Kitabı oku: «Don Juan, ou le Festin de pierre», sayfa 5
– Don Juan -
Monsieur, si vous êtiez assis, vous en seriez mieux pour parler.
– Don Louis -
Non, insolent, je ne veux point m'asseoir, ni parler davantage, et je vois bien que toutes mes paroles ne font rien sur ton âme; mais sache, fils indigne, que la tendresse paternelle est poussée à bout par tes actions; que je saurai, plus tôt que tu ne penses, mettre une borne à tes dérèglements, prévenir sur toi le courroux du ciel, et laver, par ta punition, la honte de t'avoir fait naître.
—
Scène VII. – Don Juan, Sganarelle.
– Don Juan -
(adressant encore la parole à son père, quoiqu'il soit sorti.)
Hé !, mourez le plus tôt que vous pourrez, c'est le mieux que vous puissiez faire. Il faut que chacun ait son tour, et j'enrage de voir des pères qui vivent autant que leurs fils.
(Il se met dans son fauteuil.)
– Sganarelle -
Ah! Monsieur, vous avez tort.
– Don Juan -
(se levant.)
J'ai tort !
– Sganarelle -
(tremblant.)
Monsieur…
– Don Juan -
J'ai tort !
– Sganarelle -
Oui, Monsieur, vous avez tort d'avoir souffert ce qu'il vous a dit, et vous le deviez mettre dehors par les épaules. A-t-on jamais rien vu de plus impertinent? un père venir faire des remontrances à son fils, et lui dire de corriger ses actions, de se ressouvenir de sa naissance, de mener une vie d'honnête homme, et cent autres sottises de pareille nature! cela se peut-il souffrir à un homme comme vous, qui savez comme il faut vivre? J'admire votre patience; et si j'avais été en votre place, je l'aurais envoyé promener.
(bas, à part.)
O complaisance maudite, à quoi me réduis-tu !
– Don Juan -
Me fera-t-on souper bientôt ?
—
Scène VIII. – Don Juan, Sganarelle, Ragotin.
– Ragotin -
Monsieur, voici une dame voilée qui vient vous parler.
– Don Juan -
Que pourrait-ce être ?
– Sganarelle -
Il faut voir.
—
Scène IX. – Done Elvire, voilée; Don Juan, Sganarelle.
– Done Elvire -
Ne soyez point surpris, don Juan, de me voir à cette heure et dans cet équipage. C'est un motif pressant qui m'oblige à cette visite, et ce que j'ai à vous dire ne veut point du tout de retardement. Je ne viens point ici pleine de ce courroux que j'ai tantôt fait éclater, et vous me voyez bien changée de ce que j'étais ce matin. Ce n'est point cette done Elvire qui faisait des voeux contre vous, et dont l'âme irritée ne jetait que menaces et ne respirait que vengeance. Le ciel a banni de mon âme toutes ces indignes ardeurs que je sentais pour vous, tous ces transports tumultueux d'un attachement criminel, tous ces honteux emportements d'un amour terrestre et grossier; et il n'a laissé dans mon coeur pour vous qu'une flamme épurée de tout le commerce des sens, une tendresse toute sainte, un amour détaché de tout, qui n'agit point pour soi, et ne se met en peine que de votre intérêt.
– Don Juan -
(bas, à Sganarelle.)
Tu pleures, je pense ?
– Sganarelle -
Pardonnez-moi.
– Done Elvire -
C'est ce parfait et pur amour qui me conduit ici pour votre bien, pour vous faire part d'un avis du ciel, et tâcher de vous retirer du précipice où vous courez. Oui, don Juan, je sais tous les dérèglements de votre vie; et ce même ciel, qui m'a touché le coeur et fait jeter les yeux sur les égarements de ma conduite, m'a inspiré de vous venir trouver, et de vous dire de sa part que vos offenses ont épuisé sa miséricorde, que sa colère redoutable est près de tomber sur vous, qu'il est en vous de l'éviter par un prompt repentir, et que peut-être vous n'avez pas encore un jour à vous pouvoir soustraire au plus grand de tous les malheurs. Pour moi, je ne tiens plus à vous par aucun attachement du monde. Je suis revenue, grâces au ciel, de toutes mes folles pensées; ma retraite est résolue, et je ne demande qu'assez de vie pour pouvoir expier la faute que j'ai faite, et mériter, par une austère pénitence, le pardon de l'aveuglement où m'ont plongée les transports d'une passion condamnable. Mais, dans cette retraite, j'aurais une douleur extrême qu'une personne que j'ai chérie tendrement devînt un exemple funeste de la justice du ciel; et ce me sera une joye incroyable, si je puis vous porter à détourner de dessus votre tête l'épouvantable coup qui vous menace. De grâce, don Juan, accordez-moi pour dernière faveur cette douce consolation; ne me refusez point votre salut, que je vous demande avec larmes; et si vous n'êtes point touché de votre intérêt, soyez-le au moins de mes prières, et m'épargnez le cruel déplaisir de vous voir condamner à des supplices éternels.
– Sganarelle -
(à part.)
Pauvre femme !
– Done Elvire -
Je vous ai aimé avec une tendresse extrême, rien au monde ne m'a été si cher que vous; j'ai oublié mon devoir pour vous, j'ai fait toutes choses pour vous; et toute la récompense que je vous en demande, c'est de corriger votre vie et de prévenir votre perte. Sauvez-vous, je vous prie, ou pour l'amour de vous, ou pour l'amour de moi. Encore une fois, don Juan, je vous le demande avec larmes; et si ce n'est assez des larmes d'une personne que vous avez aimée, je vous en conjure par tout ce qui est le plus capable de vous toucher.
– Sganarelle -
(à part, regardant Don Juan.)
Coeur de tigre !
– Done Elvire -
Je m'en vais après ce discours; et voilà tout ce que j'avais à vous dire.
– Don Juan -
Madame, il est tard, demeurez ici. On vous y logera le mieux qu'on pourra.
– Done Elvire -
Non, don Juan, ne me retenez pas davantage.
– Don Juan -
Madame, vous me ferez plaisir de demeurer, je vous assure.
– Done Elvire -
Non, vous dis-je; ne perdons point de temps en discours superflus. Laissez-moi viste aller, ne faites aucune instance pour me conduire, et songez seulement à profiter de mon avis.
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Scène X. – Don Juan, Sganarelle.
– Don Juan -
Sais-tu bien que j'ai encore senti quelque peu d'émotion pour elle, que j'ai trouvé de l'agrément dans cette nouveauté bizarre, et que son habit négligé, son air languissant et ses larmes ont réveillé en moi quelques petits restes d'un feu éteint ?
– Sganarelle -
C'est à dire que ses paroles n'ont fait aucun effet sur vous.
– Don Juan -
Vite à souper.
– Sganarelle -
Fort bien.
—
Scène XI. – Don Juan, Sganarelle, La Violette, Ragotin.
– Don Juan -
(se mettant à table.)
Sganarelle, il faut songer à s'amender pourtant.
– Sganarelle -
Oui-da.
– Don Juan -
Oui, ma foi, il faut s'amender. Encore vingt ou trente ans de cette vie-ci, et puis nous songerons à nous.
– Sganarelle -
Ah !
– Don Juan -
Qu'en dis-tu ?
– Sganarelle -
Rien, voilà le souper.
(Il prend un morceau d'un des plats qu'on apporte, et le met dans sa bouche.)
– Don Juan -
Il me semble que tu as la joue enflée: qu'est-ce que c'est? Parle donc. Qu'as-tu là ?
– Sganarelle -
Rien.
– Don Juan -
Montre un peu. Parbleu! c'est une fluxion qui lui est tombée sur la joue. Vite une lancette pour percer cela! Le pauvre garçon n'en peut plus, et cet abcès le pourrait étouffer. Attends, voyez comme il était mûr! Ah! coquin que vous êtes !
– Sganarelle -
Ma foi, Monsieur, je voulais voir si votre cuisinier n'avait point mis trop de sel ni trop de poivre.
– Don Juan -
Allons, mets-toi là, et mange. J'ai affaire de toi quand j'aurai soupé. Tu as faim à ce que je vois.
– Sganarelle -
(se mettant à table.)
Je le crois bien, Monsieur, je n'ai point mangé depuis ce matin. Tâtez de cela, voilà qui est le meilleur du monde.
(A Ragotin, qui, à mesure que Sganarelle met quelque chose sur son assiette, la lui ôte dès que Sganarelle tourne la tête.)
Mon assiette, mon assiette! Tout doux, s'il vous plaît. Vertubleu! petit compère, que vous êtes habile à donner des assiettes nettes! Et vous, petit la Violette, que vous savez présenter à boire à propos !
(Pendant que la Violette donne à boire à Sganarelle, Ragotin ôte encore son assiette.)
– Don Juan -
Qui peut fraper de cette sorte ?
– Sganarelle -
Qui diable nous vient troubler dans notre repas ?
– Don Juan -
Je veux souper en repos, au moins; et qu'on ne laisse entrer personne.
– Sganarelle -
Laissez-moi faire, je m'y en vais moi-même.
– Don Juan -
(voyant venir Sganarelle effrayé.)
Qu'est-ce donc? qu'y a-t-il ?
– Sganarelle -
(baissant la tête comme a la statue.)
Le… qui est là.
– Don Juan -
Allons voir, et montrons que rien ne me saurait ébranler.
– Sganarelle -
Ah, pauvre Sganarelle, où te cacheras-tu ?
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Scène XII. – Don Juan, La Statue du Commandeur, Sganarelle,
La Violette, Ragotin.
– Don Juan -
(à ses gens.)
Une chaise et un couvert. Vite donc.
(Don Juan et la statue se mettent à table.)
(A Sganarelle.)
Allons, mets-toi à table.
– Sganarelle -
Monsieur, je n'ai plus de faim.
– Don Juan -
Mets-toi là, te dis-je. A boire. A la santé du commandeur! je te la porte, Sganarelle. Qu'on lui donne du vin.
– Sganarelle -
Monsieur, je n'ai pas soif.
– Don Juan -
Bois, et chante ta chanson, pour régaler le commandeur.
– Sganarelle -
Je suis enrhumé, Monsieur.
– Don Juan -
Il n'importe, Allons.
(à ses gens.)
Vous autres, venez, accompagnez sa voix.
– La Statue -
Don Juan, c'est assez, je vous invite à venir demain souper avec moi.
En aurez-vous le courage ?
– Don Juan -
Oui, j'irai, accompagné du seul Sganarelle.
– Sganarelle -
Je vous rends grâce, il est demain jeûne pour moi.
– Don Juan -
(à Sganarelle.)
Prends ce flambeau.
– La Statue -
On n'a pas besoin de lumière quand on est conduit par le ciel.
ACTE CINQUIEME
Le théâtre représente une campagne.
Scène première. – Don Louis, Don Juan, Sganarelle.
– Don Louis -
Quoi! mon fils, serait-il possible que la bonté du ciel eût exaucé mes voeux? Ce que vous me dites est-il bien vrai? ne m'abusez-vous point d'un faux espoir, et puis-je prendre quelque assurance sur la nouveauté surprenante d'une telle conversion ?
– Don Juan -
Oui, vous me voyez revenu de toutes mes erreurs; je ne suis plus le même d'hier au soir, et le ciel tout d'un coup, a fait en moi un changement qui va surprendre tout le monde. Il a touché mon âme et dessillé mes yeux; et je regarde avec horreur le long aveuglement où j'ai été, et les désordres criminels de la vie que j'ai menée. J'en repasse dans mon esprit toutes les abominations, et m'étonne comme le ciel les a pu souffrir si longtemps, et n'a pas vingt fois sur ma tête laissé tomber les coups de sa justice redoutable. Je vois les grâces que sa bonté m'a faites en ne me punissant point de mes crimes, et je prétends en profiter comme je dois, faire éclater aux yeux du monde un soudain changement de vie, réparer par là le scandale de mes actions passées, et m'efforcer d'en obtenir du ciel une pleine rémission. C'est à quoi je vais travailler; et je vous prie, Monsieur, de vouloir bien contribuer à ce dessein, et de m'aider vous même à faire choix d'une personne qui me serve de guide, et sous la conduite de qui je puisse marcher sûrement dans le chemin où je m'en vais entrer.
– Don Louis -
Ah! mon fils, que la tendresse d'un père est aisément rappelée, et que les offenses d'un fils s'évanouissent vite au moindre mot de repentir! Je ne me souviens plus déjà de tous les déplaisirs que vous m'avez donnés, et tout est effacé par les paroles que vous venez de me faire entendre. Je ne me sens pas, je l'avoue; je jette des larmes de joie; tous mes voeux sont satisfaits, et je n'ai plus rien désormais à demander au ciel. Embrassez-moi, mon fils, et persistez, je vous conjure, dans cette louable pensée. Pour moi, j'en vais, tout de ce pas, porter l'heureuse nouvelle à votre mère, partager avec elle les doux transports du ravissement où je suis, et rendre grâces au ciel des saintes résolutions qu'il a daigné vous inspirer.
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Scène II. – Don Juan, Sganarelle.
– Sganarelle -
Ah! Monsieur, que j'ai de joie de vous voir converti! il y a longtemps que j'attendais cela; et voilà, grâces au ciel, tous mes souhaits accomplis.
– Don Juan -
La peste le benêt !
– Sganarelle -
Comment, le benêt ?
– Don Juan -
Quoi! tu prends pour de bon argent ce que je viens de dire, et tu crois que ma bouche était d'accord avec mon coeur ?
– Sganarelle -
Quoi! ce n'est pas… Vous ne… Votre…
(à part.)
Oh! quel homme! quel homme! quel homme !
– Don Juan -
Non, non, je ne suis point changé, et mes sentiments sont toujours les mêmes.
– Sganarelle -
Vous ne vous rendez pas à la surprenante merveille de cette statue mouvante et parlante ?
– Don Juan -
Il y a bien quelque chose là dedans que je ne comprends pas, mais quoi que ce puisse être, cela n'est pas capable, ni de convaincre mon esprit, ni d'ébranler mon âme; et si j'ai dit que je voulais corriger ma conduite, et me jeter dans un train de vie exemplaire, c'est un dessein que j'ai formé par pure politique, un stratagème utile, une grimace nécessaire où je veux me contraindre, pour ménager un père dont j'ai besoin, et me mettre à couvert, du côté des hommes, de cent fâcheuses aventures qui pourraient m'arriver. Je veux bien, Sganarelle, t'en faire confidence, et je suis bien aise d'avoir un témoin du fond de mon âme, et des véritables motifs qui m'obligent à faire les choses.
– Sganarelle -
Quoi! vous ne croyez rien du tout, et vous voulez cependant vous ériger en homme de bien ?
– Don Juan -
Et pourquoi non? il y en a tant d'autres comme moi qui se mêlent de ce métier, et qui se servent du même masque pour abuser le monde.
– Sganarelle -
(à part.)
Ah! quel homme! quel homme !
– Don Juan -
Il n'y a plus de honte maintenant à cela: l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer. Aujourd'hui, la profession d'hypocrite a de merveilleux avantages. C'est un art de qui l'imposture est toujours respectée; et quoiqu'on la découvre, on n'ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement; mais l'hypocrisie est un vice privilégié qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les attire tous sur les bras; et ceux que l'on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres; ils donnent bonnement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j'en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et sous cet habit respecté, ont la permission d'être les plus méchants hommes du monde? On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu'ils sont, ils ne laissent pas pour cela d'être en crédit parmi les gens; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié et deux roulements d'yeux rajustent dans le monde tout ce qu'ils peuvent faire. C'est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes; mais j'aurai soin de me cacher, et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin, c'est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m'érigerai en censeur des actions d'autrui, jugerai mal de tout le monde, et n'aurai bonne opinion que de moi. Dès qu'une fois on m'aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais, et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je serai le vengeur des intérêts du ciel; et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d'impiété, et saurai déchaîner contre eux des zelés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d'injures, et les damneront hautement, de leur autorité privée. C'est ainsi qu'il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu'un sage esprit s'accommode aux vices de son siècle.
– Sganarelle -
O ciel! qu'entends-je ici! il ne vous manquait plus que d'être hypocrite, pour vous achever de tout point; et voilà le comble des abominations. Monsieur, cette dernière-ci m'emporte, et je ne puis m'empêcher de parler. Faites-moi tout ce qu'il vous plaira: battez-moi, assommez-moi de coups, tuez-moi, si vous voulez; il faut que je décharge mon coeur, et qu'en valet fidèle je vous dise ce que je dois. Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l'eau, qu'enfin elle se brise; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l'homme est, en ce monde, ainsi que l'oiseau sur la branche; la branche est attachée à l'arbre; qui s'attache à l'arbre suit de bons préceptes; les bons préceptes valent mieux que les belles paroles; les belles paroles se trouvent à la cour; à la cour sont les courtisans; les courtisans suivent la mode; la mode vient de la fantaisie; la fantaisie est une faculté de l'âme; l'âme est ce qui nous donne la vie; la vie finit par la mort; la mort nous fait penser au ciel; le ciel est au-dessus de la terre; la terre n'est point la mer; la mer est sujette aux orages; les orages tourmentent les vaisseaux; les vaisseaux ont besoin d'un bon pilote; un bon pilote a de la prudence; la prudence n'est pas dans les jeunes gens; les jeunes gens doivent obéissance aux vieux; les vieux aiment les richesses; les richesses font les riches; les riches ne sont pas pauvres; les pauvres ont de la nécessité; nécessité n'a point de loi; qui n'a pas de loi vit en bête brute, et par conséquent vous serez damné à tous les diables.
– Don Juan -
O le beau raisonnement !
– Sganarelle -
Après cela, si vous ne vous rendez, tant pis pour vous.
—
Scène III. – Don Carlos, Don Juan, Sganarelle.
– Don Carlos -
Don Juan, je vous trouve à propos, et suis bien aise de vous parler ici plutôt que chez vous, pour vous demander vos résolutions. Vous savez que ce soin me regarde, et que je me suis, en votre présence, chargé de cette affaire. Pour moi, je ne le cèle point, je souhaite fort que les choses aillent dans la douceur; et il n'y a rien que je ne fasse pour porter votre esprit à vouloir prendre cette voie, et pour vous voir publiquement confirmer à ma soeur le nom de votre femme.
– Don Juan -
(d'un ton hypocrite.)
Hélas! je voudrais bien de tout mon coeur vous donner la satisfaction que vous souhaitez; mais le ciel s'y oppose directement; il a inspiré à mon âme le dessein de changer de vie, et je n'ai point d'autres pensées maintenant que de quitter entièrement tous les attachements du monde, de me dépouiller au plus tôt de toutes sortes de vanités, et de corriger désormais, par une austère conduite, tous les dérèglements criminels où m'a porté le feu d'une aveugle jeunesse.
– Don Carlos -
Ce dessein, don Juan, ne choque point ce que je dis; et la compagnie d'une femme légitime peut bien s'accommoder avec les louables pensées que le ciel vous inspire.
– Don Juan -
Hélas! point du tout. C'est un dessein que votre soeur elle-même a pris; elle a résolu sa retraite, et nous avons été touchés tous deux en même temps.
– Don Carlos -
Sa retraite ne peut nous satisfaire, pouvant être imputée au mépris que vous feriez d'elle et de notre famille; et notre honneur demande qu'elle vive avec vous.
– Don Juan -
Je vous assure que cela ne se peut. J'en avais, pour moi, toutes les envies du monde; et je me suis, même encore aujourd'hui, conseillé au ciel pour cela; mais lorsque je l'ai consulté, j'ai entendu une voix qui m'a dit que je ne devais point songer à votre soeur, et qu'avec elle, assurément, je ne ferais point mon salut.
– Don Carlos -
Croyez-vous, don Juan, nous éblouir par ces belles excuses ?
– Don Juan -