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Kitabı oku: «Contes merveilleux, Tome I», sayfa 14

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Le jardinier et ses maîtres

À une petite lieue de la capitale se trouvait un château; ses murailles étaient épaisses; ses tours avaient des créneaux et des toits pointus. C'était un ancien et superbe château. Là résidait, mais pendant l'été seulement, une noble et riche famille. De tous les domaines qu'elle possédait, ce château était la perle et le joyau. On l'avait récemment restauré extérieurement, orné et décoré si bien qu'il brillait d'une nouvelle jeunesse. À l'intérieur régnait le confortable joint à l'agréable; rien n'y laissait à désirer. Au-dessus de la grande porte était sculpté le blason de la famille. De magnifiques guirlandes de roses ciselées dans la pierre entouraient les animaux fantastiques des armoiries. Devant le château s'étendait une vaste pelouse. On y voyait, s'élançant au milieu du vert gazon, des bouquets d'aubépine rouge, d'épine blanche, des parterres de fleurs rares, sans parler des merveilles que renfermait une grande serre bien entretenue. La noble famille possédait un fameux jardinier; aussi était-ce un plaisir de parcourir le jardin aux fleurs, le verger, le potager. Au bout de ce dernier, il existait encore un reste du jardin des anciens temps. C'étaient des buissons de buis et d'ifs, taillés en forme de pyramides et de couronnes. Derrière, s'élevaient deux vieux arbres énormes; ils étaient si vieux qu'il n'y poussait presque plus de feuilles. On aurait pu s'imaginer qu'un ouragan ou une trombe les avaient couverts de tas de boue et de fumier, mais c'étaient des nids d'oiseaux qui occupaient presque toutes les branches. Là nichait, de temps immémorial, toute une bande de corneilles et de choucas. Cela formait comme une cité. Ces oiseaux avaient élu domicile en ce lieu avant tout le monde; ils pouvaient s'en prétendre les véritables seigneurs; et de fait ils avaient l'air de mépriser fort les humains qui étaient venus usurper leur domaine. Toutefois, quand ces êtres d'espèce inférieure, incapables de s'élever de dessus terre, tiraient quelque coup de fusil dans le voisinage, corneilles et choucas se sentaient froid dans le dos et s'enfuyaient à tire-d'aile en criant: rak, rak. Le jardinier parlait souvent à ses maîtres de ces vieux arbres, prétendant qu'ils gâtaient la perspective, conseillant de les abattre; on aurait, en outre, l'avantage d'être ainsi débarrassé de ces oiseaux aux cris discordants, qui seraient forcés d'aller nicher ailleurs. Les maîtres n'entendaient nullement de cette oreille-là. Ils ne voulaient pas que les arbres ni les corneilles disparussent.» C'est, disaient-ils, un vestige de la vénérable antiquité qu'il ne faut pas détruire. Voyez-vous, cher Larsen, ajoutaient-ils, ces arbres sont l'héritage de ces oiseaux, nous aurions tort de le leur enlever.» Larsen, comme vous le saisissez parfaitement, était le nom du jardinier.» N'avez-vous donc pas assez d'espace, continuaient les maîtres, pour déployer vos talents? vous avez un grand jardin aux fleurs, une vaste serre, un immense potager. Que feriez-vous de plus d'espace?» En effet, ce n'était pas le terrain qui lui manquait. Il le cultivait, du reste, avec autant d'habileté que de zèle. Les maîtres le reconnaissaient volontiers. Ils ne lui cachaient pas cependant qu'ils avaient parfois vu et goûté, chez d'autres, des fleurs et des fruits qui surpassaient ceux qu'ils trouvaient dans leur jardin. Le brave homme se chagrinait de cette remarque, car il faisait de son mieux, il ne pensait qu'à satisfaire ses maîtres, et il connaissait à fond son métier. Un jour ils le mandèrent au salon et lui dirent, avec toute la douceur et la bienveillance possible, que la veille, dînant au château voisin, ils avaient mangé des pommes et des poires si parfumées, si savoureuses, si exquises, que tous les convives en avaient exprimé leur admiration.» Ces fruits, poursuivirent les maîtres, ne sont probablement pas des produits de ce pays-ci; ils viennent certainement de l'étranger. Mais il faudrait tâcher de se procurer l'espèce d'arbre qui les porte et l'acclimater. Ils avaient été achetés, à ce qu'on nous a dit, chez le premier fruitier de la ville. Montez à cheval, allez le trouver pour savoir d'où il a tiré ces fruits. Nous ferons venir des greffes de cette sorte d'arbre, et votre habileté fera le reste.» Le jardinier connaissait parfaitement le fruitier; c'était précisément à lui qu'il vendait le superflu des fruits de son verger. Il partit à cheval pour la ville et demanda au fruitier d'où provenaient ces poires et ces pommes délicieuses qu'on avait mangées au château de X....» Elles venaient de votre propre jardin», répondit le fruitier; et il lui montra les pommes et les poires pareilles, que le jardinier reconnut aussitôt pour les siennes. Combien il en fut réjoui, vous pouvez aisément le deviner. Il accourut au plus vite et raconta à ses maîtres que ces fameuses pommes et ces poires délicieuses étaient les fruits des arbres de leur jardin. Les maîtres se refusaient à le croire: «Ce n'est pas possible, mon bon Larsen. Tenez, je gage que le fruitier se garderait bien de vous l'attester par écrit.» Le lendemain, Larsen apporta l'attestation signée du fruitier: «C'est tout ce qu'il y a de plus extraordinaire!» dirent les maîtres. De ce moment, tous les jours on plaça sur la table de pleines corbeilles de ces pommes et de ces poires. On en expédia aux amis de la ville et de la campagne, même aux amis des pays étrangers. Ces présents faisaient plaisir à tout le monde, à ceux qui les recevaient et à ceux qui les donnaient. Mais pour que l'orgueil du jardinier n'en fût point trop exalté, on eut soin de lui faire remarquer combien l'été avait été favorable aux fruits, qui avaient partout réussi à merveille. Quelque temps se passa. La noble famille fut invitée à dîner à la cour. Le lendemain, le jardinier fut de nouveau appelé au salon. On lui dit que des melons d'un parfum et d'un goût merveilleux avaient été servis sur la table du roi.» Ils viennent des serres de Sa Majesté. Il faudrait, cher Larsen, obtenir du jardinier du roi quelques pépins de ces fruits incomparables.

–Mais c'est de moi-même que le jardinier tient la graine de ces melons! dit joyeusement le jardinier.

–Il faut donc, répartit le seigneur, que cet homme ait su les perfectionner singulièrement par sa culture, car je n'en ai jamais mangé de si savoureux. L'eau m'en vient à la bouche en y songeant.

–Hé bien, dit le jardinier, voilà de quoi me rendre fier. Il faut donc que Votre Seigneurie sache que le jardinier du roi n'a pas été heureux cette année avec ses melons. Ces jours derniers il est venu me voir; il a vu combien les miens avaient bonne mine, et après en avoir goûté, il m'a prié de lui en envoyer trois pour la table de Sa Majesté.

–Non, non, mon brave Larsen, ne vous imaginez pas que ces divins fruits que nous avons mangés hier proviennent de votre jardin.

–J'en suis parfaitement certain, répondit Larsen, et je vous en fournirai la preuve.» Il alla trouver le jardinier du roi et se fit donner par lui un certificat d'où il résultait que les melons qui avaient figuré au dîner de la cour avaient bien réellement poussé dans les serres de ses maîtres. Les maîtres ne pouvaient revenir de leur surprise. Ils ne firent pas un mystère de l'événement. Bien loin de là, ils montrèrent ce papier à qui le voulut voir. Ce fut à qui leur demanderait alors des pépins de leurs melons et des greffes de leurs arbres fruitiers. Les greffes réussirent de tous côtés. Les fruits qui en naquirent reçurent partout le nom des propriétaires du château, de sorte que ce nom se répandit en Angleterre, en Allemagne et en France. Qui se serait attendu à rien de pareil?» Pourvu que notre jardinier n'aille pas concevoir une trop haute opinion de lui-même!» se disaient les maîtres. Leur appréhension était mal fondée. Au lieu de s'enorgueillir et de se reposer sur sa renommée, Larsen n'en eut que plus d'activité et de zèle. Chaque année il s'attacha à produire quelque nouveau chef-d'œuvre. Il y réussit presque toujours. Mais il ne lui en fallut pas moins entendre souvent dire que les pommes et les poires de la fameuse année étaient les meilleurs fruits qu'il eût obtenus. Les melons continuaient sans doute à bien venir, mais ils n'avaient plus tout à fait le même parfum. Les fraises étaient excellentes, il est vrai, mais pas meilleures que celles du comte Z. Et lorsqu'une année les petits radis manquèrent, il ne fut plus question que de ces détestables petits radis. Des autres légumes, qui étaient parfaits, pas un mot. On aurait dit que les maîtres éprouvaient un véritable soulagement à pouvoir s'écrier: «Quels atroces petits radis! Vraiment, cette année est bien mauvaise: rien ne vient bien cette année!» Deux ou trois fois par semaine, le jardinier apportait des fleurs pour orner le salon. Il avait un art particulier pour faire les bouquets; il disposait les couleurs de telle sorte qu'elles se faisaient valoir l'une l'autre et il obtenait ainsi des effets ravissants.» Vous avez bon goût, cher Larsen, disaient les maîtres. Vraiment oui. Mais n'oubliez pas que c'est un don de Dieu. On le reçoit en naissant; par soi-même on n'en a aucun mérite.» Un jour le jardinier arriva au salon avec un grand vase où parmi des feuilles d'iris s'étalait une grande fleur d'un bleu éclatant.» C'est superbe! s'écria Sa Seigneurie enchantée: on dirait le fameux lotus indien!» Pendant la journée, les maîtres la plaçaient au soleil où elle resplendissait; le soir on dirigeait sur elle la lumière au moyen d'un réflecteur. On la montrait à tout le monde; tout le monde l'admirait. On déclarait qu'on n'avait jamais vu une fleur pareille, qu'elle devait être des plus rares. Ce fut l'avis notamment de la plus noble jeune fille du pays, qui vint en visite au château: elle était princesse, fille du roi; elle avait, en outre, de l'esprit et du cœur, mais, dans sa position, ce n'est là qu'un détail oiseux. Les seigneurs tinrent à honneur de lui offrir la magnifique fleur, ils la lui envoyèrent au palais royal. Puis il allèrent au jardin en chercher une autre pour le salon. Ils le parcoururent vainement jusque dans les moindres recoins; ils n'en trouvèrent aucune autre, non plus que dans la serre. Ils appelèrent le jardinier et lui demandèrent où il avait pris la fleur bleue: «Si vous n'en avez pas trouvé, dit Larsen, c'est que vous n'avez pas cherché dans le potager. Ah! ce n'est pas une fleur à grande prétention, mais elle est belle tout de même: c'est tout simplement une fleur d'artichaut!

–Grand Dieu! Une fleur d'artichaut! s'écrièrent Leurs Seigneuries. Mais, malheureux, vous auriez dû nous dire cela tout d'abord. Que va penser la princesse? Que nous nous sommes moqués d'elle. Nous voilà compromis à la cour. La princesse a vu la fleur dans notre salon, elle l'a prise pour une fleur rare et exotique; elle est pourtant instruite en botanique, mais la science ne s'occupe pas des légumes. Quelle idée avez-vous eue, Larsen, d'introduire dans nos appartements une fleur de rien! Vous nous avez rendus impertinents ou ridicules.» On se garda bien de remettre au salon une de ces fleurs potagères. Les maîtres se firent à la hâte excuser auprès de la princesse, rejetant la faute sur leur jardinier qui avait eu cette bizarre fantaisie, et qui avait reçu une verte remontrance.» C'est un tort et une injustice, dit la princesse. Comment! il a attiré nos regards sur une magnifique fleur que nous ne savions pas apprécier; il nous a fait découvrir la beauté où nous ne nous avisions pas de la chercher; et on l'en blâmerait! Tous les jours, aussi longtemps que les artichauts seront fleuris, je le prie de m'apporter au palais une de ces fleurs.» Ainsi fut-il fait. Les maîtres de Larsen s'empressèrent, de leur côté, de réinstaller la fleur bleue dans leur salon, et de la mettre bien en évidence, comme la première fois.» Oui, elle est magnifique, dirent-ils; on ne peut le nier. C'est curieux, une fleur d'artichaut!» Le jardinier fut complimenté.» Oh! les compliments, les éloges, voilà ce qu'il aime! disaient les maîtres; il est comme un enfant gâté.» Un jour d'automne s'éleva une tempête épouvantable; elle ne fit qu'aller en augmentant toute la nuit. Sur la lisière du bois, une rangée de grands arbres furent arrachés avec leurs racines. Les deux arbres couverts de nids d'oiseaux furent aussi renversés. On entendit jusqu'au matin les cris perçants, les piaillements aigus des corneilles effarées, dont les ailes venaient frapper les fenêtres.»Vous voilà satisfait, Larsen, dirent les maîtres, voilà ces pauvres vieux arbres par terre. Maintenant il ne reste plus ici de trace des anciens temps, tout est détruit, comme vous le désiriez. Ma foi, cela nous a fait de la peine.» Le jardinier ne répondit rien: il réfléchit aussitôt à ce qu'il ferait de ce nouvel emplacement, bien situé au soleil. En tombant, les deux arbres avaient abîmé les buis taillés en pyramides, ils furent enlevés. Larsen les remplaça par des arbustes et des plantes pris dans les bois et dans les champs de la contrée. Jamais jardinier n'avait encore eu cette idée. Il réunit là le genévrier de la bruyère du Jutland, qui ressemble tant au cyprès d'Italie, le houx toujours vert, les plus belles fougères semblables aux palmiers, de grands bouillons blancs qu'on prendrait pour des candélabres d'église. Le sol était couvert de jolies fleurs des prés et des bois. Cela formait un charmant coup d'œil. À la place des vieux arbres fut planté un grand mât au haut duquel flottait l'étendard du Danebrog, et tout autour se dressaient des perches où, en été, grimpait le houblon. En hiver, à Noël, selon un antique usage, une gerbe d'avoine fut suspendue à une perche, pour que les oiseaux prissent part à la fête: «Il devient sentimental sur ses vieux jours, ce bon Larsen, disaient les maîtres; mais ce n'en est pas moins un serviteur fidèle et dévoué.» Vers le nouvel an, une des feuilles illustrées de la capitale publia une gravure du vieux château. On y voyait le mât avec le Danebrog, et la gerbe d'avoine au bout d'une perche. Et dans le texte, on faisait ressortir ce qu'avait de touchant cette ancienne coutume de faire participer les oiseaux du bon Dieu à la joie générale des fêtes de Noël: on félicitait ceux qui l'avaient remise en pratique.» Vraiment, tout ce que fait ce Larsen, on le tambourine aussitôt, dirent les maîtres. Il a de la chance. Nous devons presque être fiers qu'il veuille bien rester à notre service.» Ce n'était là qu'une façon de parler. Ils n'en étaient pas fiers du tout, et n'oubliaient pas qu'ils étaient les maîtres et qu'ils pouvaient, s'il leur plaisait, renvoyer leur jardinier, ce qui eût été sa mort, tant il aimait son jardin. Aussi ne le firent-ils pas. C'étaient de bons maîtres. Mais ce genre de bonté n'est pas fort rare et c'est heureux pour les gens comme Larsen.

La malle volante

Il était une fois un marchand, si riche qu'il eût pu paver toute la rue et presque une petite ruelle encore en pièces d'argent, mais il ne le faisait pas. Il savait employer autrement sa fortune et s'il dépensait un skilling2, c'est qu'il savait gagner un daler3. Voilà quelle sorte de marchand c'était—et puis, il mourut.

Son fils hérita de tout cet argent et il mena joyeuse vie; il allait chaque nuit au bal masqué, et faisait des ricochets sur la mer avec des pièces d'or à la place de pierres plates. À ce train, l'argent filait vite… À la fin, le garçon ne possédait plus que quatre shillings et ses seuls vêtements étaient une paire de pantoufles et une vieille robe de chambre.

Ses amis l'abandonnèrent puisqu'il ne pouvait plus se promener avec eux dans la rue. Mais l'un d'entre eux, qui était bon, lui envoya une vieille malle en lui disant: «Fais tes paquets!»

C'était vite dit, il n'avait rien à mettre dans la malle. Alors, il s'y mit lui-même.

Quelle drôle de malle! si on appuyait sur la serrure, elle pouvait voler.

C'est ce qu'elle fit, et pfut! elle s'envola avec lui à travers la cheminée, très haut, au-dessus des nuages, de plus en plus loin. Le fond craquait, notre homme craignait qu'il ne se brise en morceaux, il aurait fait une belle culbute! Grand Dieu!… et puis, il arriva au pays des Turcs. Il cacha la malle dans la forêt, sous des feuilles sèches, et entra tel qu'il était, dans la ville, ce qu'il pouvait bien se permettre puisque, en Turquie, tout le monde se promène en robe de chambre et en pantoufles.

Il rencontra une nourrice avec un petit enfant.

–Écoute un peu, nourrice turque, dit-il, qu'est-ce que c'est que ce grand château près de la ville? Les fenêtres en sont si hautes!

–C'est là qu'habite la fille du roi, répondit-elle. Il lui a été prédit qu'elle serait très malheureuse par le fait d'un fiancé, c'est pourquoi personne ne doit aller chez elle sans que le roi et la reine soient présents.

–Merci, dit le fils du marchand.

Il retourna dans la forêt, s'assit dans la malle, vola jusqu'au toit du château et se glissa par la fenêtre chez la princesse.

Elle était couchée sur le sofa et dormait. Elle était si adorable que le fils du marchand ne put se retenir de lui donner un baiser. Elle s'éveilla, effrayée, mais il lui affirma qu'il était le dieu des Turcs et qu'il était venu vers elle à travers les airs, ce qui plut beaucoup à la demoiselle.

Ils s'assirent l'un à côté de l'autre et il lui raconta des histoires: ses yeux étaient les plus beaux lacs sombres sur lesquels les pensées nageaient comme des sirènes, son front était un mont neigeux aux salles magnifiques, pleines d'images. Il parla aussi des cigognes qui apportent les mignons bébés. Quelles belles histoires! alors, il demanda sa main à la princesse, et elle dit «oui» tout de suite.

–Mais revenez ici samedi, lui dit-elle, car le roi et la reine viennent prendre le thé chez moi. Ils seront très fiers de me voir épouser le dieu des Turcs, mais sachez leur raconter un très beau conte car ils les aiment énormément; ma mère les veut moraux et distingués, mais père les apprécie très gais, que l'on puisse rire.

–Bien! Je n'apporterai d'autre cadeau de mariage qu'un conte, répondit-il.

Là-dessus, ils se quittèrent après que la princesse lui eut donné un sabre incrusté de pièces d'or, et c'est cela surtout qui pouvait lui être utile.

Il s'envola, s'acheta une nouvelle robe de chambre et s'assit dans la forêt pour composer un conte. Il devait être terminé samedi, et ce n'est pas si facile. Pourtant, quand vint le samedi, c'était fait.

Le roi, la reine et toute la cour prenaient le thé chez la princesse et l'attendaient. Il fut reçu avec beaucoup de gentillesse.

–Voulez-vous nous raconter une histoire? demanda la reine, une histoire d'un esprit profond et instructif.

–Mais qui fait quand même rire, dit le roi.

–Je veux bien, dit-il. Et il se mit à raconter.

Il y avait une fois un paquet d'allumettes, très fières de leur origine. Leur ancêtre, un grand sapin, dont elles étaient toutes nées, avait été un grand, vieil arbre, dans la forêt. Les allumettes se trouvaient maintenant sur une tablette entre un briquet et une vieille marmite de fer, et elles parlaient de leur jeunesse.

–Quand nous étions parmi les rameaux verts, soupiraient-elles, on peut dire que c'était la belle vie. C'était matin et soir thé de diamants —la rosée—toute la journée le soleil quand il brillait—et les oiseaux pour nous raconter des histoires.

Et nous nous sentions riches! Les arbres à feuillage n'étaient vêtus que l'été. Nous, nous avions les moyens d'être habillées de vert été comme hiver. Mais les bûcherons sont venus et ça a été la grande révolution: notre famille fut dispersée.

Notre père le tronc fut placé comme grand mât sur un splendide navire qui pouvait faire le tour du monde, s'il le voulait; les autres branches furent utilisées ailleurs, et notre sort, à nous, est maintenant d'allumer les lumières pour les gens du commun. C'est pourquoi nous, gens de qualité, avons échoué à la cuisine.

–Mon histoire est toute différente, dit la marmite. Depuis que je suis venue au monde, on m'a récurée et fait bouillir tant de fois! Je pourvois au substantiel et suis réellement la personne la plus importante de la maison. Ma seule joie c'est, après le repas, de m'étendre propre et récurée sur une planche et de tenir la conversation avec les camarades. Mais à l'exception du seau d'eau qui, de temps en temps, descend dans la cour, nous vivons très renfermés. Notre seul agent d'information est le panier à provisions, mais il parle avec tant d'agitation du gouvernement et du peuple! Oui, l'autre jour, un vieux pot, effrayé de l'entendre, est tombé et s'est cassé en mille morceaux —il a des idées terriblement avancées, vous savez!

–Tu parles trop, dit le briquet. Son acier frappa la pierre à fusil qui lança des étincelles. Tâchons plutôt de passer une soirée un peu gaie.

–Oui, dirent les allumettes. Cherchons qui sont, ici, les gens du plus haut rang.

–Non, je n'aime pas à parler de moi, dit le pot de terre, ayons une soirée de simple causerie. Je commencerai. Racontons quelque chose que chacun a vécu, c'est bien facile et si amusant.

–Au bord de la Baltique, sous les hêtres danois....

–Quel charmant début! interrompirent les assiettes. Nous sentons que nous aimerons cette histoire!

–Oui, j'ai passé là ma jeunesse dans une paisible famille. Les meubles étaient cirés, les parquets lavés, les rideaux changés tous les quinze jours.

–Comme vous racontez d'une manière intéressante! dit le balai à poussière. On se rend compte tout de suite que c'est une femme qui parle; il y a quelque chose de si propre dans votre récit.

–Oui, ça se sent, dit le seau d'eau. Et, de plaisir, il fit un petit bond et l'on entendit «platch» sur le parquet.

Le pot de terre continua son récit dont la fin était aussi bonne que le commencement. Les assiettes s'entrechoquaient d'admiration, et le balai prit un peu de persil et en couronna le pot parce qu'il savait que cela vexerait les autres, et aussi parce qu'il pensait: «Si je le couronne aujourd'hui, il me couronnera demain.»

–Maintenant, je vais danser pour vous, dit la pincette.

Et elle dansa. Grand Dieu! comme elle savait lancer la jambe! La vieille garniture de chaise, dans le coin, craqua d'intérêt devant ce spectacle.

–Est-ce que je serai couronnée? demanda la pincette. Et elle le fut.

–Comme elle est vulgaire, pensèrent les allumettes.

C'était au tour de la bouilloire à thé de chanter, mais elle prétendait avoir un rhume et ne pouvoir chanter qu'au moment de bouillir. Ce n'était qu'une poseuse qui ne voulait se produire que sur la table des maîtres.

Sur la fenêtre, il y avait une vieille plume dont la servante se servait pour écrire. Elle n'avait rien de remarquable sinon qu'elle avait été plongée trop profondément dans l'encrier, ce dont elle tirait grande vanité.

–Si la bouilloire à thé ne veut pas chanter, dit-elle, elle n'a qu'à s'abstenir. Il y a là dehors, dans une cage, un rossignol. Lui sait chanter quoiqu'il n'ait jamais appris. Il nous suffira pour ce soir.

–Je trouve fort inconvenant, dit la bouilloire qui était la cantatrice de la cuisine, qu'un oiseau étranger se produise ici. Est-ce patriotique? J'en fais juge le panier à provisions.

–Je suis vexé, dit le panier à provisions, plus que vous ne le pensez peut-être! Est-ce une manière convenable de passer la soirée? Ne vaudrait-il pas mieux réformer toute la maison, mettre chacun à sa place? Je dirigerais le mouvement. Ce serait autre chose.

–Oui, faisons du chahut! s'écrièrent-ils tous.

À cet instant, la porte s'ouvrit, la servante entra. Tous devinrent muets. Personne ne broncha, mais il n'y avait pas un seul petit pot qui ne fût conscient de ses possibilités et de sa distinction.

«Si j'avais voulu, pensaient-ils tous, cela aurait vraiment pu être une soirée très gaie.» La servante prit les allumettes et les gratta. Comme elles crépitaient et flambaient!

–Maintenant, tout le monde voit bien que nous sommes les premières. Quel éclat! Quelle lumière! Ayant dit, elles s'éteignirent.

–Quel charmant conte, dit la reine. Je croyais être à la cuisine avec les allumettes. Oui, tu auras notre fille.

–Bien sûr, dit le roi, tu auras notre fille lundi.

Ils le tutoyaient déjà puisqu'il devait entrer dans la famille.

Le mariage fut fixé. La veille au soir toute la ville fut illuminée, les petits pains mollets et les croquignoles volaient de tous côtés, les gamins des rues se tenaient sur la pointe des pieds, criaient «Bravo!» et sifflaient dans leurs doigts. Une belle soirée!

«Il faut aussi que je fasse quelque chose de bien», pensa le fils du marchand.

Il acheta des raquettes, des fusées, des pétards et tous les feux d'artifices imaginables. Il les mit dans sa malle et s'envola dans les airs.

Pfutt! Quelles gerbes et quels crépitements tombaient du ciel!

Tous les Turcs sautaient en l'air, leurs pantoufles volant par-dessus leurs oreilles. Ils n'avaient jamais rien vu de si beau. Ils étaient bien persuadés que c'était le dieu des Turcs lui-même qui allait épouser la princesse.

Aussitôt que le fils du marchand fut redescendu dans la forêt, il se dit:

«Je vais aller en ville pour savoir comment tout s'est passé en bas, et ce qu'on a pensé de mon feu d'artifice».

Et c'était assez naturel qu'il fût curieux de le savoir. Non ce que les gens pouvaient en dire! chacun avait vu la chose à sa façon, mais tous l'avaient vivement appréciée.

–J'ai vu le dieu des Turcs en personne, disait l'un, il avait des yeux brillants comme des étoiles et une barbe comme l'écume de la mer.

–Il portait un manteau de feu, disait l'autre, les anges les plus ravissants montraient leur tête dans ses plis. Tout cela était fort agréable!—et le lendemain, le mariage devait avoir lieu.

Il retourna dans la forêt pour remonter dans sa malle. Où était-elle donc? Elle avait brûlé; une étincelle du feu d'artifice y avait mis le feu et la malle était en cendres. Il ne pouvait plus voler, il ne pouvait plus se présenter devant sa fiancée.

Elle l'attendit toute la journée sur le toit de son palais. Elle l'y attend encore, tandis que lui court le monde en racontant des histoires, mais elles ne sont plus aussi amusantes que celle des allumettes.

2.Schilling: Unité monétaire principale de l'Autriche (code international: ATS), divisée en 100 groschen.
3.Thaler: Ancienne monnaie d'argent, en usage dans les pays germaniques à partir du XVIe siècle.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
20 temmuz 2018
Hacim:
250 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain

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