Kitabı oku: «La Traque Zéro», sayfa 5
Un souvenir lui traversa l’esprit : Le toit d’un immeuble à Kandahar. Deux snipers ont repéré ton emplacement. Tu ne sais pas du tout où ils sont. Un seul geste et tu es mort. Ensuite, tu entends un bruit… un ronflement aigu, à peine plus élevé qu’un bourdonnement. On dirait le bruit que fait ton taille-haie. Une forme apparaît dans le ciel. C’est difficile de la regarder. Tu peux à peine la voir, mais tu sais que de l’aide vient d’arriver…
La CIA avait expérimenté l’usage de machines comme celle-ci pour extraire les agents de zones tendues. Lui-même avait pris part à cette expérimentation.
Il n’y avait pas de commandes devant lui, juste un écran LED lui indiquant que la vitesse était de trois-cent-quarante-sept kilomètres heure et que le temps restant avant atterrissage était de cinquante-quatre minutes. À côté de l’écran se trouvait un casque. Il s’en empara et le posa sur ses oreilles.
“Zéro.”
“Bon sang, Watson. Comment as-tu eu ce truc ?”
“Ce n’est pas moi.”
“Alors Mitch,” dit Reid, ce qui confirmait ses soupçons. “Ce n’est pas qu’un simple ‘atout,’ pas vrai ?”
“Il est tout ce dont tu as besoin pour que tu aies confiance en sa volonté de t’aider.”
La vitesse du quadricoptère augmentait régulièrement, atteignant presque trois-cent-quatre-vingts kilomètres heures. Le temps d’arrivée diminua de plusieurs minutes.
“Qu’en est-il de l’agence ?” demanda Reid. “Est-ce qu’ils peuvent… ?”
“Le pister ? Non. Il est trop petit et vole à de trop basses altitudes. De plus, il n’est plus en service. L’agence trouvait le moteur trop bruyant pour l’aspect furtif et discret.”
Il poussa un léger soupir de soulagement. Il avait une adresse où se rendre à présent, ce Starlight Motel dans le New Jersey et, cette fois, ce n’était pas un indice de Rais pour le mener par le bout du nez. S’ils étaient encore là, il pourrait mettre un terme à tout ça… ou essayer du moins. Il savait bien que ça finirait forcément par une confrontation avec l’assassin et il ne fallait pas que ses filles soient un dommage collatéral.
“Attends quarante-cinq minutes et refile le tuyau du motel à Strickland et à la police locale,” dit-il à Watson. “S’il est là, je veux que tout le monde y soit aussi.”
Toutefois, le temps que la CIA et la police arrivent, ses filles seraient peut-être en sécurité ou Reid Lawson serait peut-être mort.
CHAPITRE HUIT
Maya serra sa sœur contre elle. La chaîne des menottes cliquetait entre leurs poignets. Le bras de Sara était remonté contre sa propre poitrine, sa main agrippant l’épaule de Maya, alors qu’elles étaient recroquevillées l’une contre l’autre sur la banquette arrière de la voiture.
L’assassin conduisait, dirigeant la voiture le long de Port Jersey. Le terminal de fret était long, plusieurs centaines de mètres d’après les estimations de Maya. De hautes piles de containers se dressaient de chaque côté, formant une ligne étroite pas plus large que trente centimètres de chaque côté de la voiture.
Les phares étaient éteints et l’obscurité était effrayante, mais ça ne semblait pas poser de problème à Rais. De temps en temps, il y avait une petite brèche entre les piles de containers et Maya pouvait voir des lumières vives à distance, près du bord de l’eau. Elle pouvait même entendre le ronronnement des machines. Il y avait des gens qui travaillaient, du monde aux alentours. Même si ça lui donna un peu d’espoir, Rais avait tellement bien planifié les choses jusqu’ici qu’elle doutait qu’ils se fassent repérer par qui que ce soit.
Il fallait néanmoins qu’elle fasse quelque chose pour les empêcher de partir.
L’horloge de la console centrale de la voiture lui indiqua qu’il était quatre heures du matin. Cela faisait moins d’une heure qu’elle avait laissé le mot dans le réservoir de la chasse d’eau des toilettes du motel. Peu après, Rais s’était soudainement levé et avait annoncé qu’il était l’heure d’y aller. Sans un mot d’explication, il leur avait fait quitter la chambre d’hôtel, mais pas pour reprendre le véhicule blanc avec lequel ils étaient arrivés. Au lieu de ça, il les avait conduites vers une voiture plus ancienne, garée non loin de leur chambre. Il n’avait eu aucun mal à crocheter la serrure et les avait faites monter sur la banquette arrière. Rais avait retiré le cache de la colonne de direction et fait démarrer le véhicule avec les câbles d’allumage en quelques secondes.
Et, maintenant, voilà qu’ils étaient au port, sous couvert de la nuit, se rapprochant de la pointe terrestre au nord, là où le sol laissait place à la Baie de Newark. Rais ralentit et gara la voiture.
Maya regarda à travers le pare-brise. Elle vit un bateau, assez petit selon les standards commerciaux habituels. Il ne faisait pas plus de dix-huit mètres d’un bout à l’autre, chargé de containers cubiques d’un mètre et demi de côtés. La seule lumière de ce côté du quai, à part celle des étoiles, provenait de deux ampoules jaunes faiblardes sur le bateau, l’une à la proue et l’autre à la poupe.
Rais éteint le moteur et resta assis là, en silence, pendant un long moment. Puis, il fit un seul appel de phares. Deux hommes sortirent de la cabine du bateau. Ils regardèrent dans sa direction, puis désembarquèrent par une rampe étroite entre le bateau et le quai.
L’assassin se retourna sur son siège, regardant directement Maya. Il ne prononça qu’une seule phrase en articulant lentement. “Ne bougez pas.” Puis, il sortit de la voiture et referma la portière, se tenant à quelques mètres seulement, tandis que les hommes approchaient.
Maya serra la mâchoire et tenta de ralentir son rythme cardiaque trop rapide. Si elles montaient sur ce bateau et quittaient le rivage, leurs chances d’être retrouvées un jour allaient diminuer significativement. Elle ne pouvait pas entendre ce que les hommes se disaient, elle n’entendait que des voix parlant tout bas, tandis que Rais discutait avec eux.
“Sara,” chuchota-t-elle. “Tu te souviens ce que je t’ai dit ?”
“Je ne peux pas.” La voix de Sara se brisa. “Je ne vais pas…”
“Tu n’as pas le choix.” Elles étaient toujours menottées ensemble, mais la rampe menant au bateau était étroite, à peine plus de soixante centimètres de large. Ils allaient devoir retirer les menottes, se dit-elle. Et quand ils le feraient… “Dès que je bouge, tu t’enfuis. Trouve des gens. Cache-toi s’il le faut. Tu dois…”
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase. La portière arrière s’ouvrit et Rais passa sa tête dedans. “Sortez.”
Les genoux de Maya tremblaient quand elle se glissa hors de la banquette arrière, suivie de Sara. Elle se força à regarder les deux hommes qui étaient sortis du bateau. Ils avaient tous deux le visage clair avec des cheveux noirs et des traits sombres. L’un des deux avait une fine barbe et des cheveux courts, portant une veste en cuir noire, les bras croisés sur sa poitrine. L’autre portait un manteau marron et ses cheveux étaient plus longs, retombant autour de ses oreilles. Son ventre dépassait par-dessus sa ceinture et il avait un léger sourire aux lèvres.
Ce fut ce type ventru qui fit le tour des deux filles en marchant lentement. Il dit quelque chose en langue étrangère et Maya réalisa qu’il s’agissait de la même langue que Rais avait parlée au téléphone dans la chambre d’hôtel.
Ensuite, il prononça un seul mot en anglais.
“Jolies.” Il rigola. Son compère à la veste en cuir esquissa un sourire. Rais restait là, impassible.
À ce seul mot, Maya comprit ce qui se passait et ce fut comme si des doigts gelés venaient de la prendre à la gorge. Quelque chose de bien plus insidieux que simplement leur faire quitter le pays était en jeu. Elle ne voulait même pas y penser ou l’envisager. Ce n’était pas possible. Pas ça. Pas elles.
Elle posa son regard sur le menton de Rais. Elle ne pouvait pas supporter de regarder ses yeux verts.
“Vous.” Sa voix était basse, caverneuse, luttant pour faire sortir les mots. “Vous êtes un monstre.”
Il soupira doucement. “Peut-être. Tout est question de point de vue. J’ai besoin d’un moyen de traverser la mer et vous êtes ma monnaie d’échange. Mon ticket, si je puis dire.”
Maya eut la bouche sèche. Elle ne pleurait pas, ne tremblait pas. Elle avait juste froid.
Rais les vendait tout bonnement.
“Hum-hum.” Quelqu’un se râcla la gorge. Cinq paires d’yeux se retournèrent vers lui, alors que le nouvel arrivant avançait dans la faible lumière des ampoules du bateau.
Le cœur de Maya s’emballa d’un espoir soudain. L’homme était plus âgé, la cinquantaine peut-être, et portait un pantalon chino avec une chemise blanche. Il avait l’air d’un contremaître. Sous un bras, il tenait un casque de chantier blanc.
Rais sortit le Glock et le brandit en un instant. Mais il ne tira pas. D’autres pourraient l’entendre, pensa Maya.
“Oh là !” L’homme laissa tomber son casque blanc et leva les deux mains en l’air.
“Hé.” L’étranger à la veste en cuir noire s’avança, s’interposant entre l’arme et le nouveau. “Hé, il est avec nous,” dit-il en anglais un fort accent. “Avec nous.”
Maya resta bouche-bée d’étonnement. Avec nous ?
Alors que Rais baissait lentement son arme, l’homme mince fouilla dans sa poche de veste et en sortit une enveloppe kraft repliée en trois, fermée avec du scotch. Quelque chose d’épais et de rectangulaire se trouvait dedans, comme une brique.
Il la tendit, tandis que l’homme à l’allure de contremaître ramassait son casque.
Mon dieu. Elle ne savait que trop bien ce qui se trouvait dans l’enveloppe. Cet homme se faisait payer pour tenir son équipe à l’écart et que cette zone du quai reste vide.
Elle sentit monter en elle colère et désespoir. Elle voulait lui crier dessus s’il vous plaît, attendez, à l’aide, mais son regard rencontra le sien l’espace d’une seconde et elle sut que ça ne servirait à rien.
Il n’y avait pas de remords dans ses yeux. Pas de gentillesse. Pas d’empathie. Aucun son ne s’échappa de sa gorge.
Aussi vite qu’il était arrivé, l’homme repartit et disparut dans l’ombre. “Ce fut un plaisir de faire affaire,” murmura-t-il en s’évanouissant dans la nuit.
Ce n’est pas possible. Elle se sentait impuissante. Jamais de la vie elle avait vu quelqu’un rester impassible, alors que des enfants étaient clairement en danger, et accepter de l’argent pour ne rien dire.
Le gros aboya quelque chose en langue étrangère et fit un geste vague pour désigner leurs mains. Rais répondit quelque chose qui semblait être une faible protestation, mais l’autre homme insista.
L’assassin semblait ennuyé, en train de fouiller dans sa poche. Il en sortit une petite clé argentée et attrapa la chaîne des menottes, forçant leurs deux poignets à se soulever. “Je vais vous enlever ça,” leur dit-il. “Ensuite, on va monter sur le bateau. Si vous voulez retrouver la terre ferme vivantes, vous allez garder le silence. Vous ferez ce qu’on vous dit.” Il poussa la clé dans la menotte autour du poignet de Maya et l’ouvrit. “Et ne pense même pas à sauter dans l’eau. Aucun d’entre nous ne viendra te chercher. On te regardera geler à mort avant de sombrer. Ça ne prendra que quelques minutes.” Il détacha la menotte de Sara qui se frotta instinctivement son poignet rougi et endolori.
Maintenant. Agis maintenant. Tu dois faire quelque chose maintenant. Le cerveau de Maya lui criait dessus, mais elle ne semblait pas réagir.
L’étranger à la veste en cuir noire s’avança vers elle et attrapa rudement son avant-bras. Ce contact physique soudain rompit sa paralysie, l’exhortant à se mettre en action. Elle n’eut même pas le temps de réfléchir.
Elle balança un coup de pied en avant aussi fort que possible, atterrissant à l’entrejambe de Rais.
Au même moment, un souvenir traversa son esprit. Cela ne dura qu’un instant, mais ça lui parût bien plus long, comme si tout s’était ralenti autour d’elle.
Peu après la tentative des terroristes d’Amon de la kidnapper dans le New Jersey, son père l’avait prise à part un jour. Il s’en était tenu à son bobard de couverture, lui racontant qu’il s’agissait de membres d’un gang qui enlevaient des jeunes filles dans le coin comme rite d’initiation pour faire partie du gang. Néanmoins, il lui avait dit : Je ne serai pas toujours là. Il n’y aura pas toujours quelqu’un pour te venir en aide.
Maya avait joué au football pendant des années. Elle avait un puissant coup de pied bien placé. Un souffle s’échappa des lèvres de Rais alors qu’il se penchait en avant, ses mains se portant impulsivement à son entrejambe.
Si quelqu’un t’attaque, en particulier un homme, c’est parce qu’il est plus grand. Plus fort. Il pèse plus lourd que toi. Et à cause de tout ça, il pense qu’il peut faire ce qu’il veut. Que tu n’as aucune chance.
Elle secoua violemment et rapidement son bras droit vers le bas, se libérant de l’emprise du type à la veste en cuir. Puis elle se précipita en avant pour lui foncer dedans, lui faisant perdre l’équilibre.
Ne te bats pas à armes égales. Fais ce qu’il y a à faire. Entrejambe. Nez. Yeux. Mords. Débats-toi. Crie. Ils ne se battent déjà pas à armes égales. Toi non plus.
Maya se retourna et, en même temps, balança son fin bras en un large arc de cercle. Rais était penché en avant, son visage au niveau du sien. Son poing s’enfonça dans le côté de son nez.
La douleur envahit instantanément sa main, commençant aux jointures des doigts et irradiant tout du long jusqu’à son coude. Elle poussa un cri et attrapa son poing de l’autre main. Néanmoins, le coup avait été rude pour Rais qui faillit tomber sur le quai.
Un bras s’enroula autour de sa taille et la tira en arrière. Ses pieds quittèrent le sol, frappant dans le vide, tandis qu’elle se débattait avec ses bras. Elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle était en train de crier jusqu’à ce qu’une main épaisse se referme sur son nez et sa bouche, étouffant à la fois le son et son souffle.
Mais c’est alors qu’elle la vit : une fine silhouette devenant de plus en plus petite. Sara courait, de là où elles étaient venues, disparaissant dans l’obscurité des piles de containers.
J’ai réussi. Elle est partie. Elle est loin. Peu importe le sort qui attendait Maya à présent, ça n’avait aucune importance. Ne t’arrête pas, Sara. Continue de courir, trouver des gens, trouve de l’aide.
Une autre silhouette s’élança en avant comme une flèche : Rais. Il se mit à courir après Sara, s’évanouissant lui aussi dans les ombres. Il était rapide, bien plus que Sara, et semblait avoir vite récupéré des coups portés par Maya.
Il ne la trouvera pas. Pas dans le noir.
Elle ne pouvait pas respirer avec cette main collée sur son visage. Elle la griffa jusqu’à ce que les doigts glissent vers le bas, à peine, mais suffisamment pour qu’elle puisse inspirer de l’air par les narines. Le type potelé la maintenait fermement, une main autour de sa taille, les pieds toujours en l’air. Mais elle ne se débattit pas. Elle resta immobile et attendit
Pendant un long moment, le quai fut silencieux. Le ronronnement des machines faisait écho dans la nuit à l’autre bout du port, ayant certainement étouffé toute possibilité que quiconque ait entendu les cris de Maya. Les deux hommes et elle attendirent le retour de Rais, elle priant désespérément pour qu’il revienne bredouille.
Un petit cri brisa le silence et Maya sentit ses forces la quitter.
Rais émergea de nouveau de l’obscurité. Il tenait Sara sous un bras, comme on porte une planche de surf, l’autre main posée sur sa bouche pour la faire taire. Elle avait le visage rouge et elle sanglotait, même si ses pleurs étaient étouffés.
Non. Maya avait échoué. Son attaque n’avait servi à rien, même pas à mettre Sara en sécurité.
Rais s’arrêta à moins d’un mètre de Maya, la regardant avec fureur de ses brillants yeux verts. Un mince filet de sang coulait de l’une de ses narines, là où elle l’avait frappé.
“Je t’avais prévenue,” persifla-t-il. “Je t’avais dit ce qui se passerait si tu tentais quoi que ce soit. Alors, maintenant, tu vas regarder.”
Maya se débattit de nouveau, essayant de crier, mais le type la tenait bien.
Rais dit durement quelque chose en langue étrangère au type à la veste en cuir. Il s’avança rapidement et attrapa Sara, la maintenant immobile et silencieuse.
L’assassin dégaina le grand couteau, celui qu’il avait utilisé pour tuer M. Thompson et la femme dans les toilettes de l’aire de repos. Il tira le bras de Sara sur un côté et le maintint fermement.
Non ! je vous en prie, ne lui faites pas de mal. Non. Non… Elle essaya de former des mots, de les hurler, mais elle ne parvint qu’à pousser de petits cris aigus et étouffés.
Sara essaya de le retirer en pleurant, mais Rais tenait son bras bien serré. Il écarta ses doigts et cala le couteau entre son annulaire et son auriculaire.
“Tu vas regarder,” reprit-il en regardant directement Maya, “pendant que je découpe l’un des doigts de ta sœur.” Il appuya le couteau contre la peau.
Non. Non. Je vous en prie, mon dieu, non…
L’homme qui la tenait, le grassouillet, murmura quelque chose.
Rais s’arrêta et leva les yeux vers lui d’un air irrité.
Les deux eurent un bref échange dont Maya ne pipa mot. Mais peu lui importait. Elle ne quittait pas sa petite sœur du regard. Cette dernière avait les yeux fermés, des larmes coulant sur ses joues et sur la main fermement serrée sur sa bouche.
Rais grommela de frustration. Pour finir, il relâcha la main de Sara. Le type potelé relâcha également son emprise sur Maya et, en même temps, le type à la veste en cuir poussa Sara en avant. Maya récupéra sa sœur dans ses bras et la serra fort.
L’assassin s’avança vers elle en parlant à voix basse. “Tu as de la chance pour cette fois. Ces messieurs suggèrent que je n’abîme pas la marchandise avant qu’elle n’arrive à destination.”
Maya trembla de la tête au pied, mais n’osa faire un seul geste.
“D’ailleurs,” lui dit-il, “là où vous allez, ce sera bien pire que tout ce que je pourrais vous faire. Maintenant, nous allons tous monter sur le bateau. Rappelez-vous que vous n’êtes utiles pour eux que vivantes.”
Le type potelé s’engagea en premier sur la rampe, Sara derrière lui et Maya juste après, titubant pour monter à bord. Ça ne servait à rien de se battre maintenant. Sa main palpitait de douleur à cause du coup porté à Rais. Ils étaient trois hommes, elles n’étaient que deux, et il avait été plus rapide. Il avait retrouvé Sara dans le noir. Elles avaient peu de chances de s’en sortir toutes seules.
Maya regarda au bord du bateau, l’eau noire en-dessous. L’espace d’une demie seconde, elle songea à sauter. Geler dans les profondeurs était peut-être préférable au destin qui les attendait. Mais elle ne pouvait pas faire ça. Elle ne pouvait pas laisser Sara. Elle ne pouvait pas perdre sa dernière once d’espoir.
Elles furent dirigées vers la poupe du bateau où l’homme à la veste en cuir sortit un trousseau de clés et déverrouilla le cadenas de la porte d’un container de marchandises en acier, peint dans une teinte rouille orangée.
Il ouvrit la porte et Maya poussa un soupir d’horreur.
À l’intérieur, plissant les yeux dans la faible lumière jaune, se trouvaient plusieurs autres jeunes filles, au moins quatre ou cinq que Maya pouvait distinguer.
Puis, elle fut poussée par derrière et forcée à entrer dedans. Sara aussi, et elle tomba à genoux sur le sol du petit container. Tandis que la porte grinçait derrière elles, Maya s’agenouilla près d’elle et prit Sara dans ses bras.
Puis, la porte se ferma dans un claquement et elles furent plongées dans l’obscurité.
CHAPITRE NEUF
Le soleil se couchait rapidement dans le ciel couvert, tandis que le quadricoptère se dirigeait au nord pour livrer sa cargaison, un agent de la CIA et père déterminé, au Starlight Motel dans le New Jersey.
Le temps d’arrivée était estimé à cinq minutes. Un message d’avertissement clignotait à l’écran : Préparez-vous au déploiement. Il regarda en-dehors du cockpit et vit au loin qu’ils approchaient d’un grand parc industriel composé d’entrepôts et de bâtiments d’usines, silencieux et sombres, illuminés seulement par les points orange des lampadaires de la rue.
Il ouvrit la fermeture éclair du sac noir posé sur ses genoux. Dedans, il trouva deux étuis et deux armes. Reid galéra pour sortit sa veste dans le minuscule cockpit afin de passer l’étui à l’épaule qui abritait le Glock 22, un modèle standard n’ayant rien à voir avec le Glock 19 à déverrouillage de gâchette biométrique tel que Bixby l’avait configuré. Il remit sa veste et souleva un pan de son jean pour attacher l’étui de son arme de secours à la cheville, le Ruger LC9 qu’il avait l’habitude de choisir comme deuxième arme. C’était un pistolet compact à canon court, calibre neuf millimètres avec un chargeur rond de neuf coups qui dépassait d’un pouce et demi de la crosse.
Il avait déjà une main sur la barre de rappel, prêt à sauter de ce drone habitable dès qu’il atteindrait une altitude et une vitesse le permettant. Il était sur le point de retirer le casque de ses oreilles, quand la voix de Watson se fit entendre.
“Zéro.”
“J’y suis presque. Dans moins de deux minutes…”
“Nous venons juste de recevoir une nouvelle photo, Kent,” le coupa Watson. “Envoyée sur le téléphone de ta fille.”
Le cœur de Reid se serra d’angoisse. “Une photo d’elles ?”
“Assises sur un lit,” confirma Watson. “Il pourrait s’agir du motel.”
“Le numéro qui l’a envoyée peut-il être tracé ?” demanda Reid avec espoir.
“Désolé. Il s’en est déjà débarrassé.”
Son espoir s’envola. Rais était intelligent. Jusqu’ici, il n’avait envoyé que des photos d’où il avait été avant, pas de là où il se trouvait actuellement. S’il y avait la moindre chance que l’Agent Zéro le rattrape, l’assassin voudrait que ce soit selon ses propres conditions. Pendant tout le trajet dans le quadricoptère, Reid avait été nerveusement optimiste à propos de la piste du motel, impatient de savoir s’ils avaient pris Rais à son propre jeu.
Mais s’il y avait une photo… il y avait de grandes chances pour qu’ils soient déjà partis.
Non. Tu ne peux pas penser ainsi. Il veut que tu le trouves. Il a choisi un motel au milieu de nulle part justement pour cette raison. Il te nargue. Elles sont ici. C’est sûr et certain.
“Elles allaient bien ? Est-ce qu’elles avaient l’air… sont-elles blessées… ?”
“Elles avaient l’air d’aller,” lui dit Watson. “Bouleversées. Apeurées. Mais pas blessées.”
Le message changea à l’écran, clignotant en rouge : Déploiement. Déploiement.
Peu importe la photo ou ses pensées, il était arrivé. Il fallait qu’il voie ça par lui-même. “Je dois y aller.”
“Fais vite,” répondit Watson. “L’un de mes gars fait fuiter une fausse piste pour le motel correspondant à la description de Rais et de tes filles.”
“Merci, John.” Reid retira le casque, s’assura de bien avoir la barre de rappel en main, et sauta hors du quadricoptère.
La descente contrôlée de quinze mètres jusqu’au sol fut plus rapide qu’il ne l’avait anticipé et ça lui coupa le souffle. Le frisson familier, la pointe d’adrénaline lui parcourut les veines alors que le vent hurlait dans ses oreilles. Il plia légèrement les genoux à l’approche du sol et toucha l’asphalte au sol en s’accroupissant.
Dès qu’il eut lâché la barre de rappel, la corde remonta jusqu’au quadricoptère et le drone repartit en bourdonnant dans la nuit, retournant d’où il était venu.
Reid jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Il se trouvait sur le parking d’un entrepôt, de l’autre côté de la rue, face au motel miteux éclairé de l’extérieur par quelques ampoules jaunes seulement. Une pancarte face à la rue, peinte à la main, lui indiqua qu’il était au bon endroit.
Il regarda à droite et à gauche en courant dans la rue vide. C’était calme ici, étrangement calme. Il y avait trois voitures sur le parking, chacune à distance des autres le long de la rangée de chambres qui lui faisait face… et l’une d’entre elles était clairement le SUV blanc qui avait été volé sur le parking du concessionnaire de voitures d’occasion dans le Maryland.
Il était garé juste devant une chambre portant un chiffre 9 en laiton cloué sur la porte.
Il n’y avait pas de lumière à l’intérieur. On aurait dit que personne n’occupait cette chambre actuellement. Quand bien même, il posa son sac juste devant la porte et écouta attentivement pendant environ trois secondes.
Il n’entendait rien, donc il sortit le Glock de son étui à l’épaule et mit un coup de pied dans la porte.
Le montant se brisa facilement, la porte s’ouvrit et Reid entra, arme pointée dans l’obscurité. Mais rien ne bougeait dans l’ombre. Il n’y avait toujours aucun bruit, personne pour crier de surprise ou bondir sur son arme.
Sa main gauche glissa sur le mur à la recherche de l’interrupteur, puis il alluma la lumière. La chambre 9 avait une moquette orange et un papier peint jaune qui se décollait dans les coins. La pièce avait récemment été nettoyée, si tant est que le mot “nettoyé” puisse s’appliquer au Starlight Motel. Le lit avait été fait à la hâte et ça empestait l’aérosol de désinfectant bon marché.
Mais la chambre était vide. Son cœur se serra. Il n’y avait personne ici. Ni Sara, ni Maya, ni l’assassin qui les avaient emmenées.
Reid s’avança prudemment en regardant partout dans la pièce. Près de la porte, se trouvait un fauteuil vert. Le tissu de l’assise et du dossier du fauteuil était légèrement décoloré par l’empreinte de quelqu’un qui s’était récemment assis là. Il s’agenouilla à côté, dessinant la forme de la personne du bout de ses doigts gantés.
Quelqu’un est resté assis ici pendant des heures. Environ un mètre quatre-vingts et quatre-vingts kilos.
C’était lui. Il s’était assis ici, près du seul point d’entrée, près de la fenêtre.
Reid remit son arme dans son étui et défit soigneusement le lit. Les draps étaient tachés : ils n’avaient pas été changés. Il les inspecta attentivement, soulevant chaque oreiller tour à tour, faisant bien attention de ne rater aucune preuve potentielle.
Il trouva deux longs cheveux blonds sans les racines. Ils étaient tombés naturellement. Il trouva un seul cheveu brun, également sans racine. Elles étaient ici, ensemble, sur ce lit, pendant qu’il était assis à les surveiller. Mais pourquoi ? Pourquoi Rais les avait-il amenées ici ? Pourquoi s’étaient-ils arrêtés ? Était-ce un autre piège au jeu du chat et de la souris de l’assassin ou attendait-il quelque chose ?
Peut-être qu’il m’attendait. J’ai mis trop longtemps à suivre les indices. Et maintenant, ils sont repartis.
Si le type de Watson avait appelé pour faire une fausse déclaration, la police serait au motel dans quelques minutes et Strickland était certainement déjà à bord d’un hélicoptère. Mais Reid refusait de partir sans piste à poursuivre, sinon il aurait fait tout ça pour rien et se retrouverait dans une impasse.
Il se rua vers la réception du motel.
La moquette était verte et rugueuse sous ses boots, faisant penser à du faux gazon. L’endroit empestait la fumée de cigarette. Derrière le comptoir se trouvait une porte sombre et, au-delà, Reid pouvait entendre quelque chose à bas volume, comme une radio ou une télévision.
Il fit tinter la clochette de service sur le comptoir et une sonnerie dissonante retentit dans la réception vide.
“Hum.” Il perçut un léger grognement dans l’arrière-salle, mais personne ne vint.
Reid fit rapidement tinter successivement la clochette trois fois de plus.
“OK, mec ! Bon sang.” Une voix masculine. “J’arrive.” Un jeune homme arriva depuis la pièce arrière. Il devait avoir entre vingt-cinq et trente ans. C’était difficile à dire pour Reid à cause de sa peau affreuse et de ses yeux striés de rouge qu’il frotta comme s’il venait de se réveiller de sa sieste. Il portait un petit anneau argenté dans sa narine gauche et ses sales cheveux blonds étaient agglutinés en dreadlocks parsemés.
Il fixa Reid des yeux un long moment, comme s’il était ennuyé par le concept même de quelqu’un qui passe la porte du bureau de la réception. “Ouais ? Quoi ?”
“Je cherche des informations,” répondit Reid froidement. “Un homme est récemment venu ici, caucasien, la petite trentaine avec deux adolescentes. Une brune et une blonde, plus jeune. Il est arrivé ici dans un SUV blanc. Ils ont séjourné dans la chambre neuf…”
“T’es flic ?” l’interrompit le réceptionniste.
Reid sentait l’énervement le gagner rapidement. “Non, je ne suis pas flic.” Il faillit ajouter qu’il était le père des deux filles, mais il se retint. Il ne voulait pas que ce réceptionniste soit en mesure de l’identifier par plus de donnée que ce n’était déjà le cas.
“Écoute, mon frère, je ne sais rien sur ces adolescentes,” insista le réceptionniste. “Ce que les gens font ici ne me regarde pas…”
“Je veux juste savoir quand il était ici. Si tu as vu les deux filles. Je veux le nom que le type t’a donné. Je veux savoir s’il a payé en espèces ou avec une carte. Si c’était par carte, je veux les quatre derniers chiffres du numéro. Et je veux savoir s’il a dit quelque chose ou si tu as entendu quelque chose qui pourrait me dire où il est allé ensuite.”
Le réceptionniste le regarda un long moment, puis laissa échapper un ricanement rauque et enroué. “Mon gars, regarde autour de toi. Ici, ce n’est pas le style d’endroit qui prend des noms, des cartes ou quoi que ce soit dans le genre. C’est le type d’endroit où les gens louent des chambres à l’heure si tu vois ce que je veux dire.”
Reid souffla par les narines. Il en avait plus qu’assez de ce crétin. “Il doit bien y avoir quelque chose que tu peux me dire. Quand est-il arrivé ? Quand est-il reparti ? Que t’a-t-il dit ?”
Le réceptionniste lui lança un regard perçant. “Ça vaut quoi pour toi tout ça ? Allez, file-moi cinquante dollars et je te dirai tout ce que tu veux savoir.”
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