Kitabı oku: «Ainsi Parlait Zarathoustra», sayfa 12

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DE LA BÉATITUDE INVOLONTAIRE

Avec de pareilles énigmes et de telles amertumes dans le coeur, Zarathoustra passa la mer. Mais lorsqu'il fut éloigné de quatre journées des Iles Bienheureuses et de ses amis, il avait surmonté toute sa douleur: – victorieux et le pied ferme, il était de nouveau debout sur sa destinée. Et c'est alors que Zarathoustra parlai ainsi à sa conscience pleine d'allégresse:

Je suis de nouveau seul et je veux l'être, seul avec le ciel clair et avec la mer libre; et de nouveau l'après-midi est autour de moi.

C'était l'après-midi lorsque, pour la première fois, j'ai trouvé mes amis, c'était l'après-midi aussi une autre fois: – à l'heure où toute lumière devient plus tranquille, car les parcelles de bonheur qui sont en route entre le ciel et la terre se cherchent un asile dans les âmes de lumière. Maintenant le bonheur a rendu toute lumière plus tranquille.

O après-midi de ma vie! Un jour mon bonheur, lui aussi, est descendu dans la vallée pour y chercher un asile: alors il a trouvé ces âmes ouvertes et hospitalières.

O après-midi de ma vie! Que n'ai-je abandonné pour avoir une seule chose: cette vivante plantation de mes pensées et cette lumière matinale de mes plus hautes espérances!

Un jour le créateur chercha les compagnons et les enfants de son espérance. Et voici, il advint qu'il ne put les trouver, si ce n'est en commençant par les créer lui-même.

Je suis donc au milieu de mon oeuvre, allant vers mes enfants et revenant d'auprès d'eux: c'est à cause de ses enfants qu'il faut que Zarathoustra s'accomplisse lui-même.

Car seul on aime du fond du coeur son enfant et son oeuvre; et où il y a un grand amour de soi, c'est signe de fécondité: voilà ce que j'ai remarqué.

Mes enfants fleurissent encore dans leur premier printemps, les uns auprès les autres, secoués ensemble par le vent, ce sont les arbres de mon jardin et de mon meilleur terrain.

Et en vérité! Où il y a de tels arbres, les uns auprès des autres, là il y a des Iles Bienheureuses! Mais un jour je les déplanterai et je les placerai chacun pour soi: afin que chacun apprenne la solitude, la fierté et la prudence.

Noueux et tordu, avec une dureté flexible, chacun doit se dresser auprès de la mer, phare vivant de la vie invincible.

Là-bas, où les tempêtes se précipitent dans la mer, où le pied de la montagne est baigné par les flots, il faudra que chacun monte la garde de jour et de nuit, veillant pour faire son examen de conscience.

Il faut qu'il soit reconnu et éprouvé, pour que l'on sache s'il est de ma race et de mon origine, s'il est maître d'une longue volonté, silencieux, même quand il parle, et cédant de façon à prendre, lorsqu'il donne: -

– afin de devenir un jour mon compagnon, créant et chômant avec Zarathoustra: – quelqu'un qui inscrira ma volonté sur mes tables, pour l'accomplissement total de toutes choses.

Et, à cause de lui et de ses semblables, il faut que je me réalise moi-même: c'est pourquoi je me dérobe maintenant à mon bonheur, m'offrant à tous les malheurs – pour ma dernière épreuve et mon dernier examen de conscience.

Et, en vérité, il était temps que je partisse, et l'ombre du voyageur et le temps le plus long et l'heure la plus silencieuse, – tous m'ont dit: "Il est grand temps!"

Le vent a soufflé dans le trou de la serrure et m'a dit: "Viens!" La porte s'est ouverte sournoisement et m'a dit: "Va!"

Mais j'étais enchaîné à l'amour pour mes enfants: c'est le désir qui m'attachait par ce lien, le désir d'amour, afin de devenir la proie de mes enfants et de me perdre pour eux.

Désirer – pour moi c'est déjà: me perdre. Je vous ai, mes enfants! Dans cette possession, tout doit être certitude et rien ne doit être désir.

Mais le soleil de mon amour brûlait sur ma tête, Zarathoustra cuisait dans son propre jus, – alors des ombres et des doutes ont passé sur moi.

Déjà je désirais le froid et l'hiver: "O que le froid et l'hiver me fassent de nouveau grelotter et claquer des dents!" soupirai-je: – alors des brumes glaciales s'élevèrent de moi.

Mon passé brisa ses tombes, mainte douleur enterrée vivante se réveilla -: elle n'avait fait que dormir cachée sous les linceuls.

Ainsi tout me disait par des signes: "Il est temps!" Mais moi – je m'entendais pas: jusqu'à ce qu'enfin mon abîme se mis à remuer et que ma pensée me mordît.

Hélas! pensée venue de mon abîme, toi qui es ma pensée! Quand trouverai-je la force de t'entendre creuser et de ne plus trembler?

Le coeur me bat jusqu'à la gorge quand je t'entends creuser! Ton silence même veut m'étrangler, toi qui es silencieuse comme mon abîme est silencieux!

Jamais encore je n'ai osé t'appeler à la surface: il m'a suffi de te porter en moi! Je n'ai pas encore été assez fort pour la dernière audace du lion, pour la dernière témérité.

Ta lourdeur m'a toujours été terrible: mais un jour je veux trouver la force et la voix du lion pour te faire monter à la surface!

Quand j'aurai surmonté cela en moi, je surmonterai une plus grande chose encore, et une victoire sera le sceau de mon accomplissement! -

Jusque-là je continue à errer sur des mers incertaines; le hasard me lèche et me cajole; je regarde en avant, en arrière, – je ne vois pas encore la fin.

L'heure de ma dernière lutte n'est pas encore venue, – ou bien me vient-elle en ce moment? En vérité, avec une beauté maligne, la mer et la vie qui m'entourent me regardent!

O après-midi de ma vie! O bonheur avant le soir! O rade en pleine mer! O paix dans l'incertitude! Comme je me méfie de vous tous!

En vérité, je me méfie de votre beauté maligne!

Je ressemble à l'amant qui se méfie d'un sourire trop velouté.

Comme il pousse devant lui la bien-aimée, tendre même encore dans sa dureté, le jaloux, – ainsi je pousse devant moi cette heure bienheureuse.

Loin de moi, heure bienheureuse! Avec toi m'est venue, malgré moi, une béatitude! Je suis là, prêt à ma plus profonde douleur: – tu es venue pour moi à contretemps!

Loin de moi, heure bienheureuse! Cherche plutôt un asile là-bas – chez mes enfants! Éloigne-toi en hâte! Bénis-les avant le soir et donne leur mon bonheur!

Déjà le soir approche: le soleil se couche. Mon bonheur – s'en est allé! -

Ainsi parlait Zarathoustra. Et il attendit son malheur toute la nuit: mais il attendit en vain. La nuit resta claire et silencieuse, et le bonheur lui-même s'approcha de lui de plus en plus près. Vers le matin, cependant, Zarathoustra se mit à rire en son coeur, et il dit d'un ton ironique: "Le bonheur me court après. Cela vient de ce que je ne cours pas après les femmes. Or, le bonheur est une femme."

AVANT LE LEVER DU SOLEIL

O ciel au-dessus de moi, ciel clair, ciel profond! abîme de lumière! En te contemplant je frissonne de désir divin.

Me jeter à ta hauteur – c'est là ma profondeur! M'abriter sous ta pureté, – c'est là mon innocence!

Le dieu est voilé par sa beauté: c'est ainsi que tu caches tes étoiles. Tu ne parles point: c'est ainsi que tu m'annonces ta sagesse.

Aujourd'hui tu t'es levé pour moi, muet sur les mers écumantes; ton amour et ta pudeur se révèlent à mon âme écumante.

Tu es venu à moi, beau et voilé de ta beauté, tu me parles sans paroles, te révélant par ta sagesse:

O que n'ai-je deviné toutes les pudeurs de ton âme! tu es venu à moi, avant le soleil, à moi qui suis le plus solitaire.

Nous sommes amis depuis toujours: notre tristesse, notre épouvante et notre profondeur nous sont communes; le soleil même nous est commun.

Nous ne nous parlons pas parce que nous savons trop de choses: – nous nous taisons et, par des sourires, nous nous communiquons notre savoir.

N'est-tu pas la lumière jaillie de mon foyer? n'est-tu pas l'âme-soeur de mon intelligence?

Nous avons tout appris ensemble; ensemble nous avons appris à nous élever au-dessus de nous, vers nous-mêmes et à avoir des sourires sans nuages: – sans nuages, souriant avec des yeux clairs, à travers des lointains immenses, quand, au-dessous de nous bouillonnent, comme la pluie, la contrainte et le but et la faute.

Et quand je marchais seul, de quoi mon âme avait-elle faim dans les nuits et sur les sentiers de l'erreur? Et quand je gravissais les montagnes qui cherchais-je sur les sommets, si ce n'est toi?

Et tous mes voyages et toutes mes ascensions: qu'était-ce sinon un besoin et un expédient pour le malhabile? – toute ma volonté n'a pas d'autre but que celui de prendre son vol, de voler dans le ciel!

Et qu'est-ce que je haïssais plus que les nuages qui passent et tout ce qui te ternit? Je haïssais même ma propre haine puisqu'elle te ternissait!

J'en veux aux nuages qui passent, ces chats sauvages qui rampent: ils nous prennent à tous deux ce que nous avons en commun, – l'immense et infinie affirmation des choses.

Nous en voulons à ces médiateurs et à ces mêleurs, les nuages qui passent: à ces êtres mixtes et indécis, qui ne savent ni bénir ni maudire du fond du coeur.

Je préfère me cacher dans le tonneau sans voir le ciel ou m'enfouir dans l'abîme, que de te voir toi, ciel de lumière, terni par les nuages qui passent!

Et souvent j'ai eu envie de les fixer avec des éclairs dorés, et, pareil au tonnerre, de battre la timbale sur leur ventre de chaudron: – timbaler en colère, puisqu'ils me dérobent ton affirmation, ciel pur au-dessus de moi! ciel clair! abîme de lumière! – puisqu'ils te dérobent mon affirmation!

Car je préfère le bruit et le tonnerre et les outrages du mauvais temps, à ce repos de chats, circonspect et hésitant; et, parmi les hommes eux aussi, ce sont ces êtres mixtes et indécis marchant à pas de loups, ces nuages qui passent, doutant et hésitant que je hais le plus.

Et "qui ne sait bénir doit apprendre à maudire!" – ce clair enseignement m'est tombé d'un ciel clair, cette étoile brille à mon ciel, même dans les nuits noires.

Mais moi je bénis et j'affirme toujours, pourvu que tu sois autour de moi, ciel clair, abîme de lumière! – c'est alors que je porte dans tous les abîmes ma bienfaisante affirmation.

Je suis devenu celui qui bénit et qui affirme: et j'ai longtemps lutté pour cela; je fus un lutteur, afin d'avoir un jour les mains libres pour bénir.

Ceci cependant est ma bénédiction: être au-dessus de chaque chose comme son propre ciel, son toit arrondi, sa cloche d'azur et son éternelle quiétude: et bienheureux celui qui bénit ainsi!

Car toutes les choses sont baptisées à la source de l'éternité, par delà le bien et le mal; mais le bien et le mal ne sont eux-mêmes que des ombres fugitives, d'humides afflictions et des nuages passants.

En vérité, c'est une bénédiction et non une malédiction que d'enseigner: "Sur toutes choses, se trouve le ciel hasard, le ciel innocence, le ciel à peu près, le ciel pétulance."

"Par hasard" – c'est là la plus vieille noblesse du monde, je l'ai rendue à toutes les choses, je les ai délivrées de la servitude du but.

Cette liberté et cette sérénité célestes, je les ai placées comme des cloches d'azur sur toutes les choses, lorsque j'ai enseigné qu'au-dessus d'elles, et par elles, aucune "volonté éternelle" – n'affirmait sa volonté.

J'ai mis en place de cette volonté, cette pétulance et cette folie, lorsque j'ai enseigné: "Il y a une chose qui sera toujours impossible – c'est d'être raisonnable!"

Un peu de raison cependant, un grain de sagesse, dispersé d'étoile en étoile, – ce levain est mêlé à toutes choses: c'est à cause de la folie que la sagesse est mêlée à toutes les choses!

Un peu de sagesse est possible; mais j'ai trouvé dans toutes choses cette certitude bienheureuse: elles préfèrent danser sur les pieds du hasard.

O ciel au-dessus de moi, ciel pur et haut! Ceci est maintenant pour moi ta pureté qu'il n'existe pas d'éternelles araignées et de toile d'araignée de la raison: – que tu sois un lieu de danse pour les hasards divins, que tu sois une table divine pour le jeu de dés et les joueurs divins! -

Mais tu rougis? Ai-je dit des choses inexprimables? Ai-je maudi en voulant te bénir?

Ou bien est-ce la honte d'être deux qui te fait rougir? – Me dis-tu de m'en aller et de me taire puisque maintenant – le jour vient?

Le monde est profond -: et plus profond que le jour ne l'a jamais pensé. Il y a des choses qu'il faut taire devant le jour. Mais le jour vient: séparons-nous donc!

O ciel au-dessus de moi, ciel pudique et ardent! O bonheur avant le soleil levant! Le jour vient: séparons-nous donc! -

Ainsi parlait Zarathoustra!

DE LA VERTU QUI RAPETISSE

1

Lorsque Zarathoustra revint sur la terre ferme, il ne se dirigea pas droit vers sa montagne et sa caverne, mais il fit beaucoup de courses et de questions, s'informant de ceci et de cela, ainsi qu'il disait de lui-même en plaisantant: "Voici un fleuve qui, en de nombreux méandres, remonte vers sa source!" Car il voulait apprendre quel avait été le sort de l'homme pendant son absence: s'il était devenu plus grand ou plus petit. Et un jour il aperçut une rangée de maisons nouvelles; alors il s'étonna et il dit:

Que signifient ces maisons? En vérité, nulle grande âme ne les a bâties en symbole d'elle-même!

Un enfant stupide les aurait-il tirées de sa boîte à jouets? Alors qu'un autre enfant les remette dans la boîte!

Et ces chambres et ces mansardes: des hommes peuvent-ils en sortir et y entrer? Elles me semblent faites pour des poupées empanachées de soie, ou pour des petits chats gourmands qui aiment à se laisser manger.

Et Zarathoustra s'arrêta et réfléchit. Enfin il dit avec tristesse: Tout est devenu plus petit!

Je vois partout des portes plus basses: celui qui est de mon espèce peut encore y passer, mais – il faut qu'il se courbe!

Oh! quand retournerai-je dans ma patrie où je ne serai plus forcé de me courber – de me courber devant les petits!" – Et Zarathoustra soupira et regarda dans le lointain.

Le même jour cependant il prononça son discours sur la vertu qui rapetisse.

2

Je passe au milieu de ce peuple et je tiens mes yeux ouverts: les hommes ne me pardonnent pas de ne pas être envieux de leurs vertus.

Ils aboient après moi parce que je leur dis: à des petites gens il faut de petites vertus – et parce que je n'arrive pas à comprendre que l'existence des petites gens soit nécessaire!

Je ressemble au coq dans une basse-cour étrangère que les poules mêmes poursuivent à coups de bec; mais je n'en veux pas à ces poules à cause de cela.

Je suis poli envers elles comme envers tous les petits désagréments; être épineux envers les petits me semble une sagesse digne des hérissons.

Ils parlent tous de moi quand ils sont assis le soir autour du foyer, – ils parlent de moi, mais personne ne pense – à moi!

C'est là le nouveau silence que j'ai appris à connaître: le bruit qu'ils font autour de moi dépolie un manteau sur mes pensées.

Ils potinent entre eux: "Que nous veut ce sombre nuage? Veillons à ce qu'il ne nous amène pas une épidémie!"

Et dernièrement une femme tira contre elle son enfant qui voulait s'approcher de moi: "Éloignez les enfants! cria-t-elle; de tels yeux brûlent les âmes des enfants."

Ils toussent quand je parle: ils croient que la toux est une objection contre les grands vents, – ils ne devinent rien du bruissement de mon bonheur!

"Nous n'avons pas encore le temps pour Zarathoustra," – voilà objection; mais qu'importe un temps qui "n'a pas le temps" pour Zarathoustra?

Lors même qu'ils me glorifieraient: comment pourrais-je m'endormir sur leur gloire? Leur louange est pour moi une ceinture épineuse: elle me démange encore quand je l'enlève.

Et cela aussi je l'ai appris au milieu d'eux: celui qui loue fait semblant de rendre ce qu'on lui a donné, mais en réalité veut qu'on lui donne davantage!

Demandez à mon pied si leur manière de louer et d'allécher lui plaît! En vérité, il ne veut ni danser, ni se tenir tranquille selon une telle mesure et un tel tic-tac.

Ils essaient de me faire l'éloge de leur petite vertu et de m'attirer vers elle; ils voudraient bien entraîner mon pied au tic-tac du petit bonheur.

Je passe au milieu de ce peuple et je tiens mes yeux ouverts: ils sont devenus plus petits et ils continuent à devenir toujours plus petits: – c'est leur doctrine du bonheur et de la vertu qui en est la cause.

Car ils ont aussi la modestie de leur vertu, – parce qu'ils veulent avoir leurs aises. Mais seule une vertu modeste se comporte avec les aises.

Ils apprennent aussi à marcher à leur manière et à marcher en avant: c'est ce que j'appelle aller clopin-clopant. – C'est ainsi qu'ils sont un obstacle pour tous ceux qui se hâtent.

Les pieds et les yeux ne doivent ni mentir ni se démentir. Mais il y a beaucoup de mensonges parmi les petites gens.

Quelques-uns d'entre eux "veulent", mais la plupart ne sont que "voulus". Quelques-uns d'entre eux sont sincères, mais la plupart sont de mauvais comédiens.

Il y a parmi eux des comédiens sans le savoir et des comédiens sans le vouloir, – ceux qui sont sincères sont toujours rares, surtout les comédienst sincères.

Les qualités de l'homme sont rares ici: c'est pourquoi les femmes se masculinisent. Car celui qui est assez homme sera seul capable d'affranchir dans la femme – la femme.

Et voici la pire des hypocrisies que j'ai trouvée parmi eux: ceux qui ordonnent feignent, eux aussi, les vertus de ceux qui obéissent.

"Je sers, tu sers, nous servons," – ainsi psalmodie l'hypocrisie des dominants, – et malheur à ceux dont le premier maître n'est que le premier serviteur!

Hélas! la curiosité de mon regard s'est aussi égarée vers leur hypocrisie; et j'ai bien deviné leur bonheur de mouche et leur bourdonnement vers les vitres ensoleillées.

Tant il y a de bonté, tant il y a de faiblesse! Tant il y a de justice et de compassion, tant il y a de faiblesse!

Ils sont ronds, loyaux et bienveillants les uns envers les autres, comme les grains de sable sont ronds, loyaux et bienveillants envers les grains de sable.

Embrasser modestement un petit bonheur, – c'est ce qu'ils appellent "résignation"! et du même coup ils louchent déjà modestement vers un nouveau petit bonheur.

Dans leur simplicité, ils n'ont au fond qu'un désir: que personne ne leur fasse mal. C'est pourquoi ils sont prévenants envers chacun et ils lui font du bien.

Mais c'est là de la lâcheté: bien que cela s'appelle "vertu". -

Et quand il arrive à ces petites gens de parler avec rudesse: je n'entendis dans leur voix que leur enrouement, – car chaque coup de vent les enroue!

Ils sont rusés, leurs vertus ont des doigts agiles. Mais il leur manque les poings: leurs doigts ne savent pas se cacher derrière leur poing.

La vertu, c'est pour eux ce qui rend modeste et apprivoisé: c'est ainsi qu'ils ont fait du loup un chien et de l'homme même le meilleur animal domestique de l'homme.

"Nous avons placé notre chaise au milieu – c'est ce que me dit leur hilarité – et à la même distance des gladiateurs mourants et des truies joyeuses."

Mais c'est là – de la médiocrité: bien que cela s'appelle modération. -

3

Je passe au milieu de ce peuple et je laisse tomber maintes paroles: mais ils ne savent ni prendre ni retenir.

Ils s'étonnent que je ne sois pas venu pour blâmer les débauches et les vices; et, en vérité, je ne suis pas venu non plus pour mettre en garde contre les pickpockets.

Ils s'étonnent que je ne sois pas prêt à déniaiser et à aiguiser leur sagesse: comme s'ils n'avaient pas encore assez de sages subtils dont la voix grince comme un crayon d'ardoise!

Et quand je crie: "Maudissez tous les lâches démons qui sont en vous et qui gémiraient volontiers, qui voudraient croiser les mains et adorer": alors ils crient: "Zarathoustra est impie."

Et leurs professeurs de résignation crient plus fort, mais c'est précisément à eux qu'ils me plaît de crier à l'oreille: Oui! Je suis Zarathoustra, l'impie!

Ces professeurs de résignation! Partout où il y a petitesse, maladie et teigne, ils rampent comme des poux; et mon dégoût seul m'empêche de les écraser.

Eh bien! voici le sermon que je fais pour leurs oreilles: je suis Zarathoustra l'impie qui dit: "Qui est-ce qui est plus impie que moi, pour que je me réjouisse de son enseignement?"

Je suis Zarathoustra, l'impie: où trouverai-je mes semblables? Mes semblables sont tous ceux qui se donnent eux-mêmes leur volonté et qui se débarassent de toute résignation.

Je suis Zarathoustra, l'impie: je fais bouillir dans ma marmite tout ce qui est hasard. Et ce n'est que lorsque le hasard est cuit à point que je lui souhaite la bienvenue pour en faire ma nourriture.

Et en vérité, maint hasard s'est approché de moi en maître: mais ma volonté lui parle d'une façon plus impérieuse encore, – et aussitôt il se mettait à genoux devant moi en suppliant – me suppliant de lui donner asile et accueil cordial, et me parlant d'une manière flatteuse: "Vois donc, Zarathoustra, il n'y a qu'un ami pour venir ainsi chez un ami!"

Mais pourquoi parler, quand personne n'a mes oreilles! Ainsi je veux crier à tous les vents:

Vous devenez toujours plus petits, petites gens! vous vous émiettez, vous qui aimez vos aises! Vous finirez par périr – à cause de la multitude de vos petites vertus, de vos petites omissions, à cause de votre continuelle petite résignation.

Vous ménagez trop, vous cédez trop: c'est de cela qu'est fait le sol où vous croissez! Mais pour qu'un arbre devienne grand, il faut qu'il pousse ses dures racines autour de durs rochers!

Ce que vous omettez aide à tisser la toile de l'avenir des hommes; votre néant même est une toile d'araignée et une araignée qui vit du sang de l'avenir.

Et quand vous prenez, c'est comme si vous vouliez, ô petits vertueux; pourtant, parmi les fripons même, l'honneur parle: "Il faut voler seulement là ou on ne peut pas piller."

"Cela ce donne" – telle est aussi une doctrine de la résignation. Mais moi je vous dis, à vous qui aimez vos aises: cela se prend, et cela prendra de vous toujours davantage!

Hélas, que ne vous défaites-vous de tous ces demi-vouloirs, que ne vous décidez-vous pour la paresse comme pour l'action!

Hélas, que ne comprenez-vous ma parole: "Faites toujours ce que vous voudrez, – mais soyez d'abord de ceux qui peuvent vouloir!"

"Aimez toujours votre prochain comme vous-mêmes, mais soyez d'abord de ceux qui s'aiment eux-mêmes – qui s'aiment avec le grand amour, avec le grand mépris!" Ainsi parle Zarathoustra, l'impie. -

Mais pourquoi parler, quand personne n'a mes oreilles! Il est encore une heure trop tôt pour moi.

Je suis parmi ce peuple mon propre précurseur, mon propre chant du coq dans les rues obscures.

Mais leur heure vient! Et vient aussi la mienne! D'heure en heure ils deviennent plus petits, plus pauvres, plus stériles, – pauvre herbe! pauvre terre!

Bientôt ils seront devant moi comme de l'herbe sèche, comme une steppe, et, en vérité, fatigués d'eux-mêmes, – et plutôt que d'eau, altérés de feu!

O heure bienheureuse de la foudre! O mystère d'avant midi! – un jour je ferai d'eux des feux courants et des prophètes aux langues de flammes: – ils prophétiseront avec des langues de flammes: il vient, il est proche, le Grand Midi!

Ainsi parlait Zarathoustra.

Yaş sınırı:
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Litres'teki yayın tarihi:
21 mayıs 2019
Hacim:
380 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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