Sadece LitRes`te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Voyages loin de ma chambre t.1», sayfa 7

Yazı tipi:

CHAPITRE V.
Le Marché

J’engage les personnes qui restent peu de temps à Jersey à y passer le samedi. Ce jour là, à partir de quatre heures de l’après-midi c’est un mouvement et une agitation extraordinaire dans toute la ville. Que se passe-t-il donc? une chose toute naturelle, c’est le jour du grand marché, et l’on fait les provisions du dimanche. Ce grand marché dure jusqu’à minuit, et tous les magasins restent ouverts.

Les halles éclairées à giorno présentent l’aspect d’une ruche humaine bourdonnante et travailleuse: ce sont des allées et des venues continuelles, chacun se faufile comme il peut au milieu de centaines d’étales couvertes de viande, de poisson, de légumes, de fruits et de fleurs.

Les domestiques de grandes maisons, les petites bourgeoises, les ménagères de l’humble foyer sont là, faisant une grande partie des emplettes de la semaine. Au coup de minuit, tout se ferme et s’éteint, la foule disparaît comme par enchantement. C’est le jour du Seigneur, le jour du repos absolu et du rigorisme anglican dans toute son éclosion. Pas un protestant convaincu ne voudrait s’acheter pour dix centimes de pain. A ce propos, chère Augustine, écoute la bonne histoire que voici:

L’an dernier, une de mes amies et ses deux filles passaient la saison balnéaire à Jersey. Elles avaient loué une jolie villa éloignée du centre de la ville et s’y plaisaient beaucoup. Elles ne se doutaient guère de la vive émotion qui les attendait le premier samedi de leur arrivée. Ce matin même elles avaient fait une commande chez l’épicier. Le soir, vers onze heures trois quarts, elles sont réveillées en sursaut par un coup frappé à leur porte. Qui pouvait venir à cette heure indue? Elles prêtent l’oreille, et, dans le silence de la nuit, distinguent très bien le frottement d’une première allumette, puis d’une seconde, un point lumineux jaillit un instant. Ah! mon Dieu, dans ce quartier désert, sont-ce des voleurs qui, sans crainte d'être dérangés vont faire les choses à leur aise? La plus brave se glisse jusqu’à la fenêtre, elle aperçoit un homme porteur d’un long objet qui ressemble à un fusil. Plus de doute, ce sont des assassins? Mais on dit qu’il n’y en a pas à Jersey! Pendant un moment leur anxiété est grande. Puis tout rentre dans le calme, on entend seulement le bruit de pas furtifs qui s’éloignent. Ces dames, très agitées, ont peine à se rendormir et font des rêves affreux. Au réveil elles se demandent d’abord si elles n’ont pas été le jouet d’un cauchemar. Non, les deux allumettes, preuves matérielles et palpables, sont encore là sur le perron.

C’est le lendemain chez l’épicier qu’on trouva la clef de l’énigme. La grande frayeur de ces dames était le fait d’une main bien innocente, de celle du petit commis de l’épicerie qui venait à l’heure où l’on peut encore se présenter, quoique ce fût la dernière heure de la journée, apporter leur commande, un pain de sucre et un balai. C’est ce modeste ustensile de ménage que la plus brave de ces dames prenait pour un fusil. Le coup des allumettes s’expliqua aussi bien: le petit commis, étonné de trouver une maison si endormie, avait tiré deux allumettes, la première s’étant montrée récalcitrante, pour voir s’il ne s’était pas trompé de numéro, mais une judicieuse idée l’avait empêché d’insister. Il s’était dit qu’il n’y a que des Françaises à pouvoir être couchées à cette heure là le samedi. Et voilà comme quoi à Jersey, le jour du grand marché, jusqu’à minuit, il ne faut s’étonner de rien.

JOURNAL DE SUZETTE

Les marchés sont nombreux et bien approvisionés. Comme j’y suis allée de bonne heure, plusieurs marchandes me priaient d'éterner (étrener).

Sauf le chauffage au bois, les domestiques et le vin, la vie ne semble pas trop chère. Ne payant que peu ou point de droit, l’épicerie et les denrées coloniales sont à des prix inconnus en France, la cassonnade brute coûte dix centimes la livre, le bon café un franc vingt centimes, le plus excellent thé deux francs quarante centimes, la bougie soixante centimes. Les fruits exotiques abondent; grenades, oranges, ananas, cocos sont pour rien.

Il y a peu d’arbres fruitiers ici, mais en revanche, la spécialité de Jersey et de Guernesey, ce sont les raisins de serre. Quand je dis serres, c’est une manière de parler, ce sont des kilomètres de constructions toutes vitrées, remplies de treilles d’une abondance extraordinaire et d’un produit considérable. On y cultive les meilleures espèces connues; grappes blanches, roses, rouges, noires, pendent de tous les côtés. Ces raisins merveilleux doivent descendre en ligne directe des vignes de Chanaan.

Malheureusement le vulgaire doit se contenter de la vue de ces beaux raisins et les regarder à la façon de Moïse qui voyait la Terre promise sans pouvoir l’aborder.

Dès la fin de février, les expéditions commencent pour Londres d’abord, puis pour toutes les tables royales et princières de l’Europe. Au fort de la saison, d’innombrables paniers de raisins partent des ports de Jersey et de Guernesey et vont alimenter les grands marchés d’Angleterre.

La viande est à peu près au même taux qu’en France, vingt à vingt-quatre sous la livre. La poissonnerie est abondante, Jersey et Guernesey sont la patrie des homards. Ce qu’il y a encore de fort agréable, c’est qu’on vous apporte tout à domicile, le porte-monnaie s’en ressent bien un peu à cause de la bonne main, mais c’est égal, quelle commodité pour les domestiques, pour les cuisinières surtout!

Les vaches justifient leur réputation, elles fournissent du lait et du beurre exquis.

Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d'œufs à Jersey, par la raison fort simple que je n’y vois pas beaucoup de poules. On les fait venir d’ailleurs; les marchés de Bretagne sont là pour ça.

Dans la campagne Jersiaise, on ne voit ni ces troupeaux de poules ni ces énormes fumiers qui ornent la cour de toute bonne ferme chez nous. Les fumiers ne sont pas d’un bon effet, j’en conviens; mais ils sont pour la gente gallinacée, picorant autour, un vrai grenier d’abondance, aux inépuisables provisions.

La pomme de terre est un des principaux produits de l'île. On y fabrique aussi d’excellent cidre, mais il n’est pas plus pour les petites bourses que le vin et le raisin: l’eau et la bière, voilà la boisson ordinaire du pays.

JOURNAL DE MADAME

CHAPITRE VI

J’ai employé le plus de temps possible à visiter, suivant l’expression consacrée, les beautés naturelles de l'île, dont je fais deux parts bien différentes: l’une, la plus petite, sauvage, stérile, hérissée de roches tourmentées par les flots en démence; l’autre, riche, fertile, cultivée, ressemblant à un parc immense. De riants cottages, de blanches villas, de jolies demeures isolées sont semées dans toute l'île, comme des pions sur un échiquier. C’est partout un peu la même chose, et cependant cet aspect est si gai, si ensoleillé, qu’il exclut la monotonie. Des jardinets soignés, une grande propreté, un air d’aisance, tel est le cachet de la campagne jersiaise.

J’accorde aussi une mention spéciale aux vaches. Ah! la jolie race! tête fine, formes parfaites, robe soyeuse, enfin le type accompli des vaches pure race normande, car les habitants de l'île s’y prennent de manière qu’il n’y ait jamais de croisement chez eux. Elles sont du reste aussi bonnes que belles, le lait et le beurre qu’elles donnent sont de qualité extra-supérieure.

Je me suis laissé dire que les Américains paient les vaches jersiaises dix, quinze et même vingt-cinq mille francs. Ceci sans doute est l’exception. Mais il n’est pas rare de voir vendre ces vaches cinq et six mille francs.

Nous avons fait presque toutes nos excursions dans les grands cars: le regard fouille partout, et c’est plus amusant. Par exemple, beaucoup de routes sont trop étroites, il n’y a place que pour une voiture. De temps en temps, on trouve une sorte de relai de terrain où l’on se gare quand on entend un autre véhicule arriver. Malheureusement on ne se croise pas toujours à l’endroit psychologique; l’on se rencontre face à face, et comment passer? la plus légère voiture recule pour faire place à l’autre, parfois il faut dételer et rétrograder assez loin.

JOURNAL DE SUZETTE

Les récoltes se font dans de grands chars fort élégants pour des charrettes de fermiers. Je soupçonne ces fermiers d'être surtout des maraîchers: toutes les cultures sont superbes, les feuillages énormes, les arbres vigoureux. Cette puissance de végétation s’explique facilement, elle est due au Gulf-stream: ce courant chaud qui vient d’Amérique, traverse en conservant sa couleur et sa chaleur les vagues de l’Atlantique et vient ainsi fertiliser toutes les terres qu’il baigne et leur apporter l’abondance. Les promenades dans les grands cars à vingt places très haut perchés sur roues, attelés de quatre chevaux sont charmantes. Ces cars rayonnent dans toutes les directions et cette manière de voyager ne manque pas de pittoresque: ce véhicule n’est point banal, ce n’est ni le fiacre étroit, ni la tapissière morose, ni l’omnibus fermé, ni le confortable landau qu’on trouve d’ailleurs facilement à louer, c’est quelque chose de plus original que tout cela, c’est un char-à-bancs perfectionné d’où la vue embrasse un vaste horizon, et voilà pourquoi ce genre de locomotion me plaît. Les routes sont tout à fait agréables, quelques-unes un peu trop étroites seulement; au lieu de grandes routes rigides et poudreuses comme j’en connais tant, ce sont de jolis chemins ombreux, quelques-uns même recouverts d’un dôme de verdure; une herbe fine et épaisse borde la route des deux côtés; les talus dans leur robe verte parsemée de fleurs champêtres sourient à votre passage; c’est tout à fait coquet.

JOURNAL DE MADAME
Le Château Elisabeth

Le château Elisabeth avec ses casemates et sa vieille tour, ses remparts grisâtres et les rochers énormes qui forment sa base et se massent tout à l’entour comme pour le défendre, le château Elisabeth qui s’élève à un kilomètre environ de la ville et que chaque marée isole de la terre ferme présente un aspect imposant. Il a remplacé sur son rocher l’antique abbaye de St-Hélier fondée il y a plusieurs siècles par un gentilhomme normand. Ce monument religieux fut supprimé sous Henri VIII, peu après sa rupture avec le Saint-Siège. On posa, en 1551, les premiers fondements du château qui devait porter le nom de la reine Elisabeth, fille de Henri VIII; les travaux durèrent cent trente ans, et le château ne fut achevé qu’en 1688. Ce fut la dernière forteresse qui se rendît aux Parlementaires sous Cromwell. Il subit un long siège et n’ouvrit ses portes qu’après avoir épuisé ses munitions de guerre et de bouche, et obtenu une capitulation honorable.

Les deux fils de Charles Ier, après la décapitation de leur père vinrent à Jersey et habitèrent ce château, jusqu’au moment où, les troubles civils s’étant calmés, l’aîné put remonter sur son trône. C’est aussi pendant qu’il était retiré au château Elisabeth que lord Clarandon écrivit la plus grande partie de son admirable ouvrage sur l’histoire de son pays. Non loin de ce château se trouve le Rocher de l’Ermitage, pieux souvenir qui remonte au berceau du Christianisme. Séparé de la terre ferme, on ne l’aborde que difficilement. Il faut en outre gravir un escalier étroit taillé dans les roches et qui conduit à la grotte. L’entrée voûtée en maçonnerie existe depuis des siècles; elle défie comme le roc lui-même la fureur des éléments. C’est là qu’Hélier passa une grande partie de sa vie en ce lieu si propre à la méditation religieuse; en contemplation devant ces deux infinis qui lui parlaient de Dieu, la mer et les cieux. Sur le sommet du rocher s’étend une petite plate-bande de verdure, c’était son jardin.

La Tour de Hougue-Bie

Notre première promenade extra muros a été pour la tour jumelle de Hougue-Bie ou tour du Prince’s tower. Elle s’élève sur un monticule artificiel, planté de beaux arbres dont les fronts chevelus rivalisent en hauteur avec la tour même. Ce site est l’un des plus jolis de l'île. Un sentier serpente autour du monticule et conduit à l’entrée de la tour. De son sommet on aperçoit presque toute l'île; le regard peut suivre le contour de ses côtes, les échancrures de ses baies, les ondulations capricieuses de ses vallées, les cimes altières de ses monts, les habitations semées comme des points blancs dans la verdure, les églises et les clochers, puis tout autour l’infini, le ciel et l’eau confondus dans un horizon bleu. Quand l’air est tout à fait limpide, on aperçoit les rives françaises, et même la cathédrale de Coutances. De là aussi le regard domine la longue rangée de rochers nommés les Ecréhous, non dénués de verdure, et sur lesquels les pêcheurs ont élevé quelques cabanes de refuge que la mer laisse à sec.

L’une d’elles est, paraît-il, habitée depuis fort longtemps par un pêcheur, maître Philippe Pinel surnommé le roi des Ecréhous. Il ne quitte jamais son empire et passe sa vie au milieu des flots; il vit de la vente de ses pêches et des vivres que les autres pécheurs veulent bien lui apporter.

Après avoir admiré tous les points de vue, nous avons visité l’intérieur de la tour. A notre grande surprise, notre guide nous a montré le fauteuil où s’asseyait Godefroy de Bouillon. Nous nous trouvions plusieurs bretons ensemble.

– Quel anachronisme! Vous vous trompez, Godefroy de Bouillon n’est jamais venu dans ce pays-ci, et ce fauteuil n’a rien d’ancien.

– Je ne me trompe pas, a répondu notre cicérone. Nous nous sommes récriés de plus belle:

Peste! un siège vénérable comptant huit siècles de date… Est-ce donc à Jersey qu’il faut venir pour apprendre l’histoire de France! nous nous sommes mis à rire, et le guide a repris d’un air absolument convaincu:

– Je le répète, voilà le fauteuil où s’asseyait Godefroy de Bouillon.

Ces Anglais ont un flegme qui vous désarçonne! Les appartements, qu’on appelle pompeusement la salle, la bibliothèque, la chambre et la chapelle de médiocre dimension et très délabrés n’offrent rien de remarquable.

Revenus enchantés de notre excursion, mais intrigués de l’affirmation si catégorique de notre guide, nous sommes allés aux renseignements. Le monticule de Hougue-Bie fut à l’origine un mausolée élevé par une veuve fidèle à la mémoire de son mari traîtreusement assassiné par ses serviteurs. Le nom de Tour du Prince est de date récente et lui vient d’un Prince de Bouillon (nous sommes loin de Godefroy) qui, ayant pris du service à la fin du siècle dernier, chez les Anglais, en qualité d’amiral, avait fait installer à Hougue-Bie un télégraphe porte signaux à l’aide duquel il était parvenu à établir, après l’exécution de Louis XVI, une correspondance assez régulière avec les émigrés qui fuyaient la terreur.

Le Château Mont-Orgueil

Mont-Orgueil, un nom qui convient également à l’esprit anglais et au château qui le porte. Si l’on pouvait appliquer aux bâtiments le mot snob inventé pour la race britannique, je dirais que Mont-Orgueil est le plus snob des châteaux: d’apparence superbe, il n’est en réalité qu’une ruine que le génie anglais entretient et conserve scrupuleusement.

Ce château qui tient une grande place dans l’histoire de Jersey ne fut jamais un lieu de plaisance, mais une forteresse de premier ordre bâtie sur la partie de l'île la plus rapprochée de la France, à cent cinquante mètres au-dessus du niveau de la mer. Sa construction réunissait alors tout ce qui constituait une place imprenable. Le château Mont-Orgueil est défendu du côté de la mer par des rochers inaccessibles bizarrement taillés et s’escaladant à pic, les uns les autres; battus de courants rapides et dangereux, ils s’opposent à tout abordage; aussi, de ce côté-là, il n’y a pas de murailles, mais seulement quelques fenêtres grillées, étroites comme des meurtrières.

Du côté de la terre on retrouve quelque poésie dans ses hautes murailles coquettement drapées de mousse et de lierre. A l’intérieur, c’est un dédale de voûtes sombres, de portes basses, de corridors humides, d’escaliers tortueux, d’appartements lugubres. A l’extérieur, tours et bastions, pont-levis et fossés, créneaux et plates-formes donnent grand air à ce château qui se voit de très loin et dont l’aspect imposant semble commander la terre et les flots.

La grande porte d’entrée est l’un des plus beaux et des plus élégants spécimen de l’architecture normande. On y remarque au centre les armes de la Grande-Bretagne portant les initiales E. R. (Elisabetha Regina), avec le millésime de 1593, et de chaque côté un écusson. Celui de gauche avec ses trois épées abaissées et sa devise Garde la Foi représente les armes des Paulett qui furent pendant plusieurs générations gouverneurs du château. L’écusson de droite est le même mais écartelé, des armes de Catherine Norris, femme d’Amias Paulett.

Malgré la date de 1593, il est facile de voir que ce portail et la tour massive qui s’élève au-dessus remontent à une plus haute antiquité et que les écussons incrustés dans la maçonnerie ont été rapportés. Montorgueil a subi bien des sièges. Sous Philippe de Valois, les Français s’en emparèrent et l’occupèrent trois ans; un certain seigneur normand, du nom de Maulevrier, ayant fait surprendre par ses officiers le commandant du château, y domina pendant plusieurs années en souverain. Duguesclin fit vainement le siège de Montorgueil en 1374. C’est de ce siège mémorable que commence la gloire de la famille de Carteret, dont le nom joue un si grand rôle dans l’histoire de Jersey.

Surdeval s’en empara en 1490 et y tint garnison six ans. Les Français surpris à leur tour, et malgré une héroïque défense, furent forcés de capituler devant messire de Carteret, ancien gouverneur de l'île, aidé de l’amiral sir Richard Harliston qui en fit le blocus. Pendant les troubles civils les Paritains sous Cromwell s’y établirent. On montre la chambre qu’habita de temps en temps Charles II pendant son séjour dans l'île. La vieille chapelle qui sue l’humidité est dédiée à Saint Georges patron de l’Angleterre. Sa cripte basse, étroite, assise sur d’énormes piliers massifs a servi de sépulture à plusieurs gouverneurs du château, mais les tombeaux ont disparu. Il ne reste plus sous ces voûtes sombres et froides qu’une haute statue mutilée, celle de la Vierge.

Bandinelli, fougueux sectaire, brouillon politique, renfermé dans ce château tenta de s’évader en escaladant les rochers, mais la corde à laquelle il était suspendu ayant manqué, le malheureux vint se briser aux pieds du château.

On prétend qu’un camp romain existait là; quelques pans de murs portent encore le nom de Fort-César.

JOURNAL DE SUZETTE

Je suis très contente des excursions que madame m’a fait faire. Les vallées dans l’intérieur de l'île sont ombreuses et supérieurement boisées. Ce que j’aime moins, ce sont les fortifications qui garnissent les falaises.

Elles sont là, debout, imprenables sentinelles, sur les côtes qui regardent la France.

On m’a offert une collection de fleurs collées sur un beau papier blanc, en m’assurant que la flore marine et terrestre est très riche à Jersey. Les fleurs desséchées, ça ne me dit pas grand chose; je préfère un bouquet fraîchement cueilli et parfumé, je préfère les verdures et les fleurs d’une salle de restaurant bien servie; parlez-moi de celui de Lecq qu’on nomme Le Pavillon, on y trouve tous les rafraîchissements désirables.

J’ai visité le fort Elisabeth et le château Mont-Orgueil. Du fort Elisabeth, on jouit d’une vue rapprochée, pleine de détails et de perspective. D’abord, le port de St-Hélier et sa forêt de mâts, le fort Régent imposant dominateur qui le protège, ensuite la ville aux maisons serrées, aux toits de toute couleur, bleus, rouges, jaunes qui se confondent et s’étagent pittoresquement, dominés par les flèches des églises, les cimes fumantes des usines… puis viennent des amphithéâtres de verdure semés de cottages, de maisons charmantes, toujours plus riants, toujours plus riches, à mesure que l'œil les parcourt; plus loin, à gauche St-Aubin, la jolie ville italienne si gracieusement couchée au bas de ses montagnes éclatantes de genêts d’or, avec son petit port aussi et son gentil château dans la mer; enfin Noirmont sombre et farouche, éperon que le pilote ne double qu’en frémissant.

Du haut du fort Régent on jouit également d’un magnifique aspect, surtout si l’on s’y place à l’heure où les bateaux à vapeur, arrivant à la fois de France et d’Angleterre, versent dans l'île leur contingent de voyageurs: – à droite, la ville bourdonnante et fumeuse, mollement appuyée aux flancs de ses collines fleuries; – devant soi, la baie de St-Aubin qui se déploie toute entière; – à vos pieds, l’ancien port, avec le fort Victoria, tout cet ensemble est superbe, on voit à la fois, les nombreux navires qui s’agitent dans le port, les quais de granit qui retentissent d’activité, et la file de voitures qui courent dessus comme dans les rues d’une grande ville.

Le Château Mont-Orgueil est une espèce de ruine d’où la vue est splendide, mais un peu vague; elle se perd dans l’infini.

Au loin, l’horizon découpe les sinuosités de la Hague, jusqu’au cap Fréhel, avec les flèches de la cathédrale de Coutances au milieu.

La petite ville de Gorey s’élève aux pieds de l’antique château comme une jolie fleur au pied d’un vieux chêne. C’est dans son port que s’abrite la flotille de bateaux qui font la pêche à l’huître sur un immense banc qui se trouve à peu près à égale distance de Jersey et des côtes de France. Cette pêche dure neuf mois environ. Il a été nécessaire d’établir des limites que les pêcheurs des deux rivages ne peuvent franchir. Des cotres de guerre anglais et français croisent devant l’huîtrière pour protéger leurs nationaux. Comme la partie la plus productive est du côté de la France, les Anglais profitent des temps brumeux pour draguer les huîtres de nos parages et sont souvent pris en flagrant délit. Il y a bien d’autres sites qu’on vante à qui mieux mieux; moi, je trouve que c’est toujours la même chose, des montagnes et des vallées, des rochers et du sable, des villes et des campagnes, et par-dessus le marché, la mer, toujours la mer de quelque côté qu’on se tourne, à gauche, à droite, devant, derrière, c’est toujours la Manche, j’en suis saturée.

JOURNAL DE MADAME
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 ekim 2017
Hacim:
240 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
Ses
Ortalama puan 4,2, 640 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 4,9, 525 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 4,8, 65 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 4,3, 645 oylamaya göre
Taslak
Ortalama puan 4,9, 206 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 4,5, 77 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre