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Kitabı oku: «Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV», sayfa 6

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De la colère et de la violence sir James Craig était passé presque sans transition à un état de calme et de bienveillance qui annonçait un changement dans la politique de la métropole, que la loi des juges avait déjà fait prévoir; et on espéra un meilleur avenir.

Peu de temps après M. Bedard fut remis en liberté. En informant son conseil de ce qui avait eu lieu au sujet de ce chef du parti canadien, le gouverneur ajouta qu'il avait jugé nécessaire de s'abstenir de prendre des mesures pour son élargissement jusqu'à ce que tous les membres fussent rendus chez eux, afin qu'il fut impossible par aucune fausse interprétation de l'attribuer à l'intervention de la chambre; et maintenant qu'ils étaient de retour, il le priait de voir s'il ne serait pas temps de mettre fin à sa détention.

Cette prière était un ordre. Le motif qu'il donna de ne pas l'avoir fait plutôt renferme l'esprit de son administration et la condamnation la plus complète de sa politique. L'exécutif qui persiste dans un acte injuste de peur de paraître céder aux représentans du peuple dans un gouvernement constitutionnel, montre une ignorance complète des principes de ce gouvernement, et s'il se met dans le cas de ne pouvoir éviter une pareille alternative, une incapacité qui en est la plus grande condamnation. M. Bedard élargi disait à ses électeurs du comté de Surrey: «Le passé ne doit pas nous décourager, ni diminuer notre admiration pour notre constitution. Toute autre forme de gouvernement serait sujette aux mêmes inconvéniens et à de bien plus grands encore; ce que celle-ci a de particulier, c'est qu'elle fournit les moyens d'y remédier.

«Toutes les difficultés que nous avions déjà éprouvées n'avaient servi qu'à nous faire apercevoir les avantages de notre constitution. Ce chef-d'oeuvre ne peut être connu que par l'expérience. Il faut sentir une bonne fois les inconvéniens qui peuvent résulter du défaut d'emploi de chacun de ses ressorts, pour être bien en état d'en sentir l'utilité. Il faut d'ailleurs acheter de si grands avantages par quelques sacrifices…»

Tel était le langage de ce patriote en sortant des cachots de l'agent de l'Angleterre. – Ce n'était ni un langage imposé ni un langage de vengeance, c'était un langage de conviction.

Craig qui avait une manière à lui de gouverner, n'avait pas seulement cherché à dominer le parlement, il avait voulu aussi mettre à ses pieds le clergé. Il s'était persuadé qu'il pourrait conduire tout à sa guise par la violence et l'intimidation, et comme il avait imposé sa volonté dans les choses politiques, il croyait pouvoir aussi corrompre et intimider l'évêque catholique, mettre son clergé dans la dépendance de gouvernement, en lui faisant abandonner pour se l'arroger ensuite la nomination des curés. La soumission de M. Plessis qui avait été jusqu'à lire ses proclamations et faire des allocutions politiques en chaire, lui avait fait croire qu'il ferait de ce prélat ce qu'il voudrait; mais il fut trompé. L'évêque n'avait cédé en politique que pour acquérir et non pour perdre en religion. Il y eut trois entrevues au château St. Louis entre ces deux hommes, dans les mois de mai et de juin 1811, dont l'une dura près de deux heures, dans lesquelles le gouverneur put se convaincre que le clergé serait aussi ferme pour défendre ses droits que la chambre d'assemblée.

Nous avons vu les efforts qui ont été faits en différens temps depuis la conquête pour abattre l'église catholique et implanter le protestantisme à sa place. Nous avons fait remarquer que la révolution américaine sauva le catholicisme en Canada, ou pour parler plus exactement, l'empêcha d'être persécuté, car on ne l'aurait pas plus éteint en Canada qu'en Irlande. On peut ajouter que la dispersion du clergé français par le régime de la terreur en 1793 contribua beaucoup à apaiser aussi à Londres les préjugés contre l'église romaine; et que le contrecoup fut assez sensible en Canada pour y laisser permettre, l'entrée des prêtres, sujets des Bourbons, qui en étaient spécialement exclus avant la révolution. 11

Note 11:(retour) La révolution française si déplorable en elle-même, écrivait l'évêque de Québec, M. Hubert, à l'évêque de Léon à Londres, assure en ce moment trois grands avantages au Canada, relui de donner retraite à d'illustres exilés, celui de se procurer de nouveaux colons et celui d'avoir des zélés ministres…

Les émigrés français ont éprouvé d'une manière bien consolante les effets de la générosité anglaise. Ceux qui viendront en Canada ne doivent pas naturellement s'attendre à de puissants secours pécuniaires. Mais les deux provinces leur offrent de toutes parts des ressources.

