Kitabı oku: «Roulette Russe»

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ROULETTE RUSSE

Séries Helena Hawthorn Vol. 1

MAY FREIGHTER

Table des matières

SÉRIES HELENA HAWTHORN

Prologue

1 Le journal

2 Domaine des destins

3 Traquée

4 L’entretien

5 Kidnappée

6 Cauchemars

7 Un pacte

8 Morsures pas très amicales

9 L’invitation

10 Âmes tourmentées

11 Union d’énergies

12 Russian Roulette

13 Le voyage

14 Son Infant

15 Au-delà des ténèbres

16 Cauchemars sans fin

17 La vérité

18 Père J. R.

19 Nouveau ravisseur

20 Seule

21 Nouveau pouvoir

22 Lumière et ténèbres

23 Le Conseil

Épilogue

Chapitre bonus Valentines hantées

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A propos de l'auteur

Dédicace

Remerciements

Copyright © May Freighter, 2021.

May Freighter détient les droits d’auteur de ce travail en vertu de la loi 2000, l'amendement du droit d'auteur (droits moraux).

Cette œuvre est protégée par des droits d'auteur. À l'exception d’une utilisation autorisée par la Loi de Copyright, Designs and Patents Act 1988, aucune partie ne peut être reproduite, copiée, numérisée, stockée dans un système de recherche, enregistrée ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'autorisation écrite de l'auteur.

Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les incidents sont le produit de l’imagination de l’auteur. Toutes les déclarations, descriptions, informations et documents de toute autre nature contenus dans le présent document sont uniquement inclus à des fins de divertissement. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des événements ou des lieux est entièrement fortuite.

Tous les droits sont réservés.

SÉRIES HELENA HAWTHORN

Alexander : Mémoires (Préquelle/Séries AVIL)

Russian Roulette

Les portes démoniques

Éboulement du contrôle

Désiré

Entretien monochrome (série AVIL)

Origines fatales

Bien-aimée

Affiliations des ténèbres

Vous découvrirez dans ce livre une terminologie utilisée dans la série Helena Hawthorn. En voici un petit glossaire :

Infant : Un humain changé en vampire.

Sire ou Dame : Un titre donné à un vampire géniteur d’un autre vampire, partageant son énergie avec un humain.

Conseil : Les vampires sont dirigés par sept conseils, dont le rôle est d’empêcher que le monde des humains les découvre et protègent leur peuple des attaques des chasseurs de vampires. Un Conseil est généralement composé de 4 à 5 membres, tous respectés et craints par leur communauté.

Loups-garous sont des vampires qui servent volontairement le Conseil ou qui sont engagés par les membres du Conseil. Leur nombre dans chaque conseil est en moyenne de 20 à 50 vampires, à l'exclusion des goules.

Dissipation est le déplacement très rapide et inhumain des vampires. Habituellement, un vampire peut parcourir des kilomètres sans ressentir de fatigue. S’ils vont au-delà de leurs limites, ils risquent de se déchirer les muscles des jambes, ce qui peut être atroce et lent à guérir s’ils n’ont pas de sang pour se nourrir.

Donneurs : les humains qui font un don aux vampires après avoir été affiliés à leurs cercles et avoir accepté la protection d'un vampire. Ils ont tendance à bien gagner leur vie et certains acquièrent même un pouvoir influent dans la société humaine grâce à leurs liens avec des vampires.

Humains sont tenus hors de la boucle par le surnaturel.

Goules sont des humains ayant bu du sang de vampire juste avant de mourir. L'échange d'énergie ne se produit jamais avec leur sire, comme il le ferait lors de la création d'un infant. Les jeunes vampires ont tendance à prendre cela comme un développement et à enterrer le corps dans le sol sans attendre, laissant la créature se réveiller avec l’envie irrésistible de se nourrir de la chair des morts.

Prologue

Helena frissonna au contact du mur en pierre. Son cœur se mit à battre la chamade en réalisant qu’elle avait les poignets ligotés. Elle tira de toutes ses forces, mais ses chaînes étaient inflexibles.

- Je crois qu’elle s’est réveillée, dit une voix rauque.

- Alors qu’on en finisse, lui répondit une autre.

Elle tourna sa tête dans la direction des voix. Le mouvement rendit sa vision trouble et elle plissa des yeux. Des caisses et des boîtes empilées étaient éclairées par une ampoule à faible puissance. Un homme chauve assis à une table, les pieds croisées, tenait un journal local dans ses mains musclées.

Le deuxième homme s'écarta du mur crasseux et s’approcha d’elle en traînant des pieds. Son sourire déroutant révéla une série de canines allongées.

Elle retint son souffle.

- T’es pas un peu trop jeune pour travailler pour Alexander ? lui demanda-t-il.

Il fit la grimace en arquant des sourcils. Son attention passa d’un ravisseur à l`autre. Elle ne travaillait pas pour Alexander, elle ne voulait jamais le revoir, ni revoir Lucious, d’ailleurs.

L'inconnu s'arrêta à un pied d’elle. Ses cheveux noirs et gras épars étaient collés à son cuir chevelu. Quelques mèches lui tombaient sur les yeux, voilant ses lourdes paupières. Il tendit la main, l’attrapa par les cheveux et tira fort pour lui relever la tête et la regarder dans les yeux.

- Je t'ai posée une question, humaine !

Elle plissa le nez. Son haleine lui donnait envie de vomir - un mélange de tabac bon marché, de bière et d’on ne sait quoi d’autre. La panique ne résoudra rien, pensa-t-elle, mais son cœur ignora cette tentative de rationalisation.

- Je ne travaille pas pour lui, dit-elle surprise par le ton inébranlable de sa voix.

Il fit un signe de main vers sa chemise et son pantalon élégants.

- On t'a vu sortir de son club, habillée comme ça.

Helena se retint de rouler des yeux. S'il avait été à l'intérieur de son établissement, il aurait su que le personnel d'Alexander ne portait pas d'uniforme. Ah, si, les videurs en portaient…

- C'est ce que les gens portent pour un entretien !

Ses yeux brillèrent d'une lueur gris clair et elle regretta aussitôt son ton grossier. Elle tressaillit sous son regard menaçant, qui lui rappelait un enfant de deux ans qu'elle avait pour habitude de garder. Le gamin la fusillait toujours du regard lorsqu’elle refusait de lui donner des bonbons.

- …tu m’entends ?

Il lui avait tiré la tête en arrière d’un mouvement brusque, lui relâcha les cheveux en lui criant dessus.

Elle sentit un terrible mal de tête.

- Je crois que j’y suis allé un peu fort.

- Rick,… intervint son compagnon en posant son journal sur la table, si tu ne peux rien tirer d’elle…

- Si, j’y arriverai !

Helena comprit que ‘Rick’ n’était pas le patron. L’autre homme était autoritaire. Elle s'imagina Rick se démener pour lire un roman de Tolstoï. Elle retroussa ses lèvres en un sourire moqueur.

- Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? Est-ce que tu te rends compte de la situation dans laquelle tu t’es mise ? lâcha Rick.

Elle le fusilla du regard. C’était inutile de discuter avec lui.

- Quoi ?

Elle sentit sa joue gauche brûler, il venait de la gifler. Elle remua pour effacer la douleur et ressentit une crampe à l’estomac. Elle était enchaînée à un mur avec deux hommes inconnus dans une pièce sombre.

Une douleur lancinante s'enracina dans ses bras, elle se mordit la lèvre inférieure pour empêcher sa langue acerbe de lui causer plus de problèmes.

Rick se pencha vers elle et ses lèvres lui effleurèrent l’oreille.

- Voyons ce que tu sais.

Il serra sa tête entre ses mains et la força à le regarder. Il lui sourit en la fixant dans les yeux.

Helena se débattit en criant :

- Lâche-moi !

- Calme-toi, humaine.

Son ton dur se transforma en une mélodie apaisante. Son corps se détendit en entendant l’ordre. Ses yeux brillants étaient devenus le centre de son univers. Tout ce qu'il disait était un ordre à exécuter.

Son cerveau essayait de lutter contre sa domination. Pourquoi Lucious n'a pas pu m'influencer, alors que cet idiot y arrive ?

- Est-ce que tu m’entends ?

- Oui.

- Obéiras-tu à mes ordres ?

Elle répondit d’un ton monotone et dépourvu d’émotions :

- Oui.

Se penchant jusqu'à ce que leurs nez se touchent, Rick lui posa la question à un million de dollars.

- Est-ce que tu travailles pour Alexander ?

- Non !

La lueur grise dans ses yeux s'intensifia, lui donnant l'impression qu'elle flottait. Ses poignets palpitaient. Le métal s’enfonçait dans sa peau et elle laissa échapper un gémissement.

- Est-ce que tu connais Lucious ?

- Oui.

Les doigts du vampire s'enfoncèrent dans sa mâchoire et elle grimaça.

- Où est-il ? Que sais-tu de lui ?

- À la Roulette Russe. Il voulait me voir pour briser le lien.

Son partenaire bondit hors de sa chaise en la renversant.

- Quel lien ?

Les mots lui manquaient, elle était confuse.

- Réponds-lui, siffla Rick en lui tirant la tête en arrière.

- Je ne sais pas, c’était un accident.

Dans sa frustration, Rick la secoua.

- Je te viderai de tout ton sang, si tu ne me donnes pas la bonne réponse !

Son partenaire avait sorti son téléphone et tapait quelque chose sur l'écran.

- Elle n’a pas beaucoup d’informations à nous donner, mais elle pourrait nous être utile pour autre chose.

Rick fit glisser ses doigts le long de ses bras, approchant son ongle de sa jugulaire.

- Est-ce que je peux m’amuser ?

Son influence sur elle s’était estompée et Helena fixait le côté de sa tête.

- Tu peux te nourrir, mais va pas trop loin. Nous pourrions en tirer un bon prix plus tard.

Tout son corps frissonna en voyant le sourire de Rick s’élargir. Elle n’en savait pas assez sur le lien, elle ne pouvait donc pas utiliser cette information à son avantage. Elle ne savait pas grand-chose sur Lucious, Alexander et leurs projets.

Helena gémit. Son mal de tête s’était transformé en un bourdonnement constant. En fermant les yeux, elle fit une prière pour que Michael fasse son apparition et lui annonce de bonnes nouvelles.

Le patron les regarda un instant avant de retourner son attention vers son téléphone.

- Tu as deux minutes.

Il sortit à grands pas de la pièce sans dire un mot de plus. Le patron de Rick dissipa, elle se mit à regretter son comportement. Elle regarda la porte se refermer, souhaitant qu’il revienne bientôt.

Rick sortit un couteau suisse de la poche de son jeans. Une étincelle brillait dans ses iris alors qu'il ouvrait la lame.

Helena ferma les yeux. Elle refusait d’être sa marionnette. La pointe métallique froide effleura sa joue.

- Si tu n'ouvres pas les yeux, je lacèrerai ton joli petit visage.

Elle hésita. Elle sentait toujours la piqûre de la pointe de la lame contre sa joue. Elle serra des dents et ouvrit les paupières. Une seconde de contact visuel avait suffi pour la faire retomber sous son emprise.

- Bien ! Ne bouge pas.

Son corps refusait de bouger et elle se réprimanda d'être aussi faible.

Un à un, les boutons de son chemisier sautèrent. Le dernier arraché, il écarta le tissu de sa poitrine. Ses yeux scintillaient comme ceux d’un enfant déballant un cadeau de Noël. Il examina sa poitrine et sa respiration s’accéléra.

Peu importait ses efforts, elle n'arrivait pas à sortir de son emprise mentale. Il fit une petite entaille dans sa peau pâle. Du sang monta à la surface et se mit à couler sur ses petits seins, tachant son soutien-gorge. Il fit glisser le côté plat de la lame le long de sa poitrine, séduit par le doux parfum de son sang.

Elle était certaine qu’il n’était pas du tout attiré par la vue de sa poitrine.

Son emprise mentale disparut et elle fut en mesure de reprendre le contrôle de ses membres. Ses hanches se rétractèrent lorsque le couteau descendit vers ses hanches. Le métal s'enfonça dans sa peau. Elle laissa échapper un cri d'agonie.

Le patron refit son apparition en criant :

- Je croyais t'avoir dit de te nourrir et rien d'autre.

Rick retira sa lame.

- Cette salope n'est pas facile à contrôler. Si je ne la regarde pas droit dans les yeux, elle arrive à rompre l'hypnose.

- Ce n’est pas mon problème, grogna l’homme. Laisse-la tranquille jusqu'à ce qu'il vienne la chercher. On doit se préparer.

Grognant dans sa barbe, Rick lécha le sang sur la lame et poussa un gémissement de satisfaction. Il lança un regard fugitif dans sa direction, puis rangea son couteau et sortit de la pièce avec son partenaire.

Elle avait la bouche sèche. Elle examina son entaille. Des lignes rouge foncé coulaient le long de ses côtes. Elle reposa sa tête contre le mur, se concentrant sur le plafond blanc pour empêcher que la nausée ne fasse remonter sa bile.

Qu'est-ce que je vais faire ? Personne ne sait où je suis, pensa-t-elle.

- Ce n’est pas vrai, répondit une voix métallique sur sa droite.

Elle se tourna en poussant un grognement. Elle avait très mal à la tête, comme si elle avait reçu un coup de marteau au visage. Son ange gardien se tenait à un mètre d'elle, il avait des traits anguleux entourés d’une longue crinière de cheveux raides dorés.

- Où étais-tu passé ?

Michael inclina la tête pour s'excuser.

- Je sais, j'aurais dû venir plus tôt. Je voulais savoir qui ils avaient contacté, alors j'ai suivi…

Il se précipita vers elle sans finir sa phrase. Sa main plana sur ses blessures. Il serra des dents.

- Tu es blessée.

- Je vais bien, mais comment tu vas …

Elle n’avait pas fini sa phrase. Cette situation était comique. Il était là, mais il ne pouvait pas la sauver. Sa présence fantomatique le forçait à n’être qu’un observateur dans son royaume. Même s’il l’avait voulu, il n’aurait pas pu intervenir. Ils le savaient tous les deux.

- Il viendra, soupira Michael.

- Et si je ne veux pas le voir ?

- Helena, tu sais ce qui va t’arriver si tu ne sors pas d’ici.

Elle arqua un sourcil.

- Tu l'as insulté il y a quelques heures, qu'est-ce qui a changé ?

- S'il pouvait te sortir d'ici, je serais prêt à changer ma terminologie.

Helena renifla. Décidément, ce n’était pas son jour.

1
Le journal

Cinq jours avant…

Le dernier carton fermé, Helena s'étira pour soulager la douleur au bas de son dos. Elle essuya son front en sueur et inspecta sa chambre : un océan de cartons et de valises.

Après une dernière vérification, elle ferma les yeux. Le rythme des battements de son cœur la confortait. De joyeux souvenirs se confondaient avec l'odeur familière des bougies parfumées à la rose posées sur le rebord de sa fenêtre. Du rez-de-chaussée, les voix étouffées de sa mère et de Richard naviguaient vers sa chambre. C'était ici qu'elle avait grandi et cette maison allait beaucoup lui manquer.

Ses doigts la démangeaient d’impatience et un sourire se dessina sur ses lèvres. Assise sur le bord de son lit, elle glissa sa main sous l’oreiller pour sortir un journal intime. Elle posa la masse de deux pouces d'épaisseur sur ses genoux. Elle n'avait pas arrêté d'y penser depuis qu'elle l’avait trouvé dans le grenier poussiéreux la veille au soir. Dès qu'elle avait posé les yeux sur sa couverture en cuir gravé de feuilles de fougère, elle avait senti une envie pressante de lire les secrets qu'il contenait. mais la priorité était empaqueter se affaires. Si elle n’avait pas fini à temps, elle aurait été obligée d’écouter les plaintes de Laura jusqu’à en avoir mal aux oreilles.

Elle ouvrit le journal, qui révéla la première page, vieille et jaunie. Une liste de noms écrits à la main par différentes personnes. Peut-être que le journal n’appartenait pas à un seul propriétaire. Un nom en particulier avait attiré son attention. Elle avait parcouru les étranges croquis et dessins de plantes, et reconnu quelques-unes du jardin de sa grand-mère lorsqu'elle était petite. Une langue archaïque, dans une encre ternie, couvrait les pages usées.

Elle reconnut certaines des belles lettres incurvées et sa main se figea. Sa grand-mère était la dernière propriétaire de ce journal. Helena sourit au souvenir doux-amer du temps qu'elles avaient passé ensemble. La vieille femme avait souvent pour habitude de lui lire des histoires de sorcières qui combattaient les forces du mal - des histoires qu'elle n'oublierait jamais.

Ses souvenirs heureux s’effacèrent pour être remplacés par les épisodes tragiques du passé. Sa mère lui avait tout simplement dit que sa grand-mère aimante s’était suicidée en mettant le feu à leur maison, suite à une crise de folie. Mais ces épisodes tirés de son enfance étaient une énigme qu'elle n'avait jamais réussi à résoudre.

Elle entendit soudain Michael lui parler dans sa tête et elle sursauta.

- Sasha a fini les préparatifs. Tu devrais te changer.

- Je suis occupée, répondit-elle.

- C'est ta dernière nuit, ici. Ce que tu fais en ce moment ne peut pas être plus important que de passer un peu de temps avec tes parents.

Elle ferma le journal en le claquant.

- Très bien !

Elle se leva, jeta un regard fugace à la cachette et se planta devant son vestiaire. Les vêtements qu'elle avait préparés pour le dîner de ce soir étaient posés sur l'étagère du haut. Elle retira son survêtement tâché de sueur et mit un t-shirt ample et un jean.

Dès qu’elle ouvrit la porte, elle sentit l’odeur exquise du dîner. Son estomac gargouilla alors qu’elle descendait les escaliers. Elle se retrouva face à plusieurs délicieux mets disposés sur la table ronde en chêne. Sa mère, comme d'habitude, avait mis le paquet. Mais Helena s'abstint de le souligner et se contenta de se réjouir de l'odeur délectable du poulet rôti.

Les cheveux poivre et sel de son beau-père se dressèrent devant ses yeux, alors qu’il se démenait pour ouvrir une bouteille de vin.

- Allez, tu ne vas pas rester là à rien faire !

Le petit accent russe de sa mère ne manquait jamais à se manifester quand elle était inquiète. Elle renifla et empila des assiettes et des couverts dans les mains d'Helena, avant de redisparaître dans la cuisine.

Helena se mit à préparer la table en marmonnant :

- Bonjour, maman !

Richard posa la bouteille sur la surface laquée et fit la moue. Le bouchon était à moitié coincé dans le goulot de la bouteille et refusait de bouger.

- Ça fait longtemps que nous n’avons pas bu de champagne, dit Helena.

- Tu as raison. Je crois que Sasha en a acheté pour l'occasion.

Il sortit de la pièce et sa mère réapparut. Ses deux yeux marrons se fixèrent sur Helena. Elle passa ses doigts dans ses cheveux courts platine et le bombardement émotionnel commença.

- Es-tu sûre de vouloir déménager ? Tu peux rester avec nous jusqu'à la fin de tes études ou…

Helena croisa les bras.

- Maman, nous avons déjà eu cette discussion la semaine dernière.

- Oui, je sais.

Elle se serait donné un coup de pied, elle avait horreur de contrarier sa mère. Sa vie universitaire serait plus facile si elle emménageait avec ses amis. Elle jeta un coup d'œil à la porte de la cuisine. Richard prenait plus de temps que prévu pour revenir. Elle tapa du pied pour rompre le silence.

La scène de tristesse joué par sa mère était terminée, elle redressa ses épaules avec la désapprobation encore gravée dans les rides de son visage.

- Je sais que tu t’inquiètes pour moi, maman, mais je serai avec Laura et Andrew.

Sasha se décontracta et serra sa fille dans ses bras.

- Tu es ma fille unique, comment veux-tu que je ne m’inquiète pas ?

Helena lui tapota le dos, ne sachant pas quoi dire ou faire. Heureusement, Dieu lui vint en aide. Elles entendirent un grand bruit venant de la cuisine et un léger tintement de verres.

Richard refit son apparition avec un grand sourire aux lèvres révélant ses dents nacrées, une bouteille de champagne débouchée et trois flûtes.

- Alors comment ça va, vous deux ?

- Très bien, répondit sa mère.

Elle s'écarta d'Helena, plia son tablier sur le dossier de sa chaise et s'assit.

Helena s’installa sur la chaise à côté.

Richard leur versa à chacune un verre et s’assit à table. Il fit la grimace en buvant une gorgée.

Helena baissa ses yeux sur ses cuisses. Elle aimait beaucoup son beau-père. Même s'il était toujours très occupé par son poste de directeur du département des sciences, il aimait la vie de famille. Il ne se plaignait jamais. Il avait pris soin d'elle et de sa mère, après que son père les avait quittées sans leur donner d’explication.

- Est-ce que tu as rendu ton formulaire d’inscription ? demanda Richard.

Helena leva la tête.

- Ouais, le jour où je l’ai reçu.

- Ce que tu as choisi ne me plaît pas beaucoup. Le salaire de médecin ou avocat est plus élevé qu'un…

Sa mère leva la main en l'air cherchant le mot juste.

- C’est quoi déjà ce que tu fais ?

Helena détourna son regard. Des yeux froids de sa mère émanait assez de déception pour y noyer toute une armée. Le silence se prolongea et Helena serra ses couverts. Le métal chauffait dans le creux de ses paumes.

- Si je découvre que c’est ennuyeux, je pourrais toujours changer.

Discussion terminée, Helena reporta son attention sur son assiette.

Richard s'éclaircit la gorge.

- J'ai entendu dire que demain il y aura une pluie torrentielle. J'espère que ton déménagement se passera bien.

Sa mère lança à Helena un regard bref lui disant que leur conversation n'était pas encore finie. Elle se tourna vers son mari.

- J’espère que le temps ne sera pas trop mauvais, j’ai rendez-vous avec les filles.

Helena prit le changement de sujet comme un sursis et fit à Richard un « merci » de la tête et il lui répondit par un clin d'œil.

*****

Le dîner terminé, Helena était affairée de mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle.

- Est-ce que je peux te parler une minute ? la fit sursauter la voix profonde de baryton de Richard.

Elle hocha la tête et se redressa.

- D'abord et avant tout, tu es toujours la bienvenue ici…

Ses yeux scrutèrent la cuisine.

Helena le fixait en lui souriant.

- Euh, Richard ?

- Bien ! Deuxièmement, j’aimerais que tu saches que nous t'aimons. Si tu as besoin de quoi que ce soit, nous serons toujours là pour toi.

Il hésita une seconde avant d’ouvrir les bras pour l'attirer dans une étreinte maladroite. Son corps maigre irradiait de chaleur et elle sentit un serrement au cœur.

- Appelle-nous si quelque chose arrive ou…

- C’est bon, j’ai compris, marmonna-t-elle sur son épaule.

Il la lâcha et se frotta la nuque.

- Tu devrais aller te reposer. Tout le monde se réveillera très tôt demain matin.

- Oui, tu as raison.

Dès qu’il sortit de la cuisine, elle s'empressa de ranger le reste de la vaisselle en pensant au comportement de Richard. Était-il inquiet pour elle ? Pourquoi ? Elle haussa les épaules et appuya sur le bouton « marche » du lave-vaisselle.

En haut des escaliers, elle entendit de faibles chuchotements venant de la chambre de sa mère. Elle se faufila dans le couloir et appuya son dos contre le mur.

- ... tu lui as dit ? entendit-elle la voix agitée de Sasha en premier.

- Oui, tu ne devrais pas t'inquiéter. Tout ira bien, répondit Richard.

Sa mère parla plus fort.

- Et s’il se passait quelque chose et qu’elle se souvienne ?

- Chut, Sasha. Si elle nous entend, elle nous posera des tas de questions. Tout ce que nous devons faire est de la surveiller. Interférer dans sa vie pourrait créer une mésentente entre vous deux et je ne pense pas que c’est ce que tu veux.

Choquée, Helena posa sa main sur son torse. Elle tituba jusqu'à sa chambre et traîna ses pieds jusqu'à ce qu'elle s'effondre sur son lit. Elle laissa échapper un soupir en fixant le plafond.

- Qu’est-ce qu’ils me cachent ?

Michael se matérialisa à côté d'elle. Il suivit son regard fixé sur les étoiles phosphorescentes qui avaient pour habitude de la fasciner dans son enfance.

- Je me souviens du jour où ton beau-père les a collées. Il était tombé de ce lit deux fois.

- Quoi ?

- Est-ce que tu te rappelles pourquoi il avait fait ça ?

- Richard m’a dit que j'avais l'habitude de faire des cauchemars quand j'étais plus jeune. Des cauchemars dont je ne me souviens pas…

-Tu étais une enfant. Tu ferais mieux d’oublier.

Helena se redressa.

- Tu parles sérieusement ? Ils me cachent quelque chose, une chose importante. Je le sens.

Michael se tourna et leurs yeux se croisèrent. Elle adorait fixer les profondeurs azur de ses yeux. Ils étaient d’une beauté enchanteresse, ils ressemblaient à deux pierres précieuses renfermant des milliers de secrets.

Elle savait qu’il lui cachait beaucoup de choses la concernant. Elle savait que quelque chose ne tournait pas rond, il lui cachait des secrets qu’il n’était pas autorisé à lui révéler.

- Tu étais trop jeune pour t’en souvenir.

Elle lui lança un regard sévère.

- J'ai une bonne mémoire, Michael.

- Ne me regarde pas avec ces yeux de meurtrier. J'ai répondu à ta question.

Les terreurs nocturnes de son enfance ne pouvaient pas être l’explication plausible de l’inquiétude de ses parents.

- Tu finiras par avoir des rides, si tu continues à faire la grimace !

Elle se laissa tomber sur le lit et soupira.

- D'accord, je vais laisser tomber, pour l'instant.

Michael s’était allongé à côté d'elle, sans que le matelas ne s’enfonce d’un seul millimètre. Le fait qu'il n'ait pas de corps physique la troublait encore aujourd'hui.

- Repose-toi. Tu as beaucoup de choses à faire demain.

sans prendre la peine de se mettre en pyjama, elle se glissa sous les couvertures et demanda :

- quoique je choisisse, tu seras toujours là pour moi ?

- Bonne nuit, Helena.

*****

Elle se brossait les cheveux pour la deuxième fois ce matin-là et leurs yeux se croisèrent dans le miroir. Au moins, Michael s'abstenait de faire son apparition lorsqu'elle était sous la douche ou aux toilettes.

Elle plissa des yeux.

- Quoi ?

- Rien !

- Tu n'as pas arrêté de me regarder depuis mon réveil. Dis-moi qu'est-ce qui ne vas pas ! Est-ce que c'est mes cheveux ?

Il retroussa les coins de ses lèvres.

- Tu es nerveuse.

Helena se retourna.

- C’est normal, non ? J’ai pris une décision qui va chambouler toute ma vie.

- Moi qui croyait que tu étais une fille très calme, recueillie et observatrice ?

Elle croisa les bras sur sa poitrine.

- T’as fini ?

- Non, une dernière chose, Andrew est à la porte.

Elle fixa son ange gardien et se précipita en bas. Des gazouillements d'oiseaux lui remplirent les oreilles et elle grogna. La sonnette ringarde était l'idée de sa mère.

A la dernière marche, elle évita de justesse de trébucher. Elle ouvrit la porte entre deux respirations profondes et sourit à son futur colocataire.

- Alors, comment as-tu prévu de t’y prendre ?

Le sourire d’Andrew s’effaça. Il se tapota le menton de l’index.

- Hum, la première étape serait d’entrer.

Il entra sans attendre d'y être invité.

- Et, maintenant, on prend tes affaires.

Helena roula des yeux.

- C'est très drôle. Je voulais dire, est-ce que tu as une idée pour transporter mes affaires ?

- Ne t'inquiète pas, Épine, on le saura à temps.

Elle ignora le surnom agaçant que ses amis lui avaient donnée à l'école et jeta un coup d’œil derrière lui. Il y avait une fourgonnette blanche garée dans l’allée.

- Elle est à toi ? demanda-t-elle.

- Papa m'a prêté une de ses voitures d'entreprise pour la journée. Il m'a demandé de ne pas la bousiller, alors j'espère que tes affaires ne sont pas trop lourdes.

Helena cacha son irritation derrière un faux sourire. Elle lui fit signe de la suivre.

- Allons-y !

- Allons-y, s'il te plaît.

Elle lui lança un regard agacé.

- Rabat-joie !

Il la suivit dans les escaliers. Arrivé à la porte de sa chambre, il dit :

- Je parie que tout est rose et à froufrous là-dedans.

- Plus tu parles, plus tu sors de conneries du trou que tu appelles une bouche.

Il claqua sa main sur sa poitrine d'un geste dramatique.

- Tu me vexes, Épine.

Helena hocha la tête et ouvrit la porte.

Andrew balaya la pièce du regard et son expression révéla une pointe de déception. Elle sourit.

- Déçu ? Pas de rose et pas de froufrous.

- Des vêtements amples, des cheveux violets et une chambre triste… Je me demande si tu es une fille normale ?

- mm mm.

*****

Jusqu'à présent, Andrew et Laura avaient gardé secrets les détails de leur appartement. Ils voulaient la surprendre et ils avaient réussi. Ses yeux s'écarquillèrent à la vue de l'immeuble en briques rouges, ressemblant à une forteresse. Vivre dans un château n'était peut-être pas une mauvaise idée, surtout qu’ils avaient des fenêtres surdimensionnées donnant sur le paysage urbain.

- Ouah, l’appart est là-dedans ? demanda-t-elle.

Andrew la regarda avec un soupçon d'amusement.

- Tu aimes ?

Elle se retint de sauter sur place et afficha un visage légèrement désintéressé.

- Tant que je n’ai pas vu l’intérieur, c'est difficile de juger.

- Ne vous inquiétez pas, Votre Altesse, nous l'avons choisi en prenant en compte tout ce que vous aimez.

Elle lui lança un regard perçant et il lui tira la langue. Elle se demandait si sa décision d'emménager avec ses deux meilleurs amis était une bonne idée.

Andrew ouvrit la porte vitrée et la laissa entrer en premier. Elle évalua le hall d'entrée blanc et simple. Un gardien potelé au comptoir près de l'ascenseur les ignora. Si une chose arrivait, elle savait qu’il ne lui proposerait pas son aide.

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