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Kitabı oku: «Le roman bourgeois: Ouvrage comique», sayfa 18

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Le juste prix de toute sorte de vers

Pour un poëme epique en vers alexandrins. 2000 l.

Nota que cela s'entend de pension par chacun an, tant que durera la composition, pourveu que ce soit sans fraude.

Pour les personnages introduits dans ces poëmes, la taxe s'en fait au double de celle qui est faite pour pareilles places de prose.

Pour les odes heroïques de dix ou douze vers chacune strophe 100 s.

Pour les autres de sixains ou quatrains

Pour un sonnet simple trois l.

Pour un sonnet de bouts rimez, deux sous six deniers.

Pour un sonnet acrostiche. 24 s. p.

Pour un madrigal tendre et bien conditionné. 30 s.

Pour une elegie.

Pour une chanson.

Pour un rondeau.

Pour un triollet.

Il y a apparence qu'il y en avoit encore quantité d'autres; mais non seulement le chiffre a esté mangé, mais encore le texte de l'article, dont il ne reste plus qu'une assez grande liste de pour, que vous pouvez voir.

Vrayment, c'est dommage (dit Charroselles), je voudrois qu'il m'eust cousté beaucoup, et en avoir l'original sain et entier: je le donnerois à Cramoisy, imprimeur du roy pour les monnoyes, qui seroit bien aise de l'imprimer. Mais pour ne vous pas importuner davantage, je vous prie, monsieur le greffier, et vous, monsieur le prévost (que je devois nommer premièrement), de me prester ces manuscrits pour les lire en particulier; je vous en donneray mon recepissé, et je vous les rendray dans deux fois vingt-quatre heures.

Je m'en donneray bien de garde que je ne sois payé de mes vacations (reprit brusquement Belastre). Et moy de ma grosse (adjousta Volaterran). Et tous deux en mesme temps dirent que, s'il vouloit lever le procés verbal et payer les frais du scellé, qu'ils luy donneroient tout ce qu'il voudroit. Vous devez mesme remercier mademoiselle que voila (dit Belastre, en monstrant Collantine), de ce que je vous en ay tant fait voir; c'est une prévarication que j'ay faite en ma charge, et à laquelle les juges de ma sorte ne sont gueres sujets. Charroselles dit alors qu'il ne vouloit point payer si cher une si légere curiosité, et qu'il auroit patience que ces livres tussent imprimez. Si est-ce pourtant (dit Collantine à Belastre), puisque vous en avez tant fait, qu'il faut que vous me monstriez encore une piece dont vous avez parlé dans ce dernier livre que vous avez leu, en certain endroit où j'avois bien envie de vous interrompre, et où il est parlé du bourreau: car, comme c'est un officier de justice, et que je les respecte tous, je seray bien aise de sçavoir ce qu'on dit de luy. Fort volontiers (reprit Belastre): j'avois la mesme curiosité, et je n'aurois pas manqué de la satisfaire si-tost que j'aurois esté chez moy; mais puisqu'il est ainsi, nous la verrons tout à cette heure. Aussi-tost il commanda au greffier de chercher dans le corps du livre cette piece, dont il avoit veu le titre dans la table des chapitres. Le greffier obeït, la trouva, et la leut en cette sorte:

ÉPISTRE DEDICATOIRE

Du premier livre que je feray 137.

A tres haut et tres redouté seigneur Jean Guillaume, dit S. Aubin, maistre des hautes œuvres de la ville, prevosté et vicomté de Paris.

Guillaume,

Voicy asseurément la première fois qu'on vous dedie des livres; et un present de cette nature est si rare pour vous que sans doute sa nouveauté vous suprendra. Vous croirez peut-estre que je brigue vos faveurs, comme tous les autheurs font d'ordinaire quand ils dedient. Cependant il n'en est rien; je ne vous ay point d'obligation et ne veux point vous en avoir. Voicy la premiere epistre dedicatoire qui a esté faite sans interest, et qui sera d'autant plus estimable que je n'y mettray point de sentimens deguisez ni corrompus. Il y a long-temps que je suis las de voir les autheurs encenser des personnes qui ne le meritent peut-estre pas tant que vous. Ils sont leurrez par l'espoir d'obtenir des pensions et des recompenses qui ne leur arrivent presque jamais; ils n'obtiennent pas mesme les graces qu'on ne leur peut refuser avec justice, et j'ay veu encore depuis peu un homme de merite acheter cherement une place pour servir un faux Mecenas, qui en avoit esté exclus par la brigue d'un goinfre et d'un hableur qui avoit gagné ses valets. Depuis que j'ay veu louer tant de faquins qui ont des équipages de grands seigneurs, et tant de grands seigneurs qui ont des ames de faquins, il m'a pris envie de vous louer aussi, et certes ce ne sera pas sans y estre aussi bien fondé que tous ces flatteurs. Combien y a-t-il de ces gens qu'on vante si hautement, qu'il faudroit mettre entre vos mains afin de leur apprendre à vivre? Ils ne font pas si bien leur mestier comme vous sçavez faire le vostre: car il n'y a personne qui execute plus ponctuellement les ordres de la justice, dont vous estes le principal arcboutant. Ce n'est pas pourtant que je veuille establir un paradoxe, ny faire comme Isocrate et les autres orateurs qui ont loué Busire, Helene et la fièvre quarte. Je trouve qu'on vous peut louer en conscience, quand il n'y auroit autre raison sinon que c'est vous qui monstrez à beaucoup de gens le chemin de salut, et à qui vous ouvrez la porte du ciel, suivant le proverbe qui dit que de ces pendus il n'y en a pas un perdu. Quant à la noblesse de votre employ, n'y a-t-il pas quelque part en Asie ou en Afrique un roy qui tient à gloire de pendre lui-mesme ses sujets, et qui est si persuadé que c'est un des plus beaux appennages de sa couronne, qu'il puniroit comme un attentat celuy qui luy voudroit ravir cet honneur? Lorsque les saints pères ont appelé Attila, Saladin et tant d'autres roys les bouchers de la justice divine, ne vous ont-ils pas donné d'illustres confrères? Vostre equipage mesme se sent de votre dignité; et quand vous estes dans la fonction de vostre magistrature vous ne marchez jamais sans gardes et sans un cortege fort nombreux. Il y a une infinité d'officiers qui ne travaillent que pour vous et qui ne taschent qu'à vous donner de l'employ. Que plust à Dieu qu'ils vous fussent fideles! Vous seriez trop riche si vous teniez dans vos filets tous ceux qui sont de vostre gibier. Cependant ils ont beau frauder vos droits, vos richesses sont encore assez considérables. Il n'y a point de revenus plus asseurez que les vostres, puisque leur fonds est asseuré sur la malice des hommes, qui croist de jour en jour et qui s'augmente à l'infini. Il faut pourtant que vous ne soyez pas sans moderation, puisque vous avez le moyen de faire votre fortune aussi grande que vous voudrez: car on dit quand un homme fait bien ses affaires qu'il a sur luy de la corde de pendu, et certes il n'y a personne qui en puisse avoir plus que vous. Aussi vostre merite a tellement esté reconnu, qu'on s'est détrompé depuis peu du scrupule qu'on avoit de vous frequenter. Au lieu de vous fuir comme un pestiferé, on a veu beaucoup de gens de naissance ne faire point de difficulté d'aller boire avec vous, parce que vous aviez de bon vin. De sorte qu'il ne faut pas qu'on s'étonne qu'insensiblement vous vous trouviez parmi les heros et les Mecenas. Comme on a poussé si loin l'hyperbole et la flatterie, j'ai souvent admiré qu'apres avoir placé au rang des demy-dieux tant de voleurs et de coquins, on ne vous ait pas mis de leur nombre: car je sçay que vous estes leur grand camarade, et je vous ay veu bien des fois leur donner de belles accolades. Il est vray que vous leur donniez incontinent apres un tour de vostre mestier; mais combien y a-t-il de courtisans qui vous imitent, et qui en mesme temps qu'ils baisent un homme et qu'ils l'embrassent, le trahissent et le précipitent? Si on vous reproche que vous dépouillez les gens, vous attendez du moins qu'ils soient morts; mais combien y a-t-il de juges, de chicaneurs et de maltotiers qui les sucent jusques aux os et qui les écorchent tout vifs? Enfin, tout conté et tout rabattu, je trouve que vous meritez une epistre dedicatoire aussi bien que beaucoup d'autres. Je craindrois pourtant qu'on ne crust pas que c'en fust une, si je ne vous demandois quelque chose. Je vous prie donc de ne pas refuser vostre amitié à plusieurs pauvres autheurs qui ont besoin de vostre secours charitable: car l'injustice du siècle est si grande que beaucoup d'illustres, abandonnez de leurs Mecenas, languissent de faim, et, ne pouvant supporter leur mépris et la pauvreté, ils sont reduits au desespoir. Or, comme ils n'ont pas un courage d'Iscariot pour se pendre eux-mesmes, si vous en vouliez prendre la peine, vous les soulageriez de beaucoup de chagrin et de miseres. J'aurois fini en cet endroit, si je ne m'estois souvenu qu'il falloit encore adjouter une chose qui accompagne d'ordinaire les eloges que donnent à la haste les faiseurs de dedicace: c'est la promesse d'ecrire amplement la vie ou l'histoire de leur heros. J'espere m'acquitter quelque jour de ce devoir, dans le dessein que j'ai de faire des commentaires sur l'Histoire des larrons: car ce sera un lieu propre pour faire de vous une ample commemoration, et pour celebrer vos prouesses et vos actions plus memorables. En attendant, croyez que je suis, autant que votre merite et vostre condition me peuvent permettre,

Guillaume,

Vostre, etc.

Volaterran n'eut pas si-tost achevé cette lecture, que, de crainte qu'on ne luy en demandast encore une autre, il se leva brusquement, remit à la haste ses papiers dans son sac, et, en disant: Vrayment, je ne gagne pas ici ma vie, il s'en alla sans faire aucun compliment pour dire adieu. Mais cet empressement avec lequel il reserra ces papiers fut cause que deux glisserent le long du sac, sans qu'il s'en aperçeust, dont l'un fut ramassé par Charroselles, et l'autre par Collantine. Celle-cy ouvrit vistement le sien, et trouva que c'étoit un escriteau en grand volume, et en gros caractere, comme ceux qu'on achete à S. Innocent pour les maisons à loüer, où il y avoit écrit:

CEANS ON VEND DE LA GLOIRE A JUSTE PRIX, ET SI ON EN VA PORTER EN VILLE.

La nouveauté de cet escriteau les surprit tous, car on n'en avoit point encore veu de tels affichez dans Paris, quand Belastre leur dit, prenant la parole: J'en ay esté surpris le premier, en ayant trouvé une assez grosse liasse lorsque j'ay fait cet inventaire. Ce qui m'a donné sujet d'interroger là dessus Georges Soulas, pour sçavoir ce que le deffunt en vouloit faire. Il m'a répondu que ce pauvre homme, pressé de la necessité, et ne trouvant plus si bon débit de sa marchandise, pretendoit mettre cet escriteau à sa porte, et qu'il ne doutoit point qu'il n'y eust beaucoup d'autres autheurs qui, à son imitation, ouvriroient des boutiques de gloire. Je crois (dit Collantine) qu'elles viendroient aussi-tost à la mode que celles des limonadiers138, qui sont si communes aujourd'huy, et dont le mestier il n'y a gueres estoit tout à fait inconnu.

Vrayment, monsieur le prevost (dit alors Charroselles), vous avez interest que ce nouveau mestier s'établisse en vostre justice; mais il le faudra aussi-tost unir et incorporer avec les vendeurs de tabac139, parce qu'ils ont cela de commun, qu'ils vendent tous deux de la fumée. Oüy dea (dit Belastre), je le pourray bien faire, mais je leur promets d'aller souvent en police chez eux, car on dit que c'est une marchandise fort sophistiquée. Collantine, prenant à son tour la parolle, et l'addressant à Charroselles: Vous ne me montrez point (dit-elle) le papier que vous avez ramassé; il y a long-temps que vous le considerez; n'est-ce point quelque obligation ou lettre de change? Je crois (dit Charroselles, apres l'avoir encore quelque temps examiné) que vous avez touché au but. C'est en effet une lettre de change de reputation, tirée par Mythophilacte sur un academicien humoriste de Florence; car il luy envoye un ouvrage d'un de ses amis, et il le prie, à piece veuë, de luy vouloir payer douze vers d'approbation pour valeur reçeuë, luy promettant de luy en tenir compte, et de le payer en mesme monnoye. Cette monnoye (reprit Collantine) ne se trouve point dans aucun edit ou tariffe qui ait esté publié, de sorte que, si on la portoit au marché, on mourroit bien de faim aupres. Il est vray (repliqua Charroselles) qu'elle est aujourd'huy fort decriée, avec toutes les especes legeres qu'on a ordonné de porter au billon, car il n'y a rien de plus leger que de la fumée. Il alloit là-dessus donner carriere à son esprit, et dire force méchantes pointes, estant fort grand ennemy des donneurs de loüanges; mais il en fut empesché par Belastre, qui, ayant esté adverty par son greffier qu'il y avoit quelques interrogatoires fort pressez qu'il devoit faire en sa justice, fut obligé de quitter la partie, et de s'en aller, non sans un grand regret d'avoir esté interrompu par Volaterran, en voulant plaider son procés devant Charroselles.

Il se consola par l'esperance qu'il eut d'en trouver une autrefois l'occasion, ce qui ne luy fut pas mal-aisé, car, en continuant ses visites, il y trouva plusieurs fois aussi Charroselles, qui pour ce jour-là ny resta gueres plus long-temps que luy. Mais je serois fort ennuyeux si je voulois décrire par le menu toutes les avantures de ces amours (c'est ainsi que je les appelle à regret, chacun les pourra nommer comme il luy plaira), car elles durerent assez long-temps, et continuerent tousjours de mesme force. Il y eut sans cesse querelles, differens et contestations, au lieu des fleurettes et des complimens qui se debitent en semblables entretiens. La seule complaisance qu'eut Charroselles pour Collantine, ce fut de luy laisser deduire tous les procés qu'elle voulut, à la charge d'entendre lire de ses ouvrages par apres en pareille quantité. Et certes, il luy rendit bien son change, ne luy ayant pas esté à son tour moins importun. Je m'abstiendray de reciter les uns et les autres, et je croy, Dieu me pardonne, que je serois plustost souffert en recitant au long ces procés, qu'en faisant lire ces ouvrages maudits, qui sont condamnez à une prison perpetuelle.

Jugez donc du reste de l'histoire de ces trois personnages par l'échantillon que j'en ay donné; et sans vous tenir d'avantage en suspens, voicy quelle en fut la conclusion:

A l'égard de Belastre, son procés le mina si bien avec le temps, ayant affaire à une partie qui sçavoit mieux son mestier que luy, que non seulement il se vid entierement ruiné (ce qui n'eut pas esté grand chose, car il l'estoit desja devant que d'arriver à Paris), mais mesme interdit et depossedé de sa charge, qui estoit le seul fondement de sa subsistance. Ses amys, qui prevoyoient bien cette cheute, voulurent, avant qu'elle feust arrivée, tenter les voyes d'accommodement avec Collantine, qui le pressoit le plus. Ils luy monstrerent si bien qu'il n'avoit plus que ce moyen de se maintenir, qu'ils le firent resoudre à luy faire faire des propositions de l'épouser, malgré le peu de bien qu'elle avoit. Mais l'esprit de Collantine estoit bâty de telle sorte, que cette esperance d'accommodement, qui la devoit porter à faire faire ce mariage, fut ce qui l'en empescha. Car, comme elle vint à considerer que, sitost qu'elle seroit mariée à Belastre, il luy falloit quitter les pretentions qu'elle avoit contre luy, elle ne s'y put jamais resoudre, ni abandonner lâchement ce procés, qui estoit son plus grand favory, à cause qu'il estoit le plus gros. Cette seule pensée de paix qu'avoit euë Belastre fut cause qu'il eut tout à fait son congé; depuis elle n'a point quitté prise, elle l'a poursuivy jusqu'à son entiere défaite.

A l'égard de Charroselles, il n'en alloit pas de mesme: ils n'avoient plus de procés ensemble qui fust pendant en justice, et qui pust estre assoupi par un mariage, de sorte qu'il n'avoit pas une pareille exclusion. Car tous les differens qu'ils avoient ensemble, c'estoient de ces contestations qui leur arrivoient tous les jours par leur opiniastreté et par leur mauvaise humeur; et tant s'en faut que le mariage les appaise, qu'au contraire il les multiplie merveilleusement. Je ne sçay pas ce qui le put porter à songer au mariage, luy qui avoit tant pesté contre ce sacrement, aussi bien que contre toutes les bonnes choses, et sur tout avec une personne qui n'avoit ny bien, ny esprit, ny aucune qualité sociable. Il faut qu'il l'ait voulu faire par dépit, et en hayne de luy-mesme, pour montrer qu'il faisoit toutes choses au rebours des autres hommes, ou plustost que ç'ait esté par un secret arrest de la providence, qui ait voulu unir des personnes si peu sociables, pour se servir de supplice l'une à l'autre.

Quoy qu'il en soit, le mariage fut proposé et conclud; mais, hélas! qu'il y eut auparavant de contestations! Jamais traité de paix entre princes ennemis n'a eu des articles plus debattus; jamais alliance de couronnes n'a esté plus scrupuleusement examinée. Collantine voulut excepter nommément de la communauté de biens, qu'on a coustume de stipuler dans un tel contract, qu'elle solliciteroit ses procés à part; qu'à cette fin son mary lui donneroit une generale authorisation, et qu'elle se reservoit ses executoires de dépens, dommages et interest liquidez et à liquider, et autres émolumens de procés, qu'elle pourroit faire valoir comme un pecule particulier. Il fut aussi consenty qu'elle feroit divorce et lict à part toutes fois et quantes; et la clause portoit que, sans cette condition expresse, le mariage n'eust point esté fait ni accomply. Mais ce qu'il y eut de plaisant, c'est que les autres personnes, quand elles font des contracts, taschent d'y mettre des termes clairs et intelligibles, et toutes les clauses qu'elles peuvent s'imaginer pour s'exempter de proces; mais Collantine, tout au contraire, taschoit de faire remplir le sien de termes obscurs et équivoques, mesme d'y mettre des clauses contradictoires, pour avoir l'occasion, et en suite le plaisir, de playder tout son saoul.

Encore qu'ils eussent signé enfin ce contract, ils n'estoient pas pour cela d'accord; leur contrarieté parut encore à l'eglise et devant le prestre: car ils estoient si accoustumez à se contredire que, quand l'un disoit ouy, l'autre disoit non, ce qui dura si long-temps qu'on estoit sur le point de les renvoyer, lors que, comme des joüeurs à la mourre, qui ne s'accordent que par hazard, ils dirent tous deux ouy en mesme temps, chacun dans la pensée que son compagnon diroit le contraire. Cet heureux moment fut ménagé par le Prêtre, qui à l'instant les conjoignit, et ça esté presque le seul où ils ayent paru d'accord.

Cette ceremonie faite, on fit celle des nopces, où il y eut quelques avantures qui tinrent de celle des Centaures et des Lapites, et le mauvais augure s'estendit si loin, que les violons mesmes n'y peurent jamais accorder leurs instrumens. Les nopces estoient à peine achevées, que Collantine et Charroselles eurent un proces, qu'on peut dire en vérité estre fondé sur la pointe d'une aiguille; car le lendemain, en s'habillant, elle avoit mis sur sa toilette une aiguille de teste qui estoit d'or avec un petit rubis fin, dont elle se servoit pour accommoder ses cheveux. Charroselles (en badinant) s'en voulut curer une dent creuse; mais comme il avoit la dent maligne, l'aiguille se rompit dés qu'elle y eut touché. Aussi-tost Collantine vomit contre luy plusieurs injures et reproches, entre lesquels elle n'oublia pas de luy reprocher le defaut dont sa dent estoit accusée. Charroselles, qui vouloit faire durer sa complaisance vingt-quatre heures du moins (c'estoit pour luy un grand effort), offrit de luy en apporter une autre plus belle, et il luy dit mesme qu'il luy en feroit donner une en present par quelque libraire, à qui il donneroit plustost à imprimer un de ses livres sans autre recompense. Vrayement, c'est mon (dit Collantine), vous me renvoyez là à de belles gens; vous n'en avez jamais sçeu rien tirer, et puis, quand vous m'en donneriez cent, je ne serois pas satisfaite: je veux celle-là, et non point une autre; j'en fais état à cause qu'elle vient de ma grand'mère, qui me l'a donnée à la charge de la garder pour l'amour d'elle. L'affection que j'ay pour ce bijou me fait souffrir des dommages et interests qui ne peuvent pas tomber en estimation. Et en mesme temps elle recommença à luy dire que c'estoit un mauvais ménager, qu'il la vouloit ruiner, qu'il lui avoit osté le plus pretieux joyau qu'elle avoit; toutes lesquelles parolles ne s'en estant pas allées sans repliques et dupliques, la querelle s'échauffa si fort, que cela aboutit à dire qu'elle se vouloit separer. Et aussi-tost elle luy fit donner un exploit en separation de corps et de biens, que quelques-uns asseurent qu'elle avoit fait dresser tout prest dés le jour de ses fiançailles. Si je voulois raconter, mesme succinctement, tous les proces et les broüilleries qui sont survenuës entre eux depuis, je serois obligé d'écrire plus de dix volumes, et je passerois ainsi la borne que nos escrivains modernes ont prescrite aux romans les plus boursoufflez. Mais encore, lecteur, avant que de finir, je serois bien aise de vous faire deviner quel fut le succes de ces plaidoyries, et qui fut le plus opiniastre de Collantine ou de Charroselles. J'ayme mieux pourtant vous tirer de peine, car je vois bien que vous n'en viendriez jamais à bout; mais auparavant, il faut que je vous fasse un petit conte:

Dans le pays des fées, il y avoit deux animaux privilegiez: l'un estoit un chien fée, qui avoit obtenu le don qu'il attraperoit toutes les bestes sur lesquelles on le lâcheroit; l'autre estoit un liévre fée, qui de son costé avoit eu le don de n'estre jamais pris par quelque chien qui le poursuivist. Le hazard voulut qu'un jour le chien fée fut lasché sur le liévre fée. On demanda là-dessus quel seroit le don qui prevaudroit, si le chien prendroit le liévre, ou si le liévre échapperoit du chien, comme il estoit écrit dans la destinée de chacun. La resolution de cette difficulté est qu'ils courent encore. Il en est de mesme des proces de Collantine et de Charroselles: ils ont tousjours plaidé et plaident encore, et plaideront tant qu'il plaira à Dieu de les laisser vivre.

FIN
137.C'est cette épitre dédicatoire d'un livre futur qui a fait dire que Furetière avoit dédié son Roman bourgeois au bourreau. Nous avons déjà combattu cette erreur trop répétée dans un article sur les livres imaginaires publié par le Journal de l'amateur de livres, tome 3, p. 10-11.
138.L'établissement de la communauté des limonadiers date de 1676, époque où on leur permit de vendre du café. L'ouverture des premières boutiques de limonades remonte à plusieurs années auparavant, à 1630 environ. V. Mélanges d'une grande bibliothèque, III., p. 187. Le grand d'Aussy, Vie privée des François, tom. III, passim.
139.C'est à peu près la pensée de Saint-Amand à la fin de l'un de ses sonnets:
  Non, je ne trouve pas beaucoup de différence
  De prendre du tabac et vivre d'espérance:
  Car l'un n'est que fumée et l'autre n'est que vent.

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Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
27 eylül 2017
Hacim:
361 s. 2 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain

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