Kitabı oku: «Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV», sayfa 11
LIVRE QUINZIÈME
CHAPITRE I.
QUESTION DES SUBSIDES.
1816-1822
Les dissensions entre la chambre et l'exécutif recommencent après la guerre. – Union des colonies anglaises. – Le général Drummond. – Abus dans le bureau des terres et des postes. – Rejet des accusations contre les juges Sewell et Monk. – Dissolution du parlement. – Sir John Coape Sherbrooke gouverneur. – Il transmet aux ministres un tableau de l'état des esprits en Canada. – Instruction qu'il reçoit. – Le clergé catholique: M. Plessis. – Le juge Sewell. – MM. Uniacke et Marshall. – Situation des finances. – Leur confusion. – Dépenses faites sans appropriation. – Instructions de lord Bathurst. – Droit de voter les subsides. – Le juge Foucher accusé. – Le duc de Richmond remplace Sherbrooke. – Reprise de la question des finances. – Liste civile augmentée demandée pour la vie du roi. – Elle est refusée. – Le juge Bedard accusé. – Mort soudaine du duc de Richmond. – Dissolution du parlement. – Le comte de Dalhousie gouverneur-M. Plessis à Londres. – Ses entrevues avec lord Bathurst. – Les discussions sur la question des finances continuent. – M. Papineau nommé au conseil exécutif. – Refus des subsides. – Division dans le conseil législatif. – Partage des droits de douane avec le Haut-Canada.
La guerre qui venait de finir avait ralenti l'ardeur des dissensions entre l'exécutif et la chambre d'assemblée. La paix faite, sir George Prévost parti, victime de son équité envers les Canadiens plutôt que de ses fautes, les anciennes discordes menacèrent de recommencer. Le bureau colonial parut avoir oublié à l'instant même le zèle de la population pour la défense de la colonie, et il fut presqu'aussitôt question de l'union des deux Canadas, contre laquelle on la savait complètement opposée.
Le général Drummond qui vint remplacer temporairement sir George Prévost, s'occupa des récompenses à donner aux soldats et aux miliciens qui s'étaient distingués. On songea à les payer en terre, et pour cela il fallut recourir à un département où on ne pouvait jeter les yeux sans découvrir les énormes abus qui ne cessaient point de s'y commettre. Les instructions qu'avait envoyées l'Angleterre sur les représentations du général Prescott, à la fin du siècle dernier, loin de les avoir fait cesser, semblaient les avoir accrus malgré les murmures de tout le monde. On continuait toujours à gorger les favoris de terres. On en avait tant donné que Drummond manda aux ministres que tous ces octrois empêchaient d'établir les soldats licenciés et les émigrans sur la rivière St, – François. 16 Chacun s'était jeté sur cette grande pâture, et pour la dépecer on s'était réuni en bande. Un M. Young en avait reçu 12,000 acres; un M. Felton en avait eu 14,000 acres pour lui-même et 10,000 pour ses enfans. De 1793 à 1811 plus, de trois millions d'acres avaient été ainsi donnés à une couple de cents favoris, dont quelques-uns en eurent jusqu'à 60 et 80,000, comme le gouverneur R. Shore Milites, qui en prit près de 70,000 pour sa part. Ces monopoleurs n'avaient aucune intention de mettre eux-mêmes ces terres en valeur. Comme elles ne coûtaient rien ou presque rien, ils se proposaient de les laisser dans l'état où elles étaient, jusqu'à ce que l'établissement du voisinage en eût fait hausser le prix. Un semblant de politique paraissait voiler ces abus. On bordait, disait-on, les frontières de loyaux sujets pour empêcher les Canadiens de fraterniser avec les Américains. «Folle et imbécile politique, s'écriait un membre de la chambre, M. Andrew Stuart, en 1823; on craint le contact des deux populations qui ne s'entendent pas, et on met pour barrière des hommes d'un même sang, d'une même langue et de mêmes moeurs et religion que l'ennemi!»
Note 16:(retour) Dépêches de Drummond à lord Bathurst, 16 juin 1815.
Drummond porta encore son attention sur un autre département, celui des postes. Il y découvrit de tels désordres qu'il demanda la destitution de M. Heriot qui en était le chef.
Ces diverses perquisitions qui mettaient à nu le défaut de contrôle à chaque pas, l'occupèrent jusqu'à l'ouverture du parlement en 1816.
Rien de remarquable ne se passa dans les premiers jours de la session, lorsque M. Loring, le secrétaire du gouverneur, vint remettre à la chambre un message qui l'informait que les accusations contre les juges Sowell et Monk étaient repoussées, et que les juges réunis avaient le droit de faire des règles de pratique pour leurs tribunaux. Le gouverneur ajoutait «que le prince Régent avait vu avec peine les procédés de là chambre contre deux hommes qui remplissaient depuis si longtemps et avec tant d'habileté les plus hautes charges judiciaires; que cette conduite était d'autant plus regrettable qu'elle tendait à déprécier aux yeux de la légèreté et de l'ignorance, leur caractère et leurs services, et à diminuer par là même l'influence qu'ils méritaient à si juste titre.»
Cette réponse était un triomphe pour les deux juges accusés, et une insulte à la représentation par les termes dont on se servait pour la communiquer. Elle fut regardée aussi comme un acte de censure et de partialité de race d'un très mauvais augure pour l'avenir. Elle détrompa tous ceux qui s'étaient laissés abuser pendant la guerre par les ménagemens de sir George Prévost, et détruisit dans beaucoup d'esprits les espérances que l'administration de ce gouverneur avait fait naître. La tête de l'hydre de l'oligarchie sembla renaître plus fière et plus puissante que jamais, après une victoire qui suivait de si près celle obtenue par le rappel du général Prévost, insulté dans un libelle, avant son départ, par le solliciteur-général Sewell, frère du juge réintégré. Le message causa, comme on devait s'y attendre, la plus grande sensation dans le parlement et dans la ville. La chambre ordonna sur le champ un appel nominal, et une adresse au prince régent allait être votée, lorsqu'elle fut soudainement dissoute, suivant l'ordre envoyé de Londres par anticipation au gouverneur, qui prononça un discours rempli de reproches. Le bureau colonial qui voulait en imposer en recourant à ce moyen extrême, se chargeait d'une grande responsabilité pour l'avenir, car il n'y avait aucune apparence d'un revirement d'opinion parmi le peuple, chez lequel sa décision avait réveillé l'irritation des temps de Craig.
Le peuple répondit en réélisant presque tous les mêmes membres. Dans l'intervalle Drummond fut remplacé par sir John Coape Sherbrooke, homme plus habile et plus prudent, et qui commença son administration par un acte de bienfaisance dont on lui sut gré. Des gelées hâtives avaient détruit les récoltes de la partie inférieure du district de Québec, et plusieurs paroisses allaient se trouver dans un dénuement presqu'absolu. Il s'empressa de leur envoyer des vivres, que l'on tira des magasins du roi, ou qu'il fit acheter sur sa propre responsabilité et les fit distribuer aux familles menacées de la famine. Cette attention parut indiquer un coeur qui avait quelque sympathie, et on voulut en tirer un bon augure.
En prenant les rênes du pouvoir il s'occupa de la question qui avait fait dissoudre le parlement, et écrivit aux ministres pour leur faire connaître l'état des esprits et pour demander des instructions sur la conduite qu'il devait tenir avec la chambre d'assemblée. Il l'informa que si la dernière dissolution avait été résolue en vue de changer le caractère de la représentation, elle avait entièrement manqué son but; qu'elle avait au contraire, augmenté le mal en excitant une grande irritation parmi les représentans et parmi le peuple; que presque tous les mêmes membres avaient été réélus, et que là où il y avait eu des changemens, on avait choisi des hommes encore moins modérés que ceux qu'ils avaient remplacés.
En Canada une pareille mesure devait dans presque toutes les circonstances produire plus de mal que de bien. Elle ne pouvait avoir l'effet qu'elle avait en Angleterre, où le système de la responsabilité ministérielle obligeait le gouvernement de marcher avec la majorité des communes.
Le bureau colonial était prêt à braver le ressentiment populaire à tout hasard; et pour parer à toutes les éventualités, il donna les instructions nécessaires pour mettre le gouverneur en état de marcher sans le parlement. Lord Bathurst lui manda 17 que, «si la nouvelle chambre était animée du même esprit que la dernière, ce serait en vain qu'on attendît d'elle les appropriations nécessaires, et qu'il lui envoyât un état des revenus de la couronne, en s'abstenant d'agir sur l'ordre qu'il lui avait donné de transporter les biens des jésuites aux syndics de l'institution royale, parce qu'on en aurait besoin pour payer les dépenses publiques. Il approuvait entièrement sir Gordon Drummond d'avoir dissous le parlement, et si la nouvelle assemblée conservait le même esprit de résistance à l'autorité royale, Sherbrooke pouvait en faire autant. Mais tant qu'il paraîtrait y avoir d'autres moyens de résister à ses tentatives, il devait éviter de recourir à cette mesure extrême. «Jusqu'ici, disait-il, le gouvernement a trouvé dans toutes les occasions ordinaires une ressource constante dans la fermeté et les dispositions du conseil législatif, et il n'y a aucune raison de douter qu'il ne continue tant qu'il pourra à contrecarrer les mesures les plus injudicieuses et les plus violentes de l'assemblée. Il est donc désirable, pour toutes sortes de raisons, que vous profitiez de son assistance pour réprimer les actes de cette assemblée que vous pourrez trouver sujets à objection, au lieu de mettre votre autorité ou celle du gouvernement en opposition immédiate à celle de la chambre, et ainsi de lui donner un prétexte pour refuser à la couronne les subsides nécessaires pour le service de la colonie.»
Note 17:(retour) Dépêche du 31 mai, 1816.
Tels étaient les moyens qu'on employait pour gouverner. Le juge Sewell n'avait tant d'influence dans l'administration que parcequ'il était l'instrument le plus habile du système. Que n'a-t-on pas vu dernièrement au sujet des rectoreries du Haut-Canada? Voici comme parle un ministre du gouvernement actuel: «Leur histoire n'est pas un sujet nouveau, car je me rappelle bien l'étonnement avec lequel le public apprit, après le départ de sir John Colborne, à la fin de sa triste administration, que cinquante-sept rectoreries avaient été créées à la face d'une dépêche du ministre des colonies, dans laquelle il était formellement dit qu'il ne devait pas en être établi sans le consentement de la législature coloniale. Je me trompe, cependant, en disant qu'il avait été créé cinquante-sept rectoreries; car il n'avait été exécuté que trente-six patentes: les autres avaient été signées en blanc au moment où sir John Colborne quittait la province. Mais on a su depuis, grâce aux bons offices de ce ferme ami du Canada, Joseph Hume, que la dépêche à laquelle je viens de faire allusion, était accompagnée d'une lettre privée du ministre des colonies enjoignant à sir John Colborne de procéder avec toute la célérité possible et d'assurer l'établissement des rectories par toute la province. L'histoire des gouvernemens ne fournit peut-être pas un autre exemple d'une pareille perfidie et d'un délit si flagrant.» 18
Note 18:(retour) Discours du Dr. Rolph, commissaire des terres de la couronne à ses électeurs en 1861.
Tandis que le ministre indiquait d'un côté l'usage que l'on devait faire du conseil contre la chambre d'assemblée, il cherchait de l'autre à se concilier le clergé catholique et son évêque qui avait une grande influence sur le peuple. Le gouverneur revenant sur la question, transmit à lord Bathurst un aperçu de l'état des partis dans le pays et lui marqua l'embarras où il se trouvait placé entre ses instructions et la situation des esprits. Il déclara qu'il était impossible de se faire une idée de l'impopularité du juge Sewell; que d'après les informations qu'il avait reçues et les siennes propres dans un voyage qu'il avait fait dans la province, il trouvait que toutes les classes lui étaient hostiles, même dans les coins les plus reculés du pays; que cette hostilité fût le fruit des artifices et des calomnies des démagogues ou de la haine personnelle, peu importait; elle existait depuis longtemps, et elle avait acquis une nouvelle violence du triomphe apparent de ce juge; qu'elle était non seulement partagée par le peuple, mais par le clergé catholique lui-même, qui soutenait à toute force qu'elle était bien fondée. Que si l'influence du clergé sur les laïcs était grande sur différentes questions, sa seigneurie pouvait juger de ce qu'elle était lorsqu'elle servait pour un objet dans lequel le peuple croyait ses intérêts les plus chers engagés, contre un homme qu'il regardait malheureusement comme ayant outragé ses sentimens religieux et sa loyauté; que le clergé recevait une double force dans le cas actuel de l'effet combiné des préjugés politiques et religieux et que l'on pouvait se faire facilement une idée de la haine que cet homme leur avait inspirée.
Le gouverneur assurait qu'il était persuadé que s'il avait été dans les vues du gouvernement d'entendre les deux parties sur les accusations portées contre ce juge, quand bien même la décision eût été ce qu'elle avait été, elle aurait contribué à la paix, parce qu'elle aurait ôté au parti hostile à l'accusé un prétexte de plainte, prétexte qui intéresse toujours le peuple, et que dans le cas actuel la présence de l'accusé en Angleterre avait rendu plus plausible, vu surtout que le gouvernement n'avait voulu entendre que lui seul; et il osait dire que c'était là la raison qui avait fait passer les résolutions pour lesquelles l'assemblée avait été dissoute.
Après avoir recommandé de le mettre à la retraite, il ajoutait qu'il lui donnerait, conformément à ses instructions, tout son appui quelle qu'injuste que fut l'hostilité du barreau et de la chaire contre lui, dut-il pour cela sacrifier la conciliation du clergé, la paix du Canada et l'avancement de ses intérêts les plus chers; qu'il tâcherait aussi d'établir de bons rapports avec l'évêque catholique à qui il avait déjà donné des preuves de ses dispositions; mais que ce serait tromper le ministre que de lui faire espérer aucun changement dans les sentimens du clergé ou du peuple sur le point en question. Si les raisonnemens n'avaient pu persuader, il craignait que la coercition ne fit qu'augmenter leur haine. Des hommes modérés et bien informés pensaient qu'en vain y aurait-il prorogation sur prorogation, dissolution sur dissolution, on verrait plutôt une révolution dans le pays que dans les sentimens de ses habitans.
Après avoir ainsi passé en revue l'état des choses, Sherbrooke indiquait les remèdes qu'il croyait nécessaires. L'un d'eux était la nomination d'un agent auprès du gouvernement à Londres, désirée depuis longtemps et qu'avaient presque toutes les autres colonies. L'assemblée attribuait la perte du bill qu'elle avait passé pour cet objet, dans le conseil, à l'influence du juge Sewell qui voulait lui ôter les moyens de soutenir les accusations qu'elle avait portées contre lui, et prévenir les autres avantages qui pourraient résulter d'un défenseur de ses droits dans le métropole. Un autre était de détacher M. Stuart, le principal auteur des résolutions de l'année précédente, du parti qui l'avait pris pour un de ses chefs, en le prenant par le côté sensible chez bien des hommes, l'intérêt personnel. On croyait que l'opposition privée de ses talens, perdrait sa vigueur et tomberait dans l'insignifiance. On lui avait dit que si on lui offrait la place de procureur-général il abandonnerait ses amis. Il suggérait aussi de nommer le président de l'assemblée, M. Papineau, au conseil exécutif, où le parti dominant de la chambre n'était pas représenté. Le plus grand mal, la source la plus fertile de dissensions, c'est, disait-il, que l'on n'avait aucune confiance dans le gouvernement, c'est-à-dire non pas tant dans le caractère personnel du gouverneur que dans le conseil exécutif, dont les membres étaient regardés comme ses conseillers et dont tous les mouvemens étaient surveillés avec une jalousie qui nuisait à tous les actes du pouvoir. Il pensait que l'introduction de M. Papineau dissiperait cette méfiance.
Ce rapport remarquable lève un coin du rideau qui couvrait l'administration, et laisse entrevoir les moyens qu'on employait pour gouverner. Sir John G. Sherbrooke propose au ministre d'acheter par des faveurs ou par des emplois les chefs du clergé et du peuple. Stuart, ce tribun si audacieux, était singulièrement apprécié. La charge de procureur-général parut cependant au-dessus de ses forces. Drummond avait déjà représenté à lord Bathurst que Uniacke qui la remplissait, était un homme sans talens, à quoi le ministre avait d'abord répondu de le remplacer ou de lui donner des aides, et plus tard de tâcher de l'engager à résigner pour donner sa place à quelqu'homme plus compétent qu'il lui enverrait. Mais Uniacke ne voulant pas entendre parler de résignation, un M. Marshall vint d'Angleterre en qualité de solliciteur-général pour suppléer à son incapacité.
Ce qui avait attiré principalement cette mauvaise réputation à Uniacke, c'était son honnêteté et son indépendance. En 1805 le juge Sewell, alors procureur-général, avait voulu abolir les paroisses catholiques pour leur substituer des paroisses protestantes, prétendant que les statuts d'Henri VIII et d'Elizabeth devaient être observés ici, en dépit des traités, du droit public et des gens, et qu'il n'y avait pas d'évêque catholique. Plus tard Uniacke et Vanfelson, avocat du roi, soutinrent que la prétention de Sewell était mal fondée. On ne put pardonner cette opinion à Uniacke, et il n'avait pas cessé d'être persécuté depuis.
Sherbrooke ne l'avait pas destitué parce que ç'aurait été augmenter ses embarras. Suivant ses instructions secrètes, ce gouvernement faisait alors tous ses efforts pour acquérir l'évêque catholique au gouvernement, et mandait qu'il était d'une grande importance d'avoir son appui et celui de son clergé. Dès 1814 ou 15 le prince régent avait envoyé des ordres pour le nommer au conseil; mais on avait exigé des admissions que ce prélat n'avait pas cru devoir faire comme chef du clergé. Sherbrooke suggéra de le reconnaître plus formellement qu'on ne l'avait fait jusque-là. Comme le bruit courait que le catholicisme était exposé à perdre la tolérance dont il jouissait, lord Bathurst le chargeait de dire que les instructions royales n'avaient pas changé depuis 1775, et que l'évêque catholique devait dissiper les fausses impressions que l'ignorance ou la malveillance pourraient répandre à ce sujet; que cependant M. Plessis paraissait être dans l'erreur. L'explication du 4ème article du traité de 63 ne permettait pas aux Canadiens de jouir de leur religion comme avant la cession du pays, mais en autant que les lois anglaises le permettaient. C'est ce qui avait été clairement compris suivant lord Egremont. Les ministres français avaient proposé d'insérer les mots comme ci-devant dans le traité, et avaient insisté jusqu'à ce qu'on leur eût dit que le roi n'avait le pouvoir de tolérer cette religion qu'autant que les lois anglaises le permettaient. Comme les lois de la Grande-Bretagne défendaient toute hiérarchie papiste, il était clair qu'on ne devait marcher qu'avec beaucoup de circonspection, et que ce n'était qu'en expliquant d'une manière favorable l'esprit des lois que le roi pouvait reconnaître M. Plessis comme évêque. C'était à cause de son zèle et de sa loyauté qu'il avait droit à une distinction dont aucun de ses prédécesseurs n'avait joui, celle d'un siège dans le conseil. Ni cette distinction, ni cette reconnaissance cependant ne devaient être considérées à l'avenir comme choses qui allaient sans dire, mais bien comme choses qui devaient dépendre des circonstances et des avantages que le pays pourrait retirer d'une mesure de conciliation. Ses successeurs ne pourraient être autorisés à prendre ce titre qu'après avoir été reconnus. 19
Note 19:(retour) Dépêches de lord Bathurst à sir J. C. Sherbrooke, du 1, 5 et 6 juin, 1817.
L'alliance formée entre le clergé et la chambre avait jeté la frayeur dans les conseils exécutif et législatif. Lorsqu'ils apprirent qu'on voulait porter l'évêque catholique et le président de l'assemblée dans le dernier, ils s'élevèrent aussitôt contre, et le juge Sewell eut beau soulever des difficultés, leur opposition fut inutile devant une mesure que les ministres agréaient dans l'intérêt de leur politique. La nomination de M. Plessis fut confirmée en 1818, avec un salaire de £1000, outre les £500 qu'il recevait déjà pour le loyer, du palais épiscopal occupé par la législature.
La conduite de Sherbrooke avait beaucoup modéré l'ardeur, des partis. Lorsque le parlement s'ouvrit, la chambre parut vouloir abandonner l'affaire des juges au grand déplaisir de Stuart, qui se crut trahi par ses amis. Le gouverneur employa tout son crédit pour qu'il n'en fut plus question, et pria M. Plessis, suivant la ligne de conduite qui lui avait tracé le ministre, de l'aider de son influence. «Stuart, écrivait plus tard, Sherbrooke au bureau colonial, a été abandonné. Cela peut-être attribué au salaire donné au président; mais la chambre était fatiguée; elle voulait se reposer. J'attribue beaucoup de cette modération au bon sens et aux efforts de M. Papineau, qui a manifesté le désir de causer fréquemment avec moi dans les cas difficiles, ce que je l'ai encouragé à faire.»
Cependant l'Angleterre s'occupait de la situation financière du Canada, question autour de laquelle rayonnaient toutes les autres. Dans les pays constitutionnels, le vote des deniers publics est censé appartenir aux communes, c'est-à-dire aux représentans du peuple. Ce principe avait été reconnu en Canada par la constitution de 91; mais l'application n'en avait été ni générale, ni absolue. Le gouvernement avait chicané sur les limites de ce droit, et à certaines époques il s'était emparé de la caisse publique et avait dépensé l'argent sans appropriation, ce qui faisait dire au gouverneur que le ministre serait comme lui, d'opinion qu'il était nécessaire de retirer les finances de la confusion où elles étaient tombées par la dépense d'année en année des fonds publics sans appropriation, prévoyant probablement déjà les troubles et les discordes qui devaient en résulter plus tard. Tantôt la chambre protestait avec force contre cette violation de son droit le plus précieux; tantôt elle gardait le silence, attendant quelque circonstance favorable pour le revendiquer, parceque sans lui la constitution devenait en Canada plus qu'ailleurs une lettre morte.
A cette époque la colonie était encore hors d'état de le maintenir contre l'Angleterre, à moins de rompre son alliance avec elle et de se jeter dans les chances d'une rébellion et dans les bras des Etats-Unis. Personne ne pensait à une pareille tentative. Mais l'oeil clairvoyant de Sherbrooke, l'un des gouverneurs les plus habiles que nous ayons eus, avait prévu toutes les difficultés qu'un pareil état de choses était de nature à faire naître. Les agitations que la question des subsides avait déjà causées, étaient un signe que le peuple lorsque ce jour serait venu prétendrait exercer son droit dans toute sa plénitude.
Le gouverneur transmit à lord Bathurst un état du revenu et des charges ordinaires et extraordinaires dont ce revenu était grevé, d'après lequel la dépense permanente avait excédé, pour 1815, le montant affecté à son acquit par la législature, de près de £19,000. Lorsqu'on voulait régler avec la caisse provinciale, on prenait à même les extraordinaires de l'armée. Sir George Prévost avait suivi cette pratique. En 1815 le gouvernement redevait £60,000 à la province, dont elle pouvait demander le remboursement d'un moment à l'autre.
A cela il fallait ajouter le déficit de l'année expirée le 5 janvier 1817. La balance qui était alors à la disposition de la législature, se montait à £140,000; mais il manquait £7,500 au receveur-général pour former ce total, et il paraît que dans cette balance se trouvaient aussi incluses trois sommes formant ensemble £35,000, qui avaient été portées au débit de la province comme appropriations quoiqu'elles n'eussent pas été dépensées, et qui ne pouvaient plus être censées faire partie de cette balance. Ces trois sommes avec le déficit de £7,500 composaient un total de £43,000 qu'il fallait porter au déficit de 1817. Cela ajouté à l'excédant de la dépense permanente sur le revenu approprié dans les trois années expirées en 1815, et aux £19,000 dépensés sans appropriation en 1816, formait un grand total de £120,000 que le gouvernement devait à la caisse publique.
Le gouverneur mettait à nu dans cette dépêche la manière dont la constitution était violée. Le vote des subsides par les représentans passe pour un droit imprescriptible et essentiel à la liberté. Sans lui le gouvernement pourrait à la rigueur se dispenser des chambres. On se contentait de mettre devant la législature un état d'une partie de la dépense faite sans appropriation. Il y avait une liste séparée formée principalement des salaires du clergé et des pensions, qui s'élevait à £6000, qu'on croyait devoir soustraire à sa vue. Le gouverneur demanda ce qu'il fallait faire pour retirer les finances de cette confusion. Quant au passé, allait-il rembourser la dette considérable qu'on avait laissé accumuler sur l'extraordinaire de l'armée, ou demander à la législature de la couvrir par un vote? Quant à l'avenir, allait-on couvrir le déficit annuel causé par l'excès de la dépense permanente sur le montant de l'appropriation, en empruntant à l'extraordinaire de l'armée, ou bien allait-on soumettre à la législature au commencement de chaque session, comme dans la Nouvelle-Ecosse et dans les autres colonies, une estimation de la liste civile et lui demander de voter les sommes nécessaires?
