Kitabı oku: «Ainsi Parlait Zarathoustra», sayfa 22

Yazı tipi:

LE CHANT DE LA MÉLANCOLIE

1

Lorsque Zarathoustra prononça ces discours, il se trouvait à l'entrée de sa caverne; mais après les dernières paroles, il s'échappa de ses hôtes et s'enfuit pour un moment en plein air.

"O odeurs pures autour de moi, s'écria-t-il, ô tranquillité bienheureuse autour de moi! Mais où sont mes animaux? Venez, venez, mon aigle et mon serpent!

Dites-moi donc, mes animaux: tous ces hommes supérieurs, – ne sentent-ils peut-être pas bon? O odeurs pures autour de moi! Maintenant je sais et je sens seulement combien je vous aime, mes animaux."

– Et Zarathoustra dit encore une fois: "Je vous aime, mes animaux!" L'aigle et le serpent cependant se pressèrent contre lui, tandis qu'il prononçait ces paroles et leurs regards s'élevèrent vers lui. Ainsi ils se tenaient ensemble tous les trois, silencieusement, aspirant le bon air les uns auprès des autres. Car là-dehors l'air était meilleur que chez les hommes supérieurs.

2

Mais à peine Zarathoustra avait-il quitté la caverne, que le vieil enchanteur se leva et, regardant malicieusement autour de lui, il dit: "Il est sorti!

Et déjà, ô homme supérieurs – permettez-moi de vous chatouiller de ce nom de louange et de flatterie, comme il fit lui-même – déjà mon esprit malin et trompeur, mon esprit d'enchanteur, s'empare de moi, mon démon de mélancolie, – qui est, jusqu'au fond du coeur, l'adversaire de ce Zarathoustra: pardonnez-lui! Maintenant il veut faire devant vous ses enchantements, c'est justement son heure; je lutte en vain avec ce mauvais esprit.

A vous tous, quels que soient les honneurs que vous vouliez prêter, que vous vous appeliez les "esprits libres" ou bien "les véridiques", ou bien "les expiateurs de l'esprit", "les déchaînés", ou bien "ceux du grand désir" – à vous tous qui souffrez comme moi du grand dégoût, pour qui le Dieu ancien est mort, sans qu'un Dieu nouveau soit encore au berceau, enveloppé de linges, – à vous tous, mon mauvais esprit, mon démon enchanteur, est favorable.

Je vous connais, ô hommes supérieurs, je le connais, – je le connais aussi, ce lutin que j'aime malgré moi, ce Zarathoustra: il me semble le plus souvent semblables à une belle larve de saint, – semblable à un nouveau déguisement singulier, où se plaît mon esprit mauvais, le démon de mélancolie: – souvent il me semble que j'aime Zarathoustra à cause de mon mauvais esprit. -

Mais déjà il s'empare de moi et il me terrasse, ce mauvais esprit, cet esprit de mélancolie, ce démon du crépuscule: et en vérité, ô hommes supérieurs, il est pris d'une envie – ouvrez les yeux! – il est pris d'une envie de venir nu, en homme ou en femme, je ne le sais pas encore: mais il vient, il me terrasse, malheur à moi! ouvrez vos sens!

Le jour baisse, pour toutes choses le soir vient maintenant, même pour les meilleures choses; écoutez donc et voyez, ô hommes supérieurs, quel démon, homme ou femme, est cet esprit de la mélancolie du soir!

Ainsi parlait le vieil enchanteur, puis il regarda malicieusement autour de lui et saisit sa harpe.

3
 
Dans l'air clarifié,
quand déjà la consolation de la rosée
descend sur terre,
invisible, sans qu'on l'entende,
– car la rosée consolatrice porte
des chaussures fines, comme tous les doux consolateurs -
songes-tu alors, songes-tu, coeur chaud,
comme tu avais soif jadis,
soif de larmes divines, de gouttes de rosée,
altéré et fatigué, comme tu avais soif,
puisque dans l'herbe, sur des sentes jaunies,
des rayons du soleil couchant, méchamment,
au travers des arbres noirs, couraient autour de toi,
des rayons de soleil, ardents et éblouissants, malicieux.
 
 
"Le prétendant de la vérité? toi? – ainsi se moquaient-ils -
Non! Poète seulement!
Une bête rusée, sauvage, rampante,
qui doit mentir:
qui doit mentir sciemment, volontairement,
envieuse de butin,
masquée de couleurs,
.....masque pour elle-même,
butin pour elle-même -
 
 
Ceci – le prétendant de la vérité!…
Non! Fou seulement! poète seulement!
parlant en images coloriées,
criant sous un masque multicolore de fou,
errant sur de mensongers ponts de paroles,
sur des arcs-en-ciel mensongers,
parmi de faux ciels
errant, planant çà et là, -
fou seulement! poète seulement!…
 
 
Ceci – le prétendant de la vérité?…
ni silencieux, ni rigide, lisse et froid,
changé en image,
en statue divine,
ni placé devant les temples,
gardien du seuil d'un Dieu:
non! ennemi de tous ces monuments de la vertu,
plus familier de tous les déserts que de l'entrée des temples,
 
 
plein de chatteries téméraires,
sautant par toutes les fenêtres,
vlan! Dans tous les hasards,
reniflant dans toutes les forêts vierges,
reniflant d'envie et de désirs!
Ah! que tu coures dans les forêts vierges,
parmi les fauves bigarrés,
bien portant, colorié et beau comme le péché,
avec les lèvres lascives,
divinement moqueur, divinement infernal, divinement sanguin
que tu coures sauvage, rampeur, menteur: -
 
 
Ou bien, semblable aux aigles, qui regardent longtemps,
longtemps, le regard fixé dans les abîmes,
dans leur abîmes: -
ô comme ils planent en cercle,
descendant toujours plus bas,
au fond de l'abîme toujours plus profond! -
puis
soudain,
d'un trait droit,
les ailes ramenées,
fondant sur des agneaux,
d'un vol subit, affamés,
pris de l'envie de ces agneaux,
détestant toutes les âmes d'agneaux,
haineux de tout ce qui a le regard
de l'agneau, l'oeil de la brebis, la laine frisée
et grise, avec la bienveillance de l'agneau!
 
 
Tels sont,
comme chez l'aigle et la panthère,
les désirs du poète,
tels sont tes désirs, entre mille masques,
toi qui es fou, toi qui es poète!…
 
 
Toi qui vis l'homme,
tel Dieu, comme un agneau -:
Déchirer Dieu dans l'homme,
comme l'agneau dans l'homme,
rire en le déchirant -
 
 
Ceci, ceci est ta félicité!
La félicité d'un aigle et d'une panthère,
la félicité d'un poète et d'un fou!"…
 
 
Dans l'air clarifié,
quand déjà le croissant de la lune
glisse ses rayons verts,
envieusement, parmi la pourpre du couchant:
– ennemi du jour,
glissant à chaque pas, furtivement,
devant les bosquets de roses,
jusqu'à ce qu'ils s'effondrent
pâles dans la nuit: -
ainsi je suis tombé moi-même jadis
de ma folie de vérité,
de mes désirs du jour,
fatigué du jour, malade de lumière,
– je suis tombé plus bas, vers le couchant et l'ombre:
par une vérité
brûlé et assoiffé:
– t'en souviens-tu, t'en souviens-tu, coeur chaud,
comme alors tu avais soif? -
Que je sois banni
de toutes les vérités!
Fou seulement, poète seulement!
 

DE LA SCIENCE

Ainsi chantait l'enchanteur; et tous ceux qui étaient assemblés furent pris comme des oiseaux, au filet de sa volupté rusée et mélancolique. Seul le consciencieux de l'esprit ne s'était pas laissé prendre: il enleva vite la harpe de la main de l'enchanteur et s'écria: "De l'air! Faites entrer de bon air! Faites entrer Zarathoustra! Tu rends l'air de cette caverne lourd et empoisonné, vieil enchanteur malin!

Homme faux et raffiné, ta séduction conduit à des désirs et à des déserts inconnus. Et malheur à nous si des gens comme toi parlent de la vérité et lui donnent de l'importance!

Malheur à tous les esprits libres qui ne sont pas en garde contre pareils enchanteurs! C'en sera fait de leur liberté: tu enseignes le retour dans les prisons et tu y ramènes, – vieux démon mélancolique, ta plainte contient un appel, tu ressembles à ceux dont l'éloge de la chasteté invite secrètement à des voluptés!"

Ainsi parlait le consciencieux; mais le vieil enchanteur regardait autour de lui, jouissant de sa victoire, ce qui faisait rentrer en lui le dépit que lui causait le consciencieux. "Tais-toi, dit-il d'une voix modeste, de bonnes chansons veulent avoir de bons échos; après de bonnes chansons, il faut se taire longtemps.

C'est ainsi qu'ils font tous, ces hommes supérieurs. Mais toi tu n'as probablement pas compris grand'chose à mon poème? En toi il n'y a rien moins qu'un esprit enchanteur."

"Tu me loues, répartit le consciencieux, en me séparant de toi; cela est très bien! Mais vous autres, que vois-je! Vous êtes encore assis là avec des regards de désir – :

O âmes libres, où donc s'en est allée votre liberté? Il me semble presque que vous ressemblez à ceux qui ont longtemps regardé danser les filles perverses et nues: vos âmes mêmes se mettent à danser!

Il doit y avoir en vous, ô hommes supérieurs, beaucoup plus de ce que l'enchanteur appelle son mauvais esprit d'enchantement et de duperie: – il faut bien que nous soyons différents.

Et, en vérité, nous avons assez parlé et pensé ensemble, avant que Zarathoustra revînt à sa taverne, pour que je sache que nous sommes différents.

Nous cherchons des choses différentes, là-haut aussi, vous et moi. Car moi je cherche plus de certitude, c'est pourquoi je suis venu auprès de Zarathoustra. Car c'est lui qui est le rempart le plus solide et la volonté la plus dure – aujourd'hui que tout chancelle, que la terre tremble. Mais vous autres, quand je vois les yeux que vous faites, je croirais presque que vous cherchez plus d'incertitude, – plus de frissons, plus de dangers, plus de tremblements de terre. Il me semble presque que vous ayez envie, pardonnez-moi ma présomption, ô hommes supérieurs – envie de la vie la plus inquiétante et la plus dangereuse, qui m'inspire le plus de crainte à moi, la vie des bêtes sauvages, envie de forêts, de cavernes, de montagnes abruptes et de labyrinthes.

Et ce ne sont pas ceux qui vous conduisent hors du danger qui vous plaisent le plus, ce sont ceux qui vous éconduisent, qui vous éloignent de tous les chemins, les séducteurs. Mais si de telles envies sont véritables en vous, elles me paraissent quand même impossibles.

Car la crainte – c'est le sentiment inné et primordial de l'homme; par la crainte s'explique toute chose, le péché originel et la vertu originelle. Ma vertu, elle aussi, est née de la crainte, elle s'appelle: science.

Car la crainte des animaux sauvages – c'est cette crainte que l'homme connut le plus longtemps, y compris celle de l'animal que l'homme cache et craint en lui-même: – Zarathoustra l'appelle "la bête intérieure".

Cette longue et vieille crainte, enfin affinée et spiritualisée, – aujourd'hui il me semble qu'elle s'appelle Science." -

Ainsi parlait le consciencieux; mais Zarathoustra, qui rentrait au même instant dans sa caverne et qui avait entendu et deviné la dernière partie du discours, jeta une poignée de roses au consciencieux en riant de ses "vérités". "Comment! s'écria-t-il, qu'est-ce que je viens d'entendre? En vérité, il me semble que tu es fou ou bien que je le suis moi-même: et je me hâte de placer ta vérité sur la tête d'un seul coup.

Car la crainte – est notre exception. Le courage cependant, l'esprit d'aventure et la joie de l'incertain, de ce qui n'a pas encore été hasardé, – le courage, voilà ce qui me semble toute l'histoire primitive de l'homme.

Il a eu envie de toutes les vertues des bêtes les plus sauvages et les plus courageuses, et il les leur a arrachées: ce n'est qu'ainsi qu'il est devenu homme.

Ce courage, enfin affiné, enfin spiritualisé, ce courage humain, avec les ailes de l'aigle et la ruse du serpent: ce courage, me semble-t-il, s'appelle aujourd'hui – "

"Zarathoustra!" s'écrièrent tous ceux qui étaient réunis, comme d'une seule voix, en parlant d'un grand éclat de rire; mais quelque chose s'éleva d'eux qui ressemblait à un nuage noir. L'enchanteur, lui aussi, se mit à rire et il dit d'un ton rusé: "Eh bien! il s'en est allé mon mauvais esprit!

Et ne vous ai-je pas moi-même mis en défiance contre lui, lorsque je disais qu'il est un imposteur, un esprit de mensonge et de tromperie?

Surtout quand il se montre nu. Mais que puis-je faire à ses malices, moi! Est-ce moi qui l'ai créé et qui ai créé le monde?

Eh bien! soyons de nouveau bons et de bonne humeur! Et quoique Zarathoustra ait le regard sombre – regardez-le donc! il m'en veut – : – avant que la nuit soit venue il apprendra de nouveau à m'aimer et à me louer, il ne peut pas vivre longtemps sans faire de pareilles folies.

Celui-là – aime ses ennemis: c'est lui qui connaît le mieux cet art, parmi tous ceux que j'ai rencontrés. Mais il s'en venge – sur ses amis!"

Ainsi parlait le vieil enchanteur, et les hommes supérieurs l'acclamèrent: en sorte que Zarathoustra se mit à circuler dans sa caverne, secouant les mains de ses amis avec méchanceté et amour, – comme quelqu'un qui a quelque chose à excuser et à réparer auprès de chacun. Mais lorsqu'il arriva à la porte de sa caverne, voici, il eut de nouveau envie du bon air qui régnait dehors et de ses animaux, – et il voulut se glisser dehors.

PARMI LES FILLES DU DÉSERT

1

"Ne t'en vas pas! dit alors le voyageur qui s'appelait l'ombre de Zarathoustra, reste auprès de nous, – autrement la vieille et lourde affliction pourrait de nouveau s'emparer de nous.

Déjà le vieil enchanteur nous a prodigué ce qu'il avait de plus mauvais, et, regarde donc, le vieux pape qui est si pieux a des larmes dans les yeux, et déjà il s'est de nouveau embarqué sur la mer de la mélancolie.

Il me semble pourtant que ces rois font bonne figure devant nous; car, parmi nous tous, ce sont eux qui ont le mieux appris à faire bonne mine aujourd'hui. S'ils n'avaient pas de témoins, je parie que le mauvais jeu recommencerait, chez eux aussi – le mauvais jeu des nuages qui passent, de l'humide mélancolie, du ciel voilé, des vents d'automne qui hurlent: – le mauvais jeu de nos hurlements et de nos cris de détresse: reste auprès de nous, ô Zarathoustra! Il y a ici beaucoup de misère cachée qui voudrait parler, beaucoup de soir, beaucoup de nuages, beaucoup d'air épais!

Tu nous as nourris de fortes nourritures humaines et de maximes fortifiantes: ne permets pas que, pour le dessert, les esprits de mollesse, les esprits efféminés nous surprennent de nouveau!

Toi seul, tu sais rendre autour de toi l'air fort et pur! Ai-je jamais trouvé sur la terre un air aussi pur, que chez toi dans ta caverne?

J'ai pourtant vu bien des pays, mon nez a appris à examiner et à évaluer des airs multiples: mais c'est auprès de toi que mes narines éprouvent leur plus grande joie!

Si ce n'est, – si ce n'est – ô pardonne-moi un vieux souvenir! Pardonne-moi un vieux chant d'après dîner que j'ai jadis composé parmi les filles du désert.

Car, auprès d'elles, il y avait aussi de bon air clair d'Orient; c'est là-bas que j'ai été le plus loin de la vieille Europe, nuageuse, humide et mélancolique!

Alors j'aimais ces filles d'Orient et d'autres royaumes des cieux azurés, sur qui ne planaient ni nuages ni pensées.

Vous ne vous doutez pas combien elles étaient charmantes, lorsqu'elles ne dansaient pas, assises avec des arts profonds, mais sans pensées, comme de petits secrets, comme des énigmes enrubannées, comme des noix d'après dîner – diaprées et étranges, en vérité! mais sans nuages: telles des énigmes qui se laissent deviner: c'est en l'honneur des ces petites filles qu'alors j'ai inventé mon psaume d'après dîner."

Ainsi parlait le voyageur qui s'appelait l'ombre de Zarathoustra; et, avant que quelqu'un ait eu le temps de répondre, il avait déjà saisi la harpe du vieil enchanteur, et il regardait autour de lui, calme et sage, en croisant les jambes: – mais de ses narines il absorbait l'air, lentement et comme pour interroger, comme quelqu'un qui, dans les pays nouveaux, goûte de l'air nouveau. Puis il commença à chanter avec une sorte de hurlement:

2

Le désert grandit: malheur à celui qui recèle des déserts!

 
– Ah!
Solennel!
Un digne commencement!
D'une solennité africaine!
Digne d'un lion,
ou bien d'un hurleur moral…
– mais ce n'est rien pour vous,
mes délicieuses amies,
aux pieds de qui
il est donné de s'asseoir, sous des palmiers
à un Européen. Selah.
 
 
Singulier, en vérité!
Me voilà assis,
tout près du désert et pourtant
si loin déjà du désert,
et nullement ravagé encore:
dévoré
par la plus petite des oasis
– car justement elle ouvrait en bâillant
sa petite bouche charmante,
la plus parfumée de toutes les petites bouches:
et j'y suis tombé,
au fond, en passant au travers – parmi vous,
vous mes délicieuses amies! Selah.
 
 
Gloire, gloire, à cette baleine,
si elle veilla ainsi au bien-être
de son hôte! – vous comprenez
mon allusion savante?…
Gloire à son ventre,
s'il fut de la sorte
un charmant ventre d'oasis,
tel celui-ci: mais je le mets en doute,
car je viens de l'Europe
qui est plus incrédule que toutes les épouses.
Que Dieu l'améliore!
Amen!
 
 
Me voilà donc assis,
dans cette plus petite de toutes les oasis,
semblable à une datte,
brun, édulcoré, doré,
ardent d'une bouche ronde de jeune fille,
plus encore de dents canines,
de dents féminines,
froides, blanches comme neige, tranchantes
car c'est après elle que languit
le coeur de toutes les chaudes dattes. Selah.
 
 
Semblable à ces fruits du midi,
trop semblable,
je suis couché là,
entouré de petits insectes ailés
qui jouent autour de moi,
et aussi d'idées et de désirs
plus petits encore,
plus fous et plus méchants,
cerné par vous,
petites chattes, jeunes filles,
muettes et pleines d'appréhensions,
Doudou et Souleika
ensphinxé, si je mets dans un mot nouveau
beaucoup de sentiments
(que Dieu me pardonne
cette faute de langage!)
– je suis assis là, respirant le meilleur air,
de l'air de paradis, en vérité,
de l'air clair, léger et rayé d'or,
aussi bon qu'il en est jamais
tombé de la lune -
était-ce par hasard,
ou bien par présomption,
que cela est arrivé?
comme content les vieux poètes.
Mais moi, le douteur, j'en doute,
c'est que je viens
de l'Europe
qui est plus incrédule que toutes les épouses.
Que Dieu l'améliore!
Amen!
 
 
Buvant l'air le plus beau,
les narines gonflées comme des gobelets,
sans avenir, sans souvenir,
ainsi je suis assis là,
mes délicieuses amies,
et je regarde la palme
qui, comme une danseuse,
se courbe, se plie et se balance sur les hanches,
– on l'imite quand on la regarde longtemps!…
comme une danseuse qui, il me semble,
s'est tenue trop longtemps, dangereusement longtemps,
toujours et toujours sur une jambe?
– elle en oublia, comme il me semble,
l'autre jambe!
Car c'est en vain que j'ai cherché
le trésor jumeau
– c'est-à-dire l'autre jambe -
dans le saint voisinage
de leurs charmantes et mignonnes
jupes de chiffons, jupes flottantes en éventail.
Oui, si vous voulez me croire tout à fait,
mes belles amies:
je vous dirai qu'elle l'a perdue!…
Hou! Hou! Hou! Hou! Hou!…
Elle s'est allée
pour toujours
l'autre jambe!
O quel dommage pour l'autre jambe si gracieuse
Où – peut-elle s'arrêter, abandonnée, en deuil?
Cette jambe solitaire?
Craignant peut-être
un monstre méchant, un lion jaune
et bouclé d'or? Ou bien déjà
rongé, grignoté – hélas! hélas!
misérablement grignoté! Selah.
 
 
O ne pleure pas,
coeurs tendres,
ne pleurez pas,
coeurs de dattes, seins de lait,
coeurs de réglisse!
Sois un homme, Souleika! Courage! courage!
ne pleure plus,
pâle Doudou!
– Ou bien faudrait-il
peut-être ici
quelque chose de fortifiant, fortifiant le coeur?
Une maxime embaumée?
une maxime solennelle…
 
 
Ah! monte, dignité!
Souffle, souffle de nouveau
Soufflet de la vertu!
Ah!
Hurler encore une fois,
hurler moralement!
en lion moral, hurler devant les filles du désert!
– Car les hurlements de la vertu,
délicieuse jeunes filles,
sont plus que toute chose
les ardeurs de l'Européen, les fringales de l'Européen!
 
 
Et me voic déjà,
moi l'Européen,
je ne puis faire autrement, que Dieu m'aide!
Amen.
 

Le désert grandit: malheur à celui qui recèle le désert!

LE RÉVEIL

1

Après le chant du voyageur et de l'ombre, la caverne s'emplit tout à coup de rires et de bruits; et comme tous les hôtes réunis parlaient en même temps et que l'âne lui aussi, après un pareil encouragement, ne pouvait plus se tenir tranquille, Zarathoustra fut pris d'une petite aversion et d'un peu de raillerie contre ses visiteurs: bien qu'il se réjouît de leur joie. Car celle lui semblait un signe de guérison. Il se glissa donc dehors, en plein air, et il parla à ses animaux.

"Où s'en est maintenant allée leur détresse? dit-il, et déjà il se remettait lui-même de son petit ennui – il me semble qu'ils ont désappris chez moi leurs cris de détresse!

– quoiqu'ils n'aient malheureusement pas encore désappris de crier." Et Zarathoustra se boucha les oreilles, car à ce moment les I-A de l'âne se mêlaient singulièrement au bruit des jubilations de ces hommes supérieurs.

"Ils sont joyeux, se remit-il à dire, et, qui sait, peut-être aux dépens de leur hôte; et s'ils ont appris à rire de moi, ce n'est cependant pas mon rire qu'ils ont appris.

Mais qu'importe! Ce sont de vieilles gens: ils guérissent à leur manière, ils rient à leur manière; mes oreilles ont supporté de pires choses sans en devenir moroses.

Cette journée est une victoire: il recule déjà, il fuit l'esprit de la lourdeur, mon vieil ennemi mortel! Comme elle va bien finir cette journée qui a si mal et si malignement commencé!

Et elle veut finir. Déjà vient le soir: il passe à cheval sur la mer, le bon cavalier! Comme il se balance, le bienheureux, qui revient sur sa selle de pourpre!

Le ciel regarde avec sérénité, le monde s'étend dans sa profondeur, ô vous tous, hommes singuliers qui êtes venus auprès de moi, il vaut la peine de vivre auprès de moi!"

Ainsi parlait Zarathoustra. Et alors des cris et des rires des hommes supérieurs résonnèrent de nouveau de la caverne: or, Zarathoustra, commença derechef:

"Ils mordent, mon amorce fait de l'effet, chez eux aussi l'ennemi fuit: l'esprit de la lourdeur. Déjà ils apprennent à rire d'eux-mêmes: est-ce que j'entends bien?

Ma nourriture d'homme fait de l'effet, mes maximes savoureuses et rigoureuses: et, en vérité, je ne les ai pas nourris avec des légumes qui gonflent. Mais avec une nourriture de guerriers, une nourriture de conquérants: j'ai éveillé de nouveaux désirs.

Il y a de nouveaux espoirs dans leurs bras et dans leurs jambes, leur coeur s'étire. Ils trouvent des mots nouveaux, bientôt leur esprit respirera la pétulance.

Je comprends que cette nourriture ne soit pas pour les enfants, ni pour les petites femmes langoureuses, jeunes et vieilles. Il faut d'autres moyens pour convaincre leurs intestins; je ne suis pas leur médecin et leur maître.

Le dégoût quitte ces hommes supérieurs: eh bien! cela est ma victoire. Dans mon royaume, ils se sentent en sécurité, toute honte bête s'enfuit, ils s'épanchent.

Ils épanchent leurs coeurs, des heures bonnes leur reviennent, ils chôment et ruminent de nouveau, – ils deviennent reconnaissants.

C'est ce que je considère comme le meilleur signe, ils deviennent reconnaissants. A peine un court espace de temps se sera-t-il écoulé qu'ils inventeront des fêtes et élèveront des monuments commémoratifs à leurs joies anciennes.

Ce sont des convalescents!" Ainsi parlait Zarathoustra, joyeux dans son coeur et regardant au dehors; ses animaux cependant se pressaient contre lui et faisaient honneur à son bonheur et à son silence.

2

Mais soudain l'oreille de Zarathoustra s'effraya, car la caverne, qui avait été jusqu'à présent pleine de bruit et de rire, devint soudain d'un silence de mort; le nez de Zarathoustra cependant sentit une odeur agréable de fumée et d'encens, comme si l'on brûlait des pommes de pin.

"Qu'arrive-t-il? Que font-ils?" se demanda Zarathoustra, en s'approchant de l'entrée pour regarder ses convives sans être vu. Mais, merveille des merveilles! que vit-il alors de ses propres yeux!

"Ils sont tous redevenus pieux, ils prient, ils sont fous!" – dit-il en s'étonnant au delà de toute mesure. Et, en vérité, tous ces hommes supérieurs, les deux rois, le pape hors de service, le sinistre enchanteur, le mendiant volontaire, le voyageur et l'ombre, le vieux devin, le consciencieux de l'esprit et le plus laid des hommes: ils étaient tous prosternés sur leurs genoux, comme les enfants et les vieilles femmes fidèles, ils étaient prosternés en adorant l'âne. Et déjà le plus laid des hommes commençait à gargouiller et à souffler, comme si quelque chose d'inexprimable voulait sortir de lui; cependant lorsqu'il finit enfin par parler réellement, voici, ce qu'il psalmodiait était une singulière litanie pieuse, en l'honneur de l'âne adoré et encensé. Et voici quelle fut cette litanie:

Amen! Honneur et gloire et sagesse et reconnaissance et louanges et forces soient à notre Dieu, d'éternité en éternité!

– Et l'âne de braire I-A.

Il porte nos fardeaux, il s'est fait serviteur, il est patient de coeur et ne dit jamais non; et celui qui aime son Dieu le châtie bien.

– Et l'âne de braire I-A.

Il ne parle pas, si ce n'est pour dire toujours oui au monde qu'il a créé; ainsi il chante la louange de son monde. C'est sa ruse qui le pousse à ne point parler: ainsi il a rarement tort.

– Et l'âne de braire I-A.

Insignifiant il passe dans le monde. La couleur de son corps, dont il enveloppe sa vertu, est grise. S'il a de l'esprit, il le cache; mais chacun croit à ses longues oreilles.

– Et l'âne de braire I-A.

Quelle sagesse cachée est cela qu'il ait de longues oreilles et qu'il dise toujours oui, et jamais non! N'a-t-il pas crée le monde à son image, c'est-à-dire aussi bête que possible?

– Et l'âne de braire I-A.

Tu suis des chemins droits et des chemins détournés; ce que les hommes appellent droit ou détourné t'importe peu. Ton royaume est par delà le bien et le mal. C'est ton innocence de ne point savoir ce que c'est que l'innocence.

– Et l'âne de braire I-A.

Vois donc comme tu ne repousses personne loin de toi, ni les mendiants, ni les rois. Tu laisses venir à toi les petits enfants et si les pécheurs veulent te séduire tu leur dis simplement I-A.

– Et l'âne de braire: I-A.

Tu aimes les ânesses et les figues fraîches, tu n'es point difficile pour ta nourriture. Un chardon te chatouille le coeur lorsque tu as faim. C'est là qu'est ta sagesse de Dieu.

– Et l'âne de braire I-A.

Yaş sınırı:
0+
Litres'teki yayın tarihi:
21 mayıs 2019
Hacim:
380 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
İndirme biçimi: