Sadece Litres'te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Les enfants des bois», sayfa 9

Yazı tipi:

CHAPITRE XXIV
LES AVENTURES DU PETIT JAN

Il aurait mieux valu que Jan n'eût jamais vu la petite ourebi, car la nuit même l'innocente créature causa dans le camp une panique terrible.

L'ordre du coucher avait été le même que la nuit précédente.

Von Bloom et les quatre enfants s'étaient installés dans la charrette.

Totty était étendue dessous, entre les roues.

Le Bosjesman avait allumé à peu de distance un grand feu, près duquel il s'était endormi, enveloppé dans son kaross de peau de mouton.

La famille n'avait pas été importunée par les hyènes, ce qui se concevait aisément. Les trois chevaux qu'on avait tués dans la journée absorbaient l'attention de ces désagréables visiteuses, dont on entendait les rires affreux du côté où gisaient les cadavres. Ayant largement à souper, elles n'avaient aucun prétexte pour s'aventurer dans le voisinage du camp, où elles avaient été mal accueillies la veille.

Ce fut ainsi que raisonna Von Bloom avant de s'endormir; mais il se trompait. Quoique les hyènes eussent dévoré les chevaux, c'était une erreur de croire que leur appétit insatiable serait assouvi. Longtemps avant le jour, si Von Bloom avait été réveillé, il aurait entendu près du camp le rire frénétique des hyènes, dont les yeux verts scintillaient aux clartés mourantes du feu de Swartboy.

Dans un moment d'insomnie, il avait bien entendu les bêtes féroces; mais sachant que le biltongue était hors d'atteinte, et s'imaginant qu'elles ne pouvaient nuire à personne, il ne daigna pas s'occuper de leurs bruyantes démonstrations.

Cependant il fut réveillé en sursaut par le cri perçant d'un animal aux abois; et ce cri fut suivi d'un autre brusquement étouffé.

Von Bloom reconnut le bêlement plaintif de l'ourebi.

– Ce sont les hyènes qui la tuent, pensa-t-il.

Tous les membres de la famille, éveillés en même temps, eurent la même idée; mais ils n'eurent pas le temps de l'exprimer. Un nouveau bruit les fit tressaillir, et ils se levèrent avec autant de précipitation que si une bombe eût éclaté sous la charrette: du côté d'où était parti le bêlement de l'antilope, la voix du petit Jan se fit entendre.

Grand Dieu! qu'arrivait-il?

A une clameur brusque et perçante succéda le tumulte confus d'une lutte; puis Jan appela au secours à grands cris, et les sons de sa voix furent de plus en plus affaiblis par la distance.

Jan était enlevé!

Cette pensée frappa Von Bloom, Hans et Hendrik, et les remplit de consternation. Ils avaient à peine les yeux ouverts, et, ne jouissant pas encore de toute la lucidité de leur esprit, ils ne savaient à quoi se résoudre.

Les cris réitérés de Jan leur rendirent toute leur énergie. Sans même prendre leurs fusils, ils sautèrent à bas de la charrette et coururent au secours de leur frère.

Totty était levée et versait des larmes, mais elle ignorait ce qui s'était passé.

Ils ne s'arrêtèrent pas à l'interroger, leur attention fut attirée par les vociférations de Swartboy, et ils virent courir dans les ténèbres un tison ardent qui était sans doute porté par ce fidèle serviteur.

Ils suivirent comme un fanal la torche embrasée. La voix du Bosjesman tonnait dans le lointain; mais, hélas! les cris du petit Jan retentissaient plus loin encore.

Sans chercher à comprendre ce dont il s'agissait, ils hâtèrent le pas, en proie à de sinistres appréhensions.

Tout à coup le tison descendit rapidement, remonta, redescendit, se releva de nouveau, et les clameurs de Swartboy redoublèrent.

Evidemment il administrait à quelque animal une terrible correction.

Mais on n'entendait plus la voix de Jan; était-il mort?

Son père et ses frères s'avancèrent, et bientôt un étrange spectacle s'offrit à leurs yeux. Jan gisait au pied d'un buisson, aux racines duquel il se cramponnait. Autour de son poing droit était enroulé le bout d'une longue lanière, et à l'autre bout était attaché la jeune ourebi, horriblement mutilée. Swartboy était près de lui, tenant son tison, qui flamboyait avec un nouvel éclat depuis qu'il s'en était servi pour étriller une hyène affamée.

L'hyène s'était évadée sans demander son reste, mais personne ne songea à la poursuivre; on ne s'occupait que du petit Jan.

L'enfant fut relevé; tous les yeux l'examinèrent avec empressement, et un cri de joie partit de toutes les poitrines quand on s'aperçut qu'il n'était pas blessé. Les épines l'avaient égratigné, la corde qu'il tenait avait laissé sur son poing un sillon bleuâtre; il était un peu troublé, mais il reprit promptement ses sens et donna l'assurance qu'il n'éprouvait aucune douleur; il expliqua ensuite les détails de sa mystérieuse aventure.

Il s'était couché dans la charrette avec ses frères, mais il ne s'était pas endormi comme eux; il était préoccupé de sa chère ourebi, qui, faute de place, avait été reléguée sous la charrette.

Jan se mit en tête de la contempler encore avant de s'endormir. Sans dire un mot à personne, il descendit, détacha doucement l'ourebi, qu'on avait liée à l'une des roues, et la conduisit auprès du feu pour la mieux voir.

Après l'avoir admirée pendant quelque temps, Jan pensa que Swartboy ne serait pas fâché de partager ses impressions, et il secoua le Bosjesman sans cérémonie. Celui-ci n'était nullement disposé à se réveiller pour regarder un animal de l'espèce duquel il avait mangé des centaines; mais il aimait son jeune maître et ne se formalisa pas d'un caprice qui le privait du sommeil.

Tous deux se mirent à causer des grâces de l'ourebi; mais ce genre de conversation finit par devenir monotone, et Swartboy proposa de dormir. Jan y consentit, à condition qu'il coucherait auprès du feu.

– J'irai, dit-il, chercher ma couverture dans la charrette, et vous n'aurez pas besoin de partager avec moi votre kaross.

– Y songez-vous? répondit Swartboy; quelle fantaisie! Si votre père se lève et ne vous trouve pas à côté de lui, que dira-t-il?

– Il n'aura pas de reproches à me faire, j'ai eu froid dans la charrette, et il est tout naturel que je me rapproche du feu. Je vous en prie, laissez-moi coucher auprès de vous.

Le petit lutin employa tant d'artifices que Swartboy, qui ne pouvait rien lui refuser, finit par se rendre. Il n'y avait pour lui aucun inconvénient à coucher en plein air, car le temps n'était pas à la pluie.

Jan remonta sans bruit dans la charrette, y prit sa couverture et vint se coucher à côté de Swartboy. De peur de perdre l'ourebi, il lui attacha au cou une lanière dont il s'assujettit fortement l'autre extrémité autour du poignet.

Pendant quelque temps encore, il demeura en contemplation devant sa bête favorite; mais enfin le sommeil le gagna, et l'image de l'ourebi devint confuse devant ses yeux.

A partir de cet instant, Jan ne pouvait se rendre exactement compte de ce qui lui était arrivé. – J'ai été éveillé, dit-il en terminant son récit, par une brusque secousse et par les bêlements de mon ourebi; et au moment où j'ouvrais les yeux, je me suis senti violemment traîné sur le sol; j'ai cru d'abord que Swartboy me jouait quelque mauvaises farce, mais à la lueur du foyer, j'ai vu un gros animal noir qui emportait l'ourebi et nous entraînait tous les deux. Jugez si je me suis mis à crier.

J'ai tâché de me retenir à l'herbe, à la terre, aux branches d'arbre; mais il m'a été impossible de rien saisir. Enfin, passant auprès d'épais buissons, j'ai pu m'accrocher aux racines, et je m'y suis tenu de toute ma force.

Pourtant l'animal noir me tirait toujours, je n'aurais pu résister longtemps sans le brave Swartboy, qui est arrivé avec son tison et qui a rossé d'importance la méchante bête. Elle n'a pas demandé son reste, allez!

Quand il acheva ses explications, Jan s'était complètement remis; mais la pauvre ourebi, cruellement mutilée, n'avait pas plus de prix qu'un rat mort.

CHAPITRE XXV
DIGRESSION SUR LES HYÈNES

Les hyènes ne sont que des loups d'une espèce particulière. Elles leur ressemblent par les mœurs et l'aspect général; mais elles ont la tête plus massive, le museau plus large, le cou plus court et la robe plus velue et plus hérissée; un de leur traits caractéristiques est l'inégalité des membres inférieurs: les jambes de derrière étant plus faibles et plus courtes que celle de devant, la croupe est beaucoup plus basse que les épaules, et la ligne du dos, au lieu d'être horizontale comme chez la plupart des animaux, s'abaisse obliquement vers la queue.

Dans les temps fabuleux de la zoologie, le cou épais et lourd de l'hyène avait fait croire qu'elle n'avait pas de vertèbres cervicales. Ses fortes mâchoires lui permettent de broyer des os dont les autres bêtes de proie ne sauraient tirer aucun parti: elle brise les plus gros; et, après en avoir extrait la moëlle, elle les réduit en pâte et les avale. La nature ne laisse rien perdre, et c'est dans les contrées où abondent ces grands os que l'hyène se rencontre.

Les hyènes sont les loups de l'Afrique, c'est-à-dire qu'elles représentent sur ce continent une espèce qui n'y existe pas. Le maraudeur des Pyrénées ou son frère jumeau d'Amérique n'auraient point sans elle d'analogue en Afrique, car le chacal est de trop petite taille pour être considéré comme un loup.

De tous les loups, l'hyène est le plus laid, le plus repoussant. Ce serait l'animal le plus hideux de la création sans les babouins, avec lesquels elles ont d'ailleurs quelques rapports de physionomie et d'habitudes.

Pendant longtemps on n'a connu qu'une seule espèce d'hyène, l'hyène vulgaire ou rayée sur laquelle on a débité une foule de fables absurdes. Aucun animal, pas même le vampire, pas même le dragon, n'a joué un rôle si important dans le monde surnaturel. D'après les récits fantastiques du moyen âge, l'hyène exerçait sur ses victimes la fascination du regard; les attirait et les dévorait. Elle changeait de sexe chaque année; on prétendait même qu'elle avait le pouvoir de se métamorphoser en jeune homme pour séduire les jeunes filles et les entraîner au fond des bois; elle imitait admirablement la voix humaine. Rôdant autour des maisons, elle prêtait l'oreille, et quand elle avait entendu prononcer le nom d'un membre de la famille, elle le répétait en poussant des cris de détresse. Celui qu'elle avait appelé sortait imprudemment et devenait sa victime.

Ces histoires bizarres étaient crues comme article de foi; mais ce qui peut sembler étrange, c'est qu'elles ne sont pas totalement dépourvues de fondement, et il y a en effet dans le regard de l'hyène une puissance particulière qui emporte l'idée de fascination, quoique à ma connaissance personne ne s'y soit jamais laissé prendre. On a pu également se figurer que l'hyène imitait la voix humaine, par la simple raison que cette voix ressemble à la sienne. Je ne prétends pas dire que le cri de l'hyène soit exactement celui d'un homme, mais il présente avec certains cris particuliers une identité remarquable. Je connais plusieurs individus qui ont positivement des voix d'hyène, et l'imitation la plus exacte du rire humain est le cri de l'hyène tachetée.

Malgré l'horreur qu'il inspire, on ne peut l'entendre sans être égayé par cette singulière parodie, dont les sons métalliques et saccadés rappellent la voix des nègres; j'ai déjà comparé ce rire à celui d'un nègre en état de folie.

L'hyène rayée, quoique la mieux connue, est selon moi la moins intéressante de son genre. Elle est plus répandue que ses congénères; on la trouve dans presque toute l'Afrique, dans les parties méridionales de l'Asie, et même dans le Caucase et l'Altaï. C'est la seule espèce qui existe en Asie; toutes les autres sont originaires de l'Afrique, qui est la véritable patrie de l'hyène.

Les naturalistes n'admettent que trois espèces d'hyènes; mais je suis convaincu qu'il y en a cinq ou six autres non moins distinctes, sans y comprendre le protales ou petite hyène fossoyeuse, et le chien sauvage du Cap, dont nous aurons à nous occuper dans le cours de notre récit.

L'hyène rayée est ordinairement d'une couleur gris-cendré, avec de légères teintes jaunâtres et des stries irrégulières d'un brun foncé. Ces raies sont rangées obliquement le long du corps et suivent la direction des côtes; elles ne sont pas marquées avec la même netteté chez tous les individus.

Le poil de l'hyène est rude, épais, et forme sur le cou, les épaules et le dos, une crinière lorsque l'animal est irrité.

L'hyène commune est loin d'être brave; c'est en réalité la plus faible et la moins féroce de son genre. Elle est vorace, mais elle vit uniquement de charogne et n'ose pas attaquer des êtres vivants d'une taille deux fois moindres que la sienne. Elle se jette avec avidité sur les plus petits quadrupèdes, mais un enfant de douze ans peut aisément la mettre en fuite.

La seconde espèce, désignée sous le nom d'hyène de Bruce, est celle dont le célèbre voyageur fut si souvent importuné pendant qu'il parcourait l'Abyssinie. Presque tous les naturalistes l'ont confondue avec l'hyène vulgaire, à laquelle elle ne ressemble que par les stries, encore sont-elles différemment disposées et d'une couleur différente. L'hyène de Bruce, deux fois plus grande que le type de l'espèce, la surpasse en force, en courage et en férocité. Elle attaque sans hésitation tous les animaux et l'homme lui-même. Elle entre la nuit dans les villages pour enlever les bestiaux et les enfants. Ces faits, qui paraissent invraisemblables, sont constatés par les témoignages les plus authentiques.

L'hyène de Bruce a la réputation d'entrer dans les cimetières et de déterrer les cadavres pour s'en repaître. Quelques naturalistes ont nié le fait; mais pourquoi? On sait que dans presque toutes les parties de l'Afrique les morts ne reçoivent point de sépulture, et qu'ils sont déposés dans les champs, où les hyènes viennent les dévorer; on sait aussi que l'hyène creuse la terre. Est-il invraisemblable qu'elle découvre les cadavres, qui sont sa nourriture naturelle? C'est l'habitude du loup, du chacal, du coyotte et même du chien. Je les ai vus tous ensemble à l'œuvre sur le champ de bataille. Pourquoi ne serait-ce pas celle de l'hyène?

Une troisième espèce, très-distincte des précédentes, est l'hyène tachetée (hyena crocuta). On l'appelle parfois aussi l'hyène rieuse, à cause de la particularité dont nous avons eu occasion de parler.

Cette espèce est plus grande que l'hyène vulgaire, dont elle diffère peu par la couleur; seulement, au lieu d'être rayés, ses flancs sont couverts de taches. Elle a les mœurs de l'espèce Abyssinienne; mais elle est cantonnée dans la partie la plus méridionale de l'Afrique, où les colons hollandais la nomment tigre-loup, tandis que l'hyène vulgaire est connue sous la simple dénomination de loup.

Une quatrième espèce, l'hyène velue (hyena villosa), a pour signe caractéristique de grands poils droits qui tombent le long de ses flancs. Elle est de la grosseur d'un chien du mont Saint-Bernard, et n'est pas sans analogie avec le blaireau. La couleur de sa robe est un brun foncé en dessus et un gris sale en dessous.

Il est impossible de la confondre avec ses congénères, et cependant de savants naturalistes, entre autres de Blainville, l'ont décrite comme appartenant à la même espèce que l'hyène vulgaire. Les plus ignorants fermiers de l'Afrique méridionale ne s'y trompent pas.

Le nom de loup des sables qu'ils donnent à cette quatrième espèce indique ses habitudes, car elle fréquente les bords de la mer et ne se trouve jamais dans les localités où abondent les hyènes communes.

On a eu tort d'appeler cette espèce hyène brune, car elle n'est nullement caractérisée par sa couleur. Ce nom convient mieux à celle qui habite le grand désert, et dont les poils plus courts sont d'un brun uniforme. Sans doute, lorsque le centre de l'Afrique aura été complètement exploré, plusieurs espèces nouvelles seront ajoutées à cette liste déjà nombreuse.

Les mœurs des hyènes se rapprochent de celles des grands loups. Elles vivent dans des grottes ou dans des crevasses de rochers. Quelques-unes s'emparent des terriers que d'autres animaux ont creusés, et qu'elles élargissent avec leurs griffes. Elles n'ont pas les pattes assez rétractiles pour monter sur les arbres; c'est dans leurs mâchoires et leurs dents que consiste leur principale force.

Les hyènes sont des animaux solitaires; il est vrai qu'on les voit par bandes autour des carcasses, mais si elles sont attirées par une proie commune, elles se dispersent pour en emporter les lambeaux. D'une voracité excessive, elles mangent jusqu'aux morceaux de cuir et aux vieux souliers. Malgré leur lâcheté elles montrent de l'audace envers les pauvres indigènes, qui ne les chassent pas en vue de les exterminer. Elles entrent dans les misérables kraals et emportent souvent les enfants. Il est certain que plusieurs centaines d'enfants ont été tués par les hyènes dans l'Afrique méridionale.

Vous vous demandez sans doute pourquoi on ne leur déclare pas la guerre? pourquoi on tolère leurs déprédations? Vous supposez que la vie humaine est regardée comme moins précieuse en Afrique qu'en Angleterre. Il n'en est rien. Si les sauvages n'assurent pas à leur famille une protection suffisante, les hommes civilisés ne sont guère moins coupables, et, au nombre de leurs lois, il en est plus d'une qui font de nombreuses victimes. Bien plus, l'existence humaine est parfois inutilement exposée. Une fête de la cour, une revue, la réception d'un empereur, entraînent presque toujours des accidents funestes.

CHAPITRE XXVI
UNE MAISON DANS LES ARBRES

Von Bloom réfléchit que les hyènes allaient être pour lui un grand fléau; elles menaçaient ses provisions, ses effets, et même ses enfants, car, en emmenant les aînés dans ses expéditions, il était obligé de laisser au camp les plus jeunes. D'autres animaux, plus redoutables encore, venaient boire dans le lac, et la nuit même on avait entendu sur ses bords le rugissement des lions. Il importait de mettre Gertrude et Jan à l'abri de leurs atteintes.

Il fallait donc bâtir une maison; mais cette construction demandait du temps, les pierres étaient à un mille de distance et ne pouvaient être apportées qu'à la main. D'ailleurs à quoi bon se donner tant de peine pour un édifice provisoire; Von Bloom n'avait pas l'intention de se fixer dans ce lieu, où les éléphants viendraient sans doute à manquer bientôt.

On pouvait construire une maison de bois, mais, à l'exception des figuiers-sycomores qui étaient plantés de distance en distance avec une sorte de symétrie, on ne trouvait que des mimosas, des euphorbes, des strélitzias, des aloès aborescents, des zamies aux souches épaisses. Toutes ces plantes embellissaient le paysage, mais ne pouvaient fournir aucun bois de charpente. Quand aux nwanas, ils étaient tellement gros, qu'il eût été aussi difficile d'en abattre un seul que de bâtir une maison, et l'on aurait eu besoin d'une scierie mécanique pour les découper en planches.

Une enceinte de broussailles, une frêle muraille de perches et de lattes n'auraient pas suffisamment garanti la sécurité des habitants; un rhinocéros, un éléphant furieux, en auraient en quelques instants effectué la démolition.

En outre, s'il fallait en croire Swartboy, qui était originaire d'un pays voisin, quelques peuplades antropophages hantaient les environs: comment se défendre de leurs attaques dans une maison mal close et peu solide?

Von Bloom était embarrassé. Il ne pouvait commencer ses chasses avant d'avoir réglé la question de son domicile. Il importait de disposer un emplacement où les enfants seraient en sûreté pendant son absence.

Tandis qu'il y réfléchissait, il jeta par hasard les yeux sur le nwana, et son attention se fixa sur ses énormes branches, qui éveillèrent dans son esprit d'étranges souvenirs. Il se rappela avoir entendu dire que dans certaines parties de l'Afrique, et sans doute à peu de distance de celle où il était, les indigènes vivaient dans les arbres.

En effet, une tribu tout entière, composée de cinquante individus, s'établit parfois sur un seul arbre, où elle brave les bêtes féroces et les sauvages. Les huttes sont posées sur des plates-formes que soutiennent les grosses branches horizontales; l'on y monte au moyen d'échelles qui sont retirées pendant la nuit.

Von Bloom connaissait ces détails, qui sont de la plus complète exactitude.

– Ne puis-je, se dit-il, à l'exemple des Hottentots, construire un asile dans la gigantesque nwana? J'y trouverais toute la sécurité désirable, toute ma famille y dormirait en paix, et quand j'irais à la chasse, je laisserais mes enfants avec la certitude de les revoir sains et saufs au retour. L'idée est excellente, mais est-elle praticable?.. Voyons! il ne faut que des planches pour établir une plate-forme, le reste sera facile; le feuillage, à la rigueur, me servirait de toit… Mais où trouver des planches? Hélas! il n'y en a point dans les environs.

En cherchant autour de lui, Von Bloom jeta les yeux sur sa charrette.

– Voilà des planches! s'écria-t-il dans un premier transport de joie. Mais quoi! briser cette belle voiture, me priver de la seule ressource que j'aie pour retourner un jour à Graaf Reinet!.. Non, non! jamais! Imaginons un autre expédient… Mais j'y pense; je n'ai pas besoin de briser ma charrette; elle peut se démonter et se remonter à volonté… Je puis l'utiliser sans en ôter un seul clou… Le fond de la caisse sera ma plate-forme… Hurrah!

Enthousiasmé de son projet, le porte-drapeau s'empressa de le communiquer à ses enfants. Tous y adhérèrent avec empressement, et comme ils avaient la journée devant eux, ils se mirent à l'œuvre immédiatement.

Ils coupèrent d'abord dans le taillis du bois, dont ils fabriquèrent, non sans peine, un grossière échelle de trente pieds de hauteur. Elle atteignait aux premières branches du nwana, d'où ils pouvaient organiser un escalier pour arriver à toutes les autres.

Von Bloom monta, examina avec soin les branches nombreuses qui partaient horizontalement du tronc, et en choisit deux des plus fortes, situées à la même hauteur et s'écartant insensiblement l'une de l'autre.

Dix minutes suffirent pour démonter la charrette; puis tous les travailleurs réunirent leurs forces pour monter le fond de la caisse. A l'une de ses extrémités furent attachées de grosses courroies, qu'on fit passer par-dessus une branche plus élevée que celle sur laquelle devait reposer le plancher. Swartboy grimpa sur l'arbre pour diriger l'énorme pièce de bois, et toute la famille se suspendit aux courroies pour la haler. Le petit Jan lui-même tira de son mieux, mais toute sa puissance musculaire ne pouvait guère être évaluée à plus d'une livre commerciale.

Le fond de la charrette fut hissé et placé d'aplomb sur les branches horizontales destinées à le supporter. De bruyantes acclamations retentirent en bas, et Swartboy y répondit du haut du nwana.

Le plus difficile était fait. Les parois de la charrette furent enlevées pièce à pièce et remises à leur place. On élagua quelques branches afin de remonter la capote du véhicule; et quand le soleil se coucha, la maison aérienne était logeable.

On y coucha le soir même, ou plutôt, comme le dit Hans en plaisentant, on y percha.

Mais la famille ne regardait pas sa nouvelle habitation comme terminée. On y travailla le lendemain. Au moyen de longues perches, on établit devant la charrette une large terrasse. Les perches furent liées ensemble avec des baguettes de saule pleureur (salix Babylonica), arbre originaire de ces contrées, et qui croissait en abondance sur les bords du lac. La terrasse reçut un épais enduit de glaise prise au même endroit, et cimentée avec cette terre glutineuse dont sont composées les fourmilières.

Grâce à ces arrangements, on pouvait allumer du feu et faire la cuisine dans le nwana.

Quand le principal corps de logis fut achevé, Swartboy construisit une plate-forme pour lui et une seconde pour Totty, dans une autre partie de l'immense figuier-sycomore. Au-dessus de chacune d'elles, pour préserver leurs habitants de la pluie et de la rosée, fut placé un pavillon de la grandeur d'un parapluie ordinaire. Ces deux pavillons avaient un aspect bizarre, dont on se rendait compte aisément quand on savait que c'étaient les oreilles de l'éléphant.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
270 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Ses
Средний рейтинг 4,9 на основе 10 оценок
Metin PDF
Средний рейтинг 3,3 на основе 7 оценок
Metin
Средний рейтинг 5 на основе 1 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 5 на основе 1 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок
Metin
Средний рейтинг 0 на основе 0 оценок