Par rapport aux ecclésiastiques dont il parait que le gouvernement veut bien favoriser la transmigration en ce pays, voici, Monsgr. ce que je puis avoir l'honneur de vous répondre pour le moment… Il n'y a dans toute l'étendue du diocèse de Québec qu'environ 140 prêtres. Ce nombre est évidemment trop petit pour faire face à près de 150,000 catholiques que l'on y compte…

Le clergé de ce diocèse secondera ma manière de penser en tout ee qui dépendra de lui et, du côté du gouvernement, j'aperçois les intentions les plus favorables…

Mais au commencement de ce siècle, on chercha à revenir sur ses pas ou plutôt à soumettre l'église à la volonté du bureau colonial, pour en faire un instrument politique, en asservissant l'autel au trône. En 1803 le gouvernement fit connaître à l'évêque son intention de revendiquer auprès de la cour de Rome, le privilège accordé aux rois de France par les concordats de nommer aux cures et d'accorder à cette condition à l'évêque un établissement solide et une reconnaissance complète; mais M. Denaut jugea cette transaction trop dangereuse pour être acceptée dans des circonstances ordinaires.

Il était même tellement opposé à cette mesure qui aurait asservi l'église du Canada à un gouvernement protestant, que dans l'événement où le roi aurait imposé ce régime, il était décidé à faire d'abord des représentations avec le clergé et le peuple, puis d'avoir recours au St. siège, si le premier moyen ne réussissait pas.

En 1811, le gouvernement y revenait. «Vous êtes dans une situation désagréable dit le gouverneur à M. Plessis, je désirerais qu'elle put s'améliorer. Vous ne tenez pas le rang qui conviendrait à votre place, et je ne puis vous reconnaître en votre qualité d'évêque; mais il ne dépend que de vous d'être reconnu et autorisé dans vos fonctions extérieures par une commission du roi.» Il avait déjà été question de cela en 1805. Le changement arrivé dans le ministère avait empêché la poursuite de cette affaire. M. Plessis avait alors discuté plusieurs points avec sir Robert S. Milnes, le procureur-général Sewell et M. Grant, et s'était trouvé fort éloigné d'eux, entre autres sur la nomination aux cures qu'ils voulaient attribuer à la couronne. Sir James Craig voulait revenir sur cette affaire, et soutenir que cette nomination était une des prérogatives royales que le roi ne céderait jamais. M. Plessis maintint que la collation, la juridiction et l'institution canonique ou le pouvoir donné à un prêtre de gouverner spirituellement son troupeau, de lui annoncer la parole de Dieu, de lui administrer les sacremens, ne pouvaient venir que de l'église seule; que le roi pourrait bien investir du temporel, mais non du spirituel; que du reste l'introduction de l'ordre de chose qu'on proposait serait capable de mettra la province en feu.

«Une personne, lui dit le gouverneur, qui connaît très bien et depuis longtemps le pays, m'assure que la religion s'y perd sensiblement.»