Lord Bathurst lui répondit qu'il aurait été sans doute préférable que les comptes entre le gouvernement et la province eussent été réglés d'une manière formelle; mais que dans les circonstances le point était de considérer si le silence de la chambre n'était pas une sanction tacite de l'emploi de cet argent. Quant à une partie de cette dépense, le silence de la législature était certainement une approbation. Quant à l'autre portée aux comptes qui lui avaient été soumis, il ne voyait point d'objection non plus de regarder son silence de la même manière, c'est-à-dire comme une approbation et des comptes et de la façon dont ils avaient été acquittés. Huit jours après, craignant d'avoir fait une concession trop large, dont les conséquences pussent entraîner des regrets plus tard, il adressa une nouvelle dépêche pour y mettre des restrictions. Dans le cas où la chambre d'assemblée voterait l'allocation du clergé catholique en omettant celle du clergé protestant, le gouverneur devait employer tous les moyens qui étaient à sa disposition pour faire rejeter cette allocation partielle par le conseil législatif, et dans le cas où elle passerait là aussi, d'y refuser sa sanction. Si l'assemblée proposait de voter l'allocation de chaque clergé séparément, il devait se mettre en garde contre la probabilité d'une allocation partiale, en ayant soin qu'on ne votât rien dans le conseil pour l'église catholique avant que l'assemblée n'eût voté l'allocation du clergé protestant. Il recommandait de veiller attentivement à ce que l'assemblée n'assumât point le pouvoir de disposer des deniers publics sans le concours du conseil, privilège que l'assemblée avait déjà réclamé, mais qu'on lui avait jusqu'à présent refusé avec succès; «et comme, ajoutait le ministre, la nécessité du concours de toute la législature pour valider un octroi d'argent, est presque le seul frein solide qu'on ait sur les procédés de l'assemblée, vous partagerez, j'en suis sûr, mon opinion, qu'il est plus que jamais nécessaire de ne rien abandonner ni céder sur ce point.»
Ainsi le droit de voter les subsides qui, dans l'esprit et l'essence de la constitution, appartient aux représentai du peuple seuls, était par ces instructions mis en partage avec le conseil législatif, nommé par la couronne et conséquemment sa créature.
A peu près dans le même temps le bruit courait que le gouverneur avait reçu des dépêches dans lesquelles le ministre renvoyait les accusations portées contre le juge Foucher au conseil législatif. Cette décision équivalait à un rejet pur et simple. Après quelques débats, le conseil qui voulait s'assurer de la vérité de ce bruit, vota une adresse au gouverneur pour lui demander s'il était fondé, et dans le cas affirmatif s'il voulait bien lui communiquer la dépêche totale ou partielle du prince Régent à cet égard. Il transmit un message aux deux chambres pour les informer que cette rumeur était vraie; mais qu'il n'avait reçu aucune instruction sur la manière d'exécuter la sentence; qu'il en avait écrit à Londres et qu'il ne manquerait pas de leur communiquer la réponse qu'il attendait aussitôt qu'il l'aurait reçue. Cette réponse fut apportée par le duc de Richmond, qui la transmit l'année suivante à l'assemblée. Il fallait que celle-ci fournît ses preuves par écrit à l'appui des accusations contre le juge Foucher; que copie des accusations et des preuves fussent transmises par le gouverneur à l'accusé pour préparer sa défense; qu'ensuite la défense, envoyée au gouverneur, fût communiquée à l'assemblée pour sa réplique, après quoi le tout serait renvoyé en Angleterre pour faire ce qui serait convenable.
Toutes ces formalités auxquelles on voulait assujétir la représentation, tous ces va-et-vient étaient de pures moqueries et blessèrent profondément la dignité de l'assemblée, qui se voyait traitée comme un simple individu par un ministre placé à mille lieues d'elle et qui dépendait lui-même d'un parlement qui ne pouvait rien voir ni connaître de ce qui se passait en Canada. En effet, le ministre se réservait contre tous les principes de la constitution, avec un superbe silence, le droit de juger en secret d'une manière absolue et définitive. Rien n'était plus propre à rendre plus vivaces Les germes de discorde qui existaient déjà dans le pays qu'une conduite qui paraissait si contraire à tous les usages reçus dans les pays libres.