Kitabı oku: «La cour et la ville de Madrid vers la fin du XVIIe siècle», sayfa 26
APPENDICE
NOTE A
LA DÉVOTION A LA CROIX
Eusebio et Julia naquirent dans une forêt, au pied d'une croix. Pendant les douleurs de l'enfantement, leur mère implora l'assistance de la croix, dont l'image sanglante s'imprima sur la poitrine des deux enfants, comme un signe visible de la grâce divine. Recueilli par un berger qui l'élève, Eusebio se lasse bientôt de la vie paisible qu'il mène chez son bienfaiteur. Il préfère à sa chaumière l'agitation d'une vie aventureuse. Grâce à la croix qui le protége, il échappe au naufrage, à l'incendie, aux poursuites des brigands. Mais il finit par se faire brigand lui-même, et devient incestueux et assassin. Toutefois, au milieu de ses forfaits, il conserve une ardente dévotion à la croix au pied de laquelle il est né, et dont l'image est gravée sur sa poitrine. Il habite les forêts et les montagnes les plus inaccessibles, et guette les voyageurs pour les dépouiller. Lorsqu'il tue un homme, il a soin de couvrir le cadavre d'un peu de terre et de planter une croix sur le lieu de la sépulture. Sa conscience est ainsi satisfaite, et il ne ressent plus aucun remords. Quelquefois, l'aspect subit du signe sacré l'arrête au moment où il va verser le sang. Lorsqu'il a déjà frappé sa victime, il lui permet d'aller se confesser avant de mourir. Lizardo, le fiancé de sa sœur, auquel il vient d'accorder cette grâce, lui promet d'intercéder auprès de Dieu pour lui obtenir plus tard la même faveur. Un jour, il surprend, avec sa bande, un saint évêque, nommé Alberto, qu'il épargne. Le prêtre, touché de sa générosité pieuse, prend l'engagement de venir l'assister dans ses derniers instants.
Sa sœur Julia est entrée dans un couvent après la mort de son fiancé. Eusebio vient l'en arracher; mais, en voyant l'image de la croix empreinte sur sa poitrine, il s'enfuit éperdu. Cependant Julia, déguisée en homme, s'échappe de son couvent et va rejoindre Eusebio, qui la repousse avec terreur. En ce moment, des cris de mort se font entendre. Les paysans armés fondent sur les brigands. A leur tête est Curcio, le père d'Eusebio et de Julia. Eusebio paraît sur un rocher. Les paysans l'entourent: ils vont l'atteindre. Désespérant de son salut, il se précipite en invoquant Lizardo et Alberto. Les paysans trouvent son corps brisé, et l'enterrent sous d'épais branchages, car il est mort sans confession, et ne mérite pas de reposer en terre sainte. Mais un cri sourd et plaintif a retenti dans la forêt: Alberto! En effet, le saint évêque est revenu de Rome pour remplir sa promesse. Il entend la voix qui l'appelle et se hâte d'écarter les branchages qui couvrent Eusebio. C'est un cadavre, déjà glacé par la mort. Il se dresse lentement et se confesse au milieu des assistants glacés de terreur. Le prêtre n'hésite pas à donner l'absolution à celui pour qui Dieu vient d'accomplir un miracle. Aussitôt le cadavre redevient muet et rentre dans sa tombe. Julia arrive en ce moment. Alberto lui apprend la mort d'Eusebio et le miracle dont il avait été témoin. Saisie d'épouvanté, elle embrasse la croix plantée sur la sépulture de son frère et fait vœu de retourner dans son couvent. Son père arrive pour la saisir, mais au même instant ses vêtements d'homme tombent, et on la voit agenouillée, en habit de religieuse, devant la croix qui s'élève avec elle dans les airs et l'emporte triomphante au ciel. Les nuages se partagent; Eusebio apparaît entouré d'une auréole radieuse, les bras étendus vers Julia. (Weiss, t. II, page 360.)
NOTE B
LES PRIVILÉGES DU ROYAUME D'ARAGON
Les libertés des Aragonais existaient de toute antiquité; cependant elles ne furent expressément définies qu'en 1283, époque où le roi Don Pedro III signa la charte connue en Aragon sous le nom de Privilége général. Cette charte formulait les droits des Cortès, des ordres, des personnes, suivant leur condition, et réglait, en conséquence, l'administration de la justice. Elle était considérée comme la base de toutes les institutions du pays. Les rois, à leur avénement, juraient d'en respecter les clauses. Ils ne pouvaient ni conférer des fonctions à des étrangers, ni garder des soldats étrangers à leur solde, ni décréter des lois, ni lever des contributions, ni entreprendre des guerres sans l'assentiment des Cortès.
Les Cortès se composaient des ricoshombres, des évêques et des élus des chapitres, des députés des caballeros, enfin des députés des villes. Ces ordres, les quatre bras de l'État, écoutaient réunis les demandes que le Roi leur adressait en personne; ils en délibéraient séparément, formulaient leurs griefs et, le plus souvent, ne concédaient rien au Roi avant qu'il ne leur eût donné satisfaction. Les moindres affaires entraînaient des discussions interminables, si fort orageuses d'ordinaire, que les partis en venaient aux mains. Il n'était pas facile, en effet, d'arriver à une solution dans de semblables assemblées. L'unanimité des votes était requise, et le Roi n'avait même pas la ressource de dissoudre les Cortès; il devait donc s'armer de patience et s'estimer heureux s'il obtenait, en définitive, les subsides qu'il réclamait. Enfin, les Cortès se séparaient, elles déléguaient alors leur autorité à une députation permanente qui, dans l'intervalle, souvent fort long des sessions, veillait au maintien des droits de chacun; et ce n'était pas chose facile, à une époque où la fraude, la corruption et la violence semblaient des moyens d'action parfaitement légitimes.
Les priviléges qui sauvegardaient la liberté des personnes et la sécurité des biens, étaient l'objet de contestations perpétuelles. Les Rois s'étaient emparés de la juridiction criminelle qui jadis appartenait aux ricoshombres et aux villes, et ils en usaient sans le moindre scrupule dans leur intérêt. S'agissait-il pour eux de se débarrasser d'un adversaire? ils l'impliquaient dans un procès criminel, et le faisaient condamner par des juges à leur dévotion. Les juges n'hésitaient jamais, mais leurs sentences ne s'exécutaient pas sans opposition. Les Aragonais invoquaient leurs priviléges et, en forme d'argument, recouraient volontiers aux armes. Enfin un accord s'était fait. Les Rois avaient conservé le droit de justice, mais les parties qui se trouvaient lésées pouvaient en appeler au tribunal du grand-justicier. Ce personnage était nommé par le Roi et par l'Assemblée des Cortès; il ne pouvait être révoqué que de leur consentement mutuel; en cas de violation de ses devoirs, il était jugé par les Cortès, et, pour cette raison, il était pris, non dans la classe des ricoshombres, que leurs priviléges mettaient à l'abri de la peine capitale, mais dans celle des simples caballeros. Assisté de ses lieutenants, le grand-justicier revisait les sentences rendues par les juridictions royales, et les cassait s'il ne les trouvait pas conformes aux lois du royaume. Il était lui-même surveillé par des inquisiteurs qui contrôlaient ses actes, et en rendaient compte à la députation permanente. Cette délégation des Cortès faisait exécuter les sentences du grand-justicier et, si elle le jugeait nécessaire, elle appelait le peuple aux armes pour la seconder.
Le droit d'appel au grand-justicier était cher aux Aragonais. Il était, disaient-ils, la manifestation de leurs libertés. Les Rois catholiques n'osèrent y porter atteinte, mais il essayèrent de l'annuler à l'aide des procédures de l'Inquisition. En raison de son caractère religieux, l'Inquisition semblait n'avoir rien à démêler avec la politique. Les Aragonais laissèrent donc sa juridiction s'étendre sur leur pays; à l'origine, ils furent même satisfaits de voir brûler des Juifs et des Maures, mais ils ne tardèrent pas à s'apercevoir que, sous prétexte d'atteintes à la religion, l'Inquisition évoquait des causes qui ne lui appartenaient pas, et contestait les priviléges que le grand-justicier était chargé de défendre. L'autorité civile et l'autorité religieuse entrèrent en lutte. Le grand-justicier mettait en liberté les prévenus que l'Inquisition avait fait arrêter; l'Inquisition excommuniait le grand-justicier, le grand-justicier en appelait à la cour de Rome, et les Cortès votaient les sommes les plus considérables pour assurer le triomphe de leur cause. Cette situation se prolongea jusque vers la fin du règne de Philippe II. Fatigué de l'indocilité des Aragonais, ce prince avait renoncé à réunir les Cortès. Il ne leur demandait plus de subsides, et abandonnait le pays à lui-même. Une circonstance imprévue le décida à mettre un terme à cette anarchie. Le secrétaire d'État Antonio Perez qu'il poursuivait de sa haine, s'étant réfugié à Saragosse, le Roi voulut le faire juger par le tribunal de l'Inquisition. Antonio Perez réclama ses priviléges d'Aragonais; un soulèvement s'ensuivit. Le Roi fit entrer ses troupes en Aragon et s'empara de Saragosse. Après avoir intimidé les mutins par le supplice du grand-justicier et d'un nombre considérable d'autres personnages, il réunit les Cortès, et se fit concéder le droit de révoquer le grand-justicier, de nommer aux fonctions sans distinction de nationalité, enfin de tenir garnison à Saragosse. L'organisation des Cortès ne fut pas essentiellement modifiée. Le Roi se réserva seulement de déléguer la présidence à un personnage de son choix, de ne point appeler, s'il le jugeait à propos, la classe turbulente des caballeros, enfin d'accorder le droit de représentation à des villes qui n'avaient point ce privilége. Il faut le reconnaître, Philippe II usa avec modération de l'ascendant que lui donnaient les circonstances. Les princes qui lui succédèrent eurent à le regretter. Libres d'accorder ou de refuser les impôts, de promulguer les lois, de gouverner en un mot le pays, les Cortès continuèrent à tenir les Rois d'Espagne en échec jusqu'au jour où l'Aragon prit parti contre Philippe V, succomba dans la lutte et se vit enlever ses priviléges.
NOTE C
LES RICOSHOMBRES
Les ricoshombres n'étaient autres, en termes généraux, que les grands barons de l'Espagne; mais si nous arrivons aux détails, il faut cette fois, comme toujours, distinguer entre le royaume de Castille et le royaume d'Aragon.
Le régime des États qui reconnaissaient pour souverains les Rois d'Aragon était essentiellement féodal. La population indigène était réduite à la condition du servage, si ce n'est dans les villes, qui avaient chacune leurs priviléges et les défendaient énergiquement. Les seigneurs d'origine franque en Catalogne, navarraise en Aragon, formaient la race dominante. Ils s'étaient partagé le sol d'après les règles de la hiérarchie féodale. Leurs fiefs relevaient à divers degrés de la couronne. Les caballeros étaient ainsi les vassaux des ricoshombres, et les ricoshombres reconnaissaient pour leur suzerain et souverain seigneur le Roi. Ces éléments se modifièrent sans doute par la suite des temps; les ricoshombres n'en demeurèrent pas moins les chefs d'une aristocratie puissante qui manifesta son ascendant jusqu'à la fin du dix-septième siècle.
Il en était autrement en Castille. Le sol avait été successivement reconquis et ensuite repeuplé par les Wisigoths espagnols, descendus des montagnes où ils s'étaient réfugiés. Libres et fiers d'être libres, les Espagnols s'étaient organisés, il est vrai, dans des conditions analogues à celles de la féodalité. Mais alors même ils avaient conservé cet esprit d'indépendance germanique que Tacite a caractérisé par une phrase célèbre: «Reges ex nobilitate, duces ex virtute sumunt.» Ils devaient ainsi le service militaire à leur Roi; mais, à la différence du régime féodal, ils étaient libres de choisir leur chef. Ce chef était le plus souvent un aventurier brave et entreprenant. Sa demeure, entourée d'épaisses murailles, lui permettait de mettre à l'abri d'une incursion de l'ennemi les vivres et les armes qui formaient ses seules richesses. Les chaudières qu'il faisait porter devant lui, et que nous retrouvons dans les armoiries de sa famille, attestaient qu'il était en mesure de pourvoir à l'entretien de ses compagnons d'armes. Sa renommée de vaillance attirait sous son pennon les cavaliers du voisinage. Il partageait avec eux son butin, et, si la fortune le secondait, il s'emparait de quelque forte position, d'où il pouvait dominer la contrée. Il engageait alors ses compagnons d'armes à se grouper autour de sa nouvelle demeure. Les terres étaient divisées; les plus fertiles revenaient au poblador, elles formaient le solar de sa famille; les autres étaient cédées en pleine propriété aux diviseros; une charte l'attestait et réglait en même temps les rapports du seigneur et de ses vassaux. Le seigneur s'engageait à protéger ses vassaux et à respecter leurs droits. Les vassaux devaient au seigneur le service militaire, les aides dans les conditions définies; en reconnaissance de sa munificence, ils lui baisaient la main et témoignaient ainsi qu'ils se dévouaient à son service. Ils n'aliénaient pas néanmoins leur liberté, et conservaient le droit de se dégager en rendant leurs terres au seigneur. Ils étaient de vieux chrétiens, et se seraient révoltés à l'idée d'être enchaînés à la glèbe. Entouré de ses cavaliers toujours prêts à quitter la charrue pour courir aux armes, le señor de vassalos occupait déjà un rang considérable. Ses enfants héritaient-ils de sa valeur, de son heureuse chance, parvenaient-ils à accroître leurs domaines, leurs richesses, la voix publique les désignait comme des ricoshombres de tierra y solar conocido. Le Roi les appelait dès lors à siéger aux Cortès, à confirmer sa signature, à prendre ainsi part à tous les actes du gouvernement. Il leur reconnaissait le droit d'invoquer, le cas échéant, les priviléges qui garantissaient aux ricoshombres la sécurité de leurs personnes et de leurs biens. Mais ces biens, il fallait les défendre à la force du bras. Nul alors ne pouvait répondre du présent, encore moins de l'avenir. L'heure des revers arrivait; les familles déclinaient avec leurs richesses et leur puissance; elles perdaient leur rang, finissaient par se confondre parmi les simples infanzones. En Castille, disait Don Juan Manuel, les lignages montent et descendent selon que tourne la roue de fortune.
De simples hidalgos figuraient parfois au nombre des ricoshombres. Investis de fiefs détachés du domaine de la couronne, ils avaient reçu de la main du Roi le pennon et la chaudière, insignes de leur dignité; mais cette dignité leur était personnelle.
En définitive, ils étaient des vassaux, et n'avaient ainsi ni l'autorité ni l'indépendance des ricoshombres de naissance, qui ne devaient rien à la faveur royale. Le plus célèbre des ricoshombres, le Cid Campeador, l'entendait ainsi, lorsqu'il adressait au Roi Don Fernando ces altières paroles: J'aimerais mieux être attaché au clou à vous avoir pour seigneur, et à me dire votre vassal. De ce que mon père vous a baisé la main, je me tiens pour affronté.
La ricombria se maintint dans ces conditions pendant les guerres avec les Maures; elle en subissait les alternatives et passait de main en main, selon les chances de la fortune. Cette instabilité restreignait sa puissance. Mais il n'en fut pas toujours ainsi. Survinrent les guerres civiles. Les princes qui se disputaient la couronne en appelèrent aux ricoshombres; ils durent récompenser leurs services et aliéner entre leurs mains les domaines royaux. Don Enrique de Transtamare avait, entre autres, à satisfaire les aventuriers étrangers qui l'avaient suivi en Espagne. Il leur concéda les seigneuries qui leur revenaient pour leur part, selon les formes usitées en France et en Angleterre. Soria fut érigé en duché en faveur de Don Beltran Claquin; l'Anglais Don Hugo de Carbolay fut comte de Carrion; Don Bernal de Fox y Bearne épousa l'héritière de Medina-Celi, et les domaines de sa femme furent également érigés en comté. Les ricoshombres tinrent à s'égaler à ces étrangers. Ils se firent concéder des titres analogues; ils en arrivèrent enfin à une innovation qui devait changer la face de la société: la création des majorats. Ces majorats, à défaut d'hoirs mâles, se transmettant par les femmes, allèrent rapidement grossir l'avoir des grandes familles. Le marquis de Santillane, pour en citer un exemple, se trouva ainsi réunir soixante majorats et quatre-vingt mille vassaux. Les grands d'Espagne acquirent dès lors une puissance démesurée; la royauté se trouva complétement annulée. Mais cette même hérédité féminine allait avoir une conséquence à laquelle nul ne s'attendait. Doña Isabel, héritière de la couronne de Castille, épousa Don Fernando, héritier de la couronne d'Aragon. Grâce à la réunion de leurs couronnes, les Rois Catholiques recouvrèrent une autorité dont ils usèrent pour abaisser la grandesse. Les actes les plus importants de leur règne, tels que la confiscation de la grande maîtrise des ordres militaires, l'organisation des Cours de justice, de la Santa Hermandad, de l'Inquisition, furent dictés par cette politique. Les circonstances leur vinrent en aide. Il n'y avait plus à guerroyer contre les Maures; les grands perdirent ainsi l'usage des armes; ils se bornèrent à jouir de leurs immenses richesses, et s'isolèrent de leurs terres, d'où les rois catholiques se gardèrent bien de les tirer. Leur puissance s'évanouit; leurs priviléges, qui allaient jusqu'à leur donner le droit de s'armer contre le souverain, s'oblitérèrent insensiblement; mais leur orgueil n'en demeura pas moindre.
Les seigneurs castillans s'étaient toujours couverts devant le Roi. C'était là un ancien usage dont nul ne s'étonnait en Espagne; il n'en était pas de même à l'étranger. Les courtisans flamands de Philippe le Bon se découvraient devant leur prince, suivant l'étiquette de la cour de Bourgogne. Ils furent choqués du contraste qu'offrait leur attitude avec celle des Castillans. Ils en relevèrent l'inconvenance. Le duc de Najera et Don Juan Manuel, qui tenaient à plaire à Philippe, s'interposèrent. Ils décidèrent les Castillans à suivre l'exemple des Flamands; les Aragonais, au contraire, qui accompagnaient Ferdinand lors de sa rencontre avec son gendre, demeurèrent couverts. Il n'en fut rien de plus pour le moment. Les Castillans revinrent à leur ancien usage, mais l'incident se renouvela lorsque Charles-Quint arriva en Espagne. Cette fois, ce fut le duc d'Albe qui se mêla de l'affaire; il amena les Castillans à se découvrir devant le Roi. Charles, satisfait de cette concession, voulut en faire une de son côté, et il invita les seigneurs les plus qualifiés à se couvrir, en leur adressant ces mots qui devinrent sacramentels: Cubrios. En d'autres circonstances, Charles-Quint en usa de même. Ce n'était encore là, de sa part, qu'un acte de courtoisie. Philippe II, qui aimait la pompe, en fit une cérémonie. Ses successeurs constatèrent la cérémonie par des lettres patentes et transformèrent ainsi la grandesse en dignité.
NOTE D
LISTE
DES ARCHEVÊCHÉS ET ÉVÊCHÉS, DONNÉE A MADAME D'AULNOY PAR L'ARCHEVÊQUE DE BURGOS 158
Plusieurs personnes m'en ont parlé comme vous, Monseigneur, lui dis-je, mais j'espère m'en instruire parfaitement à Madrid. Je suis en état de vous éclaircir au moins d'une partie de ce que vous voulez savoir, reprit-il; quelques raisons m'ont obligé d'en faire un petit mémoire, et je pense même l'avoir sur moi. Il me le donna aussitôt, et, comme j'en ai gardé une copie, et qu'il me paraît curieux, je vais, ma chère cousine, vous le traduire ici.
VICE-ROYAUTÉS QUI DÉPENDENT DU ROI D'ESPAGNE
Naples, Sicile, Aragon, Valence, Navarre, Sardaigne, Catalogne, et, dans la Nouvelle-Espagne, le Pérou.
GOUVERNEMENTS DE ROYAUMES ET DE PROVINCES
Les États de Flandre, de Milan, Galice, Biscaye, les îles de Majorque et Minorque. Sept gouvernements dans les Indes occidentales, à savoir: les îles de Madère, le cap Vert, Mina, Saint-Thomas, Angola, Brésil et Algarves. En Afrique: Oran, Ceuta, Mazagran. En Orient: les Philippines.
ÉVÊCHÉS ET ARCHEVÊCHÉS DE LA NOMINATION DU ROI TRÈS-CATHOLIQUE DEPUIS QUE LE PAPE ADRIAN VI CÉDA LE DROIT QU'IL AVAIT D'Y NOMMER
Premièrement, dans les deux Castilles: l'archevêché de Tolède, dont l'archevêque est primat d'Espagne, grand chancelier de Castille et conseiller d'État. Il parle aux États et dans le Conseil, immédiatement après le Roi, et on le consulte ordinairement sur toutes les affaires importantes. Il a trois cent cinquante mille écus de revenu et son clergé quatre cent mille.
L'archevêque de Braga, en Portugal, lequel est seigneur spirituel et temporel de cette ville, et qui, pour marque de son autorité, porte la crosse à la main et l'épée au côté, prétend la primatie de toute l'Espagne et la dispute à l'archevêque de Tolède, parce que cette primatie était autrefois à Séville, qu'on la mit à Tolède à cause de l'invasion des Maures, et que, Tolède étant tombée entre leurs mains, elle fut transférée à Braga. De sorte que l'archevêque posséda longtemps cette dignité; mais, après que les Espagnols eurent repris Tolède, l'archevêque redemanda sa primatie; celui de Braga ne voulut pas consentir à la rendre, et ce différend n'ayant jamais été terminé, ils en prennent l'un et l'autre le titre.
L'archevêché de Séville vaut trois cent cinquante mille ducats, et son chapitre en a plus de cent mille. Il ne se peut rien voir de plus beau que cette cathédrale. Entre plusieurs choses remarquables, il y a une tour bâtie de briques, large de soixante brasses et haute de quarante. Une autre tour s'élève au-dessus, qui est si bien pratiquée par dedans que l'on y monte à cheval jusqu'au haut. Le dehors en est tout peint et doré.
L'archevêché de Saint-Jacques de Compostelle vaut soixante mille ducats, et un ducat vaut trente francs monnaie de France; son chapitre en a cent mille.
L'archevêché de Grenade vaut quarante mille ducats. Celui de Burgos, à peu près autant.
L'archevêché de Saragosse, cinquante mille.
L'évêché d'Avila, vingt mille ducats de rente.
L'archevêché de Valence, quarante mille.
L'évêché d'Astorga, douze mille.
L'évêché de Cuença, plus de cinquante mille.
L'évêché de Cordoue, environ quarante mille.
L'évêché de Siguenza, de même.
L'évêché de Ségovie, vingt-cinq mille.
L'évêché de Calahorra, vingt mille.
L'évêché de Salamanque, un peu plus.
L'évêché de Plasencia, cinquante mille.
L'évêché de Palencia, vingt-cinq mille.
L'évêché de Jaca, plus de trente mille.
L'évêché de Malaga, quarante mille.
L'évêché d'Osma, vingt-deux mille.
L'évêché de Zamora, vingt mille.
L'évêché de Coria, vingt mille.
L'évêché de Ciudad-Rodrigo, dix mille.
L'évêché des îles Canaries, vingt-deux mille.
L'évêché de Lugo, huit mille.
L'évêché de Mondoñedo, dix mille.
L'évêché d'Oviédo, vingt mille.
L'évêché de Léon, vingt-deux mille.
L'évêché de Pampelune, vingt-huit mille.
L'évêché de Cadix, douze mille.
L'évêché d'Orense, dix mille.
L'évêché d'Onguela, dix mille.
L'évêché d'Almeria, cinq mille.
L'évêché de Cadix, neuf mille.
L'évêché de Tuy, quatre mille.
L'évêché de Badajoz, dix-huit mille.
L'évêché de Valladolid, quinze mille.
L'évêché de Huesca, douze mille.
L'évêché de Tarazona, quatorze mille.
L'évêché de Balbastro, sept mille.
L'évêché d'Albarracin, six mille.
L'évêché de Teruel, douze mille.
L'évêché de Jaca, six mille.
Je ne dois pas omettre de marquer que la cathédrale de Cordoue est extraordinairement belle; elle fut bâtie par Abderhaman, qui régnait sur tous les Maures d'Espagne. Elle leur servait de mosquée en l'an 787; mais les chrétiens ayant pris Cordoue en 1236, ils firent une église de cette mosquée. Elle a vingt-quatre grandes portes toutes travaillées de sculptures et d'ornements d'acier; sa longueur est de six cents pieds sur cinquante de large; il y a vingt-neuf nefs dans la longueur et dix-neuf dans la largeur; elle est parfaitement bien proportionnée, et soutenue de huit cent-cinquante colonnes, dont la plus grande partie sont de jaspe et les autres de marbre noir d'un pied et demi de diamètre; la voûte est très-bien peinte, et l'on peut juger par là de l'humeur magnifique des Maures.
Il est difficile de croire, après ce que j'ai dit de la cathédrale de Cordoue, que celle de Léon soit plus considérable. Cependant rien n'est plus vrai, et c'est ce qui a donné lieu à ce que l'on dit communément, que l'église de Léon est la plus belle de toutes celles d'Espagne; l'église de Tolède la plus riche; celle de Séville la plus grande, et celle de Salamanque la plus forte.
La cathédrale de Malaga est merveilleusement bien parée et d'une juste grandeur; les chaises du chœur ont coûté cent cinq mille écus, et tout le reste répond à cette magnificence.
PRINCIPAUTÉ DE CATALOGNE
L'archevêché de Tarragone.
L'évêché de Barcelone.
L'évêché de Lérida.
L'évêché d'Urgel.
L'évêché de Girone.
L'évêché de Vich.
L'évêché de Salsona.
L'évêché de Tortose.
L'évêché d'Elm.
DANS L'ITALIE
L'archevêché de Brindes.
L'archevêché de Lanciano.
L'archevêché de Matera.
L'archevêché d'Otrante.
L'archevêché de Rocli.
L'archevêché de Salerne.
L'archevêché de Trani.
L'archevêché de Tarente.
L'évêché d'Ariano.
L'évêché d'Acerra.
L'évêché d'Aguila.
L'évêché de Costan.
L'évêché de Caslellamare.
AU ROYAUME DE NAPLES
L'évêché de Gaëte.
L'évêché de Galipoli.
L'évêché de Giovenazzo.
L'évêché de Mosula.
L'évêché de Monopoli.
L'évêché de Puzol.
L'évêché de Potenza.
L'évêché de Trivento.
L'évêché de Tropea.
L'évêché d'Ugento.
ROYAUME DE SICILE
L'archevêché de Palerme.
L'archevêché de Montréal.
L'évêché de Girgenti.
L'évêché de Mazzara.
L'évêché de Messine.
L'évêché de Parti.
L'évêché de Cefalu.
L'évêché de Catania.
L'évêché de Zaragoza.
L'évêché de Malte.
A MILAN
L'archevêché de Milan.
L'évêché de Vigevano.
ROYAUME DE MAJORQUE
L'évêché de Majorque.
ROYAUME DE SARDAIGNE
L'archevêché de Cagliari.
L'archevêché d'Oristan.
L'archevêché de Sacer.
L'évêché d'Alguerales.
L'évêché de Boza.
L'évêché d'Ampurias.
EN AFRIQUE
L'évêché de Tanger.
L'évêché de Ceuta.
AUX INDES ORIENTALES
L'archevêché de Goa.
L'évêché de Madère.
L'évêché d'Angola, dans les Indes Terceres.
L'évêché de Cabouerde.
L'évêché de Saint-Thomas.
L'évêché de Cochin.
L'évêché de Malara.
L'évêché de Maliopor.
L'évêché de Macao.
De tous les archevêchés et évêchés, il ne revient rien au Pape de l'évêque qui meurt, ni pendant que le bénéfice est vacant. On aurait peine à rapporter le nombre d'abbayes et d'autres dignités auxquelles le Roi d'Espagne présente.
Il faut parler à présent des six archevêchés et des trente-deux évêchés de la Nouvelle-Espagne, de ses îles et du Pérou.
L'archevêché de la ville de los-Reyes, capitale de la province du Pérou, vaut trente mille écus de rente.
L'évêché d'Arequipa, seize mille.
L'évêché de Truxillo, quatorze mille.
L'évêché de Saint-Francisco de Quito, dix-huit mille.
L'évêché de la grande ville de Cuzco, vingt-quatre mille.
L'évêché de San-Jean-de-la-Victoire, huit mille.
L'évêché de Panama, six mille.
L'évêché de Chilé, cinq mille.
L'évêché de Notre-Dame de Chilé, quatre mille.
L'archevêché de Bogota, du nouveau royaume de Grenade, quatorze mille.
L'évêché de Popayan, cinq mille.
L'évêché de Carthagène, six mille.
L'évêché de Sainte-Marie, dix-huit mille.
L'évêché de la Plata, de la province de los Charcas, soixante mille.
L'archidiacre de cet évêché en a cinq mille; le maître des enfants de chœur, le chantre et le trésorier, chacun quatre mille; six chanoines, chacun trois mille.
Six autres dignités, qui valent chacune dix-huit cents écus, et l'on remarquera par la richesse du chapitre de la Plata, que les autres n'en ont guère moins.
L'ARCHEVÊCHÉ DE LA PLATA A POUR SUFFRAGANTS:
L'évêché de Paz.
L'évêché de Tucuman.
L'évêché de Santa-Cruz de la Sierra.
L'évêché de Paraguay de Buenos-Ayres.
L'évêché del Rio de la Plata.
L'évêché de Saint-Jacques, dans la province de Tucuman, vaut six mille écus.
L'évêché de Saint-Laurent de las Barrancas, douze mille.
L'évêché de Paraguay, seize mille.
L'évêché de la Sainte-Trinité, quinze mille.
L'archevêché de Mexico, érigé en 1518, vingt mille reales.
L'évêché de los Angelos, cinquante mille reales.
L'évêché de Valladolid, de la province de Mechoacan, quatorze mille écus.
L'évêché d'Antequera, sept mille.
L'évêché de Guadalaxara, province de là Nouvelle-Galice, sept mille.
L'évêché de Durango, quatre mille.
L'évêché de Merida, capitale de la province de Yucatan, huit mille.
L'évêché de Gantiago, de la province de Guatemala, huit mille.
L'évêché de Santiago de Léon, suffragant de l'archevêché de Lima, trois mille.
L'évêché de Chiapa, cinq mille.
L'archevêché de San Domingo, des îles espagnoles, primat des Indes, trois mille.
L'évêché de San Juan de Porto-Rico, cinquante mille reales.
L'évêché de l'île de Cuba, huit mille écus.
L'évêché de Santa Anna de Coro, huit mille.
L'évêché de Camayagua, capitale de la province de Honduras, trois mille.
L'archevêché métropolitain de Manille, capitale des îles Philippines, trois mille écus que le Roi s'est obligé de lui payer, par la bulle accordée en 1595. Le Roi paye de même tout le chapitre. Cet archevêché a trois suffragants: l'un dans l'île de Zebu, l'autre dans l'île de Luçon, le troisième à Comorin.