Kitabı oku: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O)», sayfa 6
Parmi les hôpitaux les plus anciens qui existent encore en France, il faut citer l'Hôtel-Dieu de Chartres, situé près de la cathédrale, et l'hôpital d'Angers. Ce dernier surtout est remarquable par son étendue et par les services qui l'entourent. En voici le plan (1).
Il se compose d'une grande salle à trois nefs A, précédée d'un cloître, d'une chapelle voisine B, de logements, dénaturés aujourd'hui, et d'un vaste magasin ou grenier C, propre à renfermer des provisions de toutes natures. La construction de cet établissement date de 1153. La chapelle est un peu plus moderne (1184). C'est aussi vers cette dernière époque que fut élevé le grand bâtiment aux provisions.
La fig. 2 présente la coupe transversale de la grande salle, dans laquelle quatre rangées de lits peuvent facilement trouver place. La construction de ces bâtiments est excellente, traitée avec soin, les chapiteaux des piliers d'un excellent style. Le bâtiment des provisions est un édifice remarquable par ses dispositions et ses détails 59.
L'Hôtel-Dieu de Chartres date à peu près de la même époque et consiste aujourd'hui en une grande salle à trois nefs, séparées par deux rangs de colonnes et portant des charpentes lambrissées. Au fond, trois voûtes en pierre ferment les trois dernières travées. C'est une disposition analogue à celle de l'hôpital d'Angers, et qui paraît avoir été généralement suivie pendant les XIIe et XIIIe siècles.
Dans les bâtiments abbatiaux de Saint-Jean-des-Vignes de Soissons et d'Ourscamp, on voit encore de belles salles qui ont été affectées aux malades. La salle dite des Morts, à Ourscamp, est, entre toutes ces constructions hospitalières, la plus belle et la mieux entendue. C'est toujours un grand vaisseau divisé en trois nefs, celle du milieu plus large que les deux autres; le tout est couvert par des voûtes d'arête et un vaste grenier.
La fig. 3 présente le plan de cette salle avec son annexe, qui servait probablement de cuisine et de laboratoire; la fig. 4 la coupe transversale de la grande salle des malades, et la fig. 5 une de ses travées.
On observera que les fenêtres sont disposées de manière à donner beaucoup de jour à l'intérieur, celles du haut étant à vitrages fixes et celles du bas pouvant s'ouvrir pour aérer la salle. Suivant la disposition généralement adoptée à cette époque, il devait y avoir quatre rangées de lits disposés ainsi que l'indique notre plan en A; la salle pouvait en contenir facilement cent. Le long du mur, au droit des colonnes, sont percées de petites niches à hauteur de la main, pour déposer les boissons ou les pansements des malades. Une grande cheminée, s'ouvrant contre le pignon B, permettait d'assainir et de réchauffer ce vaste intérieur 60. Le bâtiment et son annexe sont isolés. Le pignon G seul est rapproché des bras de croix de l'église, à laquelle on pouvait probablement communiquer par le petit passage H. Toute la construction date des premières années du XIIIe siècle; et l'intérieur était peint de joints rouges avec archivoltes festonnées en petites arcatures.
À l'article CONSTRUCTION, fig. 123 et suivantes, nous avons donné un bâtiment dépendant de l'abbaye Sainte-Marie de Breteuil, dont une partie servait d'hospice pour les pauvres. Presque toutes les abbayes possédaient ainsi des bâtiments assez vastes pour donner asile aux voyageurs, ou même de véritables hôpitaux, comme cette grande salle d'Ourscamp 61.
La ville de Tonnerre possédait, au XIe siècle déjà, un Hôtel-Dieu situé, suivant l'usage, à côté de l'église Notre-Dame, qui servait de chapelle à cet établissement; un autre hôpital, également de la même époque, existait dans le faubourg de Bourberault. «Les dépendances de cet hôpital, dit M. Camille Dormois 62, ne consistaient qu'en une petite chapelle obscure, une très-petite maison et un jardin.» En 1204, Eudes III, duc de Bourgogne, fonda, dans la même ville, l'hôpital du Saint-Esprit; mais Marguerite de Bourgogne, belle-soeur de saint Louis, reine de Sicile, voulut doter la ville de Tonnerre d'un hôpital magnifique. En 1293, elle acheta un vaste clos près d'une source appelée Fontenille, le long de l'Armençon et des murs de la ville. Dans l'acte de fondation, il est dit que les pauvres seront hébergés dans l'établissement, les convalescents nourris sept jours et renvoyés avec chemise, cotte et soulier; qu'une chapelle sera bâtie avec quatre autels; que les frères et soeurs, au nombre de vingt, chargés des soins intérieurs, auront pour mission de donner à manger et à boire à ceux qui auront faim et soif, de recevoir les étrangers et pèlerins et de les héberger, de vêtir les pauvres, de visiter les malades, de consoler les prisonniers et d'ensevelir les morts; que les frères et soeurs auront des dortoirs et réfectoires séparés, et ne devront prendre leurs repas qu'après le service des malades. L'hôpital fut-promptement élevé, et Marguerite se fit bâtir, à côté, un logis pour pouvoir surveiller elle-même son établissement; lorsqu'elle mourut, en 1308, les bâtiments et leurs dépendances étaient complétés depuis longtemps. Il nous reste de cet hôpital la grande salle et quelques dépendances, et nos lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré probablement de leur donner un ensemble ainsi que des détails de la partie principale de cette grande salle, en même temps chapelle et hospice.
La figure 6 présente le plan à l'échelle de 0,001m pour mètre. En A est la grande salle, autrefois précédée d'un porche B avec escalier, dont nous allons indiquer la destination. Cette salle contenait quarante cellules de boiseries, sortes d'alcôves dans chacune desquelles était placé un lit (voir en C). En D était un autel principal sous une voûte, et en F deux chapelles également voûtées. Le tombeau de la fondatrice était en E, et se composait d'une figure de bronze couchée sur un sarcophage. La sacristie des chapelles était en G. En H, un jubé, posé devant le choeur, mettait en communication deux galeries latérales qui, établissant une circulation continue au-dessus des alcôves, permettaient d'ouvrir les fenêtres et de surveiller l'intérieur des cellules. On pouvait monter à ces galeries par l'escalier latéral du porche 63 et par un escalier I qui était mis en communication avec une galerie réunissant le logis L de la reine à la grande salle. De ses appartements, situés au premier étage de ce logis, cette princesse pouvait ainsi, soit descendre dans la salle, soit inspecter les cellules en se promenant sur la galerie qu'elles portaient. En Z était une petite chapelle. Les bâtiments de service de l'hôpital sont situés en K et la cuisine en M. On communiquait de ces bâtiments avec la salle au moyen d'une autre galerie N aboutissant à une petite porte. La voie publique passe en O. En P était le cimetière; en J, le jardin de la reine, borné par la muraille de la ville et par le ruisseau de Fontenille. En R, un lavoir; en V, un bras de l'Armençon, et en S le prieuré. Deux canaux souterrains passant des deux côtés de la grande salle entraînaient dans la rivière les vidanges de l'établissement. Outre les murailles de la ville, des remparts entouraient les autres parties du clos. En X était un puits public.
La fig. 7 donne la coupe transversale de ce magnifique vaisseau, qui n'a pas moins de 18m,60 de largeur dans oeuvre sur 88m,00 de long depuis le porche jusqu'au sanctuaire. La coupe (fig. 7) montre, en A, les alcôves avec la galerie supérieure B, passant par-dessus le jubé. On aperçoit au fond les trois absides. La charpente en chêne, bien conservée, nous donne des bois d'une longueur extraordinaire; les entraits, d'un seul morceau, ont 21m,40; les arbalétriers et chevrons portant ferme, 19m,00. Elle est entièrement lambrissée en berceau plein cintre légèrement surbaissé à l'intérieur. En C, nous avons tracé l'un des chevrons portant ferme, et en D une coupe d'une travée de charpente avec le lambrissage et les ventilateurs E, de 0m,10 d'ouverture. Les fenêtres latérales, à meneaux, sont disposées pour pouvoir être ouvertes du bas jusqu'à la naissance des tiers-points, et des marches, ménagées dans l'appui, permettent de tirer les targettes. Ce vaisseau, qui existe à peu près intact, sauf le porche, produit un grand effet. C'est un des plus beaux exemples de l'architecture civile de la fin du XIIIe siècle; il n'a pas moins fallu que toute l'insistance de la Commission des monuments historiques pour obtenir de la ville de Tonnerre sa conservation. Pourquoi la ville de Tonnerre voulait-elle démolir cet édifice? C'est ce qu'on aurait beaucoup de peine à savoir probablement. Pourquoi la ville d'Orléans a-t-elle démoli son ancien Hôtel-Dieu, l'un des plus beaux édifices de la Renaissance? Combien de villes se sont ainsi, sans raison sérieuse, dépouillées des monuments qui constataient leur ancienneté, qui leur donnaient un intérêt particulier et qui retenaient des étrangers dans leurs murs! Beaucoup regrettent, un peu tardivement, ces actes de vandalisme, et s'étonnent de ce que les voyageurs passent indifférents au milieu de leurs rues neuves, n'accordant pas même un regard au frontispice à colonnes du palais de justice, ou à la façade de l'hôpital nouveau que l'on confond volontiers avec une caserne.
La disposition des lits de l'hôpital de Tonnerre, logés chacun dans une cellule avec galerie de service supérieure, mérite de fixer notre attention. Chaque malade, en étant soumis à une surveillance d'autant plus facile qu'elle s'exerçait de la galerie, se trouvait posséder une véritable chambre. Il profitait du cube d'air énorme que contient la salle et recevait du jour par les fenêtres latérales; sa tête étant placée du côté du mur et abritée par la saillie du balcon, il ne pouvait être fatigué par l'éclat de la lumière. On objectera peut-être que la ventilation de ces cellules était imparfaite; mais la salle ne contenant que quarante lits, les fenêtres latérales pouvant être ouvertes, et le vaisseau étant fort élevé, ventilé par les trous percés dans le lambrissage de la charpente, on peut admettre que les conditions de salubrité étaient bonnes.
Pour faire saisir à nos lecteurs la disposition des cellules et des galeries de surveillance, nous présentons(8) une vue perspective d'une des travées de la salle.
Les fenêtres de la galerie étaient garnies de vitraux en grisaille, celles du sanctuaire en vitraux colorés. Une longue flèche en charpente surmontait ce sanctuaire; elle était couverte de plomberie peinte et dorée, et ne fut détruite qu'en 1793. Toute la charpente de la salle est couverte en tuiles vernies avec faîtières en terre cuite émaillée.
Par l'escalier carré pratiqué vers le nord, à côté de l'une des deux chapelles du chevet, on arrivait à une salle voûtée bâtie au-dessus de cette chapelle, et servant autrefois, comme encore aujourd'hui, de trésor et de chartrier. Le tympan de la porte principale s'ouvrant sous le porche du côté de la rue était décoré d'un bas-relief représentant le Jugement dernier, dont il existe encore quelques fragments 64.
Tous ceux qui s'intéressent quelque peu à nos anciens édifices ont visité le charmant Hôtel-Dieu de Beaune, fondé en 1443 par Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne. Cet établissement est à peu près tel que le XVe siècle nous l'a laissé, bien qu'il soit construit, en grande partie, en bois. Il se compose de trois corps de logis élevés autour d'une cour quadrangulaire. Dans le bâtiment qui donne sur la rue est placée la grande salle, avec sa chapelle à l'extrémité, la porterie et quelques pièces voûtées destinées aux provisions. Les deux autres corps de logis, devant lesquels passe une galerie à deux étages, contiennent le noviciat des soeurs, trois salles, la cuisine et la pharmacie. De grands gâbles en charpente, vitrés, donnent du jour dans les salles par-dessus les galeries du dehors, tandis que l'aération se fait par les galeries mêmes et par les faces opposées (voy. l'Architecture civile et domestique de MM. Verdier et Cattois, t. I). La cour de cet établissement, d'un aspect riant, bien proportionnée, contenant encore son puits du XVe siècle, son lavoir et sa chaire, donnerait presque envie de tomber malade à Beaune. La porte sur la rue est protégée par un auvent en charpente couvert en ardoise (voy. AUVENT).
Nous donnons (9) le plan de l'Hôtel-Dieu de Beaune, et (10) la vue de l'angle de la cour du côté de l'escalier principal desservant les deux étages. En A (voy. le plan) est l'entrée; en B, un passage de service; en C, la grande salle lambrissée 65 avec sa chapelle D, maintenant séparée de la salle; en E, le réfectoire des soeurs et le salon de la supérieure; en F, les salles aux provisions; en G, le noviciat des soeurs; en H, des salles de malades; en I, un passage donnant sur un jardin; en K, la cuisine, et en L la pharmacie; le puits est placé en O, la chaire en M, et le lavoir en P.
Examinons maintenant un de ces établissements plus modestes qui, éloignés des grands centres, voisins de quelque abbaye ou de quelque prieuré, étaient si fort répandus sur le sol français au moyen âge. Entrons dans la maladrerie dite du Tortoir, non loin de la route qui mène de Laon à la Fère (Aisne). Nous allons retrouver là les curieuses dispositions intérieures de l'hôpital de Tonnerre. La maladrerie du Tortoir date, croyons-nous, de la première moitié du XIVe siècle 66.
L'ensemble de l'établissement, compris dans un carré, contient encore trois bâtiments de l'époque de la construction (11). A, la salle des malades; B, une chapelle; C, un corps de logis à deux étages, pour les religieux probablement et pour la cuisine. Les autres bâtiments qui existent aujourd'hui dans l'enceinte sont d'une époque assez récente. Occupons-nous de cette salle A. Ses deux extrémités sont fermées par deux pignons avec cheminées. Sur le préau, à l'intérieur de l'enceinte, s'ouvre une large porte, avec guichet à côté; sur cette face, pas d'autres ouvertures que deux fenêtres relevées. Devant cette large porte était suspendu un appentis très-saillant (si l'on en juge par ses amorces et les entailles de la charpente), qui servait d'abri aux chariots amenant les malades. Pour l'usage ordinaire, on se contentait de passer par la petite porte. Sur les dehors, au contraire, cette salle de malades était percée de deux rangs de larges fenêtres disposées de telle façon que celles du bas éclairaient des cellules en bois, semblables à celles de l'hôpital de Tonnerre, et celles du haut s'ouvraient sur une galerie, à laquelle on montait par un escalier ménagé dans la travée I (voy. le plan) dépourvue de fenêtre. À Tonnerre, l'intervalle entre chaque cloison est de 2 toises (3m,95); même espace entre les axes des contre-forts de la salle du Tortoir (voy., fig. 12, un angle de la face de la salle du côté extérieur).
En supposant les cloisons des cellules de la même profondeur que celles de l'hôpital de Tonnerre, et plaçant sept cloisons dans l'axe de chaque contre-fort, la salle ayant dix mètres de large, il restait six mètres pour la circulation du côté de l'entrée, en dehors des cellules (voy. le plan), et on pouvait placer sept lits dans celles-ci, l'escalier de la galerie prenant la place d'une cellule. Or ce nombre de sept lits est très-fréquemment admis dans ces petits établissements de charité. Si nous nous rappelons que les maladreries étaient spécialement réservées aux malheureux affectés de maladies contagieuses, et que des précautions minutieuses étaient prises non-seulement pour les séparer des populations, mais aussi pour les isoler entre eux, nous comprendrons ici cette disposition des cellules avec fenêtres, qui permettaient à ces pauvres gens de voir la campagne et de se réchauffer aux premiers rayons du soleil, car ces fenêtres donnent au levant. Elles étaient d'ailleurs munies de volets à l'intérieur, de manière à éviter la trop grande chaleur. Un chemin de ronde avec mâchicoulis réunissait les bâtiments et était mis en communication, par des portes percées dans les pignons, avec la galerie intérieure. Un fossé entourait l'enceinte, ainsi qu'on peut le reconnaître en examinant les soubassements extérieurs de la grande salle. On n'arrivait au sommet des quatre tourelles que par la galerie et des échelles posées dans ces tourelles servant d'échauguettes.
Le moyen âge montrait donc dans la composition de ces établissements de bienfaisance l'esprit ingénieux qu'on lui accorde dans la construction des monuments religieux. C'est un singulier préjugé, en effet, de vouloir que ces architectes eussent été si subtils lorsqu'il s'agissait d'élever des églises, et en même temps si grossiers lorsqu'il fallait élever des édifices civils. Ce n'est pas leur faute si l'on a détruit, depuis le XVIe siècle, la plupart de ces établissements de bienfaisance divisés à l'infini, mais généralement bien disposés d'ailleurs, pour les remplacer par des hôpitaux dans lesquels, au contraire, on a cherché, peut-être à tort, à concentrer le plus grand nombre de malades possible. Louis XIV, le grand niveleur de toute chose et de tout état en France, a gratifié les hôpitaux élevés sous son règne des biens de ces nombreuses maladreries et léproseries qui n'avaient plus guère de raison d'exister, puisque, de son temps, il n'y avait pas de lépreux à soigner; mais ce n'est pas à dire que les hôpitaux du XVIIe siècle soient des modèles à suivre comme disposition, au point de vue de la salubrité, de l'hygiène, et du respect que l'on doit avoir pour les malades pauvres. Dans le peu d'hôpitaux du moyen âge qui nous sont restés, nous trouvons un esprit de charité bien entendu et délicat. Ces bâtiments sont d'un aspect monumental sans être riches; les malades ont de l'espace, de l'air et de la lumière; ils sont souvent séparés les uns des autres, comme on peut le constater dans les exemples précédents; leur individualité est respectée, et certes s'il est une chose qui répugne aux malheureux qui trouvent un refuge dans ces établissements, malgré les soins si éclairés qu'on leur donne abondamment aujourd'hui, c'est la communauté dans de vastes salles. Souvent alors la souffrance de chaque malade s'accroît par la vue de la souffrance du voisin. Sans prétendre que le système cellulaire, appliqué fréquemment dans les hôpitaux du moyen âge, fût préférable matériellement au système adopté de notre temps, il est certain qu'au point de vue moral il présentait un avantage. Nous tenons à constater qu'il émanait d'un sentiment de charité très-noble chez les nombreux fondateurs et constructeurs de nos maisons-Dieu du moyen âge.
Avant de terminer cet article, nous tenterons encore de détruire une erreur fort répandue, touchant l'établissement des léproseries. On a prétendu que la lèpre avait été rapportée d'Orient en Occident au moment des croisades; mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, il y avait, du temps de Mathieu Pâris, 19,000 ladreries en Europe, la plupart bâties dans des contrées qui n'avaient eu aucun rapport avec l'Orient. De plus, des 300,000 hommes conduits en Orient par le frère de Philippe 1er, 5,000 à peine parvinrent en Palestine, et très-peu revinrent en Europe. De l'armée de l'empereur Conrad III, il ne resta qu'un bien petit nombre de croisés en état de revoir leur patrie. Louis le Jeune et Richard Coeur-de-Lion revinrent presque seuls de Palestine. Comment donc ces armées, qui furent englouties en Orient, auraient-elles pu rapporter et répandre la lèpre en Occident, de manière qu'on fût obligé de fonder 19,000 maisons pour soigner les lépreux? Sans entrer dans une discussion qui ne serait pas à sa place ici, à propos de l'invasion de cette maladie en Europe et particulièrement en France, on peut toutefois reconnaître comme certain qu'elle existait. bien avant les croisades 67.
Voici la liste des principaux hôpitaux fondés à Paris du VIIe au XVIe siècle:
Hôtel-Dieu, fondé, dit la tradition. par saint Landry (VIIe siècle).
Hôpital des Haudriettes, fondé sous Clovis, et où l'on prétend que mourut sainte Geneviève. Au XIIIe siècle, la famille Haudry reconstruisit cet établissement.
Hôpital de Saint-Gervais, fondé par Gatien Masson, prêtre, en 1171, la chapelle de cet hôpital ne fut dédiée qu'en 1411.
Hôpital de Sainte-Catherine, appelé primitivement de Sainte-Opportune (1180 environ), La chapelle fut construite en 1222, puis réparée en 1479.
Hôpital de la Sainte-Trinité, rue Saint-Denis, fondé par les deux frères Escuacol en 1202. Cet hôpital possédait une fort belle salle pour coucher les pauvres. En 1210, on y ajouta une chapelle. Les enfants des pauvres étaient recueillis et élevés dans l'établissement. Cet hôpital fut successivement augmenté jusqu'en 1598.
Hôpital des Quinze-Vingts, fondé par saint Louis en 1254.
Hôpital de Saint-Marcel (anciennement de l'Oursine), fondé par Marguerite de Provence après la mort de saint Louis.
Hôpital des Jacobins, fondé en 1263. En 1366, Jeanne de Bourbon, femme de Charles V, l'augmenta.
Hôpital de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, fondé par Philippe IV en 1286.
Hôpital tenant au prieuré de la Charité (Notre-Dame-des-Billettes), fondé par le bourgeois de Paris Roger Flamming, en 1299.
Hôpital Saint-Jacques-aux-Pèlerins, rue Saint-Denis, fondé en 1315 par Louis X. La chapelle fut terminée en 1323.
Hôpital Saint-Julien-aux-Ménétriers, fondé par deux ménétriers en 1330. En 1334, les fondateurs augmentèrent cet hôpital par l'acquisition de plusieurs maisons voisines.
Hôpital du Saint-Sépulcre, fondé par Philippe de Valois en 1333.
Hôpital du Saint-Esprit, fondé en 1361 pour les enfants.
Hôpital conventuel ou commanderie du Petit-Saint-Antoine, fondé en 1368, sous Charles V.
Il existait encore, en dehors de ces établissements, dans un grand nombre de communautés et dans les paroisses, des maisons ou salles pour les malades, les pauvres et les pèlerins.
HÔTELLERIE. Il existait, à l'époque gallo-romaine, sur les grands chemins, des hôtelleries à distances assez rapprochées pour que le voyageur pût trouver un gîte à la fin de chaque journée. Ces auberges, mansions, étaient de grandes hôtelleries dans lesquelles on trouvait des chevaux de poste, un gîte, à boire et à manger. Elles servaient d'étapes pour les soldats et étaient placées sous la surveillance d'inspecteurs, frumentarii et curiosi, qui veillaient à leur bonne tenue et qui étaient chargés d'espionner les voyageurs. Les hôtelleries devenaient ainsi des lieux utiles à la police secrète des préfets du prétoire, et cependant, pour avoir droit de gîte dans les mansions, il fallait se munir d'une sorte de carte de circulation, diploma tractatorium. D'ailleurs, les mansions servaient de gîte non-seulement aux simples particuliers et aux soldats, mais aux magistrats et préteurs en tournée, et à l'empereur lui-même lorsqu'il voyageait. C'est dans une mansion du pays des Sabins que Titus fut pris de la fièvre dont il mourut peu de jours après. S'il fallait montrer sa carte de circulation pour coucher dans une mansion, à plus forte raison ne pouvait-on se procurer des chevaux de relais qu'avec des lettres de poste.
Après l'invasion des barbares, cette institution des hôtelleries impériales fut, bien entendu, entièrement ruinée. Les races germaines pratiquaient largement l'hospitalité. Un Franc, un Bourguignon, ne croyaient pas pouvoir refuser l'entrée de sa maison à un étranger; aussi, dans les voyages, pendant les premiers siècles du moyen âge, avait-on pour habitude, à chaque couchée, de demander le gîte et la nourriture dans les habitations que l'on rencontrait sur son chemin. Si le propriétaire auquel on s'adressait était trop pauvre ou trop à l'étroit pour pouvoir vous satisfaire, il vous accompagnait chez un voisin mieux partagé, et tous ensemble prenaient leur repas. «Aucune autre nation, dit Tacite en parlant des Germains 68, n'accueille ses convives et ses hôtes avec plus de générosité; fermer sa maison a une personne, quelle qu'elle fût, serait un crime 69. Selon sa fortune, chacun reçoit l'hôte, offre un repas; et lorsque les provisions sont épuisées, celui qui, tout à l'heure, recevait, indique un autre asile et y conduit: ils entrent chez ce nouvel hôte sans invitation, et sont accueillis avec une égale bonté: connus, inconnus, sont, quant aux droits d'hospitalité, traités avec les mêmes égards.» En faisant la part de l'exagération dans le tableau tracé par Tacite, il est certain toutefois que les conquérants barbares des Gaules regardaient l'hospitalité comme un devoir dont on ne pouvait s'affranchir.
Cependant, du temps de Grégoire de Tours, il existait des auberges, puisqu'il en signale quelques-unes. Les établissements monastiques répandus sur le sol des Gaules dès le IXe siècle exerçaient l'hospitalité, et dans les abbayes ou prieurés des XIe et XIIe siècles il est toujours fait mention de la maison des hôtes, bâtie proche la porte d'entrée. Il n'en existait pas moins, au XIIe siècle, un nombre prodigieux d'hôtelleries sur les grands chemins et dans les faubourgs des villes, et ces hôtelleries, moins bien surveillées que ne l'étaient celles du temps de l'Empire, étaient le refuge des voleurs, des assassins, des femmes perdues, des joueurs et des débauchés. La légende de l'Enfant prodigue le représente toujours, à cette époque, dans une hôtellerie, au milieu de femmes qui l'enivrent et lui dérobent son argent. Courtois d'Arras est dépouillé dans une auberge où on lui présente tout ce qui peut séduire un jeune homme: car les hôtelleries alors étaient bien garnies, pourvues de bons lits mous de plumes, de bon vin à foison, souvent frelaté cependant, de volaille et de venaison; des filles étaient attachées à l'établissement et servaient d'appât pour attirer, retenir et dépouiller les voyageurs.
Au XIIIe siècle, les hôtelleries, tavernes, étaient le refuge de la lie des villes, et les ordonnances des rois restaient sans effet devant ces repaires de la canaille. Sous Philippe Auguste, en 1192, et pendant la régence de la reine Blanche de Castille, en 1229, des rixes terribles eurent lieu entre des écoliers de l'Université et des cabaretiers de Paris; le prévôt fut incarcéré à la suite de la première, et l'Université renvoya les clercs à la suite de la seconde, sous le prétexte qu'on ne leur rendait pas justice. Au XIVe siècle, ces désordres ne firent que s'accroître; la plupart des hôteliers étaient coupeurs de bourses, détrousseurs de passants; si bien qu'en 1315, pour ôter aux aubergistes l'envie d'assassiner les étrangers qui s'arrêtaient chez eux, il fut rendu une ordonnance dans laquelle il était dit que «l'hoste qui retient les effets d'un étranger mort chez lui doit rendre le triple de ce qu'il a retenu 70.» C'est dans une hôtellerie de la rue Saint-Antoine, à l'enseigne de l'Aigle, que Jeanne de Divion vint s'installer pour fabriquer les faux à l'aide desquels Robert d'Artois prétendait s'emparer de la succession de la comtesse de Mahaut. Ce lieu, dit M. Le Roux de Lincy, «était un petit séjour situé au bord de la rivière et plus loin que la Grève, partie de la ville alors presque déserte.» Les hôtelleries servaient aussi de repaire aux faux monnayeurs, ainsi que le témoigne ce passage du Renart contrefait 71:
«C'est hostel de gloutonnie
Plain de trestoute ribandie
Recept de larrons et houlliers
De bougres, de faux monnoiers.
Quant tous malvais voeullent trichier
Es tavernes se vont muchier
Hostel de bourdes et vantance
Plain de male perseverance.»
C'était aussi dans les hôtelleries que venaient discourir les fauteurs de troubles publics, que se cachaient les espions 72.
On comprendra que ces établissements n'étaient autre chose que des maisons, le plus souvent isolées, et n'ayant d'autre marque distinctive qu'une enseigne pendue à la porte.
HOURD, s. m. Hourt, hour, ourdeys, gourt. Échafaud fermé de planches; appliqué à l'architecture militaire, est un ouvrage en bois, dressé au sommet des courtines ou des tours, destiné à recevoir des défenseurs, surplombant le pied de la maçonnerie et donnant un flanquement plus étendu, une saillie très-favorable à la défense. Nous avons expliqué, dans l'article ARCHITECTURE MILITAIRE (voy. fig. 14, 15, 16 et 32), les moyens de construction et l'utilité des hourds; toutefois l'objet prend une si grande importance dans l'art de la défense des places du XIe au XIVe siècle, que nous devons entrer dans des développements.
Il y a tout lieu de croire que, dès l'époque romaine, les hourds étaient en usage, car il est question, dans les Commentaires de César, d'ouvrages en bois qui sont de véritables hourds. Nous en avons donné un exemple à l'article FOSSÉ, fig. 1. Dans l'ouvrage en bois qui couronnait les fossés du camp de César devant les Bellovaques, les galeries réunissant les tours sont des hourds continus protégeant un parapet inférieur 73. La nécessité pour les défenseurs de commander le pied des remparts, d'enfiler les fossés et de se mettre à l'abri des projectiles lancés par les assiégeants, dut faire adopter les hourds dès l'époque gallo-romaine. Les crénelages supérieurs ne pouvaient, en cas de siége, présenter une défense efficace, puisque en tirant, les archers ou arbalétriers étaient obligés de se découvrir. Si l'assiégeant se logeait au pied même des murs, il devenait de toute impossibilité aux assiégés non-seulement de lui décocher des traits, mais même de le voir, sans passer la moitié du corps en dehors des créneaux. À la fin du XIe siècle déjà et au commencement du XIIe, nous remarquons, au sommet des tours et remparts, des trous de hourds percés au niveau des chemins de ronde 74. Souvent alors ces trous sont doubles, de manière à permettre de poser, sous la solive en bascule, un lien destiné à soulager sa portée.
Voy. l'Archit. civ. et domest. de MM. Verdier et Cattois, t., II.
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Voy., pour de plus amples détails, les gravures des Archives des monum. hist., publiées par les ordres du ministre d'État; aussi l'ouvrage précédemment cité de MM. Verdier et Cattois, t. II, p. 104.
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L'abbaye d'Ourscamp appartient aujourd'hui à M. Peigné-Delacour, qui, heureusement, conserve avec un soin particulier ces restes remarquables.
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Notes hist. sur l'hôpital de Tonnerre. Auxerre, 1853.
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Les comptes de 1556, d'après l'excellent travail de M. C. Dormois cité plus haut, présentent des dépenses occasionnées par la réfection de l'une de ces galeries.
«Payé à Jehan Desmaisons, charpentier, la somme de 91 liv. 40 s. pour la fasson de la grande gallery dudit hospital, contenant 20 toises de long et 2 de large... À Nicolas..., maçon, pour avoir fait la massonnerie pour soutenir les poteaux d'icelle gallery... À Jehan et Pierre les Mathieux, couvreurs, la somme de 8 liv. 13 s. pour avoir couvert l'escalier de la d. gallery... À Jehan, marchand,... pour ferrer les portes de l'hospital et les chevrons de la grande gallery,...» etc.
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C'est à M. Lefort, architecte à Sens, que nous devons un relevé minutieux de cette grande salle de l'hôpital de Tonnerre. M. Lefort a eu l'obligeance de mettre tous ses dessins à notre disposition.
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Un plafond a été établi sous la voûte en bardeau et a détruit l'aspect grandiose de cette salle.
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Voy. l'Archit. civ. et domest. de MM. Verdier et Cattois, t. II, p. 107.
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Voy. à ce sujet les Recherches sur l'origine des ladreries, maladreries et léproseries, par L. A. Labourt. Paris, 1854.
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Germania, cap. XXI.
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La loi ripuaire faisait de l'hospitalité un devoir impérieux, et punissait d'une amende ceux qui y manquaient.--Les Capitulaires de Charlemagne commandent l'hospitalité sous les mêmes peines.
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Laurière.
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Manuscrit de la Bib. imp., nº 6985, f. Lancelot, fº 32.
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Voy. les Hôtelleries et Cabarets au moyen âge, par Franc. Michel et Éd. Fournier: t. I. Le Livre d'or des métiers.
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De Bello Gallico, I. VIII, c. IX.
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Au château de Carcassonne, par exemple, où les trous de hourds sont partout conservés.
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