, les mœurs, l'état domestique, politique, religieux des peuples de cette contrée, diffèrent tellement des nôtres, que nous ne pouvons nous les représenter sur de simples récits; il faut avoir vu soi-même les objets, pour en saisir les rapports, pour en lier le système; cela veut du temps, de la méditation: un voyageur qui ne ferait que passer ne verrait qu'incohérence, n'emporterait que surprise; il recevrait les récits sans apprécier les témoignages; il admettrait les faits sans les avoir discutés, et, par négligence ou par amour-propre, il transmettrait à d'autres les erreurs qu'il aurait acceptées; il se dissimulerait même celles qu'il n'aurait pu redresser.

Pour moi, j'avoue franchement que je suis arrivé ici imbu d'une foule d'opinions que maintenant je reconnais pour n'être que des préjugés sans fondement; par exemple, je croyais que ces traditions orientales, dont on nous vante l'autorité, avaient quelque chose de régulier et de certain dans leur origine et leur transmission; aujourd'hui il m'est démontré que les habitants de ces contrées, juifs, arabes, chrétiens, musulmans, n'ont pas plus de sûreté dans la mémoire, pas plus de fidélité et de bonne foi dans l'intention que nous autres Occidentaux, que nos sauvages et nos paysans: il m'est démontré que là, comme partout, l'homme ne garde guère de souvenir que de ce qu'il a vu dans sa jeunesse; que bien peu de ces gens-là connaissent l'histoire de leur propre famille au-delà de leur grand-père; que la plupart ne savent ni leur âge, ni l'année de leur naissance; que chez eux, comme chez nous, il n'y a de vrais moyens de garder, de transmettre les faits que par les écrits; or, ils en sont privés au point de ne tenir registre de rien, soit public, soit particulier.

De plus, la série des générations ayant été plusieurs fois rompue par des guerres, des invasions et des conquêtes, les traditions de faits anciens, aujourd'hui régnantes, ne peuvent être le fruit d'une transmission orale, mais dérivent d'une interprétation faite après coup de ces mêmes livres anciens que l'on prétend maintenant soutenir par elles. Le pays de Jérusalem, plus que tout autre, fournit des preuves de cette vérité, puisqu'on y trouve de ces prétendues traditions, les unes contraires aux propres textes des bibles35, les autres portant sur des faits reconnus faux. Vous n'avez pas d'idée de ce que l'esprit de secte et la rivalité de clientelle font inventer de fraudes de cette espèce.

En général, ce que nous ne comprenons point assez, nous autres Occidentaux, ce qui m'a le plus surpris en mon particulier dans toute cette contrée, c'est l'ignorance profonde et universelle en choses physiques et naturelles, jointe à l'entêtement et à la présomption en choses dites divines, c'est-à-dire, en choses hors de notre portée; c'est la crédulité la plus puérile, jointe à une défiance cauteleuse; c'est l'esprit de dissimulation, de fourberie, joint à une simplicité de mœurs apparente, quelquefois réelle; enfin c'est l'esprit de servilité craintive qui n'attend que l'occasion de devenir arrogance et audace. Expliquer tout ce mélange, donner les raisons d'un tel état de choses, serait sans doute un travail très-intéressant; mais mon but en ce moment se borne à vous faire connaître comment la vue de l'état présent est devenue pour moi un moyen d'apprécier l'état passé, cet état idéal pour nous, et qui ne nous est indiqué que par des livres dont le sens obscur est ou méconnu ou falsifié par ceux qui s'en font les docteurs. Quand je compare mes idées actuelles à celles que m'avaient imposées nos instituteurs, je ne puis m'empêcher de rire de tous les contre-sens, de toutes les méprises dont maîtres et disciples, nous sommes également les dupes.

On nous fait lire dès l'enfance des récits grossiers, scandaleux, absurdes, et moyennant les interprétations mystiques qu'on leur donne, les pieuses allégories qu'on y trouve, on les retourne si bien que nous finissons par être édifiés de la sagesse cachée et profonde: notre enfance docile par crainte ou par séduction se plie à tout, s'habitue à tout, et notre esprit finit par n'avoir plus le tact de la vérité et de la raison.—Je vous l'avouerai, mon ami, avant ce jour je ne concevais rien à la plupart des événements qui composent l'histoire des Juifs, je les regardais comme appartenants à un vieil ordre de choses, aboli comme l'ancien Testament; cette histoire d'Abraham, de sa famille errante qui devient un peuple, de ce peuple qui d'esclave devient conquérant, de ces conquérants qui retombent en anarchie et en servitude, puis sont reconstitués en monarchie pour se diviser et se déchirer encore, tout cela me semblait plutôt romanesque que probable; aujourd'hui tout cela me semble parfaitement naturel, conforme à ce que je vois, explicable par l'état actuel.

Dans les mœurs, la vie, les aventures d'une tribu arabe, d'un chef bedouin, je vois la copie ou le modèle des mœurs, des aventures de l'a horde hébraïque fondée par Abraham et Jacob. Je la vois errante d'abord, se fixer ensuite sur la frontière d'Égypte où on la tolère, comme les pachas tolèrent les Bedouins moyennant des redevances annuelles, des tributs de nature quelconque; je la vois se multiplier assez vite par l'abondance de ce pays; puis inquiéter ses protecteurs comme nos nègres trop nombreux nous inquiètent nous-mêmes; puis, à raison de son malaise, concevoir des idées de rebellion et d'indépendance. Plaçons cet état de choses dans le temps présent; supposons sous le règne des Mamlouks une horde de Ouahàbis établie dans la Basse-Égypte, entrée en contestation avec les naturels pour cause d'opinions religieuses et de vexations domestiques; supposons qu'un homme de cette race ait voyagé en quelque contrée civilisée de l'Europe; qu'il y ait puisé quelques connaissances militaires, législatives, physiques, qui le rendent supérieur à ses compatriotes, même à leurs oppresseurs; il pourra jouer le rôle de Moïse, il pourra devenir chef, emmener ses sectateurs dans le désert, leur y donner une organisation systématique, religieuse et guerrière, au moyen de laquelle leur race renouvelée de personnes et de mœurs, pourra s'introduire en Syrie, s'y fortifier dans les montagnes, et enfin, à travers bien des vicissitudes, s'y perpétuer, comme font les Druzes et les Motouâlis.

Ces Druzes, avec leur esprit exclusif, mystérieux, avec leur caractère presque hostile aux étrangers, offrent une analogie singulière avec l'ancien peuple juif; je dis plus, ils en sont la vivante image: leur manière d'être m'explique tout ce qu'il a pu être au sens moral, religieux, politique et militaire: les intrigues de leur petit gouvernement oligarchique, les manœuvres secrètes de leur corporation religieuse, appelée les Okkâls (Spirituels), me donnent la clef de celles qui ont dû exister chez les Hébreux au temps des juges et même de la monarchie: par exemple, l'anecdote de Samuel, le récit de son élévation, de sa haute influence, puis l'obligation où il fut de se substituer un roi, de le consacrer, enfin le caprice qu'il eut de le changer pour lui en substituer un autre plus à son gré, tout cela m'avait des long-temps donné le soupçon d'un jeu de causes naturelles, différent de celui que présente le narrateur; j'avais soupçonné des passions humaines et même sacerdotales là où l'historiographe nous présente des volontés mobiles, irascibles, vindicatives dans la Divinité.

En relisant ici ma Bible à mes heures de loisir et de repos, j'ai été frappé de voir mon soupçon se convertir en parfaite évidence; je me suis amusé à faire à ce sujet un travail nouveau, en appliquant au fond du récit les règles de notre critique historique moderne, et les calculs de probabilité raisonnable déduits des mœurs du temps, du caractère des témoins, des intérêts apparents ou cachés du narrateur; il en est résulté un tableau piquant de naïveté et de vraisemblance. Je l'ai communiqué à un Européen qui voyage ici, et qui se trouve être versé dans la langue hébraïque (il m'assure que, pour qui sait bien l'arabe, cette langue est une bagatelle): mon travail a tellement excité son intérêt, qu'il l'a enrichi de notes précieuses en ce qu'elles redressent en plusieurs endroits des fautes et des contre-sens de nos traductions grecques et latines, que d'ailleurs il accuse d'inexactitude habituelle; il n'a pas meilleure opinion de notre traduction anglaise, et il ne conçoit pas comment les sociétés bibliques, avant de la tant prôner et propager, ne l'ont pas refaite meilleure. C'est leur affaire; la mienne aujourd'hui est de vous donner un témoignage de mon constant souvenir; quand vous lirez le fragment que je vous envoie, j'espère que vous ne jugerez point l'ouvrage d'un simple marchand avec la sévérité due à un lettré de profession; et que votre amitié recevra avec indulgence l'offrande que la mienne se plaît à lui adresser avec sincérité.

§ II

Histoire de Samuel, calculée sur les mœurs du temps et sur les probabilités naturelles.—Dispositions morales et politiques des Hébreux au temps de Samuel.

Pour bien entendre le drame historique dans lequel Samuel parvient d'un grade très-subalterne à être le premier personnage, il est nécessaire de connaître l'état des choses et des esprits à son époque; et cela ne s'entend bien qu'en faisant connaître les antécédents dont cet état ne fut que la conséquence.

Après que les Hébreux se furent emparés de cette portion de la Phénicie qui est entre le Jourdain et la mer, exception faite d'une lisière littorale qui leur résista, ils éprouvèrent dans leur manière d'être un changement qui mérite d'être remarqué. Pendant leur long séjour dans le désert, Moïse les avait constitués en un régime à la fois militaire et sacerdotal; le sacerdotal n'a pas besoin d'être expliqué; le militaire se prouve par les règlements que Moïse fit pour la distribution intérieure du camp, par les manœuvres de marches, de campement et de décampement, enfin par les stratagèmes que l'on voit employés à passer le Jourdain, à renverser les murs de Jéricho, et qui indiquent des études militaires dont on n'a pas jugé à propos de faire mention. Les Hébreux une fois établis dans le pays qu'ils venaient de conquérir, n'eurent plus le même besoin d'organisation militaire.

Dans les plaines du désert, ils étaient un corps d'armée sans cesse en mouvement, parce que vivant pasteurs, il fallait chaque jour changer de pâturages: dans les montagnes de Phénicie et de Judée, ils furent tout à coup cultivateurs fixés chacun sur la portion de terrain qui leur échut en lot de butin et dont ils devinrent propriétaires; ce fut un peuple de paysans laboureurs. Dans le désert, il était facile de mouvoir, de conduire une troupe errante: dans le pays cultivable et cultivé, chaque tribu, chaque famille attachée au sol qui la fit vivre, ne fut plus disponible et maniable: chacun eut des occupations qu'il ne put aisément quitter. La masse nationale était divisée en douze tribus distinctes; chaque tribu devint un petit peuple aspirant à l'égalité, presque à l'indépendance: dans chaque tribu, toute famille puissante par le nombre de ses membres, eut encore de cet esprit égoïste qui tend à s'isoler: le gouvernement ne dut plus être que fédératif, et ce cas n'avait point été prévu par le législateur; aucun rapport de subordination n'avait été établi pour mouvoir au besoin les parties du corps politique; on s'en aperçoit sitôt après la mort du général Josué et de cette génération de vieillards qui avait été son état-major. L'on voit de suite naître une véritable anarchie, comme dans notre Amérique à la dissolution de notre armée sous Washington; les petits peuples environnants en profitent pour attaquer chacun la tribu qui leur est voisine: les Ammonites, les Moabites vexent, soumettent au tribut celles qui sont à l'est du Jourdain; les Philistins en font autant à celles qui leur sont contiguës: rarement les servitudes furent générales, et voilà pourquoi l'histoire des Juges n'a point d'unité de chronologie.

En cet état de choses, la nation hébraïque eût été dissoute, si elle n'avait pas eu son lien d'unité dans le systême sacerdotal comme dans la bizarre et indélébile cocarde36 que lui avait imprimée Moïse. Les devoirs du culte rappelèrent sans cesse tous les individus au point central de l'arche, dont le grand-prêtre était le gardien, dont tous les mâles de la tribu de Lévi étaient la milice; mais ce grand-prêtre et cette milice n'avaient d'armes que les prières et un certain pouvoir surnaturel de faire des miracles dont l'efficacité n'apparaissait pas toujours au besoin.

En lisant toute l'histoire des Juges, on ne voit pas qu'aucun grand-prêtre ait délivré la nation d'aucune servitude par aucun moyen divin ni humain: ces servitudes ne furent repoussées et dissoutes que par l'insurrection d'individus courageux, qui, irrités de vexations des incirconcis, appelèrent la nation aux armes, et qui, pour prix de leur audace et de leurs succès militaires, étant regardés comme des envoyés de Dieu, s'investirent eux-mêmes ou furent investis par l'opinion publique, sous le nom de Sufetes37 (Juges), d'un pouvoir suprême qui ne fut temporaire que faute d'héritiers de leurs talents; alors l'autorité du grand-prêtre était comme suspendue et limitée aux fonctions de chef des sacrifices et d'interprète des oracles. Cet état de choses ressemblait à celui du Japon et de bien d'autres pays, où le pouvoir est partagé en deux branches ayant pour chefs l'une le Coubo ou chef laïque, et l'autre le Daïri, ou chef ecclésiastique.

Tant que vivaient les Juges, le peuple hébreu jouissait de la paix et de l'indépendance: étaient-ils morts, l'anarchie ne tardait pas à renaître et à ramener une servitude. L'expérience et l'observation de ces alternatives ne purent manquer de faire naître, et de répandre dans les esprits l'opinion que, pour obtenir un état durable et solide, il eût fallu avoir un juge, un chef militaire permanent. On sent que les grands-prêtres, appelés par la simple naissance et le droit héréditaire au pouvoir suprême, n'y apportaient pas également la capacité requise: on sent qu'eux et toute la caste sacerdotale, nourris aux frais de la nation, dans une oisive abondance, vivaient presque nécessairement dans une mollesse et un relâchement de mœurs qui devaient diminuer leurs facultés morales, et par suite leur crédit et leur considération. Le peuple dut remarquer que les étrangers qui le subjuguaient, avaient toujours des rois combattant à la tête de leurs armées; il dut attribuer leurs succès à ce régime qui effectivement en fut une cause; par une conséquence naturelle, il dut concevoir l'idée et former le vœu d'avoir aussi des rois. Un obstacle à ce vœu se trouvait dans l'habitude de la théocratie, c'est-à-dire dans le respect rendu aux prêtres sous le manteau de Dieu, et dans l'intérêt qu'avaient ces prêtres de maintenir un respect qui était la base de leur autorité et de leur abondance.

A l'époque dont nous parlons, le siége était occupé par le grand-prêtre Héli, qui avait l'espoir de le transmettre à ses enfants; mais un concours de circonstances singulières, où la superstition vit le doigt de Dieu, introduisit dans sa maison et dans le parvis du tabernacle, un enfant étranger, une espèce d'orphelin qui, par son initiation aux mystères de l'art et par la force personnelle de son caractère, parvint à être plus que son successeur, puisqu'il parvint à cumuler les deux puissances. Cet enfant fut Samuel: pour tracer son histoire, je vais rentrer dans la narration du texte même, en l'abrégeant quelquefois, mais en conservant le plus que je pourrai son coloris et son instructive naïveté.

31.L'auteur, après dix mois de détention (jusqu'au 6 fructidor an 2), se trouvait exilé de Paris, par le décret contre les détenus, lorsqu'il reçut à Nice, au mois de frimaire, sa nomination inopinée à l'une des places de professeur, et l'invitation du comité d'instruction publique de venir sur-le-champ la remplir.
32.En ce moment tout Paris, grace à l'art de M. Prévost, voit ou peut voir Jérusalem aussi bien que notre voyageur: l'illusion du Panorama est complète, mais elle détruit celles de l'imagination; chacun se dit: Quoi! c'est là Jérusalem! Les réflexions de notre auteur n'en seront que mieux appréciées. Il est fâcheux que la vérité du tableau de M. Prévost soit gâtée par une notice triviale, pleine d'erreurs populaires et de contes de pèlerins.
33.Au temps d'Alexandre, la ville de Tyr, selon les Grecs, avait 46,000 habitants, entassés dans des maisons à quatre étages, construction rare chez les anciens.
34.Courtier.
35.Dans l'Itinéraire à Jérusalem, tome II, le poétique auteur cite, page 129, le village de Saint-Jérémie comme étant la patrie du prophète de ce nom, et il reconnaît que cette tradition est fausse, puisque la Bible établit Anatot.
  Page 123, selon les habitants, tous les monuments du pays seraient dus à sainte Hélène, et il convient que cela n'est pas vrai....., etc. L'auteur eût pu en citer bien d'autres exemples, mais ce n'était ni son intention ni son but.
36.La circoncision.
37.C'était aussi le nom des deux consuls de Kartage, dont le peuple, né phénicien, parlait un langage tout-à-fait analogue à l'hébreu.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
332 s. 4 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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