Kitabı oku: «A fond de cale», sayfa 16
CHAPITRE LVI
Forme des navires
En suivant la verticale, j'aurais moins de besogne à faire, puisque la ligne droite est la plus courte. Une fois arrivé au sommet de la cargaison, je trouverais probablement un vide, je m'y introduirais et je gagnerais l'écoutille. C'était le chemin direct, le seul qui parût indiqué; en effet, tout ce que me ferait gagner la voie horizontale serait entièrement perdu; je franchirais ainsi toute l'épaisseur du navire, sans me rapprocher du pont qui se trouvait au-dessus de ma tête. Il fallait donc ne prendre cette direction que lorsque j'y serais forcé par un obstacle qui m'imposerait de faire un détour.
Malgré cette conclusion toute rationnelle, ce fut horizontalement que je me dirigeai tout d'abord; j'y étais déterminé par trois motifs: le premier, c'est que le bout des planches qui formaient la paroi de la caisse était presque décloué, et n'exigeait qu'un faible effort pour se détacher complétement. Le second, c'est qu'en passant mon couteau dans les fentes du couvercle, je rencontrais un de ces ballot impénétrables qui m'avaient arrêté deux fois, et que j'avais tant maudits.
Ce motif aurait suffi pour me décider à prendre l'autre direction, mais il y en avait un troisième qui n'était pas sans importance.
Pour le bien comprendre, il faut connaître l'intérieur des navires, particulièrement de ceux que l'on construisait à l'époque dont je vous parle, et qui remonte à quelque soixante ans. Dans les vaisseaux d'une forme convenable, tels que les Américains nous ont appris à les faire, l'obstacle dont j'ai à vous entretenir n'aurait pas existé.
Permettez-moi, à cette occasion, d'entrer dans quelques détails indispensables à l'intelligence de mon histoire; ils couperont un instant le fil du récit, mais j'espère que la leçon qu'ils renferment ne sera pas perdue pour vous, et qu'elle profitera un jour à votre pays, lorsque vous serez en âge de la mettre en pratique.
J'ai toujours pensé, ou pour mieux dire je suis depuis longtemps convaincu de ce fait, car ce n'est pas une simple théorie; je suis convaincu, dis-je, que l'étude de la science politique, ainsi que l'appellent les hommes d'État, est la plus importante qui puisse occuper les hommes. Elle embrasse tout ce qui a rapport à l'ordre social et influe sur toutes les existences. Tous les arts, tous les progrès scientifiques ou industriels en dépendent; la morale elle-même n'est que le corollaire de l'état politique d'un pays, et le crime, la conséquence de sa mauvaise organisation, car cet état est la principale cause de sa prospérité ou de sa misère.
Comme je le disais tout à l'heure, les lois d'un pays, en d'autres termes son organisation politique, influent sur les moindres détails de l'existence, sur le navire et la voiture qui nous transportent, sur nos instruments de travail, nos ustensiles de ménage, le confort de notre intérieur, et chose bien autrement grave, sur la forme de notre corps et la disposition de notre âme.
Le trait de plume d'un despote, l'acte insensé d'une chambre législative, qui ne paraissent s'appliquer personnellement à aucun des membres de la société, exercent néanmoins sur chaque individu une influence secrète qui, en une seule génération, corrompt l'esprit de tout un peuple et rend ses traits ignobles.
Je pourrais établir ce fait avec la certitude d'une vérité mathématique, mais je n'ai pas le temps de le faire aujourd'hui; il me suffira de vous en citer un exemple.
À une époque déjà ancienne, le parlement britannique surimposa les navires, car ceux-ci, comme tout le reste, doivent payer leur existence. Ce qu'il y a de plus difficile en pareille occasion c'est toujours la proportionnalité de l'impôt. Il serait injuste d'exiger du propriétaire d'une barque la somme énorme que l'on demande à celui d'un vaisseau de deux mille tonnes. Ce serait absorber tout le bénéfice du premier, et faire échouer son embarcation avant de sortir du port. Comment faire pour résoudre le problème? La solution paraît toute naturelle: il suffit, pour y arriver, de taxer chaque navire proportionnellement à son tonnage.
C'est ce que fit le parlement anglais. Mais une autre difficulté se présenta: comment établir la proportion voulue? Après en avoir délibéré, on décréta que les navires seraient taxés d'après leurs dimensions. Mais le tonnage exprime le poids et non la masse des objets; comment résoudre cette nouvelle difficulté? En établissant le rapport du volume à la pesanteur, et en cherchant combien chaque navire contient de ces unités de volume représentant le poids du tonneau. C'était toujours, en fin de compte, substituer la mesure au poids, et prendre la capacité du navire pour base de la taxe, au lieu de la pesanteur du chargement.
Autre question découlant de la première: Par quel moyen établir les proportions relatives des navires à taxer? En prenant la longueur de la quille, la largeur des baux15 et la profondeur de la cale; multipliez ces trois termes l'un par l'autre, et le total vous donnera la capacité des navires, si toutefois les proportions de ces navire sont exactes.
L'impôt fut établi sur ces bases, la loi fut votée, et si vous avez l'esprit superficiel, vous pensez qu'elle était juste, et ne pouvait être fâcheuse que pour la bourse des gens qui devaient payer la taxe.
Détrompez-vous; cette loi si simple et si juste en apparence a causé plus de perte de temps et d'hommes, gaspillé plus de richesses qu'il n'en faudrait aujourd'hui pour racheter tous les esclaves de la terre.
«Comment cela?» demandez-vous avec surprise.
Non-seulement cette loi innocente retarda les progrès de la construction navale, l'un des arts les plus importants qui existent, mais elle le fit rétrograder de plusieurs siècles. Le propriétaire d'un bâtiment, ou celui qui voulait le devenir, ne pouvant pas éviter la taxe, chercha par tous les moyens à la réduire le plus possible; car la fraude est le premier résultat des charges trop lourdes, et n'en est pas le moins triste. Il alla trouver le constructeur, lui commanda un vaisseau de telle longueur, de telle profondeur, c'est-à-dire de tel tonnage, et qui, par cela même, devait payer un certain impôt. Mais il ne se borna pas à ces indications; il demanda qu'on lui fît un navire dont la cale renfermât un chargement d'un tiers plus fort que ne le ferait supposer le tonnage, d'après la mesure adoptée pour établir celui-ci. De cette façon-là, il ne payerait en réalité que les deux tiers de la taxe, et frauderait ainsi le gouvernement dont la loi entravait ses entreprises.
Était-il possible de construire un vaisseau dans ces conditions frauduleuses? Parfaitement; il suffisait pour cela d'en augmenter l'étendue, d'en faire saillir les côtés, d'en élargir l'avant, en un mot de lui donner une forme absurde qui en ralentît la marche, et en fît la tombe d'une foule de marins et de passagers.
Le constructeur avait donc le moyen de satisfaire l'armateur; il obéit aux ordres qui lui étaient donnés, et s'y conforma pendant si longtemps, que finissant pas croire que cette structure ridicule était la véritable forme du navire, il ne voulut plus en changer. Cette conviction déplorable s'était tellement emparée de son esprit, qu'après l'abrogation de la loi qui l'avait fait naître, il fallut de bien longues années pour déraciner cette erreur. Ce n'est que la génération suivante qui put s'apercevoir de la faute de ses devanciers, et rendra aux navires une forme raisonnable. Encore n'est-ce pas en Angleterre, où l'erreur avait pris racine, mais de l'autre côté de l'Océan, que cette nouvelle génération vint au monde, fort heureusement pour nous, qu'elle fit sortir de l'ornière où nous aurions langui pendant un siècle.
Il n'a pas fallu moins de cinquante ans pour arriver où nous en sommes, c'est-à-dire bien loin de la perfection. Mais, délivrés du cauchemar de la taxe, les constructeurs se sont mis à regarder les poissons; et, s'inspirant de leur mécanisme, ils font chaque jour de nouveaux progrès.
Vous comprenez maintenant ce que je voulais dire en affirmant que la science politique est la plus importante que puisse étudier l'homme.
CHAPITRE LVII
Un grand obstacle
L'Inca, ce bon navire dont j'habitais la cale, était construit comme la plupart des bâtiments de son époque. Afin d'éluder une partie de la taxe, il avait la poitrine d'un pigeon, d'énormes flancs qui dépassaient de beaucoup les baux, et qui, vus d'en bas, se refermaient au-dessus de vous comme une toiture. C'était d'ailleurs la forme de tous les navires marchands qui fréquentaient nos parages.
Vous vous rappelez qu'au-dessus de la caisse où j'étais parvenu, il se trouvait un ballot que je supposais rempli de toile; en explorant avec soin toutes les fentes de ma boîte, je découvris que ce ballot, que j'avais cru plus considérable, n'occupait pas tout le dessus du couvercle; il s'en fallait à peu près de trente centimètres, et à l'endroit où il cessait, je ne rencontrais plus rien; c'était le côté de la caisse qui touchait à la membrure du navire, et j'en conclus que cet espace était vide.
La chose est facile à comprendre: le ballot se trouvait à l'endroit où les côtes du bâtiment commençaient à se courber, il les touchait par son extrémité supérieure, et laissait nécessairement un vide de forme triangulaire entre le couvercle qui lui servait de base et le point où il rencontrait la charpente.
Ce fut pour moi un trait de lumière; il est certain que si j'avais continué mon ascension en ligne directe, je serais arrivé, comme le sommet du ballot, à me trouver en contact avec les flancs du navire, dont la courbe se prononçait de plus en plus à mesure qu'ils approchaient du pont. Avant de les rencontrer, j'aurais eu affaire à tous les petits objets qu'on avait dû placer dans les angles formés par la carcasse du navire, et qui m'auraient donné bien plus de peine que les grandes caisses de sapin, ou les ballots plus importants. Cette raison, jointe à celles dont j'ai déjà parlé, me déterminait à quitter la ligne droite pour suivre la diagonale.
Vous êtes peut-être surpris de me voir employer un temps précieux à faire tous ces calculs; mais si vous réfléchissez au travail que j'allais entreprendre, à la difficulté de me frayer un passage à travers les parois de la caisse, de m'ouvrir la voisine, et tous les colis suivants, quand vous songerez qu'il me fallait tout un jour pour avancer d'un échelon, vous comprendrez qu'il était indispensable de ne pas agir à la légère, et de s'orienter avec soin pour ne pas faire fausse route.
Ensuite je fus bien moins long à choisir la direction que je voulais prendre, qu'à vous expliquer les motifs qui m'y déterminèrent; cela ne demanda pas plus de quelques minutes; et si je restai une demi-heure sans travailler, c'est que j'avais besoin de repos, et que je jouissais avec délices de me sentir sur mes jambes et de redresser la tête.
Quand je fus suffisamment reposé, je me hissai dans la caisse supérieure, et me disposai à reprendre ma besogne.
Je tressaillis de joie en me trouvant dans cette caisse; j'avais gagné le second étage de la cargaison, j'étais à plus de deux mètres du fond de la cale, et à un mètre plus haut que je n'avais encore atteint, c'est-à-dire plus près des hommes, du jour et de la liberté.
Comme je l'ai déjà dit, les planches que j'avais en face de moi étaient presque détachées, par suite des efforts que j'avais faits pour ôter les pièces d'étoffe; je sentais en outre que l'objet qui était de l'autre côté de la caisse en était éloigné de sept ou huit centimètres, car c'est tout au plus si je parvenais à le toucher avec la pointe de mon couteau. L'avantage était évident, cela me donnait plus de jeu, partant plus de force, pour démolir la paroi que j'avais à renverser.
Effectivement, botté à cette intention, je me couchai sur le dos et donnai du pied contre la planche.
Des craquements successifs m'annoncèrent que les clous avaient cédé; je continuai mes efforts, la planche se détacha tout à fait et glissa entre les deux caisses.
Aussitôt je passai la main par la brèche qui s'ensuivit, afin de reconnaître ce qui venait ensuite; je ne sentis que le bois rugueux d'une autre caisse d'emballage, et ne pus deviner ce que renfermait ce nouveau colis.
Le reste des planches, qui complétaient la paroi que j'étais en train d'abattre, suivit la précédente; et je pus continuer mon examen: la surface dont j'avais exploré une partie, s'étendait, à ma grande surprise, beaucoup plus loin que mes bras ne pouvaient atteindre, et cela dans tous les sens; elle se dressait comme un mur, bien au delà des limites de la boîte où je me trouvais alors, et il m'était impossible de deviner où elle s'arrêtait.
Que ce fût un colis d'une dimension démesurée, j'en avais la certitude; mais que pouvait-il contenir? Je ne m'en doutais même pas. Était-ce du drap? la caisse aurait été pareille aux autres: néanmoins ce n'était pas de la toile, et j'en étais bien aise.
J'introduisis mon couteau dans les fentes du sapin, et je sentis quelque chose qui ressemblait à du papier; mais ce n'était qu'une enveloppe, car après avoir traversé l'emballage, la pointe de mon couteau s'arrêta sur un objet aussi poli que du marbre. J'appuyai avec force, et je compris que ce n'était pas de la pierre, mais un bois dur et très-lisse. Je donnai un coup violent pour y enfoncer ma lame: un bruit singulier me répondit, un son prolongé qui, cependant, ne m'apprenait pas quel objet cela pouvait être.
La seule chose à faire pour le savoir était d'ouvrir la caisse et d'en examiner le contenu.
Je suivis le procédé qui m'avait déjà servi, et coupai en travers l'une des planches dont cette énorme caisse était faite. J'eus infiniment de peine et fus au moins quatre ou cinq heures à pratiquer cette ouverture; mon couteau ne coupait plus et ma tâche en devenait plus difficile.
Je finis pourtant par compléter la section, et par détacher la partie inférieure de la planche que je fis tomber entre les deux caisses; la seconde moitié suivit la première, et j'eus une ouverture assez grande pour fouiller dans l'intérieur de cette boîte gigantesque.
De monstrueuses feuilles de papier recouvraient la surface d'un corps volumineux et résistant; j'arrachai cette enveloppe, et mes doigts glissèrent le long d'un objet poli comme un miroir; mais ce n'était pas une glace, car ayant frappé cet objet d'un revers de main, il résonna comme il avait fait une première fois; je donnai un coup plus fort et j'entendis une vibration harmonieuse, qui me fit penser à une harpe éolienne.
C'était un piano qui se trouvait dans la grande caisse, cela ne faisait pas l'ombre d'un doute. Il y en avait un dans notre petit parloir; ma mère en tirait des sons mélodieux; c'est encore aujourd'hui l'un de mes plus doux souvenirs, et je reconnaissais les vibrations qui m'avaient ému jadis. Cette grande table unie, où coulaient mes doigts comme sur du verre, n'était ni plus ni moins que la caisse de l'instrument.
CHAPITRE LVIII
Détour
La certitude que je venais d'acquérir était loin d'être encourageante: ce piano m'opposait une barrière peut-être insurmontable; je ne pouvais pas le traverser comme une planche de sapin. C'était assurément le plus grand de tous les pianos; quelle différence avec celui que je vois encore dans notre petit parloir, et sur lequel ma mère exécutait cette bonne musique! Il était posé de champ, et me présentait son couvercle de palissandre, où je ne découvrais pas le moindre petit trou, la plus légère fissure.
Jamais la lame de mon couteau ne parviendrait à mordre sur cette boîte glissante, dont le poli augmentait la dureté.
Quand, d'ailleurs, je serais parvenu à faire une trouée dans le couvercle, soit en le coupant, soit en le défonçant, ce qui, avec de la persévérance, n'eût pas été impraticable, où cela m'aurait-il conduit? Je ne connaissais pas la disposition intérieure d'un piano; tout ce que je me rappelais, c'était d'y avoir remarqué beaucoup de petits morceaux d'ivoire et d'ébène, un grand nombre de cordes en acier, des planches, des pédales, une foule de choses qui devaient être bien difficiles à défaire. Puis il y avait un fond solide; et après le fond du piano, restait la caisse d'emballage.
En supposant que je parvinsse à démonter, ou à briser toutes ces pièces, à les retirer de leur étui, à les ranger derrière moi pour déblayer la place, aurais-je assez de terrain pour agir et pour me permettre de faire une entaille qui me permît d'y passer? La chose était douteuse; je me trompe, j'avais la certitude qu'elle était impraticable.
Plus j'y pensais, plus je voyais l'impossibilité de l'entreprise, et, après l'avoir envisagée sous toutes ses faces, j'y renonçai complétement; il était beaucoup plus sage de me détourner que de chercher à m'ouvrir une brèche dans cette muraille de palissandre ou d'acajou.
Ce n'est pas, toutefois, sans chagrin que je pris cette résolution; j'avais eu tant de peine à ouvrir la caisse du piano! Il m'avait fallu une demi-journée de travail pour défoncer la boîte au drap et pour scier la planche voisine; tout cela en pure perte. Mais qu'y faire, sinon réparer le temps perdu? Comme un général qui assiége une ville, et qui voit ses attaques repoussées, je fis une nouvelle reconnaissance des lieux, afin de découvrir la meilleure route à suivre pour tourner la forteresse qui me défendait le passage.
J'étais toujours persuadé que c'était un ballot de toile qui se trouvait au-dessus de ma tête, et cette conviction m'empêchait de me diriger de ce côté-là; il ne me restait plus qu'à choisir entre la droite et la gauche.
Cela ne m'avancerait pas d'un centimètre; je n'en serais jamais qu'au même étage, et par conséquent tout aussi loin du but; mais j'avais si peur de cet affreux ballot de toile!
Mon travail du jour n'était cependant pas tout à fait perdu; en faisant sauter la paroi latérale de la caisse d'étoffe, j'avais trouvé, ainsi que je l'ai dit, un vide entre elle et cette grande boîte qui renfermait le piano, je pouvais y introduire le bras jusqu'au-dessus du coude, et cela me permettait de palper les colis qui se trouvaient dans les environs.
À droite et à gauche étaient deux caisses entièrement pareilles à celles que j'occupais, et qui devaient être remplies d'étoffes de laine, ce qui m'allait assez bien. J'étais habitué à l'effraction de ces sortes de colis; j'avais trouvé la manière de les débarrasser de leur contenu, et cette besogne n'était pour moi qu'une bagatelle. Plût à Dieu que toute la cargaison eût été formée de cet article, pour lequel étaient renommés les comtés de l'ouest de l'Angleterre.
Comme je faisais cette réflexion, tout en explorant la surface de ces colis, je levai le bras pour voir de combien le ballot de toile dépassait le dessus de la caisse vide; à ma grande surprise, il ne débordait pas. J'avais pourtant observé que ces ballots étaient à peu près de la même dimension que les caisses d'étoffe; et comme celui dont il s'agissait n'allait pas jusqu'au bout de l'autre côté, où la courbure de la charpente l'empêchait de se caser, j'en avais conclu qu'il devait déborder à droite de toute la largeur qu'il laissait vide à gauche; mais il n'en était rien, c'était la preuve qu'il était moins grand que les autres.
Cette remarque toute naturelle changea le cours de mes idées: si le ballot en question différait de ceux que j'avais trouvés, sous le rapport du volume, ne pouvait-il pas renfermer autre chose que de la toile? Je l'examinai avec soin, et fus agréablement surpris en découvrant que ce n'était pas du tout un ballot, mais bel et bien une caisse; elle était seulement entourée d'une matière épaisse et molle, d'une sorte de paillasson ou de natte, et c'était là ce qui avait causé mon erreur.
Dès lors il était possible de revenir à mon plan primitif, et de continuer ma route en ligne directe; je viendrais facilement à bout de ce paillasson, la boîte qu'il enveloppait ne serait pas plus dure que les autres, et je l'aurais bientôt défoncée.
Avant d'arriver au paillasson, il fallait découvrir la caisse ou je me trouvais; vous connaissez les détails de cette besogne, et je ne vous les rappellerai pas; il me suffira de vous dire qu'elle fut moins difficile que je ne m'y attendais, en raison du vide qui se trouvait à ma droite; et je fus bientôt en face du paillasson, qui m'offrit peu de résistance.
La boîte qu'il entourait et que j'allais attaquer était bien en sapin; elle me parut moins épaisse que les autres, elle n'était pas bardée de fer comme les grandes caisses d'étoffe, les clous en étaient peu nombreux, toutes circonstances favorables dont je me félicitai. Au lieu de prendre la peine de couper les planches, ce qui était long et difficile, je pourrais les détacher tout d'abord, en me servant d'un objet quelconque pour en arracher les pointes. J'avais vu souvent ouvrir ainsi les caisses, au moyen d'un ciseau qui fait l'office de levier.
Je pensais bien peu, en me félicitant de ces heureuses circonstances, qu'elles seraient pour moi la cause d'un grand malheur, et que la joie qu'elles me donnaient allait se changer en désespoir.
Vous allez le comprendre en quelques mots.
J'avais inséré mon couteau sous l'une des planches, avec l'intention d'éprouver la résistance que celle-ci m'opposerait; j'appuyai trop sans doute, car un craquement sec, plus douloureux pour moi que n'eût été la détonation d'un pistolet, dont le coup m'aurait frappé, m'annonça que je venais de briser la lame de mon couteau.