Kitabı oku: «L'étourdi», sayfa 6
Scène VI
Trufaldin, Lélie, Mascarille.
Mascarille
Nous parlions des fortunes d’Horace.
Trufaldin (à Lélie.)
C’est bien fait. Cependant me ferez-vous la grâce
Que je puisse lui dire un seul mot en secret ?
Lélie
Il faudrait autrement être fort indiscret.
(Lélie entre dans la maison de Trufaldin.)
Scène VII
Trufaldin, Mascarille.
Trufaldin
Ecoute : sais-tu bien ce que je viens de faire ?
Mascarille
Non ; mais si vous voulez, je ne tarderai guère,
Sans doute, à le savoir.
Trufaldin
D’un chêne grand et fort,
Dont près de deux cents ans ont fait déjà le sort,
Je viens de détacher une branche admirable,
Choisie expressément de grosseur raisonnable,
Dont j’ai fait sur-le-champ, avec beaucoup d’ardeur
(Il montre son bras.)
Un bâton à peu près… oui, de cette grandeur,
Moins gros par l’un des bouts, mais, plus que trente gaules
Propre, comme je pense, à rosser les épaules ;
Car il est bien en main, vert, noueux et massif.
Mascarille
Mais pour qui, je vous prie, un tel préparatif ?
Trufaldin
Pour toi premièrement ; puis pour ce bon apôtre
Qui veut m’en donner d’une et m’en jouer d’une autre ;
Pour cet Arménien, ce marchand déguisé,
Introduit sous l’appât d’un conte supposé.
Mascarille
Quoi ! vous ne croyez pas… ?
Trufaldin
Ne cherche point d’excuse :
Lui-même heureusement a découvert sa ruse ;
En disant à Célie, en lui serrant la main,
Que pour elle il venait sous ce prétexte vain,
Il n’a pas aperçu Jeannette, ma fillole[25],
Laquelle a tout ouï, parole pour parole ;
Et je ne doute point, quoiqu’il n’en ait rien dit,
Que tu ne sois de tout le complice maudit.
Mascarille
Ah ! vous me faites tort. S’il faut qu’on vous affronte,
Croyez qu’il m’a trompé le premier à ce conte.
Trufaldin
Veux-tu me faire voir que tu dis vérité ?
Qu’à le chasser mon bras soit du tien assisté ;
Donnons-en à ce fourbe et du long et du large,
Et de tout crime après mon esprit te décharge.
Mascarille
Oui-da, très volontiers, je l’épousterai bien,
Et par là vous verrez que je n’y trempe en rien.
(A part.)
Ah ! vous serez rossé, monsieur de l’Arménie,
Qui toujours gâtez tout !
Scène VIII
Lélie, Trufaldin, Mascarille.
Trufaldin (A Lélie, après avoir heurté à sa porte.)
Un mot, je vous supplie.
Donc, Monsieur l’imposteur, vous osez aujourd’hui
Duper un honnête homme, et vous jouer de lui ?
Mascarille
Feindre avoir vu son fils en une autre contrée,
Pour vous donner chez lui plus aisément entrée !
Trufaldin (bat Lélie.)
Vidons, vidons sur l’heure.
Lélie (à Mascarille, qui le bat aussi.)
Ah ! coquin !
Mascarille
C’est ainsi
que les fourbes…
Lélie
Bourreau !
Mascarille
Sont ajustés ici.
Gardez-moi bien cela.
Lélie
Quoi donc ! je serais homme… ?
Mascarille (le battant toujours en le chassant.)
Tirez, tirez[26], vous dis-je, ou bien je vous assomme.
Trufaldin
Voilà qui me plaît fort ; rentre, je suis content.
(Mascarille suit Trufaldin, qui rentre dans sa maison.)
Lélie (revenant.)
A moi, par un valet, cet affront éclatant !
L’aurait-on pu prévoir l’action de ce traître,
Qui vient insolemment de maltraiter son maître ?
Mascarille (à la fenêtre de Trufaldin.)
Peut-on vous demander comment va votre dos ?
Lélie
Quoi ! tu m’oses encor tenir un tel propos ?
Mascarille
Voilà, voilà que c’est de ne pas voir Jeannette,
Et d’avoir en tout temps une langue indiscrète.
Mais, pour cette fois-ci, je n’ai point de courroux :
Je cesse d’éclater, de pester contre vous,
Quoique de l’action l’imprudence soit haute,
Ma main sur votre échine a lavé votre faute.
Lélie
Ah ! je me vengerai de ce trait déloyal !
Mascarille
Vous vous êtes causé vous-même tout le mal.
Lélie
Moi ?
Mascarille
Si vous n’étiez pas une cervelle folle,
Quand vous avez parlé naguère à votre idole,
Vous auriez aperçu Jeannette sur vos pas,
Dont l’oreille subtile a découvert le cas.
Lélie
On aurait pu surprendre un mot dit à Célie ?
Mascarille
Et d’où doncques viendrait cette prompte sortie ?
Oui, vous n’êtes dehors que par votre caquet.
Je ne sais si souvent vous jouez au piquet :
Mais au moins faites-vous des écarts admirables.
Lélie
O le plus malheureux de tous les misérables !
Mais encore, pourquoi me voir chassé par toi ?
Mascarille
Je ne fis jamais mieux que d’en prendre l’emploi ;
par là, j’empêche au moins que de cet artifice
Je ne sois soupçonné d’être auteur ou complice.
Lélie
Tu devais donc, pour toi, frapper plus doucement.
Mascarille
Quelque sot. Trufaldin lorgnait exactement :
Et puis, je vous dirai, sous ce prétexte utile,
Je n’étais point fâché d’évaporer ma bile.
Enfin la chose est faite ; et si j’ai votre foi
Qu’on ne vous verra point vouloir venger sur moi,
Soit ou directement, ou par quelque autre voie,
Les coups sur votre râble assenés avec joie,
Je vous promets, aidé par le poste où je suis,
De contenter vos voeux avant qu’il soit deux nuits.
Lélie
Quoique ton traitement ait eu trop de rudesse,
Qu’est-ce que dessus moi ne peut cette promesse ?
Mascarille
Vous le promettez donc ?
Lélie
Oui, je te le promets.
Mascarille
Ce n’est pas encor tout. Promettez que jamais
Vous ne vous mêlerez dans quoi que j’entreprenne.
Lélie
Soit.
Mascarille
Si vous y manquez, votre fièvre quartaine !
Lélie
Mais tiens-moi donc parole, et songe à mon repos.
Mascarille
Allez quitter l’habit, et graisser votre dos.
Lélie (seul.)
Faut-il que le malheur, qui me suit à la trace,
Me fasse voir toujours disgrâce sur disgrâce !
Mascarille (sortant de chez Trufaldin.)
Quoi ! vous n’êtes pas loin ? Sortez vite d’ici ;
Mais surtout gardez-vous de prendre aucun souci,
Puisque je fais pour vous, que cela vous suffise ;
N’aidez point mon projet de la moindre entreprise,
Demeurez en repos.
Lélie (en sortant.)
Oui, va, je m’y tiendrai.
Mascarille (seul.)
Il faut voir maintenant quel biais je prendrai.
Scène IX
Ergaste, Mascarille.
Ergaste
Mascarille, je viens te dire une nouvelle
Qui donne à tes desseins une atteinte cruelle.
A l’heure que je parle, un jeune Egyptien,
Qui n’est pas noir pourtant, et sent assez son bien,
Arrive, accompagné d’une vieille fort hâve,
Et vient chez Trufaldin racheter cette esclave
Que vous vouliez : pour elle il paraît fort zélé.
Mascarille
Sans doute c’est l’amant dont Célie a parlé.
Fut-il jamais destin plus brouillé que le nôtre !
Sortant d’un embarras, nous entrons dans un autre.
En vain nous apprenons que Léandre est au point
De quitter la partie, et ne nous troubler point ;
Que son père, arrivé contre toute espérance,
Du côté d’Hippolyte emporte la balance,
Qu’il a tout fait changer par son autorité,
Et va dès aujourd’hui conclure le traité ;
Lorsqu’un rival s’éloigne, un autre plus funeste
S’en vient nous enlever tout l’espoir qui nous reste.
Toutefois, par un trait merveilleux de mon art,
Je crois que je pourrai retarder leur départ,
Et me donner le temps qui sera nécessaire
Pour tâcher de finir cette fameuse affaire.
Il s’est fait un grand vol ; par qui ? l’on n’en sait rien :
Eux autres rarement passent pour gens de bien ;
Je veux adroitement, sur un soupçon frivole,
Faire pour quelques jours emprisonner ce drôle.
Je sais des officiers, de justice altérés,
Qui sont pour de tels coups de vrais délibérés ;
Dessus l’avide espoir de quelque paraguante[27],
Il n’est rien que leur art aveuglément ne tente ;
Et du plus innocent, toujours à leur profit
La bourse est criminelle, et paye son délit.
ACTE V
Scène première
Mascarille, Ergaste.
Mascarille
Ah ! chien ! ah ! double chien ! mâtine de cervelle !
Ta persécution sera-t-elle éternelle ?
Ergaste
Par les soins vigilants de l’exempt Balafré,
Ton affaire allait bien, le drôle était coffré,
Si ton maître au moment ