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Kitabı oku: «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10», sayfa 7

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LETTRE CXIV

À M. MURRAY

19 octobre 1812.

«Bien des remerciemens, mais il faut que je paie le dommage, et je vous serai obligé de m'en faire connaître le montant. Je crois que les Adresses rejetées sont, de beaucoup, la meilleure chose qui ait paru en ce genre depuis la Rolliade, et je souhaiterais, dans votre intérêt, que vous en fussiez l'éditeur. Dites à l'auteur que je lui pardonnerais de grand cœur, se fût-il montré vingt fois plus satirique, et que ses imitations ne sont pas du tout inférieures aux fameuses imitations d'Hawkins Browne. Il faut que ce soit un homme de beaucoup d'esprit, et d'un esprit moins désagréable et moins offensant que celui qu'on rencontre généralement dans ces sortes d'ouvrages; somme toute, j'admire beaucoup le sien et lui souhaite beaucoup de succès. Le Satirist, comme vous l'avez pu voir, a maintenant changé de ton; nous voilà délivrés, je crois, des critiques de Childe-Harold. J'ai en mains une Satire sur la Valse, qu'il faudra que vous publiiez anonyme; elle n'est pas longue, deux cents vers au plus, mais cela fera une assez bonne petite brochure. Vous l'aurez sous peu de jours.

»P. S. L'éditeur du Satirist mérite des éloges pour son abjuration; après cinq ans de guerre ouverte! c'est ce qu'on appelle s'exécuter de bonne grâce.»

LETTRE CXV

À M. MURRAY

23 octobre 1812.

«Mes remerciemens, comme à l'ordinaire. Vous allez en avant d'une manière admirable; mais ayez soin de satisfaire l'appétit du public, qui maintenant doit en avoir assez de Childe-Harold. La Valse sera prête. Cela fait un peu plus de deux cents vers, avec une espèce de préface, sous forme d'épître à l'éditeur. J'ai quelque envie de donner, avec Childe-Harold, les premiers vers de la Malédiction de Minerve, jusqu'au premier discours de Pallas, parce qu'ils ne contiennent rien contre la personne qui eût pu se plaindre du reste du poème, et que quelques amis pensent que je n'ai jamais rien écrit de mieux; il sera facile de les baptiser du nom de Fragment descriptif.

»La planche est brisée! Entre nous, elle ne ressemblait pas du tout au portrait, et puis la figure de l'auteur, plantée au frontispice d'un ouvrage, ne signifie pas grand chose. Dans tous les cas, un portrait comme celui-là n'eût pas poussé beaucoup à la vente. Je suis sûr que Sanders n'eût pas survécu à la publication de la gravure. À propos, le portrait peut, jusqu'à mon retour, rester dans ses mains, ou dans les vôtres, à votre choix. L'une des deux épreuves restant est bien à votre service, jusqu'à ce que je vous en donne une meilleure; mais il faut absolument que l'autre soit brûlée. Encore une fois, n'oubliez pas que j'ai un compte à régler avec vous, et que tout cela doit y figurer. Je vous donne déjà assez de peine, sans souffrir que vous fassiez des dépenses pour moi.

»Vous savez mieux que moi quelle influence peut avoir à l'avenir, sur la vente de Childe-Harold, tout ce bruit que vient d'occasioner le Prologue L'autre parodie qu'a reçue Perry est, je crois, la mienne. C'est le discours du docteur Busby mis en vers burlesques. Vous allez demeurer dans Asbermale-Street; j'en suis charmé, nous serons plus proches voisins. Je suis au moment d'aller chez lord Oxford, mais l'on m'y renverra mes lettres: Si vous en avez le loisir, toutes communications de votre part seront reçues avec plaisir par le plus humble de vos scribes. Est-ce M. Ward qui a rendu compte dans le Quarterly-Review de la Vie de Horne Tooke? L'article est excellent.»

LETTRE CXVI

À M. MURRAY

Cheltenham, 22 novembre 1812.

«À mon retour de chez lord Oxford, j'ai trouvé ici votre aimable billet; je vous serai obligé de garder les lettres en question, et celles qui pourraient encore être adressées de même, jusqu'à ce qu'à mon retour en ville je vienne les réclamer; ce qui sera probablement sous peu de jours. On m'a confié un poème manuscrit, très-long et très-curieux, écrit par lord Brooke (l'ami de sir Philippe Sydney), que je voudrais soumettre au jugement de M. Gifford, lui demandant en même tems: 1° s'il n'a jamais été imprimé; 2° si, dans le cas contraire, il vaudrait la peine de l'être? Ce manuscrit fait partie de la bibliothèque de lord Oxford: il faut qu'il ait été dédaigné par les collecteurs de la Bibliothèque des manuscrits harleïens, ou qu'ils n'en aient pas eu connaissance. Le tout est écrit de la main de lord Brooke, excepté la fin. C'est un poème très-long, en stances de six vers. Il ne m'appartient pas de hasarder une opinion sur son mérite; mais si ce n'était trop de liberté, je serais charmé de le soumettre au jugement de M. Gifford, qui, d'après son excellente édition de Massinger, doit être aussi décisif sur les ouvrages de cette époque, que sur ceux de la nôtre.

»Passons maintenant à un sujet moins important et moins agréable. Comment M. Mac-Millan s'est-il permis, sans vous consulter non plus que moi, de mettre le mien en tête de son volume des Adresses rejetées? Cela ne ressemble-t-il pas à un vol? Il me semble qu'il eût pu avoir la politesse de demander permission; bien que je n'eusse pas intention de m'y opposer, et que je laisse volontiers les cent onze se fatiguer de ces basses comparaisons. Je crois que le public est passablement ennuyé de tout cela; je ne m'en suis pas mêlé et ne m'en mêlerai certainement pas, à part les parodies; encore les aurais-je fait disparaître si j'avais su que le docteur Busby avait publié sa lettre apologétique et son post-scriptum: mais j'avoue que sa conduite m'avait d'abord paru toute autre. Quelque charlatan a emprunté le nom de l'alderman Birch pour vilipender le docteur Busby, il eût mieux fait de se tenir tranquille.

»Mettez de côté, pour moi, un exemplaire des Nouvelles Lettres de Junius de Woodfall, et croyez-moi toujours, etc.»

LETTRE CXVII

À M. WILLIAM BANKES

26 décembre 1812.

«La multitude de vos recommandations rend à peu près inutile ma bonne volonté de vous en procurer. Les plus notables de mes amis sont de retour: Leake de Janina, Canning et Adair de la ville des croyans. À Smyrne, il n'y a pas besoin de lettres; les consuls sont toujours empressés à rendre service aux personnes honorables. À tout hasard, je vous ai envoyé trois lettres, dont l'une, pour Gibraltar, bien qu'elle ne soit pas nécessaire, vous ouvrira un accès plus facile, et vous donnera de suite une sorte d'intimité dans une famille aimable. Vous verrez bientôt qu'un homme de quelque importance n'a guère besoin de lettres, si ce n'est pour des ministres et des banquiers, et je ne doute pas que vous n'en ayez déjà suffisamment de cette nature.

»Il n'y a rien d'impossible que je vous voie en Orient au printems; si donc vous voulez m'indiquer quelque rendez-vous pour le mois d'août, je vous écrirai, ou bien je m'y trouverai personnellement. Une fois en Albanie, je désirerais que vous vous informassiez du dervis Tahiri, et de Vascilie ou Basile, et que vous présentiez mes complimens aux visirs d'Albanie et de Morée. Si vous vous recommandez de moi près de Soleyman de Thèbes, je crois qu'il s'emploiera pour vous. Si j'avais mon drogman, ou que j'écrivisse le turc, je vous aurais donné des lettres réellement utiles; mais il n'y en a pas besoin pour les Anglais, et les Grecs ne peuvent rien par eux-mêmes. Vous connaissez déjà Liston; moi je ne le connais pas, parce qu'il n'était point ministre de mon tems. N'oubliez pas de visiter Éphèse ainsi que la Troade, et donnez-moi de vos nouvelles. Je crois que G. Foresti est maintenant à Janina; mais, dans le cas contraire, celui qui s'y trouvera se fera certainement un plaisir de vous être agréable. Prenez garde aux firmans; ne vous laissez jamais tromper; l'étranger est mieux protégé en Turquie qu'en quelque lieu que ce soit; ne vous fiez pas aux Grecs, et emportez quelques présens pour les beys et les bachas, tels que montres, pistolets, etc.

»Si vous rencontrez à Athènes, ou ailleurs, un certain Démétrius, je vous le recommande comme un bon drogman. J'espère vous répondre bientôt; dans tous les cas, vous trouverez des essaims d'Anglais maintenant dans le Levant.

»Croyez-moi, etc.»

LETTRE CXVIII

À M. MURRAY

20 février 1813.

«À part le petit compliment que l'auteur veut bien m'adresser 31, je trouve, dans Horace à Londres, quelques stances sur lord Elgin que j'approuve tout-à-fait. Je voudrais avoir l'avantage de connaître M. Smith, je lui communiquerais la curieuse anecdote que vous avez lue dans la lettre de M. T***s: s'il le désire, je pourrai lui en donner la substance pour sa seconde édition; sinon, nous l'ajouterons à la nôtre, quoique nous nous soyons, je crois, assez occupés de lord Elgin.

Note 31: (retour) Dans l'ode intitulée le Parthénon, Minerve parle ainsi:

«Tous ceux qui verront mon temple mutilé poursuivront d'une rage classique le barbare qui l'a ravagé; bientôt un noble poète des îles britanniques captivera les suffrages et l'admiration de la patrie, et enflammera son siècle par le récit des malheurs d'Athènes.»

»Ce que j'ai lu de cet ouvrage me semble admirablement fait. Mes éloges ne valent guère la peine d'être répétés à l'auteur; présentez-lui toujours mes remerciemens pour ceux qu'il a bien voulu m'accorder. L'idée est neuve; nous avons d'excellentes imitations des satires, etc., par Pope; je ne me rappelle qu'une seule ode qu'il ait imitée, et je ne crois pas qu'un autre l'ait essayé que lui.

»Tout à vous, etc.»

Nous avons déjà dit que les sommes dont il avait eu besoin à l'époque de sa majorité, il se les était procurées à un intérêt ruineux. La lettre suivante a rapport à quelques transactions relatives à ce sujet.

LETTRE CXIX

À M. ROGERS

25 mars 1813.

«Ci-joint vous trouverez un bon pour l'intérêt usuraire dû au protégé de lord ***; je voudrais que vous vissiez aussi pour moi sa seigneurie. Quoique la transaction montre d'elle-même la folie de l'emprunteur et la friponnerie du prêteur, je n'ai jamais eu l'intention de nier la dette, comme je l'aurais pu légalement, ni de refuser le paiement du principal, pas même peut-être des intérêts tout illégaux qu'ils soient. Vous savez qu'elle était ma position, ce qu'elle est encore. Je me suis défait d'un domaine qui était dans ma famille depuis près de trois cents ans, et n'avait jamais, pendant tout ce tems, eu la honte de tomber aux mains d'un homme de loi, d'un homme d'église, ou d'une femme. Je me suis décidé à ce sacrifice pour payer cette dette et d'autres de même nature. Maintenant je ne puis toucher le prix de cette vente, et je ne le pourrai peut-être de quelques années. Je me trouve donc dans la nécessité de faire attendre des personnes qui, eu égard aux intérêts qu'elles reçoivent, ne doivent pas en être trop fâchées; c'est moi seul qui y perds.

»Quand j'arrivai à l'âge de majorité, en 1809, j'offris ma propre garantie à condition d'un intérêt légal; je fus refusé. Maintenant je ne veux plus en passer par où ces gens-là veulent. Il est possible que j'aie vu cet homme; mais je ne me souviens des noms d'aucunes des parties: je n'ai connu que les agens et mes garans. J'ai certainement la volonté de payer mes dettes, dès que je pourrai. La position de cette personne peut être fâcheuse; la mienne ne l'est-elle pas aussi à tous égards? Je ne pouvais prévoir que mon acheteur ne me paierait pas mon domaine de suite. Je suis charmé de pouvoir encore faire quelque chose pour mon Israélite, et je voudrais en dire autant du reste des douze tribus.

»Tout à vous, cher Rogers,»

BYRON.

Au commencement de cette année, M. Murray désirant publier une édition des deux chants de Childe-Harold, avec des gravures, le noble auteur entra avec beaucoup d'empressement dans son idée. Il dit, à ce sujet, dans un billet à M. Murray: «Westall est, je crois, convenu de fournir des gravures pour votre livre; l'une d'elles sera, j'imagine, la jolie petite fille que vous avez vue l'autre jour 32, mais sans nom, et simplement comme un modèle d'esquisses relatives au sujet. Je voudrais aussi avoir le portrait que je vous ai montré, de l'ami dont il est question dans le texte à la fin du chant premier et dans les notes, ce qui suffit pour justifier l'addition de ces gravures.»

Note 32: (retour) Lady Charlotte Harley, à laquelle il adressa dans la suite, sous le nom d'Ianthé, les vers qui forment l'introduction de Childe-Harold.(Note de Moore.)

Dès les premiers jours du printems, il publia, en gardant l'anonyme, sa satire sur la Valse, qui, malgré tout l'esprit qui s'y trouve, fut si loin de répondre à ce que le public attendait alors de lui, que l'on ajouta aisément foi au désaveu qu'il crut devoir en faire dans la lettre suivante.

LETTRE CXX

À M. MURRAY

21 avril 1813.

«Je serai à Londres dimanche prochain, et je viendrai causer avec vous au sujet des dessins de Westall. Je dois poser pour qu'il fasse mon portrait, à la demande d'un ami; et comme celui qu'a fait Sanders n'est pas bon, vous préférerez probablement celui-ci. Je voudrais que vous envoyassiez celui de Sanders chez moi, immédiatement et avant mon arrivée. J'apprends qu'on m'attribue un certain poème malicieux sur la Valse; j'espère que vous aurez soin de contredire ce bruit: l'auteur, j'en suis sûr, ne serait pas content de me voir responsable de ses folies. L'in-4° de M. Hobhouse ne doit pas tarder à paraître; envoyez, je vous prie, chez lui pour avoir l'un des premiers exemplaires que je compte emporter avec moi dans mon voyage.

»P. S. L'Examiner 33 vous menace de faire quelques observations sur vous la semaine prochaine. Comment êtes-vous parvenu à avoir votre part d'une colère qu'il n'avait jusqu'ici épanchée que sur le prince? Je présume que le ban et l'arrière-ban de vos scribleres 34 s'apprête à rompre une lance pour la défense du moderne Tonson 35… M. Burke, par exemple, n'y manquera pas.

»Envoyez-moi mon compte dans Bermet-Street; je veux le régler avant de partir.»

Note 33: (retour) semaine, et forme deux feuilles in-4°. C'est l'un des mieux rédigés des journaux anglais, et celui dont les idées de liberté civile et religieuse s'accordent davantage avec celles des publicistes français, pour lesquels il professe la plus grande estime, et auxquels il fait de frequens emprunts.(N. du Tr.)

Note 34: (retour) Allusion à Martinus Scribler de Pope.

Note 35: (retour) Libraire fameux du dix-huitième siècle.

Au mois de mai parut son magnifique fragment du Giaour. Quoique ce premier jet n'eût point encore toute la perfection à laquelle il le porta dans la suite, le public reçut avec admiration et enthousiasme cette nouvelle œuvre de son génie. L'idée d'écrire un poème par fragmens lui fut suggérée par le Christophe Colomb de M. Rogers. Quoi que l'on puisse dire contre une telle manière de composer en général, on doit avouer qu'elle convenait parfaitement au caractère de Lord Byron, lui permettant de s'affranchir de ces difficultés mécaniques qui, dans une narration régulière, gênent le poète, pour ne pas dire qu'elles le refroidissent et le glacent, et de laisser à l'imagination de ses lecteurs à remplir les intervalles qui eussent dû séparer ces morceaux pathétiques qui étaient le triomphe de son beau talent. La fable de ce poème avait encore pour son imagination ce genre d'attrait qui lui permettait de rapporter, jusqu'à un certain point, à lui-même, un événement dans lequel il joue l'un des premiers rôles. Après la publication du Giaour, quelques versions inexactes de cet événement romanesque ayant circulé dans le public, le noble auteur pria son ami, le marquis de Sligo, qui avait visité Athènes peu de jours après, de vouloir bien lui communiquer ses souvenirs sur cette affaire. Voici la réponse de lord Sligo.

Albanie, lundi, 31 août 1813.

Mon Cher Byron,

«Vous m'avez prié de vous dire ce que je puis avoir appris à Athènes sur une jeune fille qui fut près d'être mise à mort quand vous y étiez; et vous désirez que je n'omette aucune des circonstances relatives à cette affaire, qui seraient à ma connaissance. Pour répondre à votre désir, je vais vous dire tout ce que j'en ai appris; et je ne saurais être bien loin de l'exacte vérité, puisque la chose s'était passée un ou deux jours seulement avant mon arrivée, et formait conséquemment alors le sujet général de toutes les conversations.

»Le nouveau gouverneur, encore inaccoutumé aux rapports avec les chrétiens, avait naturellement sur les femmes les mêmes idées barbares qu'ont tous les Turcs. En conséquence, et suivant au pied de la lettre la loi de Mahomet, il avait ordonné que cette jeune fille fût cousue dans un sac et jetée à la mer, ce qui se fait presque tous les jours à Constantinople. Comme vous reveniez de vous baigner au Pyrée, vous rencontrâtes le cortége qui allait mettre à exécution la sentence rendue contre la pauvre malheureuse. On ajoute qu'ayant appris où ces gens-là allaient et quelle était la patiente, vous intervîntes aussitôt; et que, comme on hésitait à obéir à vos ordres, vous fûtes obligé d'intimer au chef de l'escorte que vous l'y contraindriez par la force, comme cette menace ne suffisait pas encore pour le décider, vous tirâtes un pistolet, lui disant que, s'il refusait plus long-tems de vous obéir et de retourner avec vous jusqu'à la maison de l'aga, vous alliez lui brûler la cervelle. Là-dessus, cet homme consentit à revenir sur ses pas jusque-là, et vous obtîntes par des menaces, par des prières, et peut-être aussi par des présens, la grâce de la jeune fille, à condition qu'elle quitterait Athènes. On dit que vous la conduisîtes d'abord au couvent, et que pendant la nuit vous la fîtes partir pour Thèbes, où elle trouva un sûr asile. Voilà tout ce que je sais de cette histoire, telle que je me la rappelle aujourd'hui. Si vous désirez m'adresser d'autres questions à ce sujet, je suis prêt à y répondre avec le plus grand plaisir.

»Je suis, bien sincèrement, mon cher Byron, etc.,

SLIGO.

»Je crains que vous n'ayez bien de la peine à lire mon griffonnage, mais je suis pressé par les préparatifs de mon voyage; vous m'excuserez.»

Le Giaour offre un exemple remarquable de l'abondance de son imagination une fois que les sources en étaient ouvertes sur un objet. Ce poème s'agrandit tellement pendant l'impression de la première édition et les intervalles des autres, que de quatre cents vers qu'il contenait d'abord, il s'élève maintenant à près de quatorze cents. En effet, le plan qu'il avait adopté d'une série de fragmens,

 
Un paquet de perles orientales enfilées au hasard,
 

lui laissait la liberté d'introduire, sans avoir égard à rien qu'au ton général de l'ouvrage, tous les sentimens, toutes les images qui s'offraient à son imagination active. On peut voir jusqu'où il portait cette liberté, dans une note de sa main à la marge du paragraphe,

 
Beau climat où chaque saison sourit…
 

dans laquelle il dit: «Je n'ai pas encore fixé la place où je devrai insérer ces vers; je le ferai quand je vous verrai… car je n'ai pas un seul exemplaire ici.»

Même dans ce nouveau passage, tout riche qu'il était d'abord, son imagination trouva moyen d'ajouter de nouvelles beautés: car cette partie si pittoresque depuis

 
Car là, la rose croît sur les rochers, dans le vallon, etc.
 

jusqu'à

 
Ses gémissemens se changent en chants joyeux…
 

fut encore ajoutée après coup. Parmi les autres morceaux qui parurent dans cette nouvelle édition, je ne sais si ce fut la troisième ou la quatrième, car, entre celle-là et la première, il s'écoula à peine six semaines, on doit compter cette belle et mélancolique description de la Grèce, privée, pour ainsi dire, de la vie, dont le premier critique du siècle (M. Jeffrey) a dit qu'il ne connaissait pas, dans aucun poète d'aucun siècle, d'aucun pays, une image plus vraie, plus mélancolique, plus délicieusement achevée 36. Parmi les heureuses additions à cette nouvelle édition, il faut encore compter les vers,

 
Le cigne fend les eaux avec fierté, etc.
 

et ces autres si pathétiques,

 
Ma mémoire n'est plus maintenant que le tombeau, etc.
 

Note 36: (retour) Dans le Constantinople de Dallaway, livre que Byron a dû naturellement consulter, je trouve une phrase extraite de l'Histoire de la Grèce de Gilliers, qui renferme peut-être le premier germe de la pensée que le génie a si admirablement développée: «L'état présent de la Grèce, comparé à l'ancien, est comme l'obscurité silencieuse du tombeau opposée à l'éclat brillant de la vie active.»

Quand je le rejoignis à Londres, au printems, je trouvai encore plus général et plus grand, s'il est possible, l'enthousiasme où j'avais laissé chacun pour sa personne et ses écrits, dans la société et dans le monde littéraire. Dans le petit cercle qui l'entourait plus immédiatement, la familiarité avait peut-être commencé, suivant l'usage, à diminuer un peu l'enchantement. Sa gaîté, son abandon, après une connaissance plus intime, ne pouvait manquer de détruire le charme de cette tristesse poétique, dont les yeux plus éloignés le voyaient toujours entouré; tandis que les notions romantiques que ses lectrices avaient attachées aux amours auxquels il fait allusion dans ses poèmes, sans citer de noms, couraient risque de diminuer beaucoup, quand elles voyaient, de trop près, les objets qu'on supposait enflammer pour le moment son imagination et son cœur. Il faudrait que la maîtresse d'un poète demeurât, s'il était possible, pour les autres, un être aussi imaginaire qu'elle l'a été souvent pour lui-même, grâces aux qualités dont il s'est plu à la doter. Quelque belle que soit la réalité, elle ne saurait manquer de rester bien inférieure au portrait qu'une imagination trop ardente a pris plaisir à s'en faire. Si nous pouvions rassembler devant nous toutes les beautés que l'amour des poètes a immortalisées, depuis la dame de haut lieu jusqu'à la simple bachelette, depuis les Laures et les Sacharisses jusqu'aux Chloés et aux Jannetons, il nous faudrait, je crois, chasser de notre imagination bien des notes brillantes que la poésie y a logées, et souvent notre admiration de la constance et de l'imagination du poète s'accroîtrait en découvrant combien son idole en était peu digne.

Mais si, dans un commerce plus intime, on perdait beaucoup de l'idée romanesque que l'on s'était faite du caractère personnel du poète, ce désappointement de l'imagination était plus qu'amplement compensé dans le petit cercle qu'il fréquentait habituellement par les qualités franches, sociales et engageantes qu'on lui voyait déployer. Il était encore remarquable pour l'absence de tout pédantisme, de toute prétention d'homme de lettres, et on eût pu lui donner avec justice l'éloge que fait Sprat de Cowley: Peu de gens eussent pu deviner, à l'extrême facilité de son commerce, que c'était un grand poète. Tandis que ses amis intimes, ceux qui étaient parvenus, pour ainsi dire, derrière les coulisses de sa renommée, le voyaient ainsi sous son véritable jour, avec ses faiblesses et son amabilité; les étrangers et ceux qui l'approchaient de moins près restaient sous le charme de son caractère poétique, et plusieurs pensaient que la gravité, l'orgueil, la sauvagerie de quelques-uns de ses personnages étaient les traits distinctifs, non-seulement de son esprit, mais encore de ses manières. Cette idée a été si générale, elle a régné si long-tems que, dans quelques essais sur son caractère, publiés depuis sa mort, et contenant du reste beaucoup d'aperçus frappans de justesse, nous trouvons dans son prétendu portrait des traits tels que ceux-ci: «Lord Byron avait un esprit sérieux, positif, sévère; un caractère satirique, dédaigneux et sombre. Il n'avait pas la plus légère sympathie pour une gaîté insensible; à l'extérieur, on voyait un air chagrin, le mécontentement, le mépris, la misanthropie, et sous cette masse de nuages et de ténèbres, etc., etc. 37»

Note 37: (retour) Lettres sur le caractère et le génie poétique de Lord Byron, par sir Égerton Bridges, baronnet.

Il avait la conscience intime du double aspect sous lequel il était envisagé par le monde et par ses amis; non-seulement il s'en amusait, mais il en était flatté comme d'une preuve de la diversité et de la flexibilité de ses moyens. En effet, comme je l'ai déjà remarqué, il était loin d'être insensible à l'effet qu'il produisait personnellement sur la société; et la place distinguée qu'il avait prise dans le monde, depuis le commencement de notre liaison, n'altérait en rien l'aimable simplicité et l'abandon qu'il apportait dans notre commerce intime. Je remarquais, quant au monde extérieur, quelques légers changemens dans sa conduite, qui semblaient indiquer la conscience de la supériorité qu'il avait acquise. Entre autres circonstances, soit que sa timidité s'accommodât mal de se voir l'objet des regards de tout le monde, ou que, suivant l'opinion de Tite-Live, il crût que les hommes éminens ne doivent pas trop familiariser le public avec leur personne 38, il évitait, beaucoup plus qu'au commencement de notre liaison, de se montrer le matin et dans les lieux fréquentés. L'année précédente, avant que son nom fût devenu si célèbre, nous avions été à l'exposition dans Sommerset-House et dans d'autres lieux semblables 39, et je ne doute pas que la véritable raison qui lui fit alors éviter les endroits fréquentés ne fût cet extrême déplaisir qu'il éprouvait de la difformité de son pied, difformité qui devait d'autant plus attirer les regards du public que son beau talent le rendait plus universellement connu.

Note 38: (retour) Continuus aspectus minus verendos magnos homines facit.

Note 39: (retour) La seule chose qui me frappât en lui, comme extraordinaire, dans ces occasions, c'est le malaise qu'il semblait éprouver de porter un chapeau. En effet, il en avait perdu l'habitude, allant toujours en voiture en Angleterre, et portant en voyage une sorte de bonnet de fourrageur. Le fait est que je ne me rappelle pas lui avoir vu un chapeau sur la tête depuis ce tems-la.(Note de Moore.)

Parmi les momens que nous avons passés joyeusement ensemble, je me rappelle plus particulièrement un certain soir où il se livra à la gaîté la plus extraordinaire. Au sortir de quelque assemblée, nous avions reconduit M. Rogers chez lui. Lord Byron qui, suivant sa coutume, n'avait pas dîné les deux jours précédens, éprouvant alors une faim canine, demanda à grands cris quelque chose à manger. Notre repas, qu'il ordonna lui-même, ne consista qu'en pain et en fromage, et rarement ai-je pris part à un plus joyeux souper. Il arriva que notre hôte venait de recevoir l'hommage d'un volume de poésies, écrites à l'imitation avouée des anciens poètes anglais, contenant, comme la plupart des modèles en ce genre, beaucoup de choses belles et frappantes, mêlées à plus de détails encore insignifians, fantastiques et absurdes. Dans la disposition d'esprit où nous nous trouvions, Lord Byron et moi, ce furent ces derniers dont nous nous occupâmes exclusivement, et il faut avouer que, plus nous lisions, plus nous trouvions sujet de rire.

En vain, pour rendre plus de justice à l'auteur, M. Rogers essaya-t-il d'attirer notre attention sur quelques-unes des beautés réelles de l'ouvrage; il nous convenait mieux de nous attacher exclusivement aux passages qui pouvaient fournir matière à notre humeur enjouée. À force de parcourir le volume dans tous les sens, nous découvrîmes que notre hôte, outre qu'il en admirait sincèrement quelques parties, avait un motif de reconnaissance pour prendre ainsi la défense de son auteur, et qu'un des poèmes contenait de lui un éloge très-pompeux, et, je n'ai pas besoin de le dire, très-mérité. Nous étions trop fous dans le moment pour nous arrêter, même devant cet éloge, auquel nous concourions cependant de grand cœur. Le premier vers de cette pièce, autant que je puis me le rappeler, était:

 
Quand Rogers se livrant au travail, etc.
 

Lord Byron entreprit de la lire tout haut, mais il ne put jamais aller au-delà des deux premiers mots. Notre rire fou était alors arrivé à un point tel que rien ne pouvait plus l'arrêter. Il recommença deux ou trois fois, mais à peine avait-il prononcé Quand Rogers, que nous nous mettions à rire sur nouveaux frais, tant et si bien qu'à la fin, malgré le sentiment intime de notre injustice, M. Rogers ne pût s'empêcher de se joindre à nous; nous rîmes alors tous les trois de si bon cœur, que si l'auteur eût été là, je crois en vérité qu'il n'eût pu résister à la contagion.

Un jour où deux après je reçus le billet et les vers suivans: les mots en italique sont tirés de l'éloge même dont nous nous étions permis de rire.

Mon cher Moore,

«Quand Rogers ne doit pas voir les vers ci-joints que je vous envoie pour vous seul. Je suis prêt à fixer tel jour que vous voudrez pour notre visite. Shéridan, ne l'avez-vous pas trouvé délicieux? Le Marchand de volaille a été sa première et sa meilleure plaisanterie 40.

»Tout à vous, etc.

»Je dépose ma branche de laurier.

»Toi, déposer ta branche de laurier! Où donc l'as-tu volée? Et quand elle t'appartiendrait réellement, qui des deux en a le plus besoin, Rogers ou toi? Garde pour toi ce branchage desséché, ou renvoie-le au docteur Donne. Si justice était faite à tous deux, il n'en aurait guère, et toi pas du tout.

Note 40: (retour) Il fait ici allusion à un dîner chez M. Rogers, dont j'ai rendu ailleurs le compte suivant:

«La compagnie se composait de M. Rogers lui-même, Lord Byron, M. Shéridan et l'auteur de ces Mémoires. Shéridan n'ignorait pas notre admiration pour lui. La présence du jeune poète surtout semblait lui rendre les beaux jours de sa jeunesse et tout son esprit; et les détails qu'il nous donna sur les commencemens de sa carrière n'étaient pas moins intéressans pour lui que charmans pour ses auditeurs. Ce fut pendant le cours de cette soirée que nous parlant du poème que M. Whitbread avait composé et envoyé parmi les nombreux prologues destinés à la réouverture de Drury-Lane, et qui, comme les autres, renfermait surtout des allusions au phénix, il dit: «Mais il y avait plus de l'oiseau dans les vers de Whitbread que dans ceux de tous les autres; il était entré dans beaucoup de détails; il avait parlé de ses ailes, de son bec, de sa queue, etc., etc.; enfin, c'était absolument le phénix décrit par un marchand de volaille.»(Vie de Shéridan.)

»Alors, pour former ainsi la couronne d'Apollon.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
25 haziran 2017
Hacim:
412 s. 4 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain
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