«Je ne crains pas d'affirmer, répondit aussitôt le prélat, que je connais encore mieux le peuple canadien. Or d'après mes connaissances, je crois ce peuple très attaché à sa religion et très peu disposé à souffrir que l'on y donne atteinte. Il n'y a point d'article dont il soit aussi jaloux. Ce qu'il y a de très certain, observa alors Craig, c'est que jusqu'à présent ce pays a été gouverné d'une manière bien opposée à l'esprit de la constitution d'Angleterre. Nous laissons faire ici quantité de choses que l'on ne souffrirait dans aucune autre partie des domaines britanniques. Le gouvernement pourrait me faire mon procès sur plusieurs articles sur lesquels il est démontré que je ne remplis pas ses intentions. Tant que la province a été de peu de conséquence, on a laissé subsister tout cela. Mais enfin elle prend de l'importance, sa population, ses productions, son commerce lui donnent une considération qu'elle n'a jamais eue. Il est temps qu'elle soit mise sur le même pied que les autres parties de l'empire.. IL est de la gloire de l'empire que la prérogative royale soit exercée partout… Un curé mal choisi pourrait nuire beaucoup au gouvernement.» Le gouverneur voulut ensuite prendre l'évêque par l'intérêt et par l'ambition: Les curés n'ont pas droit de poursuivre pour leur dîme, et vous même quel maigre revenu avez-vous? Les revenus, dit M. Plessis, sont la dernière chose qu'un ecclésiastique doive rechercher; le clergé catholique a souvent prouvé qu'il savait faire des sacrifices en ce genre… Quelque pauvre et précaire que soit ma situation, j'aimerais mieux qu'elle le fut encore plus que de donner lieu à mes diocésains de dire que j'ai vendu mon épiscopat. Sir James Craig s'obstinait. La religion est l'oeuvre de Dieu, répliqua l'évêque. J'espère qu'il la soutiendra dans ce pays… Le gouvernement a laissé mes prédécesseurs depuis la conquête diriger leur église en toute liberté. Ils ont trouvé dans cette conduite un motif de plus de se montrer zélés pour les intérêts de l'Angleterre. J'ai suivi en cela leurs traces. Pour m'être prononcé hautement de vive voix et par écrit dans le même sens, je me suis mis à dos une partie de mes compatriotes. Le gouvernement est juste; s'il veut maltraiter les évêques de ce pays, j'espère qu'il ne commencera pas par moi… Les préjugés de l'Angleterre, observait-il encore, contre les catholiques se dissipaient, elle s'était adoucie contre les siens et ceux d'Irlande; que de choses défendues par les statuts d'Edouard VI, d'Elizabeth et de quelques règnes suivans, et qui se font maintenant en toute liberté. Que n'a-t-on pas dit dans les deux chambres du parlement en 1805, en faveur des catholiques d'Irlande lorsqu'on y agita leur émancipation?.. aurait-on osé parler avec cette force et cette hardiesse il y a 100 ans? Quant à la suprématie spirituelle, je veux dire à la qualité de chef de l'église qu'il a plu au parlement d'Angleterre d'attribuer au roi, il est très certain qu'aucun membre de l'église catholique ne la peut admettre.

Nous ne reconnaissons point, l'église catholique, dit en terminant l'entrevue le gouverneur, aux yeux duquel la nomination aux cures était un moyen puissant de saper la foi du peuple, et d'amener insensiblement son apostasie en choisissant ses pasteurs. Mais le siècle n'était pas propre au succès d'une pareille oeuvre. Loin de chercher à implanter une nouvelle foi, les gouvernemens ont assez à faire pour maintenir l'ancienne, outre qu'il y a plus qu'il ne faut d'autres germes de révolution pour les occuper.

C'est peu de jours après que sir James Craig déposa les rênes du pouvoir et partit pour l'Europe. Le peuple désigne le temps de son administration du règne de la terreur. Cette appellation contient plus d'ironie que de vérité. Il ne fit point répandre de sang, et dans ses emportemens il ne fut que l'instrument de son conseil, qui sut l'aveugler et le mener suivant ses vues lorsqu'il croyait avoir dans les membres de ce corps des serviteurs obséquieux et obéissans. Dans le discours étrange qu'il prononça en prorogeant les chambres, après tout ce qui s'était passé, il approuva complètement l'assemblée sur la question des juges, et termina comme s'il avait laissé tous les partis dans i'union et la concorde, confondus dans un même sentiment d'estime et de bienveillance, illusion d'une imagination que ne réglait aucun jugement, et à laquelle il peut avoir ajouté foi avec sincérité car il n'avait pas au fond un mauvais coeur: sa faiblesse était de vouloir imiter un grand conquérant qui tenait alors un sceptre absolu dans une autre partie du monde. Il mourut quelques mois après son retour en Angleterre. Malgré les adresses de ses partisans à l'occasion de son départ, et le spectacle de la population anglaise qui ôta les chevaux de son carrosse et le tira jusqu'au rivage lorsqu'il alla s'embarquer, il fit des observations amères sur la déception et l'ingratitude des hommes, qu'il avait éprouvées en Canada plus que partout ailleurs, observations peu flatteuses de quelque manière qu'on les envisage pour ceux qui s'attelaient dans le moment même à son char au pied de son château et qui se faisaient esclaves pour être tyrans.

Pourtant jusqu'au dernier moment de son départ ils l'avaient poursuivi de leurs approbations et de leurs adresses complimenteuses.

«Nous conserverons, disaient ses partisans de Montréal, une reconnaissance éternelle pour la conduite habile, constitutionnelle et tempérée de votre excellence, qui a réussi à calmer une fermentation qu'avaient excité quelques esprits faux, vains et ambitieux.»

«L'expérience, ajoutaient ceux de Warwick, a confirmé notre vénération et notre reconnaissance pour celui dont le gouvernement sage et désintéressé dans un temps orageux et difficile, a sauvé cette province des maux qui la menaçaient, a fait connaître à la mère-patrie les ressources de cette colonie, a fait disparaître les jalousies et succéder aux inquiétudes une parfaite tranquillité.»

«Nous n'hésitons pas, répétaient à leur tour ceux de Québec, à exprimer le plus profond respect et la plus haute admiration pour les talens supérieurs, l'énergie, l'impartialité et l'intégrité de conduite qui distinguèrent d'une manière si éminente l'administration de votre excellence.»

LIVRE QUATORZIÈME

CHAPITRE I.
GUERRE DE 1812

Sir George Prévost; sa politique. – Situation des rapports entre l'Angleterre et les Etats-Unis. – Premières hostilités sur mer. – Le parti de la guerre l'emporte à Washington. – La guerre est déclarée. – L'Angleterre adopte un système défensif. – Forces des Etats-Unis. – Organisation de la défense du Canada. – Zèle du clergé catholique. – M. Plessis travaille à faire reconnaître officiellement le catholicisme par le gouvernement. – Mission secrète de John Henry aux Etats-Unis et son résultat. – Mouvement des forces américaines, – Le général Hull envahit le Canada et puis se retire. – Divers escarmouches et combats. – Le général Brock fait prisonnier le général Hull avec ses soldats. – Van Rensalaer envahit le Canada, – Combat de Queenston; mort du général Brock. – Défaite de l'ennemi. – Nouvelle et inutile invasion du Canada par le général Smith. – Le général Dearborn fait mine d'attaquer le Bas-Canada, puis se retire. – Evénemens sur mer. – Session du parlement. – Il élève les droits de douane pour faire face aux dépenses de la guerre.

Les querelles qui avaient troublé l'administration de Craig et les manifestations populaires qui s'étaient fait jour par la voie de l'assemblée, avaient fait une double impression au dehors. Aux Etats-Unis elles avaient enhardi le parti de la guerre et augmenté ses espérances; en Angleterre elles avaient porté le gouvernement à regarder les Canadiens d'une manière plus favorable et à travailler, à adoucir l'âpreté qui régnait dans les relations entre le gouvernement et les représentans.

L'incapacité et la violence de Craig avaient été la cause des troubles récens. Une conduite contraire pouvait ramener le calme dans les esprits. Le gouverneur de la Nouvelle-Ecosse, Sir George Prévost, ancien militaire d'origine Suisse, offrait toutes les conditions désirables dans la circonstance. C'était un homme sage, modéré, qui possédait ce bon sens et cette impartialité si rares chez les agens métropolitains depuis quelque temps.

Voyant d'un côté la puissance énorme de l'Angleterre, et de l'autre la faiblesse de la colonie, ces agens prenaient pour base de leur conduite la force relative des deux parties, et non l'esprit de la constitution. Ils voyaient la métropole personnifiée en eux, et se persuadaient que toutes les oppositions qu'éprouvaient leur volonté, étaient des oppositions malveillantes et factieuses dirigées contre la suprématie anglaise. Ce moyen de réfuter les erreurs que leur partialité ou leur ignorance leur faisait commettre, avait bien l'avantage de mettre leur responsabilité, leur discrétion, leurs talens à l'abri, mais il transportait la querelle sur un terrain dangereux pour l'avenir; sur le terrain de l'alliance entre la colonie et la métropole, de la rébellion et de l'indépendance.

En prenant les rênes du pouvoir, sir George Prévost travailla à calmer les esprits et à faire oublier les animosités que les démêlés violens avec son prédécesseur avaient pu laisser dans les coeurs. Il montra la plus grande confiance dans la fidélité des Canadiens qu'on ne cessait point de traiter de rebelles; il s'étudia à prouver en toute occasion que ces accusations n'avaient laissé aucune impression dans l'esprit de l'Angleterre ni dans le sien. Il nomma le prisonnier de sir James Craig, M. Bedard, juge des Trois-Rivières; il fit M. Bourdages, adversaire non moins ardent de cette administration, colonel de milice, et l'expérience démontra deux choses; que cette conduite était prudente et sage, et que le mensonge, la calomnie, la persécution n'avaient point affaibli le sentiment de la fidélité dans l'âme de ces deux patriotes.

Bientôt la plus grande sympathie s'établit entre lui et le peuple. Le choix du roi avait été dicté sans doute par la situation dans laquelle se trouvaient ses rapports avec les Etats-Unis; car on doit remarquer que la guerre réelle ou imminente avec la république voisine a toujours assuré aux Canadiens des gouverneurs populaires, et qu'au contraire la paix au dehors a été généralement le temps des troubles au dedans. En temps de danger extérieur, toute agression contre les droits des Canadiens cessait; le danger passé, la voix de l'Angleterre se taisait et aussitôt la consanguinité de race assurait sa sympathie à ceux qui voulaient leur anéantissement national, et en attendant leur asservissement politique. Mais un grand peuple, dit Thierry, 12 ne se subjugue pas aussi promptement que sembleraient le faire croire les actes officiels de ceux qui le gouvernent par le droit de la force. La résurrection de la nation grecque prouve que l'on s'abuse étrangement en prenant l'histoire des rois ou même des peuples conquérans pour celle de tout le pays sur lequel ils dominent.» Un peuple plus petit survit encore longtemps à sa chute.

Note 12:(retour) Histoire de la conquête d'Angleterre.

En effet pour certains peuples il y a des jours où la providence semble venir à eux pour ranimer leurs espérances. Les Etats-Unis ont déjà plus d'une fois arrêté, par leur attitude, l'oppression des Canadiens. Le drapeau de cette république possède cet avantage qu'en se déployant dans le ciel, il en impose à la violence et paralyse le bras qui cherche à effacer un peuple du livre des nations.

La guerre était imminente avec cette puissance. Nous avons exposé dans le dernier chapitre les causes des difficultés qui s'étaient élevées entre les deux gouvernemens, et ce que l'on avait fait jusqu'en 1809. A cette époque, M. Madison remplaçait M. Jefferson, ancien ami et ancien disciple de Washington, comme président des Etats-Unis. On crut un moment à un arrangement amical avec l'Angleterre: le ministre de Londres à Washington annonça que les ordres en conseil qui défendaient tout commerce avec la France et ses alliés, et qui avaient motivé le décret de Milan promulgué par Napoléon, qui défendait à son tour tout commerce avec l'Angleterre et ses colonies, allaient être retirés en ce qui regardait la république; mais ce ministre ayant été désavoué par son gouvernement, les rapports entre les deux puissances s'étaient envenimés depuis lors de plus en plus, surtout après la révocation des décrets français de 1810, sans que l'Angleterre modifiât les siens. Les vaisseaux de guerre des deux nations en faisant la police sur les mers, entravaient de plus en plus le commerce et précipitaient le dénouement. La frégate, la Présidente, commandée par le commodore Rogers, prit un sloop de guerre anglais après lui avoir tué beaucoup de monde. Dans le même temps les Indiens de l'Ouest se montrèrent hostiles, et le général Harrison ne put les intimider qu'en leur faisant essuyer une sanglante défaite sur les bords de la Wabash dans l'Indiana. Les ennemis que l'Angleterre avait dans la république attribuèrent les hostilités des Indiens aux intrigues de ses agens, et demandèrent à grands cris la guerre.

Ce parti travaillait depuis longtemps à augmenter ses forces et è parvenir au pouvoir. Le moment paraissait enfin arrivé où il allait voir ses espérances couronnées de succès et obtenir la majorité au congrès. L'Angleterre était dans le tort de la guerre en Espagne, et Napoléon, qui était maintenant en bonne intelligence avec la république, s'élançait dans cette campagne de Russie où il devait gagner ou perdre le sceptre du monde. Animés par les grands événemens, une ardeur toute militaire n'empara des Américains et le cri aux armes retentit dans une grande partie du pays. Le congrès s'émut; le capitole retentit des plaintes et des griefs que l'on reprochait à la dominatrice des mers. Des discours véhémens excitèrent la lenteur craintive des agriculteurs et des marchanda; des orateurs et des journaux annoncèrent que la guerre proclamée, le gouvernement américain n'aurait qu'à ouvrir les bras pour recevoir le Canada retenu malgré lui sous le joug d'une métropole européenne, et que les habitans attendaient avec impatience l'heure de leur délivrance. «Le moment, disait le message du président, M. Madison, en 1811 au congrès, exige des gardiens des droits nationaux un ensemble de dispositions plus amples pour les soutenir. Malgré la justice scrupuleuse, la grande modération et tous les efforts des Etats-Unis pour substituer aux dangers nombreux que court la paix des deux paya, nous avons vu que le cabinet anglais non seulement persiste à refuser toute satisfaction pour nos torts, mais veut encore faire exécuter jusqu'à nos portes des mesures qui dans les circonstances actuelles ont le caractère et l'effet de la guerre contre notre commerce légitime. En présence de cette volonté évidente et inflexible de fouler aux pieds les droits qu'aucune nation indépendante ne peut abandonner, le congrès sentira la nécessité d'armer les Etats-Unis pour les mettre dans cette situation que la crise commande, et pour répondre à l'esprit et aux espérances de la nation.»

Après avoir mis un embargo sur tous les vaisseaux qui se trouvaient dans leurs ports, les deux chambres passèrent une loi pour déclarer la guerre à la Grande-Bretagne. Tous les préparatifs de guerre étaient pour ainsi dire à faire. Il n'y avait ni armée, ni généraux, ni matériel. Il fallait tout former et tout organiser avec hâte et précipitation. Malgré l'enthousiasme apparent, les républicains américains n'avaient point alors plus qu'aujourd'hui l'ambition des victoires et de la gloire militaire. Ce grand mobile des peuples européens manque presque totalement aux peuples du Nouveau-Monde. Ceux-ci n'ont point acquis les contrées qu'ils occupent par de brillantes victoires; ils ns sont point venus s'asseoir en conquérans aux foyers d'une civilisation vieillie et dégénérée. Leurs souvenirs historiques ne consistent ni en conquêtes, ni en croisades, ni en châteaux forts, ni en chevalerie. Tout ce mouvement, toute cette pompe guerrière et poétique qui caractérisent la naissance et la formation des nations modernes de l'Europe, sont des événemens inconnus à l'Amérique. Le Nouveau-Monde fut découvert et établi au moment où les formes de la société de l'ancien allaient changer, et où l'homme qui travaille et l'homme qui souffre, formant la masse des peuples, allait commencer à s'agiter pour obtenir un gouvernement fondé sur ses besoins, et qui fût capable de prendre la place d'un gouvernement militaire caractérisé par la noblesse et la chevalerie.

Le mobile des hommes d'aujourd'hui est un intérêt froid et calculateur. C'est le seul de la république américaine. La guerre du Canada après la première ardeur passée, parut une spéculation chanceuse. Aussi craignant de trop s'aventurer, ce peuple marcha-t-il avec précaution; ce qui fit de la guerre de 1812 une guerre d'escarmouches où il se cueillit peu de lauriers des deux côtés. Engagée comme elle l'était en Europe, l'Angleterre résolut dès l'abord de se tenir sur la défensive, et de marcher en avant seulement lorsque cela serait nécessaire pour mieux assurer le système qu'elle avait adopté. C'était le seul du reste qu'elle pouvait suivre avec les forces qu'elle avait à sa disposition en Amérique. L'immensité de sa frontière coloniale rendait sa situation d'autant plus difficile que le St. – Laurent est fermé une partie de l'année par les glaces, et que la partie de son territoire que baigne l'océan à la Nouvelle-Ecosse, était séparée du Canada par des forêts et de vastes territoires inhabités. Le courage des colons eux-mêmes appuyés des secours qu'elle pourrait leur envoyer, devait former la principale barrière.

Le gouvernement des Etats-Unis ordonna d'enrôler 25 mille hommes, de lever 50 mille volontaires, et d'appeler 100 mille miliciens sous les armes pour la garde des côtes et des frontières. Le général Dearborn, vieil officier de la révolution, fut nommé commandant en chef des armées de la république. Mais ces masses d'hommes étaient plus formidables sur le papier que sur le champ de bataille. Le gouvernement américain manquait d'expérience pour les faire mouvoir d'une manière dangereuse pour la sûreté des possessions anglaises, qui n'auraient pu résister à de pareilles forces si elles avaient été mises en mouvement avec la sienne et l'unité stratégique de l'Europe. Les 175 mille hommes armés des Etats-Unis excédaient toute la population male du Canada capable de porter les armes.

Cependant le Canada de préparait à faire tête à l'orage avec un zèle et une confiance qui étaient de bon augure. Sir George Prévost en arrivant à Québec, alla visiter le district de Montréal et la frontière du lac Champlain; il examina les postes fortifiés et les positions militaires de la rive droite du St. – Laurent. Partout la population était animée du meilleur esprit. Il y avait bien eu un instant quelques tergiversations parmi quelques jeunes membres de la chambre outrée de la conduite de Craig. Il y avait même eu une réunion secrète à Québec chez M. Lee, où assistaient MM. Viger, L. J. Papineau, Borgia, et plusieurs autres, pour délibérer s'il ne conviendrait pas de rester neutres et de laisser au parti qui dominait le pouvoir oppresseur qui nous gouvernait, à le défendre comme il pourrait; mais M. Bédard et ses amis s'y étaient opposés et le projet avait été abandonné.

Le parlement se réunit deux fois en 1812. Le gouverneur lui recommanda de renouveler les actes nécessaires à la sauve-garde du gouvernement. C'était demander le renouvellement de la loi miteuse des suspects dont la dernière administration avait tant abusé. La chambre répondit qu'elle s'en occuperait. Sir George Prévost s'empressa de répliquer qu'il ne pouvait s'empêcher de regretter qu'elle eût cru devoir arrêter son attention sur des procédés antérieurs; qu'il l'engageait à porter ses soins sur l'état actuel des affaires, que c'était le moyen le plus efficace de manifester son zèle pour le bien public et d'assurer la tranquillité de la province. La chambre était bien disposée à accepter sa parole, mais elle voulait s mettre en garde contre l'avenir; elle fit plusieurs amendements à la loi dans lesquels elle conféra au gouverneur seul le pouvoir confié jusque là au conseil exécutif, d'emprisonner les personnes soupçonnées de trahison, et statua qu'aucun membre des deux chambres ne pourrait être arrêté, amendemens qui font voir assez dans quel discrédit étaient tombés les conseillers puisqu'elle prêterait s'exposer à la tyrannie d'un seul homme étranger au pays.

Le conseil législatif refusa d'admettre l'amendement, qui comportait trop directement le censure de la conduite de ses principaux membres, et malgré une conférence entre les deux chambres pour s'entendre, la loi tomba à la satisfaction de tout le monde. La preuve la plus convaincante qu'elle n'avait été qu'un moyen d'oppression, c'est qu'on l'effaçait du livre des statuts à l'entrée de la guerre, c'est-à-dire au moment du plus grand danger.

La chambre vota ensuite l'argent nécessaire, et passa une loi pour organiser la défense de la province en levant des soldats et en organisant et armant la milice. Elle adopta en même temps une résolution pour repousser lea atteintes faites à sa loyauté par le dernier gouverneur. Elle déclara qu'il était du au bon caractère des Canadiens d'adopter quelque mesure pour informer le roi des événemens qui avaient eu lieu sous l'administration de sir James Craig, et des causes qui les avaient amenés, afin qu'il pût prendre les précautions nécessaires pour empêcher à l'avenir le retour de pareils abus.

Elle résolut encore, sur la proposition de M. Lee, de faire une investigation sur l'état de la province et sur les événemens qui avaient signalé la dernière administration. Cette proposition fut secondée par M. L. J. Papineau, qui montrait déjà les talens oratoires de son père; elle passa presque à l'unanimité, deux membres seulement votant contre. MM. Lee, Papineau père et fils, Bedard et Viger furent nommés pour former la commission d'enquête, auxquels on ajouta trois autres membres avec ordre de tenir leurs procédés secrets; mais ils ne firent jamais rapport.

Partout maintenant les villes et les campagnes retentiraient du bruit des armes; les milices s'exerçaient sous la direction de leurs officiers; la population française était déjà animée de cette ardeur belliqueuse qui forme un des traits caractéristiques de la race.

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Litres'teki yayın tarihi:
27 eylül 2017
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