Kitabı oku: «Ainsi Parlait Zarathoustra», sayfa 17
LES SEPT SCEAUX
(ou: Le chant de L'Alpha et de L'Oméga)
1
Si je suis un devin et plein de cet esprit divinatoire qui chemine sur une haute crête entre deux mers, – qui chemine entre le passé et l'avenir, comme un lourd nuage, – ennemi de tous les étouffants bas-fonds, de tout ce qui est fatigué et qui ne peut ni mourir ni vivre: prêt à l'éclair dans le sein obscur, prêt au rayons de clarté rédempteur, gonflé d'éclairs affirmateurs! qui se rient de leur affirmation! prêt à des foudres divinatrices: – mais bienheureux celui qui est ainsi gonflé!
Et, en vérité, il faut qu'il soit longtemps suspendu au sommet, comme un lourd orage, celui qui doit un jour allumer la lumière de l'avenir! -
O, comment ne serais-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, – l'anneau du devenir et du retour?
Jamais encore je n'ai trouvé la femme qe qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est cette femme que j'aime: car je t'aime, ô éternité!
Car je t'aime, ô Éternité!
2
Si jamais ma colère a violé des tombes, reculé des bornes frontières et jeté de vieilles tables brisées dans des profondeurs à pic:
Si jamais ma moquerie a éparpillé des paroles décrépites, si je suis venu comme un balai pour les araignées, et comme un vent purificateur pour les cavernes mortuaires, vieilles et moisies:
Si je me suis jamais assis plein d'allégresse, à l'endroit où sont enterrés des dieux anciens, bénissant et aimant le monde, à côté des monuments d'anciens calomniateurs du monde: – car j'aimerai même les églises et les tombeaux des dieux, quand le ciel regardera d'un oeil clair à travers leurs voûtes brisées; j'aime à être assis sur les églises détruites, semblable à l'herbe et au rouge pavot -
O comment ne serais-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux – l'anneau du devenir et du retour?
Jamais encore je n'ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est cette femme que j'aime: car je t'aime, ô éternité!
Car je t'aime, ô Éternité!
3
Si jamais un souffle est venu vers moi, un souffle de ce souffle créateur, de cette nécessité divine qui force même les hasards à danser les danses d'étoiles:
Si jamais j'ai ri du rire de l'éclair créateur que suit en grondant, mais avec obéissance, le long tonnerre de l'action:
Si jamais j'ai joué aux dés avec des dieux, à la table divine de la terre, en sorte que la terre tremblait et se brisait, soufflant en l'air des fleuves de flammes: – car la terre est une table divine, tremblante de nouvelles paroles créatrices et d'un bruit de dés divins: -
O comment ne serais-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, – l'anneau du devenir et du retour?
Jamais encore je n'ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est cette femme que j'aime: car je t'aime, ô éternité!
Car je t'aime, ô Éternité!
4
Si jamais j'ai bu d'un long trait à cette cruche écumante d'épices et de mixtures, où toutes choses sont bien mélangées:
Si jamais ma main a mêlé le plus lointain au plus proche, le feu à l'esprit, la joie à la peine et les pires choses aux meilleures:
Si je suis moi-même un grain de ce sable rédempteur, qui fait que toutes choses se mêlent bien dans la cruche des mixtures: – car il existe un sel qui lie le bien au mal; et le mal lui-même est digne de servir d'épice et de faire déborder l'écume de la cruche: -
O comment ne serais-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, – l'anneau du devenir et du retour?
Jamais encore je n'ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est cette femme que j'aime: car je t'aime, ô éternité!
Car je t'aime, ô Éternité!
5
Si j'aime la mer et tout ce qui ressemble à la mer et le plus encore quand fougueuse elle me contredit:
Si je porte en moi cette joie du chercheur, cette joie qui pousse la voile vers l'inconnu, s'il y a dans ma joie une joie de navigateur:
Si jamais mon allégresse s'écria: "Les côtes ont disparu – maintenant ma dernière chaîne est tombée – l'immensité sans bornes bouillonne autour de moi, bien loin de moi scintillent le temps et l'espace, allons! en route! Vieux coeur!" -
O comment ne serais-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, – l'anneau du devenir et du retour?
Jamais encore je n'ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est cette femme que j'aime: car je t'aime, ô éternité!
Car je t'aime, ô Éternité!
6
Si ma vertu est une vertu de danseur, si souvent des deux pieds j'ai sauté dans des ravissements d'or et d'émeraude:
Si ma méchanceté est une méchanceté riante qui se sent chez elle sous des branches de roses et des haies de lys: – car dans le rire tout ce qui est méchant se trouve ensemble, mais sanctifié et affranchi par sa propre béatitude:
Et ceci est mon alpha et mon oméga, que tout ce qui est lourd devienne léger, que tout corps devienne danseur, tout esprit oiseau: et, en vérité, ceci est mon alpha et mon oméga! -
O comment ne serais-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, l'anneau du devenir et du retour?
Jamais encore je n'ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est cette femme que j'aime: car je t'aime, ô éternité!
Car je t'aime, ô Éternité!
7
Si jamais j'ai déployé des ciels tranquilles au-dessus de moi, volant de mes propres ailes dans mon propre ciel:
Si j'ai nagé en me jouant dans de profonds lointains de lumière, si la sagesse d'oiseau de ma liberté est venue: – car ainsi parle la sagesse de l'oiseau: "Voici il n'y a pas d'en haut, il n'y a pas d'en bas! Jette-toi çà et là, en avant, en arrière, toi qui es léger! Chante! ne parle plus! – "toutes les paroles ne sont-elles pas faites pour ceux qui sont lourds? Toutes les paroles ne mentent-elles pas à celui qui est léger? Chante! ne parle plus!" -
O comment ne serais-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, l'anneau du devenir et du retour?
Jamais encore je n'ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est cette femme que j'aime: car je t'aime, ô éternité!
Car je t'aime, ô Éternité!
QUATRIÈME ET DERNIÈRE PARTIE
Hélas, où fit-on sur la terre plus de folies que parmi les miséricordieux, et qu'est-ce qui fit plus de mal sur la terre que la folie des miséricordieux?
Malheur à tous ceux qui aiment sans avoir une hauteur qui est au-dessus de leur pitié!
Ainsi me dit un jour le diable: "Dieu aussi a son enfer: c'est son amour des hommes."
Et dernièrement je l'ai entendu dire ces mots: "Dieu est mort; c'est sa pitié des hommes qui a tué Dieu."
Zarathoustra, des Miséricordieux.
L'OFFRANDE DU MIEL
– Et de nouveau des mois et des années passèrent sur l'âme de Zarathoustra et il ne s'en apercevait pas; ses cheveux cependant devenaient blancs. Un jour qu'il était assis sur une pierre devant sa caverne, regardant en silence dans le lointain – car de ce point on voyait la mer, bien loin par-dessus des abîmes tortueux, – ses animaux pensifs tournèrent autour de lui et finirent par se placer devant lui.
"O Zarathoustra, dirent-ils, cherches-tu des yeux ton bonheur? – Qu'importe le bonheur, répondit-il, il y a longtemps que je n'aspire plus au bonheur, j'aspire à mon oeuvre. – O Zarathoustra, reprirent derechef les animaux, tu dis cela comme quelqu'un qui est saturé de bien. N'es-tu pas couché dans un lac de bonheur teinté d'azur? – Petits espiègles, répondit Zarathoustra en souriant, comme vous avez bien choisi la parabole! Mais vous savez aussi que mon bonheur est lourd et qu'il n'est pas comme une vague mobile: il me pousse et il ne veut pas s'en aller de moi, adhérent comme de la poix fondue." -
Alors ses animaux pensifs tournèrent derechef autour de lui, et de nouveau ils se placèrent devant lui. "O Zarathoustra, dirent-ils, c'est donc à cause de cela que tu deviens toujours plus jaune et plus foncé, quoique tes cheveux se donnent des airs d'être blancs et faits de chanvre? Vois donc, tu es assis dans ta poix et dans ton malheur! – Que dites-vous là, mes animaux, s'écria Zarathoustra en riant, en vérité j'ai blasphémé en parlant de poix. Ce qui m'arrive, arrive à tous les fruits qui mûrissent. C'est le miel dans mes veines qui rend mon sang plus épais et aussi mon âme plus silencieuse. – Il doit en être ainsi, ô Zarathoustra, reprirent les animaux, en se pressant contre lui; mais ne veux-tu pas aujourd'hui monter sur une haute montagne? L'air est pur et aujourd'hui, mieux que jamais, on peut vivre dans le monde. – Oui, mes animaux, repartit Zarathoustra, vous conseillez à merveille et tout à fait selon mon coeur: je veux monter aujourd'hui sur une haute montagne! Mais veillez à ce que j'y trouve du miel à ma portée, du miel des ruches dorées, du miel jaune et blanc et bon et d'une fraîcheur glaciale. Car sachez que là-haut je veux présenter l'offrande du miel." -
Cependant, lorsque Zarathoustra fut arrivé au sommet, il renvoya les animaux qui l'avaient accompagné, et il s'aperçut qu'il était seul: – alors il rit de tout coeur, regarda autour de lui et parla ainsi:
J'ai parlé d'offrandes et d'offrandes de miel; mais ce n'était là qu'une ruse de mon discours et, en vérité, une folie utile! Déjà je puis parler plus librement là-haut que devant les retraites des ermites et les animaux domestiques des ermites.
Que parlais-je de sacrifier? Je gaspille ce que l'on me donne, moi le gaspilleur aux mille bras: comment oserais-je encore appeler cela – sacrifier!
Et lorsque j'ai demandé du miel, c'était une amorce que je demandais, des ruches dorées et douces et farouches dont les ours grognons et les oiseaux singuliers sont friands: – je demandais la meilleure amorce, l'amorce dont les chasseurs et les pêcheurs ont besoin. Car si le monde est comme une sombre forêt peuplée de bêtes, jardin des délices pour tous les chasseurs sauvages, il me semble ressembler plutôt encore à une mer abondante et sans fond, – une mer pleine de poissons multicolores et de crabes dont les dieux mêmes seraient friands, en sorte qu'à cause de la mer ils deviendraient pêcheurs et jetteraient leurs filets: tant le monde est riche en prodiges grands et petits!
Surtout le monde des hommes, la mer des hommes: – c'est vers elle que je jette ma ligne dorée en disant: ouvre-toi, abîme humain!
Ouvre-toi et jette-moi tes poissons et tes crabes scintillants! Avec ma meilleure amorce j'attrape aujourd'hui pour moi les plus prodigieux poissons humains!
C'est mon bonheur que je jette au loin, je le disperse dans tous les lointains, entre l'orient, le midi et l'occident, pour voir si beaucoup de poissons humains n'apprendront pas à mordre et à se débattre au bout de mon bonheur.
Jusqu'à ce que victimes de mon hameçon pointu et caché, il leur faille monter jusqu'à ma hauteur, les plus multicolores goujons des profondeurs auprès du plus méchant des pêcheurs de poissons humains.
Car je suis cela dès l'origine et jusqu'au fond du coeur, tirant, attirant, soulevant et élevant, un tireur, un dresseur et un éducateur, qui jadis ne s'est pas dit en vain: "Deviens qui tu es!"
Donc, que les hommes montent maintenant auprès de moi; car j'attends encore les signes qui me disent que le moment de ma descente est venu; je ne descends pas encore moi-même parmi les hommes, comme je le dois.
C'est pourquoi j'attends ici, rusé et moqueur, sur les hautes montagnes, sans être ni impatient ni patient, mais plutôt comme quelqu'un qui a désappris la patience, – puisqu'il ne "pâtit" plus.
Car ma destinée me laisse du temps: m'aurait-elle oublié? Ou bien, assise à l'ombre derrière une grosse pierre, attraperait-elle des mouches?
Et en vérité je suis reconnaissant à ma destinée éternelle de ne point me pourchasser ni me pousser et de me laisser du temps pour faire des farces et des méchancetés: en sorte qu'aujourd'hui j'ai pu gravir cette haute montagne pour y prendre du poisson.
Un homme a-t-il jamais pris du poisson sur de hautes montagnes! Et quand même ce que je veux là-haut est une folie: mieux vaut faire une folie que de devenir solennel et vert et jaune à force d'attendre dans les profondeurs – bouffi de colère à force d'attendre comme le hurlement d'une sainte tempête qui vient des montagnes, comme un impatient qui crie vers les vallées: "Ecoutez ou je vous frappe avec les verges de Dieu!"
Non que j'en veuille pour cela à de pareils indignés: je les estime juste assez pour que j'en rie! Je comprends qu'ils soient impatients, ces grands tambours bruyants qui auront la parole aujourd'hui ou jamais!
Mais moi et ma destinée – nous ne parlons pas à "l'aujourd'hui", nous ne parlons pas non plus à "jamais": nous avons de la patience pour parler, nous en avons le temps, largement le temps. Car il faudra pourtant qu'il vienne un jour et il n'aura pas le droit de passer.
Qui devra venir un jour et n'aura pas le droit de passer? Notre grand hasard, c'est-à-dire notre grand et lointain Règne de l'Homme, le règne de Zarathoustra qui dure mille ans. -
Si ce "lointain" est lointain encore, que m'importe! Il n'en est pas moins solide pour moi, – plein de confiance je suis debout des deux pieds sur cette base, – sur une base éternelle, sur de dures roches primitives, sur ces monts anciens, les plus hauts et les plus durs, de qui s'approchent tous les vents, comme d'une limite météorologique, s'informant des destinations et des lieux d'origine.
Ris donc, ris, ma claire et bien portante méchanceté! Jette du haut des hautes montagnes ton scintillant rire moqueur! Amorce avec ton scintillement les plus beaux poissons humains!
Et tout ce qui, dans toutes les mers, m'appartient à moi, ma chose à moi dans toutes les choses – prends cela pour moi, amène-moi cela là-haut: c'est ce qu'attend le plus méchant de tous les pêcheurs.
Au large, au large, mon hameçon! Descends, va au fond, amorce de mon bonheur! Egoutte ta plus douce rosée, miel de mon coeur! Mords, hameçon, mords au ventre toutes les noires afflictions.
Au large, au large, mon oeil! O que de mers autour de moi, quels avenirs humains s'élèvent à l'aurore! Et au-dessus de moi – quel silence rosé! Quel silence sans nuages!
LE CRI DE DÉTRESSE
Le lendemain Zarathoustra était de nouveau assis sur sa pierre devant la caverne, tandis que ses animaux erraient de par le monde, afin de rapporter des nourritures nouvelles, – et aussi du miel nouveau: car Zarathoustra avait gaspillé et dissipé le vieux miel jusqu'à le dernière parcelle.
Mais, tandis qu'il était assis là, un bâton dans la main, suivant le tracé que l'ombre de son corps faisait sur la terre, plongé dans une profonde méditation, et, en vérité! ni sur lui-même, ni sur son ombre – il tressaillit soudain et fut saisi de frayeur: car il avait vu une autre ombre à côté de la sienne. Et, virant sur lui-même en se levant rapidement, il vit le devin debout à côté de lui, le même qu'il avait une fois nourri et désaltéré à sa table, le proclamateur de la grande lassitude qui enseignait: "Tout est égal, rien ne vaut la peine, le monde n'a pas de sens, le savoir étrangle." Mais depuis lors son visage s'était transformé; et lorsque Zarathoustra le regarda en face, son coeur fut effrayé derechef: tant les prédictions funestes et les foudres consumées passaient sur ce visage.
Le devin qui avait compris ce qui se passait dans l'âme de Zarathoustra passa sa main sur son visage, comme s'il eût voulu en effacer des traces; Zarathoustra fit de même de son côté. Lorsqu'ils se furent ainsi ressaisis et fortifiés tous deux, ils se donnèrent les mains pour montrer qu'ils voulaient se reconnaître.
"Sois le bienvenu, dit Zarathoustra, devin de la grande lassitude, tu ne dois pas avoir été vainement, jadis, mon hôte et mon commensal. Aujourd'hui aussi mange et bois dans ma demeure et pardonne qu'un vieillard joyeux soit assis à table avec toi! – Un vieillard joyeux, répondit le devin en secouant la tête; qui que tu sois ou qui que tu veuilles être, ô Zarathoustra, tu ne le seras plus longtemps là-haut, dans peu de temps ta barque ne sera plus à l'abri! – Suis-je donc à l'abri?" demanda Zarathoustra en riant. – "Les vagues autour de ta montagne montent et montent sans cesse, répondit le devin, les vagues de l'immense misère et de l'affliction: elles finiront bientôt par soulever ta barque en par t'enlever avec elle." – Alors Zarathoustra se tut et s'étonna. – "N'entends-tu rien encore? continua le devin: n'est-ce pas un bruissement et un bourdonnement qui vient de l'abîme?" – Zarathoustra se tut encore et écouta: alors il entendit un cri prolongé que les abîmes se jetaient et se renvoyaient, car aucun d'eux ne voulait le garder: tant il avait un son funeste.
"Fatal proclamateur, dit enfin Zarathoustra, c'est là le cri de détresse et l'appel d'un homme; il sort probablement d'une mer noire. Mais que m'importe la détresse des hommes! Le dernier péché qui m'a été réservé, – sais-tu quel est son nom?"
"Pitié!" répondit le devin d'un coeur débordant et en levant les deux mains: – "O Zarathoustra, je viens pour te faire commettre ton dernier péché!" -
A peine ces paroles avaient-elles été prononcées que le cri retentit de nouveau, plus long et plus anxieux qu'auparavant et déjà beaucoup plus près. "Entends-tu, entends-tu, ô Zarathoustra? s'écria le devin, c'est à toi que s'adresse le cri, c'est à toi qu'il appelle: viens, viens, viens, il est temps, il est grand temps!" -
Mais Zarathoustra se taisait, troublé et ébranlé; enfin il demanda comme quelqu'un qui hésite en lui-même: "Et qui est celui qui m'appelle là-bas?"
"Tu le sais bien, répondit vivement le devin, pourquoi te caches-tu? C'est l'homme supérieur qui t'appelle à son secours!"
"L'homme supérieur, cria Zarathoustra, saisi d'horreur: Que veut-il? Que veut-il? L'homme supérieur! Que veut-il ici?" – et sa peau se couvrit de sueur.
Le devin cependant ne répondit pas à l'angoisse de Zarathoustra, il écoutait et écoutait encore, penché vers l'abîme. Mais comme le silence s'y prolongeait longtemps, il tourna son regard en arrière et il vit Zarathoustra debout et tremblant.
"O Zarathoustra, commença-t-il d'une voix attristée, tu n'as pas l'air de quelqu'un que son bonheur fait tourner: il te faudra danser pour ne pas tomber à la renverse!
Et si tu voulais même danser devant moi et faire toutes tes gambades: personne ne pourrait me dire: "Regarde, voici la danse du dernier homme joyeux!"
Si quelqu'un qui cherche ici cet homme montait à cette hauteur il monterait en vain: il trouverait des cavernes et des grottes, des cachettes pour les gens cachés, mais ni puits de bonheur, ni trésors, ni nouveaux filons de bonheur.
Du bonheur – comment ferait-on pour trouver le bonheur chez de pareils ensevelis, chez de tels ermites! Faut-il que je cherche encore le dernier bonheur sur les Iles Bienheureuses et au loin parmi les mers oubliées?
Mais tout est égal, rien ne vaut la peine, en vain sont toutes les recherches, il n'y a plus d'Iles Bienheureuses!" -
Ainsi soupira le devin; mais à son dernier soupir Zarathoustra reprit sa sérénité et son assurance comme quelqu'un qui revient à la lumière, sortant d'un gouffre profond. "Non! Non! trois fois non, s'écria-t-il d'une voix forte, en se caressant la barbe – je sais cela bien mieux que toi! Il y a encore des Iles Bienheureuses! N'en parle pas, sac-à-tristesse, pleurard!
Cesse de glapir, nuage de pluie du matin! Ne me vois-tu pas déjà mouillé de la tristesse et aspergé comme un chien?
Maintenant je me secoue et je me sauve loin de toi, pour redevenir sec: ne t'en étonne pas! N'ai-je pas l'air courtois? Mais c'est ma cour qui est ici.
Pour ce qui en est de ton homme supérieur: Eh bien! je vais vite le chercher dans ces forêts: c'est de là qu'est venu son cri. Peut-être une bête sauvage le met-elle en danger.
Ils est dans mon domaine: je ne veux pas qu'il lui arrive malheur ici! Et, en vérité, il y a chez moi beaucoup de bêtes sauvages." -
A ces mots Zarathoustra s'apprêta à partir. Mais alors le devin se mit à dire: "O Zarathoustra, tu es un coquin!
Je le sais bien: tu veux te débarrasser de moi! Tu préfères te sauver dans les forêts pour poursuivre les bêtes sauvages!
Mais à quoi cela te servira-t-il? Le soir tu me trouveras pourtant de nouveau; je serai assis dans ta propre caverne, patient et lourd comme une bûche – assis là à t'attendre!"
"Qu'il en soit ainsi! s'écria Zarathoustra en s'en allant: et ce qui m'appartient dans ma caverne, t'appartient aussi, à toi mon hôte!
Mais si tu y trouvais encore du miel, eh bien! lèche-le jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus, ours grognon, et adoucis ton âme! Car se soir nous allons être joyeux tous deux.
– joyeux et contents que cette journée soit finie! Et toi-même tu dois accompagner mes chants de tes danses, comme si tu étais mon ours savant.
Tu n'en crois rien, tu secoues la tête? Eh bien! Va! Vieil ours! Mais moi aussi – je suis un devin."
Ainsi parlait Zarathoustra.