Kitabı oku: «L'archéologie égyptienne», sayfa 2
Un avant-mur en pierre, crénelé, haut de 4 mètres en moyenne, court le long du flanc est ; la porte est pratiquée au milieu, sous la protection d’un gros bastion quadrangulaire. Elle était large de 1 mètre, et flanquée de deux petits corps de garde oblongs, dont les terrasses s’élèvent d’environ 1m,50 au-dessus du rempart. Dès qu’on l’a franchie, on se trouve devant un véritable Migdol : deux corps de logis, embrassant une cour qui va se rétrécissant par ressauts, et réunis par un bâtiment à deux étages, percé d’une porte longue. Les faces orientales des tours sont assises sur un soubassement incliné en talus, haut de 5 mètres environ. Il était à deux fins : d’abord il augmentait la force de résistance du mur à l’endroit où on pouvait le saper, ensuite les projectiles qu’on jetait d’en haut, ricochant avec force sur l’inclinaison du plan, tenaient l’assaillant à distance. La hauteur totale est de 22 mètres, et la largeur de 25 mètres sur le devant ; les portions situées sur le derrière, à droite et à gauche de la porte, out été détruites dès l’antiquité. Les détails de l’ornementation sont adaptés au caractère moitié religieux, moitié triomphal de l’édifice ; il n’est pas probable que les forteresses réelles fussent décorées de consoles et de bas-reliefs analogues à ceux qu’on voit sur les côtés de la place d’armes. Tel qu’il est, le pavillon de Médinét-Habou est un exemple unique des perfectionnements que les Pharaons conquérants avaient apportés à l’architecture militaire.
Passé le règne de Ramsès III, les documents nous font presque entièrement défaut. Vers la fin du XIe siècle avant notre ère, les grands prêtres d’Ammon réparèrent les murs de Thèbes, de Gébéléïn et d’El-Hibéh en face de Feshn. Le morcellement du pays sous les successeurs de Sheshonq obligea les princes des nomes à augmenter le nombre des places fortes ; la campagne de Piónkhi, sur les bords du Nil, est une suite de sièges heureux. Rien, toutefois, ne nous autorise à penser que l’art de la fortification ait fait alors des progrès sensibles : quand les Pharaons grecs se substituèrent aux indigènes, ils le trouvèrent probablement tel que l’avaient constitué les ingénieurs de la XIXe et de la XXe dynastie.
3. Les travaux d’utilité publique
Un réseau permanent de routes est inutile dans un pays comme l’Égypte ; le Nil y est le chemin naturel du commerce, et des sentiers courant entre les champs suffisent à la circulation des hommes, à la menée des bestiaux, au transport des denrées de village à village. Des bacs payants pour passer d’une rive à l’autre du fleuve, des gués partout où le peu de profondeur des eaux le permettait, des levées de terre jetées à demeure en travers des canaux, complétaient le système. Les ponts étaient rares ; on n’en connaît jusqu’à présent qu’un seul sur le territoire égyptien, encore ne sait-on s’il était long ou court, en pierre ou en bois, supporté d’arches ou lancé d’une volée. Il franchissait, sous les murs mêmes de Zarou, le canal qui séparait le front oriental du Delta des régions désertes de l’Arabie Pétrée ; une enceinte fortifiée en couvrait le débouché du côté de l’Asie.
L’entretien des voies de communication, qui coûte si cher aux peuples modernes, entrait donc pour une très petite part dans la dépense des Pharaons ; trois grands services restaient seuls à leur charge, celui des entrepôts, celui des irrigations, celui des mines et carrières.
Les impôts étaient perçus et les traitements des fonctionnaires payés en nature. On distribuait chaque mois aux ouvriers du blé, de l’huile et du vin, de quoi nourrir leur famille, et, du haut en has de l’échelle hiérarchique, chacun recevait en échange de son travail des bestiaux, des étoffes, des objets manufacturés, certaines quantités de cuivre ou de métaux précieux. Les employés du fisc devaient donc avoir à leur disposition de vastes magasins où serrer les parties rentrées de l’impôt. Chaque catégorie avait son quartier distinct, clos de murs et fourni de gardiens vigilants, larges étables pour les bêtes, celliers où les amphores étaient empilées en couches régulières ou pendues en ligne le long des murs, avec la date de la récolte écrite sur la panse, greniers en forme de four, où le grain était versé par une lucarne pratiquée dans le haut et sortait par une trappe ménagée près du sol.
À Toukou, la Pithom de M. Naville, ce sont des chambres rectangulaires, de taille différente, jadis parquetées et sans communication l’une avec l’autre : le blé, introduit par le toit, suivait, pour ressortir, le chemin qu’il avait pris pour entrer.
Au Ramesséum de Thèbes, des milliers d’ostraca et de tampons de jarres ramassés sur les lieux prouvent que les ruines en briques situées immédiatement derrière le temple renfermaient les celliers du dieu ; les chambres sont de longs couloirs voûtés, accolés l’un à l’autre et surmontés autrefois d’une plate-forme unie.
Philae, Ombos, Daphnae, la plupart des villes frontières du Delta possèdent des entrepôts de ce genre, et l’on en découvrira bien d’autres le jour où l’on s’avisera de les chercher sérieusement. Le régime des eaux ne s’est pas modifié sensiblement depuis l’antiquité. Quelques canaux ont été creusés, un plus grand nombre se sont bouchés par la négligence des maîtres du pays ; mais les tracés et les méthodes de percement sont demeurés les mêmes. Elles n’exigent point de travaux d’art considérables. Partout où j’ai pu étudier les vestiges de canaux anciens, je n’ai relevé aucune trace de maçonnerie aux prises d’eau ou sur les points faibles du parcours. Ce sont de simples fossés à pic, larges de 6 à 20 mètres ; les terres extraites pendant l’opération étaient rejetées à droite et à gauche, et formaient, au-dessus de la berge, des talus irréguliers de 2 à 4 mètres de haut. Ils marchent en ligne droite, mais sans obstination ; le moindre mouvement de terrain les décide à dévier et à décrire des courbes immenses. Des digues, tirées capricieusement de la montagne au Nil, les coupent d’espace en espace et divisent la vallée en bassins, ou l’eau séjourne pendant les mois d’inondation. Elles sont d’ordinaire en terre, quelquefois en briques cuites, comme dans la province de Girgéh, très rarement en pierre de taille, comme cette digue de Koshéish que Mini construisit au début des temps, afin de détourner à l’orient la branche principale du Nil, et d’assainir l’emplacement où il fonda Memphis.
Le réseau avait son origine près du Gebel-Silsiléh, et courait jusqu’à la mer sans s’écarter du fleuve, si ce n’est une fois près de Béni-Souef, pour jeter un de ses bras dans la direction du Fayoum. Il franchissait la montagne près d’Illahoun, par une gorge étroite et sinueuse, approfondie peut-être à main d’homme, et se ramifiant en patte d’oie ; les eaux, après avoir arrosé le canton, s’écoulaient, les plus proches dans le Nil, par la route même qui les avait amenées ; les autres, dans plusieurs lacs sans issue, dont le plus grand s’appelle aujourd’hui Birkét-Qéroun. S’il fallait en croire Hérodote, les choses ne se seraient point passées aussi simplement. Le roi Mœris aurait voulu établir au Fayoum un réservoir destiné à corriger les irrégularités de l’inondation ; on l’appelait, d’après lui, le lac Mœris. La crue était-elle insuffisante ? L’eau, emmagasinée dans ce bassin, puis relâchée au fur et à mesure que le besoin s’en faisait sentir, maintenait le niveau à hauteur convenable sur toute la moyenne Égypte et sur les régions occidentales du Delta. L’année d’après, si la crue s’annonçait trop forte, le Mœris en recevait le surplus et le gardait jusqu’au moment où le fleuve commençait à baisser. Deux pyramides, couronnées chacune d’un colosse assis, représentant le roi fondateur et sa femme, se dressaient au milieu du lac. Voilà le récit d’Hérodote : il a singulièrement embarrassé les ingénieurs et les géographes. Comment en effet trouver dans le Fayoum un emplacement convenable pour un bassin qui n’avait pas moins de quatre-vingt-dix milles de pourtour ? La théorie la plus accréditée de nos jours est celle de Linant, d’après laquelle le Mœris aurait occupé une dépression de terrain le long de la chaîne libyque, entre Illahoun et Médinéh ; mais les explorations les plus récentes ont montré que les digues assignées pour limites à ce prétendu réservoir sont modernes et n’ont peut-être pas deux siècles de durée. Je ne crois plus à l’existence du Mœris. Si Hérodote a jamais visité le Fayoum, cela a dû être pendant l’été, au temps du haut Nil, quand le pays entier offre l’aspect d’une véritable mer. Il a pris pour la berge d’un lac permanent les levées qui divisent les bassins et font communiquer les villes entre elles. Son récit, répété par les écrivains anciens, a été accepté par nos contemporains, et Égypte, qui n’en pouvait mais, a été gratifiée après coup d’une œuvre gigantesque, dont l’exécution aurait été le vrai titre de gloire de ses ingénieurs, si elle avait jamais existé. Les seuls travaux qu’ils aient entrepris en ce genre ont de moindres prétentions ; ce sont des barrages en pierre élevés à l’entrée de plusieurs des Ouadys qui descendent des montagnes jusque dans la vallée. L’un des plus importants a été signalé en 1885 par le docteur Schweinfurth, à sept kilomètres au sud-est des bains d’Hélouan, au débouché de l’Ouady Guerraouî.
Il servait à deux fins, d’abord à emmagasiner de l’eau pour les ouvriers qui exploitaient les carrières d’albâtre cristallin d’où sont sortis les blocs les plus grands des pyramides de Gizéh, puis à retenir les torrents qui se forment parfois dans le désert à la suite des pluies de l’hiver et du printemps. Le ravin qu’il fermait a soixante-six mètres de large et douze ou quinze, mètres de hauteur moyenne. Trois couches successives d’une épaisseur totale de quarante-cinq mètres avaient été jugées suffisantes : en aval, une masse d’argile et de débris tirés des berges (À), puis un amas de gros blocs calcaires, enfin un mur de pierre de taille, dont les assises, disposées en retraite l’une sur l’autre, simulaient une sorte d’escalier monumental (B). Trente-deux degrés subsistent encore, sur trente-cinq qu’il y avait primitivement, et un quart environ du barrage s’est maintenu dans le voisinage de chacune des berges ; le torrent a balayé la partie du milieu.
Une digue analogue avait transformé le fond de l’Ouady Gennéh en un petit lac ou les mineurs du Sinaï venaient s’approvisionner d’eau. La plupart des localités d’où l’Égypte tirait ses métaux et ses pierres de choix étaient d’accès malaisé et n’auraient été d’aucun profit, si on n’avait eu soin d’en faciliter les avenues et d’en rendre le séjour moins insupportable par des travaux de ce genre. Pour aller chercher le diorite et le granit gris de l’Ouady Hammamât, les Pharaons avaient jalonné la route de citernes taillées dans le roc. Quelques maigres sources, captées habilement et recueillies dans des réservoirs, avaient permis d’établir des villages entiers d’ouvriers aux carrières et aux mines d’or ou d’émeraude des bords de la mer Rouge ; des centaines d’engagés volontaires, d’esclaves ou de criminels condamnés par les tribunaux y vivaient misérablement, sous le bâton d’une dizaine de chefs de corvée, et sous la surveillance brutale d’une compagnie de soldats mercenaires, libyens ou nègres. La moindre révolution en Égypte, une guerre malheureuse, un changement de règne troublé, compromettait l’existence factice de ces établissements : les ouvriers désertaient, les Bédouins harcelaient la colonie, les garde-chiourme s’impatientaient et rentraient dans la vallée du Nil, et l’exploitation cessait de se faire régulièrement.
Aussi, les pierres de choix qu’on ne trouvait qu’au désert, le diorite, le basalte, le granit noir, le porphyre, les brèches vertes ou jaunes, n’étaient-elles pas d’usage fréquent en architecture ; comme il fallait mettre sur pied, pour les avoir, de véritables expéditions de soldats et d’ouvriers, on les réservait aux sarcophages et aux statues de prix. Les carrières de calcaire, de grès, d’albâtre, de granit rose, qui ont fourni les matériaux des temples et des monuments funéraires, étaient toutes dans la vallée et d’abord facile. Quand la veine qu’on avait résolu d’attaquer courait dans une des couches basses de la montagne, on y creusait des couloirs et des chambres qui s’enfoncent parfois assez loin. Des piliers carrés, ménagés d’espace en espace, soutenaient le plafond, et des stèles, gravées aux endroits les plus apparents, apprenaient à la postérité le nom du roi et des ingénieurs qui avaient commencé ou repris les travaux. Plusieurs de ces carrières épuisées ou abandonnées ont été transformées en chapelles ; ainsi le Spéos-Artemidos, que Thoutmos III et Séti Ier consacrèrent à la déesse locale Pakhit.
Les plus importantes de celles qui donnaient le calcaire sont à Tourah et à Massarah, presque en face de Memphis. La pierre en était très recherchée des sculpteurs et des architectes ; elle se prête merveilleusement à toutes les délicatesses du ciseau, durcit à l’air et se revêt d’une patine dont les tons crémeux reposent l’œil. Les gisements de grès les plus vastes étaient à Silsilis, et on les exploitait à ciel ouvert.
Ils offrent des escarpements de quinze à seize mètres, quelquefois dressés à pic dans toute leur hauteur, quelquefois divisés en étages où l’on arrive au moyen d’escaliers à peine assez larges pour un seul homme. Les parois en sont couvertes de stries parallèles, tantôt horizontales, tantôt inclinées alternativement de gauche à droite ou de droite à gauche, de manière à former des lignes de chevrons très obtus, et serrées, comme en un cadre rectangulaire, entre des rainures larges de trois ou quatre centimètres, longues de deux ou même de trois mètres ; ce sont les cicatrices de l’outil antique, et elles nous montrent comment les Égyptiens s’y prenaient pour détacher les blocs. On les dessinait sur place à l’encre rouge, quelquefois en la forme qu’ils devaient avoir dans l’édifice projeté ; les membres de la commission d’Égypte copièrent dans les carrières du Gebel Abou-Fôdah les épures et la mise au carreau de plusieurs chapiteaux, un lotiforme, les autres à tête d’Hathor.
Ce premier travail achevé, on séparait les faces verticales à l’aide d’un long ciseau en fer qu’on enfonçait perpendiculairement ou obliquement à grands coups de maillet ; pour détacher les faces horizontales, on se servait uniquement de coins en bois ou en bronze, disposés dans le sens des couches de la montagne. Les blocs recevaient souvent une première façon sur le lit ; on voit à Syène un obélisque de granit, à Tehnéh des fûts de colonne à demi dégagés. Le transport s’opérait de diverses manières. À Syène, à Silsilis, au Gebel Sheikh Haridi, au Gebel Abou-Fôdah, les carrières sont baignées littéralement par les flots du Nil et la pierre descend presque directement de sa place aux chalands. À Kasr-es-Sayad, à Tourah, dans les localités éloignées de la rive, des canaux creusés exprès amenaient les barques jusqu’au pied de la montagne. Où l’on devait renoncer au transport par eau, la pierre était chargée sur des traîneaux tirés par des bœufs, ou cheminait jusqu’à destination à bras d’homme et sur des rouleaux.
Chapitre II. L’architecture religieuse
La brique fait presque tous les frais de l’architecture civile et militaire ; elle ne joue qu’un rôle secondaire dans l’architecture religieuse. Les Pharaons avaient l’ambition d’élever aux dieux des demeures éternelles, et la pierre seule leur paraissait assez durable pour résister aux attaques des hommes et du temps.
1. Matériaux et éléments de la construction
C’est un préjugé de croire que les Égyptiens ne mettaient en œuvre que des blocs de dimensions considérables. La grosseur de leurs matériaux variait beaucoup selon l’usage auquel ils les destinaient. Les architraves, les fûts de colonnes, les linteaux et les montants de porte atteignaient quelquefois des dimensions considérables. Les architraves les plus longues que l’on connaisse, celles qui recouvrent l’allée centrale de la salle hypostyle à Karnak, ont en moyenne 9m,20 ; elles représentent chacune une masse de 31 mètres cubes et un poids de 65,000 kilogrammes environ. D’ordinaire, les blocs ne sont pas beaucoup plus forts que ceux dont on se sert aujourd’hui en France ; la hauteur en est de 0m,80 à 1m,20, la longueur de 1 mètre à 2m,50, l’épaisseur de 0m,50 à 1m,80.
Quelques temples sont en une seule sorte de pierre ; le plus souvent, les matériaux d’espèce différente sont juxtaposés à proportions inégales. Ainsi, le gros œuvre des temples d’Abydos est un calcaire très fin ; les colonnes, les architraves, les montants et les linteaux des portes, toutes les parties où l’on craignait que le calcaire n’eût pas une force de résistance suffisante, sont en grès dans l’édifice de Séti Ier, en grès, en granit ou en albâtre dans celui de Ramsès II. À Karnak, à Louxor, à Tanis, à Memphis, on remarque des mélanges analogues ; au Ramesséum et dans quelques temples de Nubie, les colonnes reposent sur des massifs de briques crues. La pierre à pied d’œuvre, les ouvriers la taillaient avec plus ou moins de soin, selon qu’elle devait occuper telle ou telle position. Quand les murs étaient de médiocre épaisseur, comme c’est généralement le cas des murs de refend, on la parait exactement sur toutes les faces. Lorsqu’ils étaient épais, les blocs du noyau étaient dégrossis de manière à rappeler le plus possible la forme cubique et à s’empiler les uns sur les autres sans trop de difficulté, sauf à combler les vides avec des éclats plus petits, du caillou, du ciment ; on coupait ceux du parement avec soin sur la face destinée à être vue, on dressait les joints aux deux tiers ou aux trois quarts de la longueur, et on piquait simplement le reste de la queue. Les pièces les plus fortes étaient réservées aux parties basses des édifices, et cette précaution était d’autant plus nécessaire que les architectes d’époque pharaonique ne descendaient pas les fondations des temples beaucoup plus qu’ils ne faisaient celles des maisons. À Karnak, elles ne s’enfoncent guère qu’à 2 ou 3 mètres ; à Louxor, dans la partie qui borde le fleuve, trois assises d’environ 0m,80 de haut chacune forment un patin gigantesque sur lequel reposent les murs ; au Ramesséum, la couche de briques sèches sur laquelle pose la colonnade ne paraît pas avoir plus de 2 mètres ; ce sont là des profondeurs insignifiantes, mais l’expérience des siècles a prouvé qu’elles suffisaient. L’humus compact et dur qui compose partout le sol de la vallée subit chaque année, au moment du retrait des eaux, une contraction qui le rend à peu près incompressible ; le poids des maçonneries, augmentant graduellement au cours de la construction, lui fait bientôt atteindre le maximum de tassement et achève d’assurer à l’édifice une assiette solide. Partout où j’ai mis au jour le pied des murs, j’ai constaté qu’ils n’avaient pas bougé. Le système de construction des anciens Égyptiens ressemble par bien des points à celui des Grecs. Les pierres y sont souvent posées à joint vif, sans lien d’aucune sorte, et le maçon se fie au poids propre des matériaux pour les tenir en place. Parfois elles sont attachées par des crampons en métal, ou, comme dans le temple de Séti Ier à Abydos, par des queues d’aronde en bois de sycomore au cartouche du roi fondateur. D’ordinaire, elles sont comme soudées les unes aux autres par des couches de mortier plus ou moins épaisses. Tous les mortiers dont j’ai recueilli les échantillons sont jusqu’à présent de trois sortes : les uns, blancs et réduits aisément en poudre impalpable, ne contiennent que de la chaux ; les autres, gris et rudes au toucher, sont mêlés de chaux et de sable ; les autres doivent leur aspect rougeâtre à la poudre de brique pilée dont ils sont pénétrés. Grâce à l’emploi judicieux de ces procédés divers, les Égyptiens ont su, quand ils le voulaient, appareiller aussi bien que les Grecs des assises régulières, à blocs égaux, à joints verticaux symétriquement alternés ; s’ils ne l’ont pas toujours fait, cela tient surtout à l’imperfection des moyens mécaniques dont ils disposaient. Les murs d’enceinte, les murs de refend, ceux des façades secondaires étaient perpendiculaires au sol ; on se servait pour élever les matériaux d’une chèvre grossière plantée sur la crête. Les murs des pylônes, ceux des façades principales, parfois même ceux des façades secondaires étaient en talus, selon des pentes variables au gré de l’architecte ; on établissait pour les construire des plans inclinés, dont les rampes s’allongeaient à mesure que montait le monument. Les deux méthodes étaient également dangereuses ; si soigneusement qu’on enveloppât les blocs, ils couraient le risque de perdre en chemin leurs arêtes et leurs angles, ou même de se briser en éclats. Il fallait presque toujours les retoucher, et le désir d’avoir le moins de déchet possible portait l’ouvrier à leur prêter des coupes anormales.
On retaillait en biseau une des faces latérales, et le joint, au lieu d’être vertical, s’inclinait sur le lit. Si la pierre n’avait plus la hauteur ou la largeur voulue, on rachetait la différence au moyen soigneusement qu’on enveloppât les blocs, ils couraient le risque de perdre en chemin leurs arêtes et leurs angles, ou même de se briser en éclats. Il fallait presque toujours les retoucher, et le désir d’avoir le moins de déchet possible portait l’ouvrier à leur prêter des coupes anormales. On retaillait en biseau une des faces latérales, et le joint, au lieu d’être vertical, s’inclinait sur le lit. Si la pierre n’avait plus la hauteur ou la largeur voulue, on rachetait la différence au moyen d’une dalle complémentaire. Parfois même, on laissait subsister une saillie, qui s’emboîtait, pour ainsi dire, dans un creux correspondant, ménagé à l’assise supérieure ou inférieure. Ce qui n’était d’abord qu’accident devenait bientôt négligence. Les maçons, qui avaient hissé par inadvertance un bloc trop gros, ne se souciaient pas de le redescendre, et se tiraient d’affaire avec l’un des expédients dont je viens de parler. L’architecte ne surveillait pas assez attentivement la taille et la pose des pierres. Il souffrait que les assises n’eussent pas toutes la même hauteur, et que les joints verticaux de deux ou trois d’entre elles fussent dans un même prolongement. Le gros œuvre achevé, on ravalait la pierre, on reprenait les joints, on les noyait sous une couche de ciment ou de stuc, coloré à la teinte de l’ensemble, et qui dissimulait les fautes du premier travail. Les murs ne se terminent presque jamais en arête vive. Ils sont comme cernés d’un tore autour duquel court un ruban sculpté, et couronnés soit de la gorge évasée que surmonte une bande plate, soit, comme à Semnéh, d’une corniche carrée, soit, comme à Médinét-Habou, d’une ligne de créneaux.
Ainsi encadrés, on dirait autant de panneaux unis, levés chacun sur un seul bloc, sans saillies et presque sans ouvertures. Les fenêtres, toujours très rares, ne sont que de simples soupiraux, destinés à éclairer des escaliers comme au second pylône d’Harmhabi, à Karnak, ou à recevoir des pièces de charpente décorative les jours de fête. Les portes ne présentent que peu de relief sur le corps de l’édifice, sauf le cas où le linteau est surhaussé de la gorge et de la plate-bande.
Seul, le pavillon de Médinét-Habou possède des fenêtres réelles ; mais il était construit sur le plan d’une forteresse et ne doit être rangé qu’à titre d’exception parmi les monuments religieux.
Le sol des cours et des salles était revêtu de dalles rectangulaires assez régulièrement ajustées, sauf dans l’intervalle des colonnes où, désespérant de raccorder à l’ensemble les lignes courbes de la base, les architectes ont accumulé des fragments de petite dimension sans ordre ni méthode.
Au contraire de ce qu’ils pratiquaient pour les maisons, ils n’ont presque jamais employé la voûte dans les temples. On ne la rencontre guère qu’à Déir-el-Baharî et dans les sept sanctuaires parallèles d’Abydos, encore est-elle obtenue par encorbellement. La courbe en est dessinée dans trois ou quatre assises horizontales, placées en porte à faux l’une au-dessus de l’autre, puis évidées au ciseau, suivant une ligne continue.
La couverture ordinaire consiste en dalles plates juxtaposées. Quand les vides entre les murs ne sont pas trop considérables, elle les franchit d’une seule volée ; sinon, on l’étayait de supports d’autant plus multipliés que l’espace à couvrir est plus étendu. Ils étaient alors reliés par d’immenses poutres en pierre, les architraves, sur lesquelles s’appuient les dalles dont le toit se compose.
Les supports sont de deux types différents : le pilier et la colonne. On en connaît d’un seul bloc. Les piliers du temple du Sphinx, les plus anciens qui aient été découverts jusqu’à présent, ont 5 mètres de hauteur sur 1m,40 de côté. Des colonnes en granit rose, éparses au milieu des ruines d’Alexandrie, de Bubaste, de Memphis, et qui remontent aux règnes d’Harmhabi et de Ramsès II, mesurent 6 et 8 mètres d’une même venue. Ce n’est là qu’une exception. Colonnes et piliers sont bâtis en assises souvent inégales et irrégulières, comme celles des murailles environnantes. Les grandes colonnes de Louxor ne sont pleines qu’au tiers du diamètre : elles ont un noyau de ciment jaunâtre, qui n’a plus de consistance et tombe en poudre sous les doigts. Le chapiteau de la colonne de Taharqou, à Karnak, contient trois assises hautes chacune d’environ 0m,123. La dernière, la plus saillante, se compose de vingt-six pierres, dont les joints verticaux tendent au centre, et qui ne sont maintenues en place que par le poids du dé superposé. Les mêmes négligences que nous avons signalées dans l’appareil des murs, on les retrouve toutes dans celui des colonnes. Le pilier quadrangulaire, à côtés parallèles ou légèrement inclinés, le plus souvent sans base ni chapiteau, est fréquent dans les tombes de l’ancien Empire. Il apparaît encore à Médinét-Habou, dans le temple de Thoutmos III, ou à Karnak, dans ce qu’on appelle le promenoir. Les faces en sont souvent habillées de tableaux peints ou de légendes, et la face extérieure reçoit un motif spécial de décoration : des tiges de lotus ou de papyrus en saillie, sur les piliers-stèles de Karnak, une tête d’Hathor coiffée du sistre, au petit spéos d’Ibsamboul, une figure debout, Osiris dans la première cour de Médinét-Habou, Bîsou à Dendérah et au Gebel-Barkal.
À Karnak, dans l’édifice construit probablement par Harmhabi avec les débris d’un sanctuaire d’Amenhotpou II, le pilier est surmonté d’une gorge qu’un mince abaque séparé de l’architrave.
Abattant les quatre angles, on le transforme en un prisme octogonal ; puis, abattant les huit angles nouveaux, en un prisme à seize pans. C’est le type de certains piliers des tombeaux d’Assouân et de Beni-Hassan ; du promenoir de Thoutmos III, à Karnak, et des chapelles de Déir-el-Baharî.
À côté de ces formes régulièrement déduites on en remarque dont la dérivation est irrégulière, à six pans, à douze, à quinze, à vingt, ou qui aboutissent presque au cercle parfait. Les piliers du portique d’Osiris à Abydos sont au terme de la série ; le corps en offre une section curviligne à peine interrompue par une bande lisse aux deux extrémités d’un même diamètre. Le plus souvent les pans se creusent légèrement en cannelures ; parfois, comme à Kalabshéh, les cannelures sont divisées en quatre groupes de cinq par autant de bandes.
Le pilier polygonal a toujours un socle large et bas, arrondi en disque. À El-Kab, il porte une tête d’Hathor appliquée à la face antérieure.
Presque partout ailleurs, il est surmonté d’un simple tailloir carré qui le réunit à l’architrave. Ainsi constitué, il présente un air de famille avec la colonne dorique, et l’on comprend que Jomard et Champollion ont pu lui donner, dans l’enthousiasme de la découverte, le nom peu justifié de dorique primitif.
La colonne ne repose pas immédiatement sur le sol. Elle est toujours pourvue d’un socle analogue à celui du pilier polygonal, au profil tantôt droit, tantôt légèrement arrondi, nu ou sans autre ornement qu’une ligne d’hiéroglyphes. Les formes principales se ramènent à trois types : 1° la colonne à chapiteau en campane ; 2° la colonne à chapiteau en bouton de lotus ; 3° la colonne hathorique.
1° Colonne à chapiteau campaniforme. – D’ordinaire, le fût est lisse ou simplement gravé d’écriture et de bas-reliefs. Quelquefois pourtant, ainsi à Médamout, il est composé de six grandes et de six petites colonnettes alternées. Aux temps pharaoniques, il s’arrondit, par le bas, en bulbe décoré de triangles curvilignes enchevêtrés, simulant de larges feuilles ; la courbe est alors calculée de telle sorte que le diamètre inférieur soit sensiblement égal au diamètre supérieur. À l’époque ptolémaïque, le bulbe disparaît souvent, probablement sous l’influence des idées grecques : les colonnes qui bordent la première cour du temple d’Edfou s’enlèvent d’aplomb sur leur socle. Le fût subit toujours une diminution de la base au sommet. Il se termine par trois ou cinq plates-bandes superposées. À Médamout, où il est fasciculé, l’architecte a pensé sans doute qu’une seule attache au sommet paraîtrait insuffisante à maintenir les douze colonnettes, et il a indiqué deux autres anneaux de plates-bandes à intervalles réguliers. Le chapiteau, évasé en forme de cloche, est garni à la naissance d’une rangée de feuilles, semblables à celles de la base, et sur lesquelles s’implantent des tiges de lotus et de papyrus en fleurs et en boutons. La hauteur et la saillie sur le nu de la colonne varient au gré de l’architecte.
À Louxor, les campanes ont 3m,50 de diamètre à la gorge, 5m,50 à la partie supérieure, et une hauteur de 3m,50 ; à Karnak, dans la salle hypostyle, la hauteur est de 3m,75 et le plus grand diamètre de 21 pieds. Un de cubique surmonte le tout. Il est assez peu élevé et presque entièrement masqué par la courbure du chapiteau ; rarement, comme au petit temple de Dendérah, il s’élève et reçoit sur chaque face une figure du dieu Bîsou.