Kitabı oku: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P)», sayfa 6
En supposant que le jaune vaille 1, le rouge 2, le bleu 3: mêlant le jaune et le rouge, nous obtenons l'orangé, valeur 3; le jaune et le bleu, le vert, valeur 4; le rouge et le bleu, le pourpre, valeur 5. Si nous mettons des couleurs sur une surface, pour que l'effet harmonieux ne soit pas dépassé, posant seulement du jaune et du rouge, il faudra que la surface occupée par le jaune soit le double au moins de la surface occupée par le rouge. Mais si nous ajoutons du bleu à l'instant, l'harmonie devient plus compliquée; la présence seule du bleu nécessite, ou une augmentation relative considérable des surfaces jaune et rouge, ou l'appoint des tons verts et pourpres, lesquels, comme le vert, ne devront pas être au-dessous du quart et le pourpre du cinquième de la surface totale. Ce sont là des règles élémentaires de l'harmonie de la peinture décorative des artistes du moyen âge. Aussi ont-ils rarement admis toutes les couleurs et les tons qui dérivent de leur mélange, à cause des difficultés innombrables qui résultent de leur juxtaposition et de l'importance relative que doit prendre chacun de ces tons, comme surface. Dans le cas de l'adoption des trois couleurs et de leurs dérivés, l'or devient un appoint indispensable, c'est lui qui est chargé de compléter ou même de rétablir l'harmonie. Revenant aux principes les plus simples, on peut obtenir une harmonie parfaite avec le jaune et le rouge (ocre rouge), surtout à l'aide de l'appoint blanc; il est impossible d'obtenir une harmonie avec le jaune, et le bleu, ni même avec le rouge et le bleu, sans l'appoint de tons intermédiaires. Voudriez-vous décorer une salle toute blanche comme fond, avec des ornements rouges et bleus ou jaunes et bleus, même clairsemés, que l'harmonie serait impossible. Le rouge (ocre rouge) et le jaune (ocre jaune) étant les deux seules couleurs qui puissent, sans l'appoint d'autres tons, se trouver ensemble.

L'observation d'autres principes aussi élémentaires n'était pas moins familière à ces artistes. Ils avaient reconnu, par exemple, qu'une même forme d'ornement blanc ou d'un ton clair sur un fond noir, ou noir sur un fond clair, changeait de dimension. Pour nous faire bien comprendre, soient (fig. 6), en A, des billettes brun rouge sur fond blanc, ou B, blanches sur fond brun rouge: les billettes brunes paraîtront, plus on s'éloignera de la surface peinte, plus petites que les billettes blanches, et la surface occupée par le fond blanc paraîtra plus étendue que celle occupée par le fond brun. Soient deux pilastres de même largeur et de même hauteur: si l'un des deux, celui C, est décoré de lignes verticales, il paraîtra, à distance, plus long et plus étroit que celui D orné de bandes horizontales. Et pour en revenir aux observations précédentes sur la valeur harmonique des couleurs, le rouge étant supposé 2 et le bleu 3, le rouge devant alors occuper une surface plus grande que le bleu pour obtenir une harmonie entre ces deux couleurs, si (fig. 6) les billettes A sont bleues sur un fond rouge, il sera possible d'avoir une surface harmonique; mais si au contraire c'est le fond qui est bleu et les billettes qui sont rouges, l'oeil sera tellement offensé, qu'il ne pourra s'attacher un instant sur cette surface: l'assemblage des deux couleurs, dans cette dernière condition, fera vaciller les contours au point de causer le vertige. Chacun peut faire cette expérience en employant du vermillon pur pour le rouge et un bleu d'outre-mer pour le bleu. Non-seulement les couleurs ont une valeur absolue, mais aussi une valeur relative quant à la place qu'elles occupent et à l'étendue qu'elles couvrent; de plus elles modifient, en raison de la forme de l'ornement qu'elles colorent, l'étendue réelle des surfaces. Dans la tonalité la plus simple, celle où le jaune (ocre) et le rouge (ocre) sont employés, il est clair que l'une des deux couleurs, l'ocre rouge, a plus d'intensité que le jaune; mais si à ces deux couleurs nous ajoutons le bleu, il faut que la valeur du rouge et du bleu soit différente, que le rouge le cède au bleu, ou ce qui est plus naturel, que le bleu le cède au rouge. Alors c'est le brun rouge qu'il faut admettre et le bleu clair; si nous ajoutons (presque forcément d'ailleurs) des tons dérivés à ces trois couleurs, comme le vert et le pourpre, il faudra également établir ces tons et ces couleurs suivant une valeur différente, c'est-à-dire n'avoir jamais deux tons de valeur égale. Il ne s'agit plus ici de surface occupée, mais d'intensité; or cette intensité est facultative. Si, quand nous n'employons que les trois couleurs, le rouge doit être brun rouge et prendre la plus grande intensité, employant avec ces trois couleurs les dérivés, le rouge doit redevenir franc, c'est-à-dire vermillon, parce que le brun rouge ne pourrait s'harmonier ni avec le vert ni avec le pourpre; l'adjonction des tons dérivés exige que les couleurs soient pures si on les emploie. Toutefois il est bon que la première valeur soit laissée à une couleur plutôt qu'à un ton; cette première valeur ne pouvant être donnée au jaune, ce sera le ton rouge (vermillon) ou le bleu qui la prendra (habituellement le bleu). Supposons que ce soit le bleu intense qui soit la première valeur: les peintres du moyen âge se sont gardés de donner la seconde valeur à une autre couleur, c'est-à-dire au rouge; ils l'ont accordée à un ton, le plus souvent au vert, parfois au pourpre. Vient alors la troisième valeur, qui sera le rouge (vermillon); puis entre cette couleur et le jaune, un autre ton, habituellement le pourpre, parfois le vert. Après le jaune viennent les valeurs inférieures, les pourpres très-clairs (roses), les bleus clairs, les verts turquoise, les jaune-paille, blanc laiteux et gris. Car au-dessous de la dernière valeur couleur, qui est forcément le jaune ocre, il faut des tons, jamais la gamme des valeurs ne finissant par une couleur, comme rarement elle ne commence par un ton 78. Ces principes connus, il reste encore une quantité de règles d'un ordre secondaire que ces artistes du moyen âge ont scrupuleusement observées. Nous en citerons quelques-unes. Le bleu intense étant dur et froid, les peintres l'ont souvent un peu verdi, et l'ont relevé par des semis d'or; puis ils y ont presque toujours accolé un rouge vif (vermillon), puis après le rouge un vert clair ou même un blanc bleui ou verdi, des traits noirs séparant d'ailleurs chaque ton et chaque couleur. Le bleu en contact direct avec le jaune produit un effet louche, le rouge ou le pourpre a été interposé. Le bleu gris ardoise peut seul se coucher sur une surface jaune. Le vert est souvent mis en contact direct avec le bleu, et c'est une dissonance dont on a tiré parti avec une adresse rare, mais alors le vert incline au jaune ou au bleu, il n'est pas franchement vert; si le vert est en contact avec le jaune, cette dernière couleur est orangée et le vert est clair, ou le jaune est limpide et le vert est sombre. Les pourpres qui, comme surface, ont la valeur 5, et qui par conséquent doivent occuper le moindre champ dans la décoration peinte, ne s'approchent jamais du violet; ce ton faux étant absolument exclu, il incline vers l'orangé ou la garance. Nous avons souvent observé combien la nature est ingénieuse dans la combinaison harmonique des tons des plantes: ainsi sur dix géraniums ou dix roses trémières qui auront des fleurs de rouges et de pourpres différents, nous verrons dix tons verts différents pour les feuilles, tons verts combinés chacun pour le rouge ou le pourpre qu'ils entourent. Les peintres du moyen âge avaient-ils étudié les secrets de l'harmonie des tons sur la nature? Nous ne savons; mais comment se fait-il que ces secrets soient perdus, ou que les femmes seules les possèdent encore lorsqu'il s'agit de leurs toilettes? Que s'il faut peindre une salle, nos artistes semblent appliquer au hasard des couleurs, des tons, produisant dans l'ensemble une harmonie presque toujours fausse? est-ce défaut de principes, de traditions, de pratique? Il est certain que dans l'art difficile de la décoration peinte, l'instinct ne suffit pas, comme plusieurs le pensent, et que dans cette partie importante de l'architecture, le raisonnement et le calcul interviennent comme dans toutes les autres, à défaut d'une longue suite de traditions.
La peinture décorative la plus simple, celle qui demande le moins de combinaisons, est celle que l'on obtient avec l'ocre jaune, l'ocre rouge ou brun rouge, le noir, le blanc et le composé des deux, le gris. Cette peinture n'est, pour ainsi dire, qu'un dessin, une grisaille chaude de ton, cependant elle peut produire des effets très-variés déjà. L'ocre jaune et l'ocre rouge sont deux couleurs de la même famille, pour ainsi dire, qui s'harmonisent toujours sans difficultés. Que vous peigniez un ornement jaune sur brun rouge, ou brun rouge sur fond jaune, quelle que soit la forme ou la dimension de l'ornement, celui-ci ne fera jamais tache; mais si vous rehaussez l'ornement jaune ou brun rouge de filets noirs ou blancs, vous obtenez alors des effets d'une extrême finesse et riches de ton. Cette observation peut être faite dans les salles du donjon du château de Coucy. La décoration peinte de la salle du rez-de-chaussée ne consiste guère qu'en un appareil tracé en blanc avec filets brun rouge sur un fond d'ocre jaune.

Les formerets de la voûte se composent (voyez leur section en A, fig. 7) d'un retour d'équerre avec ornement courant de a en b et de b en c, puis d'un profil dont les membres sont alternativement peints en brun rouge et en ocre jaune. Nous donnons en B, B', B'', trois échantillons de ces ornements courants sur les deux faces en retour d'équerre. Celui B est brun rouge sur fond ocre, avec larges filets noirs sur les rives des feuilles, et trait blanc à une égale distance du bord, à cheval sur le filet noir. Celui B' est jaune foncé (ocre jaune mêlé d'ocre rouge) sur fond ocre jaune redessiné de filets brun rouge très-sombre et de traits blancs à l'intérieur; des pois blancs sont de plus marqués sur le fond jaune; celui B" est brun rouge redessiné d'un filet blanc sur fond jaune avec tiges G gris ardoise. L'effet de cette ornementation est des plus brillants. Il va sans dire que le même ornement se retrouve à chaque formeret sur les deux faces ab, bc, et se double. Quelques tons verts se voient sur les chapiteaux de cette salle et des tons vermillon sur les nervures des voûtes, mais il y a absence de bleu, le gris remplaçant parfois cette couleur. Le vert et le gris ardoise entrent sans difficultés dans cette harmonie simple, et il semble que les artistes du XIIe siècle et du commencement du XIIIe aient reculé devant l'emploi du bleu, qui, comme nous le disions tout à l'heure, exige immédiatement l'application de tons variés entre le bleu et le rouge, ou le bleu et le jaune. Il existe, dans l'édifice connu à Poitiers sous le nom de temple de Saint-Jean, des peintures du XIIe siècle qui présentent les combinaisons les plus riches de l'harmonie simple. L'une des faces de la salle principale présente avec des figures colorées en jaune, en brun rouge clair, en vert, en gris vert et gris ardoise, des litres dont nous donnons (fig. 8) deux échantillons.

Celle A forme la frise supérieure sous la charpente, celle B tient lieu d'appui relevé sous les fenêtres. La litre A est composée d'un méandre obliqué, coloré en brun rouge, en ocre jaune et en vert sur fond blanc laiteux. Un filet blanc forme la rive antérieure du méandre. Chaque ton du méandre est modelé au moyen de hachures parallèles d'un ton plus sombre, et d'autant plus larges qu'elles s'approchent du bord postérieur de chaque face oblique. Les tons sont marqués ainsi: le brun rouge par la lettre R, le jaune J, le vert V, le gris ardoise BG. Les oiseaux sont brun rouge et jaune. Les points blancs sont piqués régulièrement sur les bandes horizontales supérieure et inférieure. À cette époque, au XIIe siècle, les points blancs (perlés) sont très-fréquemment employés sur les tons brun rouge et jaune, souvent à cheval entre les deux: c'était un moyen de donner une apparence précieuse à la peinture et d'enlever aux tons absolus leur crudité. Il est bon d'observer que les bruns rouges de ces peintures sont d'un éclat remarquable, transparents et vifs, sans avoir la dureté du rouge (vermillon). La seconde litre que nous donnons en B est sur fond gris ardoise clair; les palmes sont jaunes, les fleurons brun rouge clair avec milieu brun rouge foncé; ces ornements jaune et rouge sont bordés d'un filet blanc. L'harmonie des tons de cette litre est d'une extrême finesse et en même temps très-solide. On peignait à cette époque, c'est-à-dire pendant le XIIe siècle et le commencement du XIIIe, la plupart des édifices non-seulement à l'intérieur, mais à l'extérieur, et le système harmonique de ces peintures repose toujours, sauf de bien rares exceptions, sur cette donnée simple. Cependant on fabriquait alors une quantité de vitraux qui acquéraient d'autant plus de richesse comme couleur que les fenêtres devenaient plus grandes (voy. VITRAIL). Si avec des fenêtres d'une petite dimension, garnies de vitraux blancs ou très-clairs, sous une lumière diffuse et peu étendue, il était naturel et nécessaire même de donner à la peinture décorative un aspect brillant et doux à la fois, lorsque l'on prit l'habitude de placer des verrières très-colorées devant les baies destinées à éclairer les intérieurs, cette peinture claire, d'un ton transparent, était complétement éteinte par l'intensité des tons des nouveaux vitraux. Le bleu, le rouge, entrant pour une forte part dans la coloration translucide des vitraux, donnaient aux tons ocreux un aspect louche, les verts devenaient gris et ternes, les blancs disparaissaient ou s'irisaient. Avec les vitraux colorés il fallait nécessairement des tons brillants sur les murs et encore, ces tons, pour prendre leur valeur, devaient être accompagnés et cernés de noirs comme les verres colorés eux-mêmes. Aussi voyons-nous que pendant le XIIIe siècle, l'harmonie de la peinture décorative des intérieurs se modifie. Si par des raisons d'économie on conserve encore de grandes surfaces claires, occupées seulement par des filets; les litres, les nervures des voûtes, leurs tympans, se colorent vivement, et cette coloration est d'autant plus brillante qu'elle s'éloigne de l'oeil. Nous avons un exemple remarquable de cette transition du système harmonique de la peinture décorative dans l'ancienne église des Jacobins d'Agen, bâtie vers le milieu du XIIIe siècle. Cette église, conformément à l'usage établi par l'ordre de Saint-Dominique, se compose de deux nefs séparées par une épine de piliers. Peinte avec simplicité, on voit cependant que l'artiste a voulu soutenir l'effet éclatant des verrières qui autrefois garnissaient les fenêtres.

Chacune des travées de cette salle (fig. 9) se compose d'une tapisserie bornée par les piliers engagés et par le formeret de la voûte. Une fenêtre, relativement étroite, s'ouvre au milieu de la tapisserie. En A est couché un ton uni sombre, avec filets; au-dessus est tracé un appareil brun rouge sur fond blanc, de B en C.

Une litre est peinte en D; le tympan au-dessus de cette litre est occupé par un fond blanc avec deux écussons armoyés. Cette peinture est donc d'une extrême simplicité; les voûtes sont plus riches: non-seulement les nervures sont colorées ainsi que les clefs, mais sous les intrados des triangles de remplissages, de la clef centrale à celle des formerets, de larges bandes A (fig. 10) sont couvertes d'ornements peints d'un beau dessin. Quant aux triangles B, ils ne sont occupés que par un appareil tracé en brun rouge sur fond blanc. Or il est nécessaire d'observer que la couleur bleue n'apparaît que dans les ornements des voûtes et sur les écus armoyés. Toutes les tapisseries ne reçoivent d'autres tons que le jaune ocre, le brun rouge, le noir et le blanc laiteux.

Ainsi, figure 11, les litres indiquées en D dans la travée, figure 9, sont colorées au moyen de deux tons, ocre jaune et brun rouge avec parties blanches et fonds noirs. Les tiges de l'enroulement sont alternativement jaunes et rouges, ainsi que les feuilles et les grappes. Les feuilles jaunes sont cernées de rouge et de noir sur fond blanc, les feuilles rouges sont couchées à plat. Deux larges filets, jaunes en dedans, rouges en dehors, arrêtent le fond noir. Ces litres varient comme dessin à chaque travée, tout en conservant la même harmonie. Les nervures des voûtes, dont la section est donnée en S (fig. 12), sont couvertes chacune d'ornements variés dont nous donnons en G et en H deux échantillons. Ces ornements ne tiennent compte qu'à demi du profil, c'est-à-dire que, pour le dessin G, le milieu a de la nervure étant en a', l'arête b tombe en b', et l'arête c en c'.

Pour la nervure C les rosettes sont pourpres, bordées d'un filet blanc intérieur et d'un filet noir extérieur; l'oeil est jaune, bordé de noir; le fond est bleu intense (indigo). Pour la nervure H, les amandes sont jaunes bordées d'un filet blanc à l'intérieur, noir à l'extérieur; les rosettes sont blanches, avec oeil jaune bordé d'un filet noir; les fonds sont alternativement bleu intense et rouge; le vert apparaît dans d'autres nervures. Quant aux bandes des clefs de triangles, nous en donnons un échantillon dans la figure 13.

Toutes ces bandes sont variées, mais toutes détachent le dessin sur fond noir; les méandres sont brun rouge, bleu clair et blanc avec filet blanc sur la rive antérieure. Les palmettes sont blanches avec quelques parties bleu très-clair, modelées au moyen de hachures brun rouge. Le système harmonique de coloration de cette salle,--car cette église n'est à proprement parler qu'une salle à deux nefs,--est celui-ci: pour les parties verticales, les murs, les tapisseries, harmonie la plus simple, celle qui est donnée par les tons jaune et rouge sur fond blanc avec rehauts noirs; mais pour les voûtes, plus éloignées de l'oeil et que l'on ne voit qu'à travers l'atmosphère colorée par la lumière passant à travers des verrières brillantes de ton, harmonie dans laquelle le bleu clair et le bleu intense interviennent, et par suite le pourpre et le vert, le tout rehaussé par des fonds et filets noirs: fonds noirs pour les bandes des triangles des voûtes, filets noirs seulement pour redessiner les ornements des nervures. En effet, le redessiné noir devient nécessaire dès que l'on passe à une harmonie composée des trois couleurs, jaune, rouge et bleu avec leurs dérivés; car s'il y a une si grande différence de valeur entre le jaune et le rouge brun, qu'il n'est pas nécessaire de séparer le hrun rouge du jaune ocre par un trait noir, il n'en est pas ainsi quand on juxtapose deux couleurs dont les valeurs sont peu différentes, comme le pourpre et le bleu, le bleu et le rouge, le bleu clair et le jaune, le vert et le pourpre, etc.; le filet noir devient alors absolument nécessaire pour éviter la bavure d'un ton sur l'autre, et par suite la décomposition de l'un des deux. Ainsi, si vous couchez un ton bleu immédiatement à côté d'un ton pourpre, vous rendrez le pourpre gris et louche si le bleu est intense, où le bleu clair azuré, lilas même, si le pourpre est vif. Plus on s'éloignera de l'objet peint, plus cette décomposition de l'un des deux tons, et quelquefois des deux, sera complète. Mais si, entre ce bleu et ce pourpre vous interposez, comme dans l'exemple G (fig. 12), un filet noir et un filet blanc même doublant le noir, vous isolez chacun des tons, vous leur rendez leur valeur; ils influent l'un sur l'autre sans se confondre et se nuire par conséquent; ils contribuent à une harmonie, précisément parce qu'ils gardent chacun leur qualité propre et qu'ils agissent (qu'on nous passe le mot) dans la plénitude de cette qualité. En musique, pour qu'il y ait accord, il faut que chacune des notes données, devant concourir à l'accord, soit juste; mais si une seule de ces notes est fausse, l'accord ne saurait exister. Eh bien! il en est de même dans la peinture décorative: pour qu'il y ait accord, il faut que chaque ton conserve, à part lui, toute sa pureté; pour qu'il la conserve, il ne faut pas que sa coloration ou sa valeur soit faussée par le mélange d'un ton voisin, mélange qui se fait surtout à distance, si l'on n'a pas pris le soin de circonscrire chaque ton par du noir, qui n'est pas un ton. Le blanc seul serait insuffisant à produire cet effet, parce que le blanc se colore et subit le rayonnement des tons voisins. Le noir est absolu, il peut seul circonscrire chaque ton. Il faut donc établir entre les tons d'une peinture décorative cette échelle harmonique de valeurs dont nous avons parlé plus haut, mais, il faut aussi tenir compte du rayonnement plus ou moins prononcé de ces tons; rayonnement qui augmente en raison de la distance à laquelle l'oeil est placé. Ainsi, par exemple, le bleu rayonne plus qu'aucune autre couleur. Une touche bleue sur un fond jaune, près de l'oeil n'altère presque pas le jaune; à, distance, cette même touche bleue rendra le jaune vert sale et le bleu paraîtra gris. Si la touche bleue est cernée d'un trait noir, le jaune sera moins altéré; si entre la touche bleue et le jaune vous interposez un trait noir et un trait brun rouge, le fond jaune conservera sa valeur réelle, le brun rouge circonscrira entièrement le bleu, qui demeurera pur.
Les peintres décorateurs du moyen âge ont poussé aussi loin que possible cette connaissance de la valeur des tons, de leur influence et de leur harmonie; et si les essais qu'on a tentés de nos jours n'ont guère réussi, ce n'est point à ces peintres qu'il faut s'en prendre, mais à notre ignorance à peu près complète en ces matières. Le système harmonique simple pour les parties verticales plus près de l'oeil, composé déjà pour les voûtes, employé dans la décoration de l'église des Jacobins d'Agen, établit une transition des plus intéressantes à observer. Les décorateurs de cette salle ont été avares de bleu, et cependant, ne l'employant qu'en très-petites surfaces, ils ont immédiatement admis le pourpre, le vert et les filets noirs. Ils n'ont admis que deux tons bleus, le bleu intense (valeur indigo, mais moins azuré), et le bleu limpide (cobalt mélangé de blanc); quant au pourpre, il est brillant, comme celui qu'on pourrait obtenir avec un glacis de laque garance avec une pointe de bleu minéral sur une assiette de mine-orange posée claire. Les touches vertes, très-rares d'ailleurs, sont vives et tendent au jaune. Les bruns rouges sont éclatants, ils ont la valeur du vermillon avec plus de transparence. Les jaunes sont du plus bel ocre mélangé parfois d'une pointe de cinabre. D'or il n'en est pas une parcelle; c'est que l'or est commandé par la présence du bleu en grande surface. Nous l'avons dit tout à l'heure, le bleu est une couleur qui rayonne plus qu'aucune autre, c'est-à-dire que sa présence altère jusqu'à un certain point tous les autres tons; avec le bleu le rouge chatoie, le jaune verdit, les tons intermédiaires grisonnent ou sont criards. L'or seul, par ses reflets métalliques, peut rétablir l'harmonie entre les tons, quand le bleu apparaît en grande surface. L'or a cette qualité singulière, bien qu'il donne une gamme de tons jaunes, de ne pas être verdi par le bleu et de ne pas altérer son éclat. Il prend, dans ses ombres, des tons chauds qui tiennent lieu du brun rouge que nous interposions ci-dessus entre le jaune ocre et le bleu; dans les demi-teintes, il acquiert des reflets verdâtres qui ont une valeur puissante et qui azurent le bleu. Dans les clairs, il scintille et prend un éclat qui ne peut être altéré par aucun ton, si brillant qu'il soit. L'or devient ainsi comme un thème dominant des accords, thème assez puissant pour maintenir l'harmonie entre des tons si heurtés qu'ils soient. Il empêche le rayonnement du bleu, et l'azure tellement, qu'il faut le verdir pour qu'il ne paraisse pas violet; il éclaircit le rouge (vermillon) par la chaleur extraordinaire de ses ombres; il donne aux verts un éclat qu'ils ne pourraient avoir à côté de surfaces bleues; il réchauffe le pourpre par ses demi-teintes verdâtres. Ce n'est donc pas un désir assez vulgaire de donner de la richesse à une décoration peinte qui a fait employer l'or en si grande quantité pendant le XIIIe siècle, c'est un besoin d'harmonie imposé par l'adoption du bleu en grande surface, et l'adoption du bleu en grande surface est commandée par les vitraux colorés. Cette question mérite d'être examinée. Au XIIe siècle, ainsi que nous l'avons vu, on avait adopté une harmonie décorative simple et claire, composée de blanc, de tons jaunes, brun rouge, verdâtres, gris, gris ardoise, gris noir. Lorsque l'on en vint à poser des verrières très-vivement colorées, et que la lumière, éclairant les intérieurs, fut décomposée par l'interposition de ces vitraux, on s'aperçut bientôt que ces tons clairs s'alourdissaient et prenaient un aspect louche: on multiplia les traits noirs pour rendre de l'éclat à ces peintures; mais le noir lui-même, sous le rayonnement des verrières colorées, grisonnait. On mit des touches bleues, mais il était difficile de les harmoniser avec les jaunes ocres, et en petite surface ces bleus faisaient taches. Alors on prit un parti franc, on osa coucher des voûtes entièrement en bleu, non pas en bleu pâle comme dans certaines décorations de l'époque romane, mais en bleu pur, vif, éclatant. Il ne fallut qu'un essai de ce genre pour faire voir que cette hardiesse devait faire modifier tout le système harmonique de la peinture décorative. D'abord, les voûtes bleues éclairées par la lumière décomposée des vitraux prirent un aspect tellement azuré, qu'elles paraissaient presque violettes, d'un ton lourd que rien ne pouvait soutenir. Sur ces voûtes bleues on essaya, comme correctif et pour rendre au bleu sa valeur réelle, de poser des touches rouges, mais le chatoiement du rouge sur le bleu ne faisait qu'azurer davantage cette couleur. On essaya des étoiles blanches, mais les étoiles blanches paraissaient grises; puis enfin on appliqua des étoiles d'or. Immédiatement le bleu prit sa valeur, et au lieu de paraître écraser le vaisseau, il s'éleva et acquit de la transparence. Soit que ces touches d'or prissent la lumière, soit qu'elles restassent dans l'ombre, dans le premier cas, leur éclat jaune, brillant, métallique, adoucissait le ton bleu, dans le second, leur valeur d'un jaune brun très-chaud le bleuissait. Alors on put modifier ce ton bleu sans inconvénient, on le verdit un peu pour lui enlever tout aspect violet. Mais ce point de départ si intense, si brillant, si puissant, devait faire changer toute la gamme des tons admis jusqu'alors. Pour soutenir des voûtes bleues rehaussées de points d'or, aucune couleur n'était trop brillante ni trop intense, il fallut admettre le vermillon, et même le vermillon glacé de laque, les verts brillants, les pourpres transparents, et au milieu de tout cela jeter l'or comme élément harmonique, saillant, dominant le tout. On alla même jusqu'à plaquer des fonds d'émail ou de verre coloré et doré simulant un émail, des gaufrures dorées, des applications de verroteries. C'est ainsi que fut comprise la coloration de la sainte Chapelle du palais. Aucun genre de décoration n'est plus entraînant que la peinture. Si vous montez un ton, il faut monter tous les autres pour conserver l'accord; la première couche de couleur que vous posez sur une partie est une sorte d'engagement que vous vous imposez, qu'il faut rigoureusement tenir jusqu'au bout, sous peine de ne produire qu'un barbouillage repoussant. Depuis longtemps on se tire d'affaire avec de l'or; quand l'harmonie ne peut se soutenir, qu'elle n'a pas été calculée, on prodigue l'or. Mais l'or (qu'on nous permette l'expression) est un épice, ce n'est pas un mets; en jeter partout, toujours et à tout propos, peut-être n'est-ce qu'un aveu d'impuissance. Il est des peintures d'un aspect très-riche sans que l'or y entre pour la plus faible parcelle. L'or est l'appoint presque obligé du bleu; mais on peut produire un effet très-brillant sans bleu, et par conséquent sans or. Les peintures du donjon de Coucy, où il n'entre pas une parcelle de bleu ni d'or, sont vives, gaies, harmonieuses, chaudes et riches. Celles du réfectoire de la commanderie du Temple, à Metz 79, sont d'un éclat merveilleux, et l'or ni le bleu ne s'y trouvent. Cette peinture date de la première moitié du XIIIe siècle; elle décore une salle composée de deux nefs, avec une épine de colonnes portant un plafond en charpente (fig. 14, voy. le plan A). Sur les colonnes est posée une poutre maîtresse qui reçoit un solivage.

La poutre, les solives et les parois de la muraille sont entièrement revêtues de peintures. En B, nous indiquons la peinture des murailles dont le fond se modifie, comme dessin, à chaque travée. Toute l'ornementation ne comporte que le blanc pour les fonds, le jaune (ocre) et le rouge (ocre). Entre chaque solive a est un dessin représentant des animaux se détachant en brun rouge vif sur fond blanc. Au-dessous est une frise b dont l'ornement est blanc sur fond brun rouge clair, avec redessinés brun rouge foncé. Puis, au droit de chaque colonne, un dais c tracé de même en brun rouge, avec figure d. Entre chaque dais les fonds e se composent d'un semis brun rouge sur blanc. Le soubassement f consiste en de larges denticules brun rouge, avec intervalles jaune ocre g et feuillages brun rouge clair rehaussés de traits noirs. La poutre maîtresse, par-dessous, donne le dessin h composé d'un onde brun rouge sur le blane, avec larges bordures jaunes. Les solives i sont toutes variées: les unes figurent un vairé blanc sur fond gris, avec filets brun rouge; d'autres, des chevrons alternativement blancs, rouges et jaunes séparés par des traits noirs. Sur ces faces, la poutre maîtresse l présente des chevaliers chargeant peints et redessinés en rouge brun sur fond blanc, avec rosettes également rouges. Toute la décoration de cette salle ne consiste donc qu'en deux tons, le jaune ocre et le rouge ocre sur fond blanc, avec quelques rares touches grises. À l'aide de ces moyens si simples, l'artiste a cependant obtenu un effet très-brillant, très-vif et d'une harmonie parfaite. Mais ici le bleu ni l'or n'interviennent dans la peinture.
La sainte Chapelle du palais présente le plus curieux exemple de cette échelle chromatique. Malgré de nombreuses et larges traces des tons anciens, lors de la restauration des peintures, les difficultés ont été nombreuses; il est des tons qu'il a fallu refaire bien des fois, et faute d'une expérience consommée. En couchant un ton dont la trace était certaine, il a fallu souvent changer la valeur des tons supérieurs ou inférieurs.
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Ce réfectoire est aujourd'hui compris dans les ouvrages de la citadelle de Metz; il sert de magasin à fourrages.
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