Kitabı oku: «La Cible Zéro»
L A C I B L E Z É R O
(THRILLER D’ESPIONNAGE L’AGENT ZÉRO —Volume 2)
J A C K M A R S
Jack Mars
Jack Mars est actuellement l’auteur best-seller aux USA de la série de thrillers LUKE STONE, qui contient sept volumes. Il a également écrit la nouvelle série préquel FORGING OF LUKE STONE, ainsi que la série de thrillers d’espionnage L’AGENT ZÉRO.
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LIVRES DE JACK MARS
SÉRIE DE THRILLERS LUKE STONE
TOUS LES MOYENS NÉCESSAIRES (Volume #1)
SÉRIE D’ESPIONNAGE L’AGENT ZÉRO
L’AGENT ZÉRO (Volume #1)
LA CIBLE ZÉRO (Volume #2)
LA TRAQUE ZÉRO (Volume #3)
LE PIÈGE ZÉRO (Volume #4)
LE FICHIER ZÉRO (Volume #5)
LE SOUVENIR ZÉRO (Volume #6)
Résumé de L’Agent Zéro - Volume 1 (fiche récapitulative à inclure dans le volume 2)
Un professeur d’Université, père de deux filles, redécouvre son passé oublié d’agent de la CIA sur le terrain. Il se bat à travers toute l’Europe pour trouver des réponses et savoir pourquoi sa mémoire a été supprimée, tout en essayant de déjouer un complot terroriste censé tuer des dizaines de leaders mondiaux.
L’Agent Zéro : Le Professeur Reid Lawson est kidnappé et on lui retire un suppresseur de mémoire expérimental de la tête. Aussi, lui reviennent petit à petit ses souvenirs oubliés en tant que Kent Steele, agent de la CIA, également connu dans le monde sous le nom d’Agent Zéro.
Maya et Sara Lawson : Les deux filles adolescentes de Reid, respectivement âgées de 16 et 14 ans, ne savent rien du passé de leur père en tant qu’agent de la CIA.
Kate Lawson : La femme de Reid, et mère de ses deux filles, est soudainement morte deux ans avant d’une attaque cérébrale.
L’Agent Alan Reidigger : Meilleur ami de Kent Steele, également agent de terrain, Reidigger l’a aidé à installer le suppresseur de mémoire à la suite d’une cavale meurtrière de Steele pour mettre la main sur un dangereux assassin.
L’Agent Maria Johansson : Également agent de terrain et ancienne maîtresse de Kent Steele à la suite du décès de sa femme, Johansson s’est avérée être une alliée improbable, mais bienvenue, pour l’aider à retrouver la mémoire et déjouer le complot terroriste.
Amon : L’organisation terroriste Amon regroupe plusieurs factions terroristes du monde entier. Leur coup de maître de bombarder le Forum Économique Mondial de Davos pendant que les autorités sont distraites par les JO d’Hiver est déjoué par l’Agent Zéro.
Rais : Américain expatrié devenu assassin d’Amon, Rais croit que son destin est de tuer l’Agent Zéro. Lors de leur affrontement aux JO d’Hiver à Sion, en Suisse, Rais est mortellement blessé et laissé pour mort.
L’Agent Vicente Baraf : Baraf est un agent italien d’Interpol qui s’avère déterminant dans l’aide qu’il apporte aux Agents Zéro et Johansson pour stopper le complot d’Amon de bombarder Davos.
L’Agent John Watson : Agent de la CIA, stoïque et professionnel, Watson arrache les filles de Reid des griffes des terroristes sur un quai du New Jersey.
Contenu
PROLOGUE
CHAPITRE UN
CHAPITRE DEUX
CHAPITRE TROIS
CHAPITRE QUATRE
CHAPITRE CINQ
CHAPITRE SIX
CHAPITRE SEPT
CHAPITRE HUIT
CHAPITRE NEUF
CHAPITRE DIX
CHAPITRE ONZE
CHAPITRE DOUZE
CHAPITRE TREIZE
CHAPITRE QUATORZE
CHAPITRE QUINZE
CHAPITRE SEIZE
CHAPITRE DIX-SEPT
CHAPITRE DIX-HUIT
CHAPITRE DIX-NEUF
CHAPITRE VINGT
CHAPITRE VINGT-ET-UN
CHAPITRE VINGT-DEUX
CHAPITRE VINGT-TROIS
CHAPITRE VINGT-QUATRE
CHAPITRE VINGT-CINQ
CHAPITRE VINGT-SIX
CHAPITRE VINGT-SEPT
CHAPITRE VINGT-HUIT
CHAPITRE VINGT-NEUF
CHAPITRE TRENTE
CHAPITRE TRENTE-ET-UN
CHAPITRE TRENTE-UN
CHAPITRE TRENTE-TROIS
CHAPITRE TRENTE-QUATRE
CHAPITRE TRENTE-CINQ
CHAPITRE TRENTE-SIX
CHAPITRE TRENTE-SEPT
CHAPITRE TRENTE-HUIT
CHAPITRE TRENTE-NEUF
PROLOGUE
“Dites-moi, Renault,” prononça le plus âgé des deux. Ses yeux étincelaient alors qu’il observait la bulle de café sur le couvercle du percolateur posé entre eux. “Pourquoi êtes-vous venu ici ?”
Le Dr. Cicero était un homme gentil, jovial, qui aimait à se décrire lui-même comme un “jeune de cinquante-huit ans.” Sa barbe était devenue grise à l’approche de la quarantaine, puis blanche à l’approche de la cinquantaine et, bien qu’elle soit habituellement impeccablement rasée, elle était devenue frisottante et indisciplinée depuis qu’il était dans la toundra. Il portait une parka orange vif, mais cela n’atténuait pas l’éclat juvénile de ses yeux bleus.
Le jeune français fut légèrement surpris par la question, mais il débita immédiatement sa réponse, l’ayant répétée plusieurs fois dans sa tête. “L’OMS a contacté l’université pour trouver des assistants de recherche. Et ils ont proposé ma candidature,” expliqua-t-il an anglais. Cicero était originaire de Grèce et Renault venait du Sud-Est de la France, donc ils discutaient dans une langue connue d’eux deux. “Pour être honnête, on a proposé à deux autres personnes avant moi. Mais ils ont décliné tous les deux. Pour ma part, j’ai pensé que c’était une belle occasion de…”
“Bah !” s’exclama le docteur. “Je ne vous demande pas votre cursus universitaire, Renault. J’ai lu votre transcription, ainsi que votre thèse sur la mutation à craindre de la grippe B. C’était plutôt bien écrit. Je dirais même que je n’aurais certainement pas fait mieux.”
“Merci, Monsieur.”
Cicero eut un petit rire. “Gardez vos ‘Monsieur’ pour les salles de réunion et la collecte de fonds. Ici, nous sommes d’égal à égal. Appelez-moi Cicero. Quel âge avez-vous, Renault ?”
“Vingt-six ans, Monsieur… euh, Cicero.”
“Vingt-six ans,” répéta pensivement le docteur. Il réchauffa ses mains à la chaleur du réchaud de camping. “Et vous avez presque fini votre doctorat ? C’est très impressionnant. Mais ce que je veux savoir, c’est pourquoi êtes-vous ici ? Comme je vous l’ai dit, j’ai reçu votre dossier. Vous êtes jeune, intelligent, apparemment beau garçon…” Cicero rigola. “J’imagine que vous auriez pu faire un internat n’importe où dans le monde. Pourtant, depuis quatre jours que vous êtes avec nous, je ne vous ai pas entendu une seule fois parler de vous. Pourquoi ici plutôt que n’importe où ailleurs ?”
Cicero agita la main comme pour marquer son argument, mais c’était tout à fait inutile. La toundra sibérienne s’étendait à perte de vue dans toutes les directions, grise et blanche, totalement vide, sauf au nord-est où de basses montagnes s’allongeaient avec indolence, surmontées de blanc.
Les joues de Renault virèrent légèrement au rose. “Eh bien, pour être tout à fait honnête avec vous, Docteur, je suis venu ici pour étudier à vos côtés,” admit-il. “Je suis l’un de vos admirateurs. Vos travaux pour empêcher l’épidémie du virus Zika m’ont vraiment inspiré.”
“Bien !” dit chaleureusement Cicero. “Vous obtiendrez toujours tout avec la flatterie… à commencer par ce café corsé belge.” Il enfila une épaisse manique sur sa main droite, souleva le percolateur du réchaud de camping à gaz, et versa le café fumant dans deux mugs en plastique. C’était l’un des rares luxes qu’ils avaient à leur disposition au milieu de la nature sauvage sibérienne.
La maison du Dr. Cicero, ces vingt-sept derniers jours de sa vie, se résumait au petit campement établi à environ cent cinquante mètres de la rivière Kolyma. Cette colonie était composée de quatre tentes à dôme en néoprène, d’un auvent en toile, fermé d’un côté pour se protéger du vent, et d’une salle blanche semi-permanente en Kevlar. Pour l’heure, les deux hommes se tenaient debout sous l’auvent de toile, se préparant du café sur un réchaud à gaz composé de deux brûleurs, au beau milieu de tables de camping jonchées de microscopes, d’échantillons de permafrost, d’équipements archéologiques, de deux ordinateurs résistant à tous les temps et d’une centrifugeuse.
“Buvez,” dit Cicero. “Il est presque l’heure de prendre notre quart.” Il avala une gorgée de café en fermant les yeux et un léger soupir de contentement s’échappa de ses lèvres. “Ça me rappelle chez moi,” dit-il doucement. “Avez-vous quelqu’un qui vous attend, Renault ?”
“Oui,” répondit le jeune homme. “Ma Claudette.”
“Claudette,” répéta Cicero. “Quel joli prénom. Vous êtes mariés ?”
“Non,” se contenta de répondre Renault.
“Il est important d’avoir quelque chose à espérer dans notre profession,” déclara Cicero avec mélancolie. “Cela vous donne une perspective au beau milieu du détachement souvent nécessaire à notre métier. Cela fait trente-trois ans que je pense à Phoebe, ma femme. Mon travail m’a conduit partout sur la terre, mais elle est toujours là pour moi quand je rentre. Quand je repars, je me languis d’elle, mais ça vaut la peine : à chaque fois que je rentre à la maison, c’est comme tomber amoureux de nouveau. Comme on dit, l’absence rend le cœur plus tendre.”
Renault sourit. “Je n’aurais pas cru qu’un virologue puisse être aussi romantique,” plaisanta-t-il.
“Les deux ne sont pas forcément incompatibles, mon garçon.” Le docteur fronça légèrement les sourcils. “Et d’ailleurs… je suis à peu près sûr que Claudette hante votre esprit la plupart du temps. Vous êtes un jeune homme pensif, Renault. Plus d’une fois, je vous ai vu observer le sommet des montagnes, comme si vous cherchiez des réponses.”
“Je pense que vous avez raté votre vraie vocation, Docteur,” dit Renault. “Vous auriez dû être sociologue.” Le sourire se dissipa de ses lèvres alors qu’il ajoutait, “Mais vous avez raison. J’ai accepté cette mission non seulement pour pouvoir travailler à vos côtés, mais aussi parce que je me suis lancé dans une cause… une cause basée sur une conviction. Toutefois, j’ai peur de découvrir où cette conviction va me mener.”
Cicero hocha la tête en guise d’assentiment. “Comme je l’ai dit, le détachement est souvent nécessaire à notre métier. Il faut apprendre à être impassible.” Il posa une main sur l’épaule du jeune homme. “Croyez-en l’expérience d’un homme qui a des années de métier derrière lui. La conviction est une puissante motivation, c’est sûr, mais les émotions ont parfois tendance à altérer notre jugement, à embrouiller nos esprits.”
“Je tâcherai de faire attention. Merci, Monsieur.” Renault sourit timidement. “Cicero. Merci.”
Soudain, le talkie-walkie émit un crissement intrusif sur la table à côté d’eux, brisant le silence introspectif sous l’auvent.
“Dr. Cicero,” prononça une voix féminine teintée d’un accent irlandais. C’était le Dr. Bradlee, appelant depuis un site de fouilles tout proche. “Nous avons déterré quelque chose. Il faut absolument que vous voyez ça. Apportez la boite. Tout de suite.”
“Nous serons là dans un moment,” dit le Dr. Cicero dans la radio. “Tout de suite.” Il sourit d’un air paternel à Renault. “Il semblerait que l’on nous ait besoin de nous en avance ce matin. On devrait aller s’habiller.”
Les deux hommes vidèrent leurs mugs encore fumants et se hâtèrent en direction de la salle blanche en Kevlar, pénétrant dans la première antichambre pour enfiler les uniformes de décontamination jaune vif fournis par l’Organisation Mondiale de la Santé. En premier, venaient les gants et les bottes en plastiques, serrées hermétiquement aux poignets et aux chevilles, puis les combinaisons intégrales avec capuche et, pour finir, les masques avec respirateurs.
Ils s’habillèrent rapidement en silence, presque révérencieusement, utilisant non seulement ce bref moment comme une transformation physique, mais aussi mentale, passant de leur agréable discussion décontractée à l’état d’esprit sombre nécessaire à leur profession.
Renault n’aimait pas les uniformes de décontamination. Ils ralentissaient les mouvements et rendaient leur travail pénible. Mais ils étaient absolument nécessaires pour mener leurs recherches : localiser et examiner l’un des organismes les plus dangereux connus de l’homme.
Cicero et lui sortirent de l’antichambre et se dirigèrent vers les bords de la Kolyma, cette rivière lente et glacée qui coulait au sud des montagnes, se dirigeant légèrement vers l’est en direction de l’océan.
“La boîte,” dit soudain Renault. “Je vais la chercher.” Il se dépêcha de retourner sous l’auvent pour récupérer le récipient à échantillons, un cube en acier inoxydable fermé par quatre crochets, avec le symbole de danger biologique estampillé sur chacun de ses six côtés. Il trottina pour rejoindre Cicero, et les deux hommes reprirent leur marche rapide vers le site de fouilles.
“Vous savez ce qui s’est passé près d’ici, n’est-ce pas ?” demanda Cicero en chemin, à travers son respirateur.
“Oui.” Renault avait lu le rapport. Cinq mois auparavant, un garçon de douze ans d’un village local était tombé malade peu après avoir pris de l’eau à la rivière Kolyma. Au début, on avait pensé la rivière contaminée mais, à la manifestation de ses symptômes, les choses s’étaient éclaircies. Des chercheurs de l’OMS avaient immédiatement été mobilisés en apprenant sa maladie et une enquête avait été lancée.
Le garçon avait attrapé la variole. Plus précisément, il était tombé malade par le biais d’une souche que nul homme moderne n’avait connue jusqu’ici.
L’enquête avait finalement mené à la carcasse d’un caribou près du bord de la rivière. Après des tests complets, l’hypothèse avait été confirmée : le caribou était mort il y a plus de deux-cents ans et son corps avait été emprisonné dans le permafrost. La maladie dont il souffrait avait gelé avec lui, restant dormante jusqu’à il y a cinq mois.
“C’est une simple réaction en chaîne,” dit Cicero. “Alors que les glaciers fondent, le niveau de l’eau monte et les températures grimpent, ce qui conduit au dégel du permafrost. Qui sait quelles maladies peuvent être tapies dans la glace ? Des souches antiques comme nous n’en avons jamais vu encore… c’est tout à fait possible que certaines aient même précédé l’humanité.” On sentait une tension dans la voix du docteur, non seulement de l’inquiétude mais aussi une pointe d’excitation. Après tout, c’était toute sa vie.
“J’ai lu qu’en 2016, on a trouvé de l’anthrax dans une source d’eau causée par la fonte d’une calotte glaciaire,” commenta Renault.
“C’est vrai. J’ai été appelé sur cette affaire, ainsi que pour la grippe espagnole découverte en Alaska.”
“Qu’est devenu le garçon ?” demanda le jeune français. “Le cas de variole d’il y a cinq mois.” Il savait que le garçon, ainsi que quinze autres villageois, avaient été placés en quarantaine, mais le rapport s’arrêtait là.
“Il est mort,” répondit Cicero. Il n’y avait aucune émotion dans sa voix, contrairement à celle qui se sentait quand il parlait de sa femme, Phoebe. Après des décennies passées à faire ce métier, Cicero avait appris l’art subtile du détachement. “Ainsi que quatre autres personnes. Mais, de là est sorti un vaccin capable d’enrayer cette souche, donc ils ne sont pas morts pour rien.”
“Tout de même,” dit Renault à voix basse, “quel gâchis.”
Le site de fouilles se trouvait à moins d’un jet de pierre du rivage de la rivière, un petit bout de toundra de vingt mètres carrés encadré de piquets en métal et de rubans de périmètre jaune vif. C’était le quatrième site de ce genre que l’équipe de recherche avait mis en place depuis le début de leur enquête.
Quatre autres chercheurs en uniformes de décontamination se trouvaient à l’intérieur du périmètre, tous penchés sur un petit morceau de terre vers le centre de la zone. L’un d’eux vit les deux hommes arriver et se précipita à leur rencontre.
C’était le Dr. Bradlee, une archéologue détachée de l’Université de Dublin. “Cicero,” dit-elle, “nous avons trouvé quelque chose.”
“De quoi s’agit-il ?” demanda-t-il en se baissant pour passer sous le ruban jaune. Renault l’imita.
“Un bras.”
“Pardon ?” laissa échapper Renault.
“Montrez-moi,” dit Cicero.
Bradlee les guida vers un endroit excavé du permafrost. Creuser dans le permafrost, et le faire si prudemment, n’était pas une tâche facile et Renault le savait bien. Les couches supérieures de terre gelée fondaient généralement en été, mais les couches plus profondes étaient appelées ainsi car elles restaient gelées en permanence dans les régions polaires. Le trou que Bradlee et son équipe avaient creusé faisait près de deux mètres de profondeur et était assez large pour qu’un homme adulte s’allonge dedans.
On dirait presque une tombe, pensa tristement Renault.
Et, comme elle l’avait dit, les restes gelés d’un bras humain partiellement décomposé étaient visibles au fond du trou : un bras tordu, presque squelettique, noirci par le temps et la terre.
“Mon Dieu,” lâcha Cicero dans un murmure. “Vous savez ce que c’est, Renault ?”
“Un corps ?” tenta-t-il. Du moins, il espérait que le bras était attaché à autre chose.
Cicero se mit à parler rapidement, gesticulant avec ses mains. “Vers 1880, une petite colonie vivait non loin d’ici, sur les bords de la Kolyma. Les colons d’origine étaient des nomades mais, à mesure que leur nombre augmentait, ils décidèrent de bâtir un village ici. C’est alors que l’impensable s’est produit. Une épidémie de variole les a décimés, tuant quarante pourcent de leur tribu en l’espace que quelques jours. Ils ont cru que la rivière était maudite et les survivants se sont vite enfuis.
“Mais, avant de partir, ils ont enterré leurs morts ici, dans une fosse commune sur les bords de la rivière Kolyma.” Il désigna du doigt le bras au fond du trou. “Les eaux en crue érodent les berges. La fonte du permafrost va bientôt mettre ces corps à jour et il suffira ensuite que la faune locale vienne les picorer pour devenir porteuse d’une toute nouvelle épidémie que nous aurons à affronter.”
Renault oublia un instant de respirer en regardant l’un des chercheurs vêtus de jaune, au fond du trou, en train de recueillir des échantillons sur le bras en décomposition. La découverte était assez excitante. Jusqu’à il y a cinq mois de ça, le dernier foyer naturel connu de variole avait été trouvé en Somalie, en 1977. L’Organisation Mondiale de la Santé avait déclaré cette maladie éradiquée en 1980. Pourtant, ils se trouvaient à présent devant une tombe connue pour être infectée d’un dangereux virus qui pourrait décimer la population d’une grande ville en à peine quelques jours. Et leur travail était de déterrer ça, de l’examiner et d’envoyer des échantillons à l’OMS.
“Genève devra le confirmer,” dit calmement Cicero, “mais si mes spéculations s’avèrent exactes, nous venons juste de déterrer une souche de variole vieille de huit mille ans.”
“Huit mille ?” demanda Renault. “Je croyais vous avoir entendu dire que la colonie remontait à la fin du dix-neuvième siècle.”
“Ah, mais oui !” dit Cicero. “Mais la question qui vient maintenant, c’est comment une tribu nomade isolée l’a attrapée ? De la même manière, je suppose : en creusant la terre gelée et en tombant sur quelque chose depuis longtemps enfoui. Cette souche trouvée sur la carcasse de caribou, il y a cinq mois, remonte au début de l’époque Holocène.” Le vieux virologue ne parvenait pas à détacher son regard du bras qui saillait de la terre gelée, en-dessous. “Renault, sortez la boîte, s’il vous plaît.”
Renault récupéra la boîte à échantillons en acier et la posa sur le sol gelé au bord du trou. Il détacha les quatre crochets qui la fermaient, puis ouvrit le couvercle. À l’intérieur, là où il l’avait caché plus tôt, se trouvait un MAB PA-15. C’était un vieux pistolet, mais pas lourd, pesant moins d’un kilo entièrement chargé, avec un chargeur quinze coups et un autre dans la chambre.
L’arme avait appartenu à son oncle, un vétéran de l’armée française qui avait combattu au Maghreb et en Somalie. Toutefois, le jeune français détestait les armes. Elles étaient trop directes, trop discriminatives et bien trop artificielles à son goût. Contrairement à un virus : machine parfaite de la nature, capable de décimer des espèces entières, de manière à la fois systématique et sans critique. Sans émotion, inflexible et très rapide : tout ce qu’il avait besoin d’être en ce moment.
Il fourra sa main dans la boîte en acier et entoura l’arme avec, légèrement hésitant. Il n’avait pas envie de l’utiliser. En fait, il s’était plutôt attaché à l’optimisme infectieux de Cicero et au scintillement dans les yeux de cet homme mûr.
Mais toute chose doit avoir une fin, pensa-t-il. L’expérience suivante attend.
Renault se leva avec le pistolet dans sa paume. Il retira le cran de sûreté et tira sans aucun état d’âme sur deux chercheurs, de chaque côté du trou, à bout portant dans la poitrine.
Le Dr. Bradlee laissa échapper un cri d’effroi au soudain bruit choquant de l’arme à feu. Elle recula de deux pas, juste avant que Renault ne lui tire deux fois dessus. Le docteur anglais, Scott, tenta vainement de grimper hors du trou avant que le français n’en fasse sa propre tombe d’un seul coup au sommet de la tête.
Les coups de feu étaient assourdissants comme le tonnerre, mais il n’y avait personne pour les entendre à plus de cent kilomètres à la ronde. Presque personne.
Cicero restait comme enraciné sur place, paralysé par le choc et la peur. Il n’avait fallu que sept secondes à Renault pour mettre un terme à quatre vies… seulement sept secondes pour que l’expédition de recherche se transforme en exécution massive.
Les lèvres du vieux docteur tremblaient sous son masque, alors qu’il essayait de parler. Au bout d’un long moment, il parvint à bégayer un seul mot : “Pou-pourquoi ?”
Le regard glacial de Renault était stoïque, aussi détaché que tout virologue doit l’être. “Docteur,” dit-il doucement, “vous hyperventilez. Retirez votre respirateur avant de perdre connaissance.”
La respiration de Cicero devenait haletante et rapide, dépassant la capacité du respirateur. Ses yeux allaient et venaient entre l’arme dans la main de Renault, au bout de son bras qu’il laissait pendre tranquillement le long de son corps, et le trou dans lequel le Dr. Scott gisait mort à présent. “Je… je ne peux pas,” bafouilla Cicero. Retirer son respirateur signifiait se soumettre potentiellement lui-même à la maladie. “Renault, je vous en supplie…”
“Je ne m’appelle pas Renault,” dit le jeune homme. “Je m’appelle Cheval, Adrien Cheval. Il y a bien eu un Renault, un étudiant d’université qui a été pris pour cet internat. Il est mort maintenant. C’est sa transcription et sa thèse que vous avez lues.”
Les yeux injectés de sang de Cicero s’élargirent encore. Les bords de sa vision devenaient sombres et brumeux, alors qu’il menaçait de perdre connaissance. “Je ne… je ne comprends pas… pourquoi ?”
“Dr. Cicero, s’il vous plaît. Retirez le respirateur. Si vous devez mourir, ne préférez-vous pas le faire avec un peu de dignité ? En regardant le soleil, plutôt que derrière un masque ? Si vous perdez connaissance, je vous assure que vous ne vous réveillerez jamais.”
Avec des doigts tremblants, Cicero leva lentement le bras et retira la capuche jaune serrée sur ses cheveux blancs. Puis, il attrapa le respirateur et le masque pour les retirer. La sueur qui avait perlé sur son front se figea instantanément et gela.
“Je veux que vous sachiez,” dit le français, Cheval, “que je vous respecte vraiment, ainsi que votre travail, Cicero. Je ne prends aucun plaisir à faire ça.”
“Renault, ou Cheval, qui que vous soyez, écoutez la voix de la raison.” Une fois le respirateur enlevé, Cicero regagna assez de ses facultés pour pouvoir faire son plaidoyer. Il ne pouvait y avoir qu’une seule motivation chez le jeune homme face à lui pour commettre une telle atrocité. “Peu importe ce que vous prévoyez de faire avec ça, je vous prie de bien réfléchir. C’est extrêmement dangereux…”
Cheval soupira. “J’en suis conscient, Docteur. Vous savez, j’étais moi-même étudiant à l’Université de Stockholm et j’étais réellement en doctorat. Cependant, j’ai commis une erreur l’an dernier. J’ai imité des signatures de professeurs sur un formulaire de demande afin d’obtenir les échantillons d’un entérovirus rare. Ils l’ont découvert et j’ai été renvoyé.”
“Alors… alors laissez-moi vous aider,” implora Cicero. “Je-je peux signer une telle demande. Je peux vous aider dans vos recherches. N’importe quoi, mais ça…”
“Recherches,” se moqua tranquillement Cheval. “Non, Docteur. Il ne s’agit pas de recherches. Les miens attendent et ce ne sont pas des hommes patients.”
Les yeux de Cicero lançaient des éclairs. “Rien de bon ne découlera de tout ça. Vous le savez bien.”
“Vous avez tort,” rétorqua le jeune homme. “Beaucoup mourront, c’est vrai. Mais ils mourront noblement, pour tracer la voie d’un avenir meilleur.” Cheval détourna le regard. Il n’avait pas envie de tirer sur ce gentil vieux docteur. “Vous aviez raison à propos d’une chose, toutefois. Ma Claudette : elle existe. Et l’absence rend effectivement mon cœur plus tendre. Maintenant, je dois y aller, Cicero, et vous aussi par conséquent. Mais je vous respecte et je souhaite vous accorder un dernier vœu. Y a-t-il quoi que ce soit que vous aimeriez dire à votre Phoebe ? Vous avez ma parole que je lui transmettrai le message.”
Cicero secoua lentement la tête. “Je n’ai rien d’assez important à lui dire qui justifierait de mettre un monstre comme vous sur son chemin.”
“Très bien. Au revoir, Docteur.” Cheval leva le PA-15 et tira un seul coup dans le front de Cicero. La blessure gela, le temps que le docteur titube et s’effondre sur le sol de la toundra.
Dans le silence étrange qui suivit, Cheval prit un moment pour s’agenouiller et murmurer une courte prière. Ensuite, il se mit à l’œuvre.
Il nettoya ses empreintes et la poudre sur l’arme, puis la balança dans les flots de la rivière glaciale Kolyma. Ensuite, il fit rouler les quatre corps dans le trou pour qu’ils rejoignent le Dr. Scott. À l’aide d’une pelle et d’une pioche, il passa quatre-vingt-dix minutes à les recouvrir, ainsi que le bras décomposé mis à jour, avec de la terre partiellement gelée. Il démantela le site de fouilles, retirant les poteaux et arrachant le ruban jaune du périmètre. Il prit son temps, travaillant méticuleusement : personne ne tenterait de contacter l’équipe de recherche dans les huit à douze heures qui viendraient, et il faudrait au moins vingt-quatre bonnes heures avant que l’OMS n’envoie quelqu’un sur le site. Il y aurait certainement une enquête et les corps enterrés seraient découverts, mais Cheval n’avait pas envie de leur faciliter la tâche.
Pour finir, il s’empara des flacons en verre qui contenaient les échantillons du bras en décomposition et les fit soigneusement glisser, un à un, dans les tubes sécurisés en mousse de la boîte en acier inoxydable, pleinement conscient à chaque instant qu’un seul d’entre eux avait le pouvoir d’être extrêmement mortel. Puis, il referma les quatre crochets de la boite et rapporta les échantillons au campement.
Dans la salle blanche improvisée, Cheval entra dans la douche de décontamination portable. Six buses le pulvérisèrent sous tous les angle avec de l’eau bouillante et un émulsifiant intégré. Quand ce fut fini, il retira méthodiquement et soigneusement l’équipement de protection jaune, l’abandonnant au sol de la tente. Il était possible que des cheveux ou de la salive, permettant de l’identifier, soient restés dans la combinaison, mais il avait une dernière tâche à accomplir.
À l’arrière de la jeep tout-terrain de Cicero, se trouvaient deux jerricanes d’essence rouges et rectangulaires. Il ne lui en faudrait qu’un seul pour rejoindre la civilisation à nouveau. Il déversa entièrement l’autre sur la salle blanche, sur les quatre tentes en néoprène et sur l’auvent de toile.
Ensuite, il alluma le feu. L’incendie prit tout de suite et monta rapidement, envoyant rouler une fumée noire et huileuse vers le ciel. Cheval grimpa à bord de la jeep avec la boîte d’échantillons en acier et s’éloigna des lieux. Il ne se pressa pas et ne regarda pas dans le rétroviseur pour voir le site brûler. Il prit son temps.