Kitabı oku: «Prestation de Serment», sayfa 4
CHAPITRE CINQ
10 juin
11h15
Comté de Queen Anne, Maryland – Côte orientale de la baie de Chesapeake
« Peut-être qu’on devrait vendre la maison, alors, » dit Luke.
Il parlait de leur ancienne maison de campagne en front de mer, à vingt minutes de l’endroit où ils se trouvaient actuellement. Luke et Becca avaient loué une autre maison, beaucoup plus spacieuse et moderne, pour les deux semaines à venir. Luke préférait cette maison-ci mais ils étaient uniquement là parce que Becca refusait de retourner dans leur ancienne maison.
Et c’était tout à fait compréhensible. Quatre jours plus tôt, Becca et Gunner avaient été enlevés de cette maison. Et Luke n’avait pas été là pour les protéger. Ils auraient pu être tués. Ça aurait pu finir en drame.
Il regarda par la grande fenêtre de la cuisine. Gunner était dehors, en jean et en t-shirt, et jouait à un jeu imaginaire, comme seuls les enfants de neuf ans peuvent le faire. Dans quelques minutes, Gunner et Luke allaient sortir le bateau et aller pêcher.
En voyant son fils, Luke fut pris d’un accès de panique.
Et si Gunner avait été tué ? Et s’ils avaient tous les deux disparu et qu’ils ne les avait jamais retrouvés ? Et si dans deux ans, Gunner ne jouait plus à des jeux imaginaires ? C’était un véritable fouillis dans la tête de Luke.
Oui, c’était horrible. Et ça n’aurait jamais dû arriver. Mais ils avaient fait face à des problèmes encore plus importants. Luke, Ed Newsam et une petite poignée d’autres personnes avaient réussi à déjouer une violente tentative de coup d’état, et ils avaient remis en place ce qui restait du gouvernement démocratiquement élu des États-Unis. Il était possible qu’ils aient sauvé la démocratie américaine elle-même.
C’était une bonne chose, mais Becca ne semblait pas très intéressée par ça pour l’instant.
Elle était assise à la table de la cuisine dans un peignoir bleu et elle buvait sa deuxième tasse de café. « C’est facile à dire pour toi. Cette maison est dans ma famille depuis une centaine d’années. »
Les longs cheveux de Rebecca flottaient sur ses épaules. Ses yeux bleus étaient encadrés par des cils épais. Luke trouva que ses traits avaient l’air tirés. Et ça le rendait malade. Il était malade de penser à tout ce qui était arrivé, mais il ne savait pas quoi lui dire pour qu’elle se sente mieux.
Une larme coula sur la joue de Becca. « Mon jardin est là-bas, Luke. »
« Je sais. »
« Je ne peux plus travailler dans mon jardin parce que j’ai peur. J’ai peur dans ma propre maison, une maison où je vais depuis que je suis née. »
Luke resta silencieux.
« Et monsieur et madame Thompson… ils sont morts. Tu le sais ça, non ? Ces hommes les ont tués. » Elle regarda Luke d’un air dur. Ses yeux exprimaient la colère. Becca avait tendance à se fâcher sur lui, parfois pour des broutilles. Parce qu’il n’avait pas fait la vaisselle ou il avait oublié de sortir les poubelles. Quand elle était fâchée sur lui, elle avait un regard semblable à celui qu’elle avait pour l’instant. Luke l’appelait le regard de reproche. Et à cet instant précis, pour Luke, ce regard était de trop.
Il revit mentalement l’image de ses voisins, monsieur et madame Thompson. Si Hollywood devait faire un casting pour un gentil couple âgé de voisins, ce seraient exactement les Thompson. Il les aimait beaucoup et il n’aurait jamais voulu que leur vie se termine ainsi. Mais beaucoup de personnes sont mortes ce jour-là.
« Becca, je n’ai pas tué les Thompson, OK ? Je suis désolé qu’ils soient morts et je suis vraiment désolé que vous ayez été enlevés, toi et Gunner – j’en serai désolé le reste de ma vie et je ferai tout mon possible pour arranger les choses. Mais ce n’est pas moi qui ai fait tout ça. Je n’ai pas tué les Thompson. Je n’ai pas envoyé des hommes pour vous enlever. On dirait que tu mélanges tout dans ton esprit et je ne suis pas d’accord. »
Il fit une pause. Ça aurait été un bon moment pour arrêter de parler mais il ne le fit pas. Les mots sortaient de sa bouche comme un raz-de-marée.
« Tout ce que j’ai fait, c’est lutter à travers un blizzard de coups de feu et de bombes. Des gens ont essayé de me tuer toute la journée et toute la nuit. On m’a tiré dessus, une bombe a explosé près de moi, on a essayé de me tuer sur la route. Et j’ai sauvé la Présidente des États-Unis, ta Présidente, d’une mort certaine. C’est ça, ce que j’ai fait. »
Il haleta, comme s’il venait de faire un sprint.
Il regrettait tout. C’était vrai. Ça lui faisait du mal de penser que le boulot qu’il faisait pouvait lui avoir causé de la peine. Ça lui faisait plus mal qu’elle ne pourrait jamais l’imaginer. C’était exactement la raison pour laquelle il avait quitté ce boulot l’année dernière, mais il avait été rappelé cette nuit-là – une nuit qui s’était prolongée par une journée et une autre nuit interminable. Une nuit durant laquelle il avait pensé qu’il avait perdu sa famille à jamais.
Becca ne lui faisait plus confiance. Il le voyait bien. Sa présence l’effrayait. Il était la raison de tout ce qui leur était arrivé. Il vivait une vie dangereuse, il était téméraire et il allait finir par les faire tuer, elle et leur seul fils.
Des larmes coulèrent silencieusement sur le visage de Becca. Une longue minute s’écoula.
« Est-ce que ça a vraiment de l’importance ? » dit-elle.
« Quoi ? »
« Est-ce que ça a vraiment de l’importance qui est le Président ? Si Gunner et moi, on avait été tués, est-ce que ça aurait vraiment été important pour toi de savoir qui était Président des États-Unis ? »
« Mais vous êtes vivants, » dit-il. « Vous n’êtes pas morts. Vous êtes vivants et vous allez bien. C’est une grosse différence. »
« OK, » dit-elle. « Oui, c’est vrai, on est vivant. » Mais c’était un consentement sans en être un.
« Il faut que je te dise quelque chose, » dit Luke. « Je prends ma retraite. J’arrête. Il se pourrait que j’aie encore quelques réunions dans les prochains jours, mais je ne pars plus en mission. J’ai fait ma part. Maintenant, c’est fini. »
Elle secoua légèrement la tête. Comme si elle n’avait plus l’énergie pour bouger. « Tu as déjà dit ça. »
« Oui. Mais cette fois-ci, je le pense. »
***
« Il faut que le bateau soit toujours bien en équilibre. »
« OK, » dit Gunner.
Lui et son père étaient occupés à charger le bateau d’équipement. Gunner portait un jean, un t-shirt et un grand chapeau de pêcheur pour protéger son visage du soleil. Il portait également des lunettes de soleil Oakley que son père lui avait données. Il avait d’ailleurs exactement les mêmes.
Le t-shirt n’était pas trop mal – il était inspiré du film 28 jours plus tard, un film d’horreur britannique plutôt sympa avec des zombies. Le problème, c’est qu’il n’y avait aucun zombie sur le t-shirt. C’était juste un symbole rouge de danger biologique sur un fond noir. Il se dit que c’était logique. Les zombies dans le film n’étaient pas vraiment des morts-vivants. C’étaient des gens qui avaient été infectés par un virus.
« Positionne cette glacière de travers, » dit son père.
Son père utilisait parfois des mots bizarres quand ils allaient pêcher. Ça faisait souvent rire Gunner. « De travers ! » cria-t-il. « Oui, mon capitaine. »
Son père fit un mouvement de la main pour indiquer la position qu’il voulait ; de travers, vers le milieu, et non pas à l’arrière là où Gunner l’avait placée. Gunner fit glisser la grosse glacière bleue pour la mettre à l’endroit indiqué.
Ils étaient debout, l’un en face de l’autre. Son père le regarda d’un air bizarre, derrière ses lunettes de soleil. « Comment est-ce que tu te sens ? »
Gunner hésita. Il savait qu’ils étaient préoccupés à son sujet. Il les avait entendus murmurer son nom pendant la nuit. Mais il allait bien. Vraiment. Il avait eu très peur et il était toujours un peu effrayé. Il avait également beaucoup pleuré et c’était tant mieux. Il fallait parfois pleurer. Il ne fallait pas garder ses sentiments pour soi.
« Gunner ? »
Apparemment, il ferait mieux d’en parler.
« Papa, tu tues parfois des gens, n’est-ce pas ? »
Son père hocha la tête. « Oui, parfois. Ça fait partie de mon boulot. Mais je ne tue que les méchants. »
« Et comment est-ce que tu fais la différence ? »
« C’est parfois difficile à dire. Mais parfois, c’est très facile. Les méchants font du mal aux gens qui sont plus faibles qu’eux, ou à des personnes innocentes qui ne demandent rien à personne. Mon boulot, c’est de les empêcher de faire ça. »
« Comme les hommes qui ont tué le Président ? »
Son père hocha la tête.
« Tu les as tués ? »
« J’en ai tué quelques-uns, oui. »
« Et les hommes qui nous ont enlevés, maman et moi ? Tu les as aussi tués ? »
« Oui. »
« Je suis content que tu l’aies fait, papa. »
« Moi aussi, petit monstre. C’était exactement le genre de types qu’il fallait tuer. »
« Est-ce que tu es le meilleur tueur au monde ? »
Son père secoua la tête et sourit. « Je ne sais pas. Je ne pense pas qu’il y ait un classement des meilleurs tueurs. Ce n’est pas vraiment un sport. Il n’y a pas de champion du monde. Dans tous les cas, je veux que tu saches que j’arrête. Je veux passer plus de temps avec toi et ta maman. »
Gunner y réfléchit un instant. Il avait vu hier une émission sur son père à la télé. C’était juste une très brève présentation, mais ils avaient montré la photo et le nom de son père, ainsi qu’une vidéo de lui quand il était plus jeune et à l’armée. Luke Stone, opérations Delta Force. Luke Stone, Équipe d’intervention spéciale du FBI. Luke Stone et son équipe avaient sauvé le gouvernement des États-Unis.
« Je suis fier de toi, papa. Même si tu ne deviens jamais champion du monde. »
Son père se mit à rire. Il fit un geste en direction du ponton. « Alors, prêt à y aller ? »
Gunner acquiesça d’un mouvement de tête.
« On va prendre un peu le large, jeter l’ancre, et voir si on peut trouver quelques bars qui se nourrissent à marée descendante. »
Gunner hocha la tête. Ils s’éloignèrent du ponton et commencèrent à prendre le large. Il s’accrocha au bord du bateau au moment où ils commencèrent à prendre de la vitesse.
Gunner observait l’horizon devant eux. C’était son boulot de guetter et il devait garder les yeux bien ouverts et rester sur le qui-vive, comme le disait son père. Ils étaient allés pêcher à trois reprises pendant le printemps, mais ils étaient à chaque fois revenus bredouilles. Quand tu allais pêcher et que tu n’attrapais rien, son père appelait ça ‘se faire avoir’. Et pour l’instant, ils s’étaient beaucoup fait avoir.
Quelques instants plus tard, Gunner repéra des clapotis au loin à tribord. Des hirondelles de mer étaient occupées à plonger, se lançant dans l’eau telles des bombes.
« Hé, regarde ! »
Son père hocha la tête et sourit.
« Des bars, peut-être ? »
Son père secoua la tête. « Des tassergals. » Avant d’ajouter : « Accroche-toi. »
Il lança le moteur à pleine puissance et le bateau se mit à filer sur l’eau à toute vitesse, tandis que la proue se relevait tel le nez d’un avion. Gunner fut presque projeté en arrière. Une minute plus tard, son père ralentit en s’approchant de l’endroit repéré par Gunner et la proue du bateau se rabaissa.
Gunner attrapa les deux longues cannes à pêche qui se trouvaient à l’avant du bateau. Il en tendit une à son père et lança sa ligne sans attendre. Presque tout de suite, il sentit quelque chose tirer. Sa canne à pêche commença à bouger, animée par une vie sous-marine. Une force invisible faillit la lui arracher des mains. La ligne se brisa et la tension cessa immédiatement. Le tassergal était parvenu à s’enfuir. Il se retourna vers son père, et il vit que ce dernier avait également une prise. Sa canne était presque pliée en deux.
Gunner attrapa un filet et se prépara à l’aider. Un tassergal très énervé – de couleur argentée, bleue, verte et blanche – fut sorti de l’eau et amené sur le pont.
« Un beau poisson. »
« Et qui vient mettre fin à une série de défaites ! »
Le tassergal se tordait sur le pont, attrapé dans les mailles vertes du filet.
« On va le garder ? »
« Non. Grâce à lui, c’en est fini de se faire avoir, mais on est là pour les bars. Les tassergals, ce sont de beaux poissons, mais les bars rayés sont plus gros et meilleurs au barbecue. »
Ils relâchèrent le poisson – Gunner regarda comment son père prenait le tassergal frétillant en main et lui retirait l’hameçon, avec ses doigts à seulement quelques centimètres de ses dents. Son père fit tomber le poisson sur le côté du bateau où, en un coup de queue, il s’enfonça dans les profondeurs.
Le poisson avait à peine disparu que le téléphone de son père se mit à sonner. Son père sourit et regarda le téléphone. Puis il le mit de côté, où il continua à sonner. Après un moment, il s’arrêta, mais dix secondes plus tard, il se remit à sonner.
« Tu ne vas pas répondre ? » dit Gunner.
Son père secoua la tête. « Non. En fait, je pense que je vais l’éteindre. »
Gunner sentit la peur lui serrer le ventre. « Mais papa, il faut que tu répondes. Et si c’était urgent ? Et si les méchants étaient de nouveau là ? »
Son père regarda longuement Gunner. Quand son téléphone recommença à sonner, il décrocha.
« Stone, » dit-il.
Il fit une pause et son visage s’assombrit. « Salut, Richard. Oui, le chef de cabinet de Susan. Bien sûr. J’ai entendu parler de vous. Écoutez… Vous savez que je prends quelques vacances, non ? Je n’ai même pas encore décidé si je fais encore partie de l’Équipe d’intervention spéciale, ou peu importe comment vous l’appelez maintenant. Oui, je comprends, mais il y a toujours quelque chose d’urgent. Personne ne m’appelle jamais chez moi pour me dire que ce n’est pas urgent. OK… OK. Si la Présidente veut vraiment une réunion, alors elle peut m’appeler personnellement. Elle sait comment me joindre. OK ? Merci. »
Quand son père raccrocha, Gunner le regarda. Il n’avait pas l’air d’autant s’amuser qu’avant. Gunner savait que si la Présidente appelait, son père allait rapidement faire ses bagages pour partir quelque part. Une autre mission, peut-être d’autres méchants à tuer. Et il laisserait à nouveau Gunner et sa mère tous seuls à la maison.
« Papa, est-ce que la Présidente va t’appeler ? »
Son père ébouriffa les cheveux de Gunner. « J’espère pas. Et maintenant, si on allait attraper quelques bars pour le dîner ? »
***
Des heures plus tard, la Présidente n’avait toujours pas appelé.
Luke et Gunner avaient attrapé trois beaux bars rayés, et Luke montrait à Gunner comment les vider, les nettoyer et les découper en filets. Ce n’était pas la première fois qu’il le lui montrait mais c’était en répétant qu’on apprenait. Becca participait et avait apporté une bouteille de vin sur le porche, ainsi que des crackers et du fromage.
Luke commençait juste à allumer le barbecue quand son téléphone sonna.
Il regarda sa famille. Ils s’étaient figés à la première sonnerie. Il échangea un regard avec Becca. Il n’était pas trop sûr de savoir ce qu’elle pensait. Mais quoi que ce fut, ce n’était pas une approbation. Il décrocha son téléphone.
Il entendit la voix grave d’un homme : « Agent Stone ? »
« Oui. »
« Je vous passe la Présidente des États-Unis. »
Il resta immobile pendant un instant.
Puis la connexion se fit et il entendit sa voix. « Luke ? »
« Susan. »
Il la revit, au moment où elle encourageait tout le pays à chanter ‘God Bless America.’ Ça avait été un moment incroyable mais c’était tout ce que c’était, un bref moment. Et c’était le genre de choses pour lesquelles les politiciens étaient doués. C’était presque un petit numéro pour eux.
« Luke, on est en pleine crise. »
« Susan, il y a toujours une crise. »
« Là, je suis dans la merde jusqu’au cou. »
Jolie expression qu’il n’avait plus entendue depuis longtemps.
« On organise une réunion. Ici, à la maison. J’ai besoin que tu sois là. »
« Quand ? »
Elle n’hésita pas une seconde. « Dans une heure. »
« Susan, je suis à deux heures de route. Et ça, c’est dans les bons jours. Et pour l’instant, la moitié des routes sont fermées au trafic. »
« Tu n’auras pas besoin de conduire. Un hélicoptère vient te chercher. Il sera là dans quatorze minutes. »
Luke regarda à nouveau sa famille. Becca s’était versé un verre de vin et lui tournait le dos. Elle regardait le soleil de fin d’après-midi plonger vers l’eau de la baie. Gunner avait les yeux fixés sur le poisson et sur le barbecue.
« OK, » dit Luke.
CHAPITRE SIX
18h45
Observatoire naval des États-Unis – Washington
« Agent Stone, je suis Richard Monk, le chef de cabinet de la Présidente. On s’est parlé au téléphone tout à l’heure. »
Luke venait d’arriver à l’héliport de l’Observatoire naval cinq minutes plus tôt. Il serra la main de Richard, un homme de grande taille, bien taillé, qui devait avoir près de la quarantaine, probablement l’âge de Luke. Il portait une chemise bleue avec les manches relevées jusqu’aux coudes. Sa cravate était de travers. Son torse avait l’air bien musclé, comme dans une pub pour un magazine pour hommes. Il devait être du genre à travailler dur mais également à prendre soin de lui. C’est ce qui semblait ressortir de l’allure générale de Richard Monk.
Ils traversèrent le couloir en marbre de la Nouvelle Maison Blanche, en direction d’une double porte qui se trouvait au fond. « Nous avons transformé l’ancienne salle de réunion en salle de crise, » dit Monk. « C’est encore en cours, mais on y est presque. »
« Vous avez de la chance d’être encore en vie, non ? » dit Luke.
L’homme perdit un peu de son assurance pendant une fraction de seconde. Il hocha la tête. « La Vice… enfin, elle était Vice-Présidente à l’époque. La Présidente et moi-même, ainsi que d’autres membres de notre staff, nous étions sur la côte Ouest quand le Président Hayes lui a demandé de revenir sur la côte Est. Ce fut très soudain. Je suis resté à Seattle avec d’autres pour régler quelques affaires. Quand l’explosion a eu lieu à Mount Weather… »
Il secoua la tête. « C’est horrible. Mais oui, j’aurais pu m’y trouver aussi. »
Luke hocha la tête. Ils étaient encore occupés à sortir des cadavres de Mount Weather, des jours après la catastrophe. Plus de trois cents morts pour l’instant, et ce n’était pas fini. Parmi eux, se trouvaient l’ancien Secrétaire d’État, l’ancien ministre de l’éducation, l’ancien ministre de l’intérieur, le chef de la NASA, et des dizaines de Représentants et Sénateurs des États-Unis.
Les pompiers avaient seulement réussi à éteindre l’incendie souterrain hier.
« Quelle est cette crise pour laquelle Susan m’a fait appeler ? » dit Luke.
Monk fit un geste en direction de la porte au fond du couloir. « La Présidente Hopkins est dans la salle de réunion, avec ses principaux collaborateurs. Je préfère leur laisser vous informer de la situation. »
Ils passèrent la double porte et entrèrent dans la salle. Plus d’une dizaine de personnes étaient déjà assises à une grande table ovale. Susan Hopkins, Présidente des États-Unis, était assise tout au bout. Elle paraissait toute petite, entourée d’hommes de grande taille. Deux agents des services secrets se tenaient de chaque côté d’elle. Trois autres se trouvaient dans différents coins de la salle.
Un homme à l’air nerveux se tenait en bout de table. Il était grand, chauve, un peu bedonnant. Il portait des lunettes et un costume mal taillé. Luke le jaugea en quelques secondes. Il n’avait pas l’air habitué à ce genre d’endroits et il semblait avoir de très gros ennuis. Il ressemblait à un homme qui était cuisiné de toutes parts.
Susan se mit debout. « Avant de commencer, je voudrais vous présenter l’agent Luke Stone, qui faisait anciennement partie de l’Équipe spéciale d’intervention du FBI. Il m’a sauvé la vie il y a quelques jours, et il a joué un rôle important dans la sauvegarde de la République telle qu’on la connaît. Et ce n’est pas une exagération. Je ne crois pas avoir jamais rencontré auparavant un agent aussi chevronné, aussi compétent et aussi courageux face à l’adversité. C’est un honneur pour notre nation, pour nos forces armées et pour nos services de renseignements d’avoir formé et entraîné des hommes et des femmes comme l’agent Stone. »
Tout le monde se mit debout et commença à applaudir. Aux yeux de Luke, ces applaudissements lui paraissaient guindés et formels. Ils devaient applaudir. La Présidente voulait qu’ils le fassent. Il leva la main pour essayer de les arrêter, mais sans y parvenir. Cette situation était vraiment absurde.
« Bonjour, » dit-il, quand les applaudissements cessèrent. « Désolé d’être en retard. »
Luke prit place sur une chaise vide. L’homme qui se trouvait en face de lui commença tout de suite à le fixer des yeux. Luke ne parvenait pas à savoir ce qu’il y avait dans le regard de cet homme. De l’espoir, peut-être ? Il avait l’air d’un quarterback désespéré, sur le point de faire une dernière passe en direction de Luke.
« Luke, » dit Susan. « Voici le docteur Wesley Drinan, directeur du laboratoire national de Galveston à l’unité médicale de l’Université du Texas. Il vient de nous informer d’une potentielle faille dans la sécurité au laboratoire de biosécurité de niveau 4. »
« Ah, » dit Luke. « OK. »
« Agent Stone, connaissez-vous un peu en quoi consistent les laboratoires de biosécurité de niveau 4 ? »
« Euh, vous pouvez m’appeler Luke. Je connais le terme. Mais vous pourriez peut-être m’en faire une présentation rapide. »
Drinan hocha la tête. « Bien sûr. Je vous explique ça en deux mots. Les laboratoires BSL-4 constituent le niveau le plus élevé de sécurité quand il s’agit de manier des agents biologiques. BSL-4 est le niveau requis pour travailler avec des virus et des bactéries dangereuses et exotiques qui présentent un haut risque d’infections en laboratoire, ainsi que ceux qui sont responsables de graves maladies mortelles chez les humains. Ce sont des maladies pour lesquelles aucun vaccin et aucun traitement ne sont actuellement disponibles. Il s’agit en général de maladies comme l’Ebola, la maladie de Marburg, et certains des nouveaux virus hémorragiques que nous commençons seulement à découvrir dans des régions perdues au fin fond de la jungle en Afrique ou en Amérique du Sud. On s’occupe aussi parfois de certains virus de la grippe qui ont récemment mutés, afin d’en comprendre le mécanisme de transmission, le taux d’infection, le taux de mortalité, etc. »
« OK, » dit Luke. « J’ai compris. Et quelque chose a été volé ? »
« On ne sait pas. Quelque chose a disparu. Mais on ne sait pas ce qui est arrivé. »
Luke resta silencieux. Il se contenta de hocher la tête pour l’encourager à continuer de parler.
« Il y a deux jours, il y a eu une coupure d’électricité le soir. C’est déjà très rare en soi. Mais ce qui est encore plus bizarre, c’est que nos générateurs de secours ne se sont pas mis en marche. Nos installations sont conçues pour que, dans le cas d’une coupure d’électricité, il y ait un passage sans heurts de l’électricité principale à celle de secours. Et ce n’est pas arrivé. Au lieu de ça, les installations se sont mises sur les réserves d’urgence, qui est un niveau de basse consommation qui ne fait fonctionner que les systèmes indispensables. »
« Quel genre de systèmes qui ne soient pas indispensables ont cessé de fonctionner ? » demanda Luke.
Drinan haussa les épaules. « L’éclairage, les ordinateurs, les caméras. »
« Les caméras de sécurité ? »
« Oui. »
« À l’intérieur des installations ? »
« Oui. »
« Il y avait quelqu’un à l’intérieur ? »
L’homme hocha la tête. « Il y avait deux personnes à l’intérieur à ce moment-là. L’une était le gardien de nuit, qui s’appelle Thomas Eder. Il travaille dans nos installations depuis quinze ans. Il se trouvait au poste de garde et pas à l’intérieur de la zone de confinement. On l’a interrogé, tout comme la police et le FBI. Il a répondu à toutes nos questions et se montre très coopératif. »
« Et qui d’autre ? »
« Il y avait une scientifique à l’intérieur de la zone de confinement. Elle s’appelle Aabha Rushdie. Elle est indienne. C’est une très belle personne et une scientifique très qualifiée. Elle a étudié à Londres, elle a suivi de nombreuses formations aux laboratoires BSL-4, et elle a l’habilitation de sécurité requise. Elle travaille avec nous depuis trois ans et j’ai directement travaillé avec elle à plusieurs reprises. »
« OK… » dit Luke.
« Quand l’électricité a été coupée, son tuyau d’air a temporairement cessé de fonctionner. C’est une situation potentiellement dangereuse. Elle s’est également retrouvée dans l’obscurité la plus totale. Elle a pris peur et apparemment, Thomas Eder lui aurait permis de sortir des installations sans suivre tout le protocole de sécurité requis. »´
Luke sourit. Ça semblait assez facile. « Et après ça, quelque chose avait disparu. »
Drinan hésita. « Le lendemain, on a fait l’inventaire et on a découvert qu’une fiole d’un virus très particulier de l’Ebola avait disparu. »
« Et quelqu’un a pu parler à cette madame Rushdie ? »
Drinan secoua la tête. « Elle a également disparu. Hier, sa voiture a été retrouvée par un fermier sur une propriété isolée dans la montagne, à quatre-vingts kilomètres à l’Ouest d’Austin. Selon la police d’état, une voiture abandonnée comme ça, c’est plutôt louche. Elle n’est pas chez elle. On a essayé de contacter sa famille à Londres, mais sans succès. »
« Est-ce qu’elle aurait eu une raison de voler le virus de l’Ebola ? »
« Non. C’est impossible à croire. J’y réfléchis depuis deux jours. L’Aabha que je connais n’est pas quelqu’un qui… je ne peux même pas arriver à le dire. Elle n’est pas comme ça. Je ne comprends pas ce qui s’est passé. J’ai peur qu’elle ait été enlevée ou qu’elle soit tombée entre les mains de criminels. J’en perds mes mots. »
« On n’en est même pas encore arrivé au pire, » dit brusquement Susan Hopkins. « Docteur Drinan, pourriez-vous dire à l’agent Stone en quoi consiste ce virus, s’il vous plaît ? »
Le docteur acquiesça d’un mouvement de tête. Il regarda Stone.
« Le virus a été militarisé. C’est le même que le virus de l’Ebola trouvé dans la nature, celui qui a tué plus de dix mille personnes au cours de l’épidémie en Afrique de l’Ouest, mais en pire. Il est plus virulent, il agit plus vite, il se transmet plus facilement et il a un taux plus élevé de mortalité. C’est une substance extrêmement dangereuse. Nous devons soit le récupérer, soit le détruire, soit pouvoir vérifier qu’il a été détruit. »
Luke se tourna vers Susan.
« Nous voulons que vous alliez à Galveston, » dit-elle. « Et voir ce que vous pouvez découvrir. »
C’étaient exactement les mots que Luke n’avait pas envie d’entendre. Au téléphone, elle l’avait invité à une réunion. Mais elle l’avait amené ici pour lui donner une mission.
« Est-ce qu’il serait possible d’en parler en privé ? » répondit-il.
***
« Je peux vous servir quelque chose ? » demanda Richard Monk. « Un café ? »
« Oui, je prendrais bien un café, » dit Luke.
Il n’avait pas spécialement envie d’un café, mais il avait accepté l’offre parce qu’il espérait que Monk quitterait la pièce. Mais il s’était trompé. Monk se contenta de prendre le téléphone et d’en commander pour lui.
Luke, Monk, et Susan étaient dans un petit salon à l’étage, près des quartiers où vivait normalement la famille. Mais Luke savait que la famille de Susan ne vivait pas là. Quand elle était Vice-Présidente, il n’avait pas trop fait attention à elle, mais il avait toujours eu l’impression qu’elle et son mari n’étaient pas très proches.
Luke s’assit confortablement dans l’un des fauteuils. « Susan, avant de commencer, il faut que je vous dise quelque chose. J’ai décidé de prendre ma retraite, avec effet immédiat. Je vous en informe avant de le dire aux autres, pour que vous puissiez trouver quelqu’un d’autre pour diriger l’équipe spéciale d’intervention. »
Susan resta silencieuse.
« Stone, » dit Monk, « ça vaut certainement mieux que vous le sachiez tout de suite. L’équipe spéciale d’intervention est sur la sellette. C’est fini. Don Morris était impliqué dans le coup d’état, depuis le début. Il est en partie responsable de l’une des pires atrocités qui aient jamais été commises sur le sol américain. Et il a créé l’équipe spéciale d’intervention. Je suis sûr que vous comprenez que la sécurité, et surtout la sécurité de la Présidente, est la chose la plus importante pour nous à l’heure actuelle. Et ce n’est pas juste l’équipe spéciale d’intervention. Nous enquêtons sur des sous-agences suspectes au sein de la CIA, de la NSA, et du Pentagone, parmi d’autres. Nous devons éradiquer les conspirateurs, afin qu’une telle chose ne puisse plus jamais arriver. »
« Je comprends votre inquiétude, » dit Luke.
Et c’était vrai. Le gouvernement était très fragile pour l’instant. Il n’avait peut-être jamais été aussi fragile. Le Congrès avait été presque entièrement balayé et un mannequin à la retraite était devenue Présidente du pays. Les États-Unis étaient un colosse aux pieds d’argile et s’il y avait encore des conspirateurs dans les parages, il n’y avait aucune raison qu’ils n’essayent pas à nouveau de prendre le pouvoir.
« Si vous allez de toute façon supprimer l’équipe spéciale d’intervention, alors c’est le moment parfait pour moi pour partir. » Plus il le répétait à haute voix, plus cela devenait réel à ses yeux.
Il était temps de reconstruire sa famille. Il était temps de recréer cet endroit idyllique dans sa tête où lui, Becca et Gunner pouvaient être seuls, loin de toutes ces préoccupations, et où même si le pire arrivait, ce ne serait pas si grave que ça.