Kitabı oku: «Ma confession», sayfa 2

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III

Je vécus ainsi, m'adonnant à cette folie jusqu'à mon mariage.

Je partis d'abord pour l'étranger.

La vie en Europe et mes rapports avec les hommes du progrès et les savants européens m'affermirent de plus en plus dans ma foi au perfectionnement en général, puisque cette-même croyance je la trouvais chez eux aussi.

Cette croyance prit en moi la forme habituelle, celle qu'elle a chez la majorité des hommes instruits de notre temps. Elle s'exprimait par le mot «progrès».

Il me semblait alors que ce mot exprimait quelque chose.

Je ne comprenais pas encore que, tourmenté comme tout homme vivant par cette question: «Comment faire pour mieux vivre en accord avec le progrès?» je répondais justement ce que l'homme dont la barque est entraînée par les vagues et le vent répondrait à l'unique question qui existe encore pour lui: «Quelle est la route du salut?» Comme lui, en effet, je disais: «Où la fortune nous porte.»

Alors je ne remarquais pas cela.

De temps à autre, pourtant, mon sentiment – je ne dis pas mon esprit – se révoltait contre ce préjugé général de notre temps, derrière lequel les hommes se retranchent quand ils ne peuvent pas donner d'explication à la vie.

Ainsi, pendant mon séjour à Paris, la vue d'une exécution capitale suffit à me montrer la fragilité de ma confiance dans le progrès.

Quand je vis la tête se détacher du corps et tomber avec un bruit lugubre dans le fond du panier, je compris, non pas par l'esprit, mais par tout mon être, qu'aucune théorie de la raison du progrès ne pouvait justifier cette action.

Quand même l'humanité, s'appuyant sur n'importe quelle théorie, aurait trouvé depuis le commencement du monde et trouverait encore ce châtiment nécessaire, moi, je sais qu'il ne l'est pas et que même c'est une action mauvaise. Et quand même les hommes et le progrès voudraient me démontrer que ce châtiment est salutaire et nécessaire, mon cœur à moi en est le juge et le niera toujours.

Une autre circonstance vint me prouver la nullité de la foi dans le progrès: ce fut la mort de mon frère.

Spirituel, bon, sérieux, il tomba malade, étant tout jeune encore. Il souffrit plus d'un an et mourut douloureusement sans avoir compris pourquoi il avait vécu et encore moins pourquoi il mourait.

Aucune théorie ne put venir à l'aide ni à ses questions ni aux miennes pendant sa lente et cruelle agonie.

Mais ceci n'était que de rares occasions de doute.

En réalité je continuais à vivre, pratiquant seulement la foi dans le progrès.

– Tout se développe et je me développe; mais pourquoi je me développe avec tous les autres, nous le verrons plus tard.

C'est ainsi que j'aurais dû alors formuler ma croyance.

Revenu de l'étranger, je m'établis à la campagne et voulus m'occuper des écoles de paysans. Cette occupation m'était surtout agréable, puisqu'il n'y avait pas en elle ce mensonge évident qui m'avait sauté aux yeux dans le cours de mon enseignement littéraire; ici aussi j'agissais au nom du progrès, mais je me comportais déjà en critique envers ce progrès. Je me disais que certains phénomènes du progrès ont une marche bizarre, irrégulière, et qu'il fallait se comporter avec une grande libéralité envers des gens primitifs, comme étaient les enfants des paysans, et que même il fallait leur laisser choisir la voie qu'ils voudraient pour aller vers le progrès.

En réalité, je tournais toujours autour de ce même et insoluble problème qui consistait à enseigner sans savoir quoi.

Dans les hautes sphères du travail littéraire, je comprenais qu'on ne pouvait instruire, car je voyais que tous enseignaient différemment et seulement par des discussions et tout en se cachant mutuellement leur ignorance; mais ici, avec les enfants des paysans, je croyais qu'on pouvait tourner cette difficulté en laissant les enfants apprendre ce qu'ils voulaient.

Je ris de moi-même maintenant en me rappelant comment je biaisais pour accomplir mon désir – enseigner, – quoique je susse très bien au fond de mon âme que je ne pouvais rien enseigner de ce qui pouvait être nécessaire, ne sachant pas moi-même ce qu'il fallait entendre par là.

Après un an passé dans ces organisations d'écoles, je partis encore une fois pour l'étranger, afin d'apprendre comment faire pour savoir enseigner aux autres, ne sachant rien soi-même.

Et il me parut que j'avais appris cela à l'étranger, car, armé de toute cette grande sagesse, l'année de l'émancipation des serfs, je rentrai en Russie où, ayant occupé le poste de juge de paix, je commençai à enseigner, au peuple ignorant dans les écoles, et au peuple instruit dans le journal que je me mis à éditer.

Tout paraissait bien marcher, mais je sentais que je n'étais pas tout à fait sain d'esprit et que cela ne pourrait pas se prolonger longtemps.

J'en serais venu peut-être alors déjà à ce désespoir auquel j'arrivai quinze ans plus tard, si je n'avais pas envisagé un autre côté de la vie que je n'avais pas encore éprouvé et qui me promettait le bonheur: c'était la vie de famille.

Pendant une année, je rendis la justice, je m'occupai d'écoles et de journalisme, et je fus bientôt accablé de fatigue. Si insupportable devint la lutte pour la conciliation, si vaguement se manifesta mon activité dans les écoles, si répugnant m'était devenu mon échappatoire dans le journal, laquelle consistait toujours dans la même chose, dans le désir d'instruire et de cacher que je ne savais rien, que je tombai malade, plutôt moralement que physiquement.

Alors j'abandonnai tout et je partis pour le désert, chez les Bashkirs, respirer l'air, boire le koumyss et vivre de la vie animale…

Quand je revins, je me mariai.

L'influence d'une vie de famille heureuse me détourna de toute recherche du sens général de la vie.

Toute ma vie en ce temps-là se concentra sur ma famille, sur ma femme, sur mes enfants.

Ainsi, par conséquence, grandit aussi le souci d'augmenter nos ressources pécuniaires.

Ma première aspiration, celle de me rendre moi-même meilleur, avait fait place déjà auparavant à celle de concourir au progrès général; et maintenant je ne pensais plus qu'à ce qui serait le meilleur pour moi et ma famille.

Ainsi passèrent quinze ans encore.

Bien que je me rendisse compte du vide de la littérature actuelle, je continuais néanmoins à écrire pendant ces quinze ans. Je connaissais déjà l'attraction qu'exercent les lettres; j'avais goûté au plaisir de voir un mince travail si largement récompensé par l'argent et les applaudissements; de nouveau je subis la tentation et je m'y adonnai comme à un moyen d'améliorer ma position matérielle et d'assoupir dans mon âme toutes les questions sur le sens de ma vie à moi et de la vie en général.

J'écrivais, enseignant ce qui était pour moi la seule vérité: qu'il fallait vivre de manière à se rendre soi-même et sa famille le plus heureux possible.

Ainsi je vécus, mais il y a cinq ans que quelque chose d'étrange se manifesta en moi.

D'abord ce furent des moments de perplexité, d'arrêt de la vie, comme si je ne savais pas comment vivre, quoi faire, et je me sentis perdu et je tombai dans l'abattement. Mais cela passait et je continuais à vivre comme auparavant.

Ensuite ces moments de perplexité se renouvelèrent toujours plus fréquemment sous la même forme.

Ces arrêts de vie se manifestaient toujours par les mêmes questions:

– Pourquoi?

– Et quoi après?

Il me sembla tout d'abord que ces questions venaient sans but et sans à-propos. Il me parut qu'elles étaient déjà connues et que, si je voulais un jour m'occuper de leur solution, cela me serait très facile, que le temps seul me manquait pour le faire et qu'aussitôt que je le voudrais j'étais sûr de trouver les réponses. Mais les questions commencèrent à se répéter toujours plus souvent; elles furent de plus en plus impératives. Les réponses étaient exigées et ces questions sans réponses tombant comme des points toujours sur la même place, s'accumulèrent en une grande tache noire.

Il arriva ce qui se produit quand une maladie intérieure est sur le point de se déclarer.

D'abord paraissent des symptômes insignifiants, des malaises auxquels le malade ne pas fait attention; ensuite ces symptômes se répètent de plus en plus souvent et finalement se résument en une souffrance unique et continue. La souffrance croît, et avant que le malade ait le temps de se reconnaître, il comprend que ce qu'il prenait pour un malaise est ce qui pour lui a le plus d'importance au monde, la Mort.

La même chose m'arriva.

Je compris que ce n'était pas un malaise accidentel, mais quelque chose de très grave et que, si les mêmes questions se répétaient toujours, c'était qu'il fallait y répondre.

Et j'essayais de le faire.

Les questions paraissaient d'abord si absurdes, si simples, si enfantines. Mais du moment que j'y touchai et que j'essayai de les résoudre, je fus instantanément convaincu que, premièrement ce n'étaient pas des questions enfantines ou imbéciles, mais que c'étaient les questions les plus graves et les plus profondes de la vie; et, secondement, que je ne pouvais, que j'aurais beau y penser, qu'il me serait impossible de les résoudre.

Avant de m'occuper de ma terre de Samara, de l'instruction de mon fils, de la rédaction d'un livre, il fallait que je susse pourquoi je le ferais.

Tant que je ne saurais pas pourquoi, je ne pouvais rien faire, je ne pouvais pas vivre.

Au milieu de mes pensées domestiques qui m'intéressaient beaucoup alors, tout à coup il me venait dans la tête la question:

– C'est bien, tu auras six mille deciatines dans le gouvernement de Samara, – trois cents têtes de chevaux… Et après?

Et j'étais complètement déconcerté et ne savais plus que penser.

Ou bien, réfléchissant à la manière dont j'élèverais mes enfants, je me disais:

– Pourquoi?

Ou bien, supputant les moyens par lesquels le peuple pouvait arriver au bien-être, je me disais brusquement:

– Et qu'est-ce que cela me fait?

Ou bien, pensant à la gloire que mes ouvrages me procureront, je me disais:

– C'est bien: tu seras plus célèbre que Gogol, Pouchkine, Shakespeare, Molière et que tous les auteurs du monde… Et après?..

Et je ne pouvais rien et rien répondre.

Ces questions n'attendent pas: il faut y répondre tout de suite; si on ne répond pas, on ne peut pas vivre.

Et il n'y a pas de réponse.

Je sentis que ce quelque chose sur quoi la vie repose se brisait, qu'il n'y avait plus rien où je pusse me retenir; que ce dont je vivais n'était déjà plus; que moralement je ne pouvais plus vivre.

IV

Ma vie s'arrêta.

Je pouvais respirer, manger, boire, dormir, car je ne pouvais pas ne pas manger, ne pas boire, ne pas dormir; mais la vie ne se manifestait pas en moi, puisque je ne sentais pas la raison de mes désirs ni la satisfaction de les voir accomplis.

Si je voulais quelque chose, je savais d'avance que, mon désir fût-il réalisé ou non, rien n'en résulterait.

Si une fée était venue et m'avait proposé d'accomplir mes vœux, je n'aurais su que dire.

Si parfois, dans un moment d'ivresse de la pensée, il me venait comme une réminiscence de mes anciennes aspirations, je savais que ce n'était que supercherie, que je ne devais rien en attendre.

Je ne pouvais même pas souhaiter de connaître la vérité, puisque je devinais déjà en quoi elle consistait.

La vérité est que la vie est un non-sens.

J'avais vécu, travaillé, marché en avant et j'étais arrivé à un abîme, et il n'y avait rien devant moi excepté la ruine.

Et cependant je ne pouvais ni m'arrêter, ni revenir sur mes pas, ni fermer les yeux pour ne pas voir qu'en dehors des souffrances et de la mort absolue, c'était le vide, l'anéantissement complet.

Il arriva que moi, homme bien portant et heureux, je sentis que je ne pouvais plus vivre.

Une invincible force m'entraînait à me débarrasser de la vie d'une manière ou d'une autre.

On ne peut pas dire que je voulusse me tuer.

La force qui m'entraînait hors de la vie était plus puissante, plus pleine, plus générale que le désir que j'en pouvais avoir.

C'était une force semblable à celle de mon ancienne aspiration à la vie; seulement elle se produisait en sens inverse.

J'aspirais de toutes mes forces à me défaire de la vie.

L'idée du suicide me vint tout aussi naturellement que précédemment les idées de l'amélioration de la vie.

Cette idée était si tentante que je devais user de ruse envers moi-même pour ne pas l'accomplir trop précipitamment. Je ne voulais pas me hâter, uniquement parce que je voulais voir clair en moi; si j'y parvenais, il serait toujours temps.

Et voilà que moi, homme heureux, je me cachais la corde pour ne pas me pendre à la solive, entre les armoires de la chambre, où chaque soir j'étais seul en me couchant, et je n'allai plus à la chasse avec mon fusil, pour ne pas être tenté par ce moyen trop facile de me défaire de la vie.

Je ne savais pas moi-même ce que je voulais: j'avais peur de la vie, je tendais à en sortir, et malgré cela j'espérais d'elle encore quelque chose.

Cela se passait dans un moment où toutes choses étaient pour moi ce qui peut être considéré comme le bonheur complet; je n'avais pas encore cinquante ans; j'avais une épouse, bonne, aimante et aimée; de bons enfants, un grand bien qui s'accroissait sans aucune peine de ma part. J'étais respecté de mes proches et de mes connaissances plus que jamais je ne l'avais été; j'étais comblé d'éloges par les étrangers et je pouvais croire sans exagération mon nom célèbre.

Avec cela je n'étais pas fou, ou malade psychiquement. Au contraire, je jouissais d'une force morale et physique, que j'ai rarement rencontrée parmi les personnes de mon âge. Physiquement je pouvais faucher tout aussi bien que les paysans. Intellectuellement je pouvais travailler huit heures de suite sans éprouver aucune conséquence fâcheuse d'un pareil effort.

Et c'est dans cet état que j'arrivai à ne pouvoir pas vivre; et, ayant peur de la mort, je devais employer des ruses pour ne pas me tuer.

Cet état de mon âme se traduisait ainsi:

– Ma vie est quelque méchante et stupide plaisanterie qui m'est jouée par quelqu'un.

Bien que je ne reconnusse aucun quelqu'un qui m'eût créé, cette idée que quelqu'un s'était moqué de moi sottement et méchamment en me produisant au monde, était la forme la plus ordinaire sous laquelle mes inquiétudes se manifestaient.

Il me semblait involontairement que là, quelque part, il y avait ce quelqu'un, qui s'amusait maintenant à me regarder!

J'avais vécu trente ou quarante ans en apprenant, en me développant, en grandissant de corps et d'esprit, et maintenant que je m'étais tout à fait fortifié l'esprit, que j'étais arrivé au sommet de la vie, à ce point, où elle s'ouvre entièrement, je me tenais comme un crétin sur ce sommet, comprenant clairement qu'il n'y avait rien dans la vie, qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais rien.

– Et lui de se moquer de moi!

Mais s'il est ou s'il n'est pas ce quelqu'un qui se moque de moi, cela ne me soulage pas.

Je ne pouvais donner aucun sens raisonnable à aucune action de ma vie.

Je m'étonnais seulement comment j'avais pu ne pas comprendre cela dès le commencement.

Tout cela, me disais-je, est depuis si longtemps connu de tout le monde! Si ce n'est aujourd'hui, ce sera demain que viendront les maladies, la mort, – et elles sont déjà venues, – pour les personnes aimées, pour moi, et il ne restera rien, excepté la pourriture et les vers. Mes actions, quelles qu'elles soient, seront oubliées tôt ou tard et moi je ne serai plus. Pourquoi donc prendre du souci? Comment l'homme peut-il ne pas voir cela et vivre, voilà ce qui est étonnant. On peut vivre seulement pendant qu'on est ivre de la vie; mais lorsqu'on se dégrise, on ne peut pas ne pas voir que tout cela n'est qu'une supercherie et une supercherie stupide. Ce qui est déjà bien vrai, c'est qu'il n'y a même rien de risible ou d'ingénieux en cela; ce n'est que cruel et stupide, tout simplement.

La fable orientale du voyageur surpris dans le désert par un animal furieux, est bien vieille.

Se sauvant d'une bête féroce, le voyageur saute dans un puits sans eau; mais au fond de ce puits, il voit un dragon, la gueule ouverte pour le dévorer. Et le malheureux, n'osant sortir de peur d'être la proie de la bête féroce, n'osant pas sauter au fond pour ne pas être dévoré par le dragon, s'attache aux branches d'un buisson sauvage qui croît dans la fente du puits. Ses mains faiblissent et il sent que bientôt il devra s'abandonner à une perte certaine; mais il se cramponne toujours et voit que deux souris, l'une noire, l'autre blanche, faisant également le tour du buisson auquel il est suspendu, le rongent par dessous.

Le voyageur voit cela et sait qu'il périra inévitablement; mais, pendant qu'il est ainsi suspendu, il cherche autour de lui et il trouve sur les feuilles du buisson quelques gouttes de miel; il les atteint avec la langue et les suce avec volupté.

C'est ainsi que je me tiens sur les branches de la vie, sachant que le dragon de la mort m'attend inévitablement, prêt à me déchirer, et je ne puis comprendre pourquoi je suis martyrisé de la sorte. J'essaye de sucer ce miel qui me consolait autrefois; mais ce miel ne me réjouit plus et la souris blanche ainsi que la souris noire rongent jour et nuit la branche à laquelle je me tiens. Je ne vois qu'une seule chose: l'inévitable dragon et les souris – et je ne puis détourner d'eux mon regard.

Ceci ce n'est pas une fable, mais c'est la pure, l'incontestable vérité, compréhensible pour tous.

La supercherie des jouissances de la vie passée, qui étouffaient l'horreur du dragon, ne m'abuse plus.

On a beau me dire:

– Tu ne peux pas comprendre le sens de la vie; ne pense pas, vis!

Je ne puis pas faire cela, parce que je l'ai fait trop longtemps déjà.

Je ne puis pas ne pas voir maintenant le jour et la nuit qui courent et me mènent à la mort.

Je ne vois que cela puisque c'est la seule vérité. Tout le reste est mensonge.

Ces deux gouttes de miel qui, plus longtemps que les autres, me détournaient les yeux de la cruelle vérité, – l'amour pour ma famille et pour les lettres, que je nommais art, – n'avaient plus de douceur pour moi.

– La famille … me disais-je; – mais la famille – épouse, enfants, ils sont donc aussi des hommes. Ils se trouvent dans les mêmes conditions que moi: ils doivent ou vivre dans le mensonge, ou bien voir l'affreuse vérité… Pourquoi donc doivent-ils vivre?

Pourquoi les aimerais-je, les protégerais-je, veillerais-je sur eux? Pour qu'ils connaissent le même désespoir qui est en moi ou pour qu'ils vivent en êtres stupides?

Les aimant, je ne puis leur cacher la vérité; chaque pas dans le savoir mène vers cette vérité. Et la vérité, c'est la mort.

L'art, la poésie…

Longtemps sous l'influence du succès et des louanges des hommes, je me persuadais que c'était là un travail qu'on pouvait faire malgré la mort qui détruira tout: mes actions et jusqu'à leur souvenir. Je voyais clairement que l'art est un ornement de la vie, un attrait de la vie. Mais la vie ayant perdu pour moi son attrait, comment pouvais-je y attirer les autres? Tant que j'ai vécu, sans me rendre compte de ma propre vie, influencé que j'étais par la vie des autres, tant que j'ai pensé que la vie avait un sens, bien que je ne pusse pas le définir, le reflet de la vie dans la poésie et dans les arts me faisait plaisir et je m'amusais à la regarder dans ce petit miroir de l'art. Mais lorsque je m'efforçai de trouver le sens de la vie, lorsque je sentis la nécessité de vivre moi-même, – ce petit miroir me devint inutile, superflu, à la fois-drôle et pénible. Il m'était déjà impossible de me consoler en voyant dans ce miroir que ma situation était stupide et désespérante. C'était bien de m'en réjouir quand je croyais au fond de mon âme que ma vie avait du sens. Alors ce jeu des lumières de la vie – comique, tragique, touchante, belle, affreuse – m'amusait. Mais lorsque je sus que la vie est horrible et n'est qu'un non-sens, le jeu du petit miroir ne pouvait plus me divertir. Le miel avait perdu pour moi toute douceur, car je voyais le dragon et les souris ronger mon appui.

Mais ce n'est pas tout encore. Si j'eusse simplement compris que la vie n'a pas de sens, j'aurais pu le savoir tranquillement, j'aurais pu savoir que tel est mon sort. Mais je ne pouvais pas me tranquilliser par là. Si j'avais été comme un homme dans une forêt qu'il sait sans issue, j'aurais pu vivre; mais j'étais comme un homme égaré dans la forêt et qui court de tous côtés pour trouver la sortie: il sait que chaque pas l'égare davantage et pourtant il ne peut se défendre de se jeter de tous côtés.

Voilà ce qui était affreux!

Et pour me débarrasser de cet effroi je voulais me tuer: j'éprouvais l'horreur de ce qui m'attendait, je savais que cette horreur est encore plus terrible que la situation même, mais je ne pouvais pas attendre la fin patiemment.

Malgré toute la force de cet argument: «quelque vaisseau se rompra dans le cœur ou quelque chose éclatera et tout sera fini,» je ne pouvais pas attendre la fin avec patience.

La terreur de l'obscurité était trop forte, et je voulais plus vite, plus vite, m'en débarrasser à l'aide d'une corde ou d'une balle.»

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Litres'teki yayın tarihi:
19 mart 2017
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