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Kitabı oku: «L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793», sayfa 18

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LES NATURALISTES

L’histoire naturelle, désignée sous le nom de physique, occupait, avec la chimie, une moitié des séances de l’ancienne Académie des sciences. Lors de la réorganisation en 1699, elle y fut représentée par les sections de botanique et d’anatomie, dont les membres, toujours actifs, contribuèrent constamment et pour une grande part à la renommée et à la force de la compagnie.

Réaumur, qui devait être une des gloires de l’Académie, y entra, comme Amontons, avec le titre d’élève; il était âgé de vingt-trois ans; riche et indépendant comme Buffon, il ne demandait comme lui à la science d’autres avantages que le plaisir d’apprendre et la gloire de découvrir. Quoique plus pénétrant, plus patient dans ses observations et plus rigoureux dans ses raisonnements, il lui fut fort inférieur par le style et est resté beaucoup moins célèbre.

Réaumur se fit connaître d’abord de l’Académie par deux mémoires de géométrie qui montrent la pleine intelligence de la méthode de Descartes et des théories infinitésimales, que quelques membres de l’Académie repoussaient encore. Quoique son génie ne soit pas celui d’un géomètre, il a fortifié son esprit par la discipline des raisonnements rigoureux, en poussant ses études mathématiques assez loin pour pouvoir prononcer par lui-même, en toute circonstance, sur la possibilité et la légitimité de leur application; mais il les abandonna bien vite pour l’histoire naturelle, vers laquelle le portaient ses goûts et ses aptitudes. Curieux de tous les secrets de la nature, Réaumur se plaît à l’interroger avec un sage et excellent esprit, en étudiant les moyens par lesquels elle arrive à son but et l’usage des instruments qu’elle y emploie; les phénomènes eux-mêmes, qu’il aime à suivre et à faire naître, lui en apprennent plus que les discours et que les livres. Ses mémoires, dans la collection de l’Académie, sont au nombre des plus célèbres; marqués presque tous au même coin, ils n’exigent, pour être lus et compris, aucune étude préalable. Plus éclairé qu’érudit, Réaumur ne fait aucun étalage de sa science, qui, toujours cependant, sur toutes les questions, resta à la hauteur de son époque.

Réaumur, en effet, s’occupait de toutes les sciences en même temps; se proposant, avec une infatigable ardeur, les problèmes les plus divers, qu’il voulait et qu’il savait le plus souvent résoudre par lui-même, il n’avait pas le temps d’acquérir une érudition bien profonde; son activité dans les mémoires de l’Académie s’étend à tous les sujets, qu’il traite tous, sinon avec la même compétence, tout au moins avec la même sagacité.

L’étude des divers métiers occupait l’Académie; elle se proposait d’en publier successivement la description. Réaumur, jeune encore, toujours de loisir, curieux de tout voir et de tout connaître, était désigné tout naturellement pour prendre une part importante à ce travail.

La perspicacité inventive de Réaumur ne parut en aucun de ses ouvrages plus évidemment que dans son traité sur la fabrication de l’acier. On emploie depuis longtemps, on le sait, dans les usages de la vie, trois sortes de fer très-distinctes: le fer proprement dit, l’acier et la fonte, dont les propriétés diffèrent bien plus encore que l’aspect; la fonte est en effet fusible, dure et cassante; l’acier, difficilement fusible, dur et malléable; le fer, enfin, réfractaire au feu, dur à la lime, cédant au marteau et plus malléable encore que l’acier. Le fer, on l’ignorait alors, est un métal presque pur, l’acier contient 4 à 7 millièmes de charbon, et la fonte en contient le plus souvent de 20 à 30 millièmes; entre le fer et la fonte, on peut obtenir d’ailleurs tous les intermédiaires, qui participent, suivant leur composition, des propriétés du type le plus voisin.

L’acier se trempe, c’est-à-dire qu’après avoir été chauffé au rouge, puis plongé dans l’eau froide, il devient dur et cassant; la fonte se trempe aussi, en se transformant en fonte blanche; le fer ne se trempe jamais.

Ces caractères étaient bien connus avant Réaumur, mais on ignorait que le principe aciérant est le charbon pur. La chimie était trop peu avancée alors, et Réaumur, d’ailleurs, était trop peu chimiste pour qu’une telle découverte lui fût possible. La matière aciérante est pour lui une espèce de soufre.

Mais les chimistes alors, il ne faut pas l’oublier, enveloppaient dans ce mot les substances les plus diverses et l’appliquaient entre autres à tout corps réducteur.

Le livre de Réaumur, qui lors de son apparition produisit un grand effet, et fut pour lui, de la part du régent, l’occasion des plus riches récompenses, est intitulé: L’art de convertir le fer en acier et l’art d’adoucir le fer dur.

Pour aciérer le fer par la cémentation, on le chauffe en vase clos et pendant plusieurs semaines, au milieu des substances propres à opérer la transformation et lui fournir, suivant Réaumur, le soufre qui lui manque, et qui, nous le savons aujourd’hui, n’est autre chose que du charbon; quand l’acier a pris trop de ce soufre (traduisez charbon), il devient d’abord un métal intraitable, cassant et dur, puis de la fonte, comme le dit Réaumur en plusieurs endroits de son livre; et il enseigne à corriger cet acier intraitable en le plaçant à une haute température en contact avec de la craie; mais, ne connaissant ni la composition de la craie ni les propriétés de l’acide carbonique et de l’oxyde de carbone, et la transformation si facile et si fréquente de l’un de ces gaz dans l’autre, il ne pouvait voir les choses bien à fond, ni en donner une théorie bien précise. Ses explications valent à peu près cependant toutes celles que l’on donnait alors des réactions chimiques, et on conclut de ses idées que la fonte peut, en perdant tout ou partie de ce qu’il nomme les soufres, se changer en acier et même en fer doux, et il a trouvé le beau procédé de décarburation, qui, bien peu perfectionné depuis, nous fournit aujourd’hui la fonte malléable. Une partie de son ouvrage est consacrée à la description de cet art nouveau: il enseigne à couler la fonte destinée à l’opération; il donne la composition des meilleurs mélanges, parmi lesquels il cite l’oxyde de fer et même la limaille et les rognures de fer exclusivement employées aujourd’hui; il désigne enfin les objets qu’il convient de fabriquer ainsi et qui n’ont changé ni de nom ni de nature; quelques-uns seulement, comme les heurtoirs de porte, ne sont plus employés aujourd’hui.

La partie économique du livre de Réaumur n’est pas moins remarquable: «Il y avait, dit-il dans sa préface, deux partis à choisir pour rendre les arts, et surtout celui d’adoucir le fer fondu, utiles au royaume: ou d’accorder des priviléges à des compagnies, qui, comme celles des glaces, eussent eu seules le droit de faire de ces sortes d’ouvrages, ou de donner une liberté générale à tous les ouvriers d’y travailler. Le premier parti eût plutôt fait paraître des manufactures considérables et le public eût eu plutôt à choisir des ouvrages de ce genre. Dès que la liberté est générale, les artisans se chargeront de ce travail, mais leur peu de fortune ne leur permettant pas de faire les avances nécessaires pour fournir à une grande quantité d’ouvrages très-variés, parce que les premiers modèles coûtent cher, les ouvrages s’en multiplieront plus lentement; les compagnies qui pourraient entreprendre de plus grands établissements n’oseront peut-être pas les risquer, dans la crainte de voir bientôt leurs ouvrages copiés par tous les petits ouvriers; mais, outre qu’un amour de la liberté porte à souhaiter qu’il soit permis aux hommes de faire ce sur quoi ils ont naturellement autant de droit que les autres, c’est que, si les établissements se font de la sorte plus lentement, d’une manière moins brillante, ils se forment d’une manière plus utile au public. Comment s’assurer d’une société qui ne soit pas trop avide de gain? C’est le grand inconvénient des priviléges, qui d’ailleurs lient les mains à ceux qui n’en ont pas obtenu de pareils et qui auraient été en état d’en faire de meilleurs usages, qui auraient eu plus de talents pour perfectionner les nouvelles inventions. Ce n’est pas que les particuliers n’aient pour le profit une ardeur égale à celle des compagnies, mais la crainte que leurs voisins ne vendent plus qu’eux, l’envie d’attirer le marchand, leur fait donner à meilleur marché. J’ai eu la preuve de cette nécessité de faire multiplier le débit: j’avais permis à quelques ouvriers, qui avaient travaillé sous nos yeux dans le laboratoire de l’Académie, de faire des ouvrages de fer fondu. Malgré moi ils voulaient les tenir à un prix excessif; quand ils offraient pour 200 livres, en fer fondu, ce qui, en fer forgé, en eût coûté 1,200 ou 1,500, ils croyaient faire assez, quoiqu’ils eussent dû le donner pour 4 ou 5 pistoles. Il n’y a donc d’autre manière de vendre les choses à bon marché que de mettre les ouvriers dans la nécessité de débiter à l’envi.»

Ces excellentes paroles, que Turgot n’eût pas désavouées, sont écrites, il ne faut pas l’oublier, en 1732, et servent de préface à un ouvrage que le duc d’Orléans, alors régent du royaume et fort compétent sur les questions de science, récompensa par une pension de 12,000 livres. Quelques réflexions généreuses sur le devoir des inventeurs envers l’humanité tout entière méritent également d’être rapportées. «Il s’est trouvé des gens, dit Réaumur, qui n’ont pas approuvé que les découvertes qui font l’objet de ces mémoires aient été rendues publiques. Ils auraient voulu qu’elles eussent été conservées au royaume, que nous eussions imité les exemples du mystère, peu louables à mon sens, que nous donnent quelques-uns de nos voisins. Nous nous devons premièrement à notre patrie, mais nous nous devons aussi au reste du monde; ceux qui travaillent pour perfectionner les sciences et les arts doivent même se regarder comme les citoyens du monde entier.»

L’événement ne répondit pas, il faut l’avouer, aux espérances de Réaumur, et les progrès qu’il avait promis ne se réalisèrent que lentement. Une compagnie fut établie sous sa haute direction avec le nom de Manufacture royale d’Orléans pour convertir le fer en acier et pour faire des ouvrages de fer et d’acier fondu. Le prospectus inséré dans les journaux du temps contenait de magnifiques promesses. «On s’engage, disait-on, à ne livrer que des produits d’excellente qualité, et, s’il y en avait qui ne parussent pas tels à ceux qui les ont achetés, on s’engage à rendre l’argent quand on les rapportera.»

Peu d’années après, cependant, la compagnie dut se dissoudre après avoir épuisé son capital, et l’usine fut abandonnée.

C’est par ses études sur les animaux inférieurs que Réaumur a mérité un nom immortel. Observateur pénétrant et attentif de la nature, nul autre n’a eu un sentiment plus vif et plus précis des ressources simples et variées tout ensemble dont elle dispose pour l’exécution de ses desseins, et de l’admirable justesse avec laquelle elle accorde, même aux êtres inférieurs, les organes nécessaires à leurs besoins et conformes à leurs convenances comme à leurs instincts. L’anatomie ne joue, chez lui, qu’un rôle secondaire; c’est en épiant les mouvements et les actes de l’animal vivant qu’il se rend compte des forces mises à sa disposition et de l’usage qu’il en sait faire. Le rôle que l’histoire de la science lui attribue est d’avoir découvert et révélé les merveilleux secrets de la vie extérieure d’un grand nombre d’animaux choisis surtout parmi les plus humbles. Par quel mécanisme un mollusque s’avance-t-il sur le sable? Comment peut-il s’accrocher au rocher? Par quels moyens parvient-il à saisir sa proie et à la défendre contre ses ennemis? Comment l’insecte choisit-il son habitation? Quels matériaux emploie-t-il pour l’aménager? Quels sont ses artifices pour nourrir ses petits? Comment prépare-t-il les ressources nécessaires à leur développement? Telles sont les questions que traite le plus volontiers Réaumur et qu’il résout à l’aide des observations les plus intéressantes, accumulées et recueillies avec un rare bonheur et une infatigable patience. Dans un charmant mémoire sur les guêpes, dont la république, trop négligée des naturalistes pour celle des abeilles, lui ressemble pourtant un peu, dit-il, peut-être comme Sparte ressemblait à Athènes, Réaumur indique très-bien le but qu’il se propose et l’ordre des questions qu’il veut aborder: «Si je m’étais proposé, dit-il, de faire connaître les différentes espèces de guêpes dont les naturalistes font mention, de donner la description exacte de leur figure et de caractériser les espèces par les différences les plus marquées, un mémoire entier y suffirait à peine, mais je crois qu’on me saura gré de ce que j’épargnerai ici les détails secs pour ne m’arrêter pour ainsi dire qu’à leurs mœurs.» Tel est le programme de Réaumur dans ses belles et intéressantes recherches sur les insectes, dont la réunion forme six gros volumes, d’une lecture aussi agréable que facile, et auxquels il ne manquerait peut-être qu’un peu de concision pour être comptés parmi les ouvrages classiques les plus attachants.

Réaumur entra à l’Académie en 1708 et mourut en 1757, après avoir vu son influence, fort grande d’abord, s’effacer peu à peu devant celle de Buffon.

Lorsque Buffon, âgé de vingt-sept ans seulement, fut nommé par l’Académie membre adjoint de la section de botanique, rien ne faisait prévoir encore la célébrité réservée à son nom. Comme Bossuet, comme Crébillon et comme l’aimable président De Brosses, il était élève des jésuites de Dijon. Le souvenir de ses succès d’écolier n’est pas parvenu jusqu’à nous. Fils d’un magistrat fort considéré et fort riche, Buffon, dès sa jeunesse, put régler sa vie à sa guise et satisfaire librement tous ses goûts; il voyagea en France et en Italie, en compagnie d’un jeune seigneur anglais dont le précepteur, homme fort instruit, paraît avoir dirigé ses premières études sur la science de la nature. Buffon, de même que Réaumur, dont il devait bientôt devenir le rival, débuta par la géométrie, et un mémoire ingénieux sur quelques problèmes de probabilité, le montre capable de réussir dans cette voie; mais sa science encore imparfaite devait s’affaiblir et se perdre dans la pratique des travaux d’un autre ordre; et une discussion célèbre avec Clairaut, dans laquelle vingt ans plus tard il méconnaît les principes les plus élémentaires, montre que Buffon, en quittant la géométrie, n’y avait pas fait assez de progrès pour en armer à jamais son esprit.

La traduction d’un ouvrage mathématique de Newton et de la statique des végétaux de Hales, l’étude théorique et expérimentale des miroirs ardents attribués à Archimède, et des expériences faites en grand sur la manière de durcir les bois en les écorçant sur pied, ne semblaient pas indiquer bien nettement sa voie, lorsque sur la proposition de Dufay mourant il fut nommé à l’âge de trente-deux ans directeur et intendant du Jardin du Roi. Obligé par devoir de favoriser les études d’histoire naturelle et d’y présider en quelque sorte, il tourna désormais vers elles l’activité de son esprit en y appliquant avec un zèle constant tous ses soins, ses travaux, son crédit et ses forces. L’observation minutieuse des faits n’était ni dans ses goûts ni dans ses aptitudes. Son génie, acceptant les détails de toute main, avait besoin d’un plus grand vol. Buffon, pour peindre la nature entière, prétendait d’un premier coup d’œil saisir tout d’abord les principes et tracer à grands traits un tableau d’ensemble: c’est par là que commence et que finit son grand ouvrage. Dans deux de ses livres les plus admirés, la Théorie de la terre et les Époques de la nature, Buffon excité et soutenu par la grandeur de son sujet, semble débrouiller le chaos: aucune difficulté ne l’étonne, et l’on voit son éloquence, toujours majestueuse mais parfois trop ornée, devancer tour à tour la science de son temps, la dédaigner, ou y contredire.

Quoiqu’il eût succédé à Couplet comme trésorier de l’Académie, Buffon, presque toujours absent de Paris, assistait rarement aux séances. Peu soucieux des travaux de ses confrères, il communiquait rarement les siens à l’Académie et recherchait peu l’influence qu’il y exerçait cependant. L’Académie française, dans sa correspondance, l’occupe plus souvent et semble l’intéresser plus vivement que l’Académie des sciences. L’écrivain chez Buffon a en effet éclipsé le savant; dans ses écrits sur la science, qui valent surtout par l’exacte convenance et l’harmonieuse précision du style, on ne trouve qu’un bien petit nombre d’observations nouvelles ou d’expériences décisives sur des points jusque-là douteux. Et s’il est permis de rappeler une plaisanterie contre celui dont le long ouvrage n’en contient pas une seule, lorsque l’affectueuse estime de Louis XVI fit élever au Jardin des Plantes une statue à Buffon encore vivant, l’irrévérencieux passant qui, lisant sur le socle: Naturam amplectitur omnem, s’écria, dit-on: «Qui trop embrasse mal étreint,» ne manqua ni de justice ni d’à-propos.

Les noms de Daubenton et de Buffon sont inséparables dans l’histoire de la science. Compagnon de son enfance et collaborateur très-utile de son grand ouvrage, Daubenton, satisfait de la part qui lui était faite et dévoué sans arrière-pensée à l’œuvre commune, y apportait par des études sérieuses et originales un élément précieux de force, de solidité et de durée; un jour cependant Buffon, dans un intérêt de librairie, fit disparaître d’une édition nouvelle les chapitres écrits par son ami, dont la science plus profonde mais plus sèche que la sienne, avait moins d’attrait pour le public. Les intérêts de Daubenton étaient sacrifiés aussi bien que sa juste susceptibilité d’observateur et de savant, et cette cruelle blessure venait d’un compagnon d’enfance, d’un collaborateur admiré et aimé, et d’un protecteur généreux qui l’avait d’avance désarmé et enchaîné par les liens de la reconnaissance! Ces souvenirs dirigèrent la conduite de Daubenton et l’expliquent: attristé plus encore qu’irrité, il se plaignit avec douceur et modération; et, sans rompre des relations désormais froides et pénibles, il redoubla d’ardeur pour la formation du cabinet d’histoire naturelle, qui devint toute sa consolation. Malgré d’excellents et nombreux travaux, la création de ce beau musée reste l’œuvre saillante de Daubenton. On n’y trouvait guère avant lui que les coquilles recueillies par Tournefort. C’est Daubenton qui, pendant plus de quarante ans, y embrassant avec ardeur toutes les productions de la nature, les recueillit de toutes parts et souvent à grands frais, pour les grouper dans un ordre commode à la fois pour l’étude et séduisant pour les ignorants.

Daubenton a donné à l’Académie un grand nombre de mémoires sur des points particuliers d’histoire naturelle. On lui doit la description de plusieurs espèces réellement nouvelles, des études sur le développement des arbres qui, comme le palmier, ne croissent pas par couches extérieures et concentriques; des idées ingénieuses sur les albâtres et les stalactites, et les herborisations des pierres. Daubenton enfin, en appliquant à la paléontologie sa connaissance profonde des animaux vivants, a été le précurseur immédiat de Cuvier.

Ces travaux incessants et variés occupèrent Daubenton sans le captiver entièrement, et la juste célébrité de son nom s’attache en grande partie à une œuvre toute pratique et de grande utilité pour le pays. Ses écrits sur l’élevage des moutons et sur l’amélioration des laines le placent au nombre des bienfaiteurs de l’agriculture française.

«Mettre dans tout son jour l’utilité du parcage continuel, démontrer les suites pernicieuses de l’usage de renfermer les moutons dans les étables pendant l’hiver, essayer les divers moyens d’en améliorer la race, trouver ceux de déterminer avec précision le degré de finesse de la laine, reconnaître le véritable mécanisme de la rumination, en déduire des conclusions utiles sur le tempérament des bêtes à laine et sur la manière de les nourrir et de les traiter, disséminer les produits de sa bergerie dans toutes les provinces, distribuer ses béliers à tous les propriétaires de troupeaux, faire fabriquer des draps avec ses laines pour en démontrer aux plus prévenus la supériorité, former des bergers instruits pour propager la pratique de sa méthode, rédiger des instructions à la portée de toutes les classes d’agriculteurs, tel est, dit Cuvier, l’exposé rapide des travaux de Daubenton sur cet important sujet.»

Leur auteur, on en conviendra, n’avait pas besoin de paître lui-même ses troupeaux pour se faire délivrer sans scrupule, pendant les mauvais jours de la Terreur, un certificat de civisme sous le nom du berger Daubenton.

La direction du Jardin des Plantes, lorsqu’elle fut confiée à Buffon, était promise depuis longtemps à un naturaliste fort éminent, riche propriétaire, non moins recommandable par son caractère que par l’étendue de son esprit. Si Duhamel du Monceau n’a pas laissé comme Buffon un nom illustre, c’est que ses écrits, remarquables par le fond beaucoup plus que par la forme, ont servi surtout dans la science comme de précieux et solides matériaux utilisés par ses successeurs. Ami intime de Bernard de Jussieu et de Dufay, Duhamel, en étudiant sous leurs yeux l’histoire naturelle, sut à l’âge de vingt ans leur inspirer assez de confiance pour que l’Académie, conseillée par eux, lui confiât la mission d’étudier dans le Gâtinais les causes d’une maladie du safran qui alarmait alors les propriétaires du pays. Sa mission eut un plein succès, et la section de botanique l’appela peu après à une place d’adjoint.

Loin d’entrer à fond et par ordre dans le détail des travaux très-nombreux de Duhamel, nous ne pouvons pas même, dans cette revue rapide et superficielle, citer tous ceux qui, justement célèbres parmi les naturalistes, méritent encore aujourd’hui une sérieuse attention. Les expériences de Duhamel sur la formation des os sont très-élégantes et très-nettes. La garance, mêlée pendant quelque temps à la nourriture d’un animal, pénètre dans les os et les colore en rouge. Ce fait, observé par des savants anglais, lui donna l’idée de faire alterner la nourriture chargée de garance avec la nourriture ordinaire, pour observer, sur différents animaux bien entendu, le progrès de la coloration en rouge et le retour à l’état normal.

L’Académie, qui a compté parmi ses membres Tournefort, Magnol, Geoffroy, Vaillant, Duhamel, Antoine, Bernard et Laurent de Jussieu, et qui a inscrit le nom de Linnée sur la liste de ses associés étrangers, n’a pu manquer de prendre une grande et glorieuse part au progrès, on pourrait presque dire à la création de la science des plantes.

Magnol, qui le premier a prononcé en botanique le nom de famille, était professeur et professeur très-illustre à la Faculté de Montpellier. Le roi, sur sa grande réputation, le nomma successeur de Tournefort à l’Académie, quoiqu’il ne fût proposé qu’au troisième rang. Flatté d’un tel honneur, et renonçant à l’âge de soixante-douze ans aux habitudes de toute sa vie, il vint résider à Paris; mais le sacrifice était au-dessus de ses forces, et il n’assista que pendant un an à peine aux séances de l’Académie.

Vaillant fut un des élèves les plus illustres de Tournefort. Fagon, surintendant du roi, l’avait appelé, quoique fort jeune encore, à la direction des cultures du jardin, de préférence à Tournefort lui-même, qui s’en montra fort blessé. Le mauvais vouloir devint rapidement mutuel, et les mémoires scientifiques de Vaillant en conservent la trace; des critiques trop amères, quoique souvent fondées, y remplacent dans plus d’une page les applaudissements qui partout ailleurs saluaient les ouvrages de son maître.

Geoffroy, le frère du chimiste, fut un botaniste éminent. On lui doit une grande découverte, celle du sexe des plantes, qui, acceptée et mise dans un plus grand jour par Vaillant, lui a été souvent attribuée.

Antoine de Jussieu, élève de Magnol à Montpellier, et docteur déjà de la célèbre faculté, s’était rendu à Paris à l’âge de vingt-deux ans dans l’espoir surtout d’y suivre les leçons de Tournefort sur les plantes et de se perfectionner dans leur étude. Victime d’un accident qui devait être mortel, Tournefort ne professait plus, et peu de temps avant sa mort le jeune élève, rapidement distingué par Fagon, se trouva placé à l’âge de vingt-trois ans dans la chaire même dont la réputation l’avait attiré.

Antoine de Jussieu était un savant éminent et un excellent homme. Observateur ingénieux et sagace, il a composé d’excellents mémoires sur les diverses branches de l’histoire naturelle: frère généreux et dévoué, il a élevé et instruit le jeune Bernard, et en lui faisant partager la modeste aisance due à ses succès comme médecin, lui a permis de dévouer sa vie entière à la méditation opiniâtre d’une œuvre immortelle. L’esprit de famille et d’union est un des traits saillants du caractère des Jussieu; leur frère Joseph, compagnon de Lacondamine au Pérou, retrouva après trente-huit ans d’absence sa place au foyer fraternel, où il ne pouvait apporter qu’embarras et tristesse. Épuisé par de longues fatigues, il en avait oublié jusqu’à la triste histoire. On n’osa pas le conduire à l’Académie, qui l’avait élu pendant son absence, mais jusqu’à sa mort il trouva dans la petite maison de la rue des Bernardins les soins les plus intelligents et les plus affectueux.

Bernard survécut longtemps à Antoine: silencieux et caché par goût et par modestie, il n’était ni inconnu ni abandonné, et sa profonde douleur, en alarmant ses amis, accrut l’assiduité et l’empressement des meilleurs d’entre eux; chaque mercredi et chaque samedi, son confrère Duhamel venait le prendre dans son carrosse et le conduire au Louvre, à la séance de l’Académie; il le ramenait ensuite et partageait son modeste repas.

Sa maison reçut en 1765 un hôte nouveau et un peu dépaysé d’abord. Laurent de Jussieu, le célèbre auteur du Genera plantarum, devint, à l’âge de dix-sept ans, le commensal et le compagnon d’un vieillard triste et sérieux, que pendant son enfance il n’avait pas approché une seule fois. Chacun cependant y mit du sien: les soins et les leçons de Bernard inspirèrent à Laurent, avec la déférence d’un disciple, une affection réellement filiale. La vie austère de Bernard, consacrée à la science et à l’amitié, n’avait jamais ouvert son cœur à d’autres joies; mais la nature de Laurent différait de la sienne; son oncle le comprit, et pourvu qu’il se montrât exact à l’heure du souper, le jeune homme n’était jamais questionné sur les sorties qui pouvaient le précéder ou le suivre.

L’affection et la vénération de Laurent méritèrent toute l’estime de Bernard, qui le traita bientôt comme un ami avec qui on peut tout penser, tout dire et tout entendre; la science eut toujours la plus grande mais non la seule place dans leurs entretiens, qui parfois même moins graves que de coutume, les amenaient à lire ensemble quelques pages de Rabelais. Le vieil oncle confia bientôt à son neveu toute l’administration de la maison en lui disant: «Tout ce qui est à moi est à toi.» Cette parole était vraie à la lettre et s’étendait à son trésor le plus intime, à l’œuvre et à la préoccupation de toute sa vie, à sa méthode de classification des plantes, dont il le fit l’héritier, le dépositaire et le continuateur. Longtemps après la mort de son frère, Bernard ayant une dépense considérable à faire, ouvrit un vieux coffre où Antoine déposait ses économies et y prit 40,000 francs; mais le coffre servit toujours au même usage, et au moment de la mort de Bernard, il était rempli de nouveau. «Mon grand-oncle, disait Adrien de Jussieu, le digne fils de Laurent, traita ses idées scientifiques comme ses écus. Il les empila sans daigner s’en servir, ouvrit son coffre une seule fois et le légua à son héritier encore à moitié plein. Le modeste Bernard, depuis longtemps grand-maître dans la science des plantes, et connu pour tel de tous les botanistes de l’Europe, avait constamment refusé de faire des leçons publiques; il craignait d’ignorer l’art de bien dire. Ce fut l’académicien Lemonnier, frère de l’astronome, qui succéda à Antoine dans la chaire du Jardin du Roi. Forcé bientôt comme médecin des enfants de France de résider à Versailles, il dut se faire suppléer à Paris. Buffon, sur la présentation de Bernard, fit monter Laurent de Jussieu, âgé de vingt-deux ans, dans la chaire où le digne vieillard, non moins ému que lui, lui présentait silencieusement, comme à ses prédécesseurs, les plantes soigneusement choisies et que souvent la veille il lui avait appris à connaître.

Bernard n’a presque rien écrit: quatre mémoires publiés par l’Académie des sciences forment ses œuvres complètes; ils n’expliqueraient pas, malgré leur mérite réel, son immense et juste renommée. Méditant sans cesse sur les caractères des plantes pour en peser l’importance, observant toutes les analogies, estimant toutes les différences, et dans la diversité des détails contemplant l’harmonie de l’ensemble, Bernard ne cherchait pour elles ni un dénombrement ni même une nomenclature ou une ordonnance, mais un enchaînement. Lorsque Louis XV, inspiré par Lemonnier, le chargea d’établir à Trianon, dans un jardin des plantes, une école pratique de botanique, Bernard, forcé de donner une direction, dut fixer enfin son esprit toujours en suspens, et l’ordonnance générale de ses plantations, tout en trahissant quelques incertitudes, révélait clairement le principe déjà trouvé de la méthode naturelle. Le catalogue des plantes de Trianon était l’esquisse d’un grand ouvrage. Laurent de Jussieu, dépositaire et héritier des résultats de son oncle, le fut aussi de ses principes; et en publiant, quinze ans après la mort de Bernard, le célèbre Genera plantarum, il vint achever et accomplir pieusement le dessein de celui qu’il nomma jusqu’au bout son guide et son maître.

Haüy, étranger aux sciences jusqu’à l’âge de quarante ans, amené par un heureux instinct de son génie à réunir et à étudier des minéraux, devint le créateur d’une science nouvelle et l’une des gloires les moins contestées de l’Académie. Fils d’une pauvre famille, élevé par charité au collége de Navarre et satisfait d’un modeste emploi de régent, il enseignait le latin aux élèves de sixième, puis successivement à ceux de quatrième et de seconde. Ami intime du grammairien Lhomond, il avait pris près de lui le goût de la botanique, qui le conduisit au Jardin des Plantes, où le cours de Daubenton sur la minéralogie l’introduisit dans l’étude des cristaux. Le caractère fondamental de l’espèce, qui dans les plantes et les animaux est tiré de la reproduction, manque complétement dans les minéraux; c’est là une difficulté qui a longtemps retardé les progrès de la science. La composition chimique fournit, il est vrai, une base précise de classification, mais cette composition d’une part n’est pas toujours facile à connaître, et les minéralogistes d’ailleurs se refusent non sans raison aux conséquences d’un principe exclusif qui les obligerait, par exemple, à confondre la craie avec les cristaux transparents de spath d’Islande, ou le charbon avec le diamant. Tout en accordant à la composition chimique une importance considérable, une classification réellement naturelle doit faire nécessairement intervenir les propriétés physiques des corps.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
01 ağustos 2017
Hacim:
370 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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