Kitabı oku: «Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4)», sayfa 23
II
Note de M. de Bacourt sur les entretiens du comte d'Artois et du prince de Talleyrand
(Mémoires du prince de Talleyrand, vol. Ier. Appendice de la première partie.)
Nous voulons ajouter à ce passage257 quelques détails que M. de Talleyrand avait négligés ou peut-être oubliés. Il est positif qu'à l'époque à laquelle ce passage se rapporte258, M. de Talleyrand eut avec M. le comte d'Artois plusieurs entrevues, dans lesquelles il chercha à convaincre le Prince de la nécessité de prendre des mesures de force, et, tout en maintenant les concessions que le Roi avait déjà faites, de réprimer avec vigueur les agitations populaires qui se manifestaient chaque jour, et qui avaient déjà ensanglanté les rues de la capitale. La plus importante et la dernière de ces entrevues eut lieu à Marly, dans la nuit du 16 au 17 juillet 1789, c'est-à-dire quelques heures avant que le Prince quittât la France. Lorsque M. de Talleyrand se présenta chez M. le comte d'Artois, le Prince, qui était déjà couché, le fit néanmoins entrer, et, là dans un entretien de plus de deux heures, M. de Talleyrand exposa de nouveau tous les dangers de la situation, et supplia le Prince de les faire connaître au Roi. M. le comte d'Artois, ému, se leva, se rendit chez le Roi, et après une absence assez prolongée, revint déclarer à M. de Talleyrand qu'il n'y avait rien à faire avec le Roi, qui était résolu à céder plutôt que de faire verser une goutte de sang en résistant aux mouvements populaires. «Quant à moi, ajouta M. le comte d'Artois, mon parti est pris, je pars demain matin et je quitte la France.» M. de Talleyrand conjura vainement le Prince de renoncer à cette résolution, en lui représentant les embarras et les périls qu'elle pourrait avoir pour lui dans le présent, et pour ses droits et ceux de ses enfants dans l'avenir. M. le comte d'Artois persista, et M. de Talleyrand finit par lui dire: «Alors, Monseigneur, il ne reste donc plus à chacun de nous qu'à songer à ses propres intérêts, puisque le Roi et les Princes désertent les leurs, et ceux de la Monarchie. – En effet, répliqua le Prince, c'est ce que je vous conseille de faire. Quoi qu'il arrive, je ne pourrai vous blâmer, et comptez toujours sur mon amitié.» M. le comte d'Artois émigra le lendemain.
Au mois d'avril 1814, M. de Talleyrand, devenu Président du gouvernement provisoire, se trouva dans le cas d'annoncer à M. le comte d'Artois, qui était alors à Nancy, attendant les événements, que Louis XVIII était appelé au trône, et que le Prince était invité à se rendre à Paris, pour y prendre le gouvernement en qualité de Lieutenant général du royaume. Il chargea M. le baron de Vitrolles de cette mission, et au moment du départ de celui-ci, pendant qu'on cachetait la dépêche pour le Prince, il lui fit, en se promenant dans l'entresol de son hôtel de la rue Saint-Florentin, le récit de l'entrevue du 16 juillet 1789, puis il lui dit: «Faites-moi le plaisir de demander à M. le comte d'Artois s'il se rappelle ce petit incident.»
M. de Vitrolles, après s'être acquitté de son important message, ne manqua pas de poser au Prince la question de M. de Talleyrand, à quoi le comte d'Artois répondit: «Je me rappelle parfaitement cette circonstance, et le récit de M. de Talleyrand est de tout point exact.»
Averti que M. de Vitrolles avait raconté cette anecdote à plusieurs personnes, nous crûmes devoir faire appel à sa mémoire et à sa loyauté. Pour justifier cette expression de loyauté il faut dire que M. de Vitrolles, à la suite de la révolution de juillet 1830, avait cessé toute relation avec M. de Talleyrand, et s'exprimait très sévèrement sur son compte. C'est ce qui explique le ton d'hostilité et d'aigreur qui perce au travers de la lettre de M. de Vitrolles que nous allons insérer ici. Nous pensons que, pour le lecteur comme pour nous, cette hostilité ne fera que confirmer davantage la sincérité de M. de Vitrolles dans sa déclaration, et l'authenticité du passage des Mémoires de M. de Talleyrand. Les légères divergences qu'on remarquera entre le récit qui nous a été fait par M. de Talleyrand et celui de la lettre de M. de Vitrolles, s'expliquent naturellement par l'effet du temps qui s'était écoulé, et qui a pu modifier les souvenirs des deux narrateurs. Le fait qui reste acquis, c'est que M. de Talleyrand, au mois de juillet 1789, croyait qu'on pourrait arrêter la marche révolutionnaire des événements, qu'il a eu le mérite de le dire, et le courage de proposer de s'en charger. Il n'est peut-être pas le seul qui s'en soit vanté plus tard; nous pensons avoir constaté que lui, au moins, ne s'en vantait pas à tort.
Voici la lettre de M. de Vitrolles:
«Monsieur le baron de Vitrolles à M. de Bacourt
«Paris, 6 avril 1852.
«Monsieur, vous avez attaché quelque prix au témoignage que je pourrais rendre sur une circonstance particulière de la vie de M. le prince de Talleyrand, je ne crois pas pouvoir mieux satisfaire à vos désirs qu'en transcrivant ici ce que j'en ai écrit, il y a bien des années, dans une relation des événements de 1814.
«Lorsque S. M. l'empereur de Russie et M. le prince de Talleyrand eurent compris que la présence du frère du Roi revêtu des pouvoirs de Lieutenant général du Royaume, devenait nécessaire, et que je partais pour décider Monsieur à se rendre à Paris, j'avais eu plusieurs conférences à ce sujet avec le Président du gouvernement provisoire259. Dans un dernier entretien, au moment du départ, nous avions traité les conditions et les formes de la réception de Monseigneur. Après un moment de silence, le prince de Talleyrand reprit avec son sourire caressant et d'un ton qui voulait être léger et presque indifférent:
«Je vous prie de demander à M. le comte d'Artois s'il se rappelle la dernière occasion que j'ai eue de le voir. C'était au mois de juillet 1789. La Cour était à Marly. Avec trois ou quatre de mes amis, frappés comme moi de la rapidité et de la violence du mouvement qui entraînait les esprits, nous résolûmes de faire connaître au Roi Louis XVI la véritable situation des choses, que la Cour et les ministres semblaient ignorer. Nous fîmes demander à Sa Majesté de vouloir bien nous recevoir. Nous désirions, pour le bien de son service comme pour nous, que cette audience fût tenue secrète. La réponse fut que le Roi avait chargé son frère, M. le comte d'Artois, de nous recevoir; le rendez-vous fut donné à Marly dans le pavillon que M. le comte d'Artois occupait seul. Nous y arrivâmes à minuit.»
«M. de Talleyrand me rapporta la date précise du jour, et le nom des amis qui l'accompagnaient. C'était des membres de l'Assemblée nationale, et de cette minorité de la noblesse qui s'était réunie au tiers état; la date et les noms me sont également échappés.
«Lorsque nous fûmes en présence de M. le comte d'Artois, continua M. de Talleyrand, nous lui exposâmes en toute franchise la situation des affaires et de l'État, telle que nous l'envisagions. Nous lui dîmes que l'on se trompait, si l'on croyait que le mouvement imprimé aux esprits pût facilement se calmer. Ce n'est point avec des atermoiements, des ménagements et quelques condescendances, qu'on peut conjurer les dangers qui menacent la France, le Trône et le Roi. C'est par un puissant développement de l'autorité royale, sage et habilement ménagé. Nous en connaissons les voies et les moyens, la position qui nous permet de l'entreprendre et donne les gages d'y réussir, si la confiance du Roi nous y appelait. M. le comte d'Artois nous écoutait très bien, et nous comprenait à merveille, peut-être avec la pensée que nous exagérions le danger de la situation, et notre importance pour y remédier. Mais, comme il nous le dit, il n'avait été chargé par le Roi que de nous entendre, et de lui rapporter ce que nous voulions lui faire connaître; il n'avait aucune réponse à nous donner, et aucun pouvoir d'engager la volonté ou la parole du Roi. Lorsque nous en fûmes là, nous demandâmes à M. le comte d'Artois la permission de lui dire, que si la démarche que nous faisions de conscience et de bonne foi n'était pas appréciée, si elle n'avait aucune suite et n'amenait aucun résultat, Monseigneur ne devait pas s'étonner que, ne pouvant résister au torrent qui menaçait de tout entraîner, nous nous jetions dans le courant des choses nouvelles… Demandez, je vous prie, à Monsieur, répéta M. de Talleyrand, si cet entretien nocturne est resté dans sa mémoire. C'était bien près du moment où il quittait la France.»
«J'admirai la subtilité de cet esprit, qui trouvait dans un de ses souvenirs une explication, une excuse et presque une justification de toute sa vie révolutionnaire; il en aurait trouvé bien d'autres pour des circonstances différentes et même contraires. En écoutant ce récit, qui tombait avec une sorte d'indifférence et de naïve simplicité, je me permettais de douter que ce qui pouvait rester dans la mémoire de Monsieur fût entièrement conforme aux paroles que je venais d'entendre. Cependant, lorsqu'à Nancy je vins à me rappeler la recommandation de M. de Talleyrand, Monseigneur me dit, sans entrer dans aucun détail, qu'il n'avait point oublié cette circonstance, et que tout ce que je lui rappelais était entièrement conforme à la vérité.
«Je désire, Monsieur, que ce témoignage suffise à ce que vous attendiez de moi. Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de vous offrir l'assurance de ma considération la plus distinguée.
«Le baron de Vitrolles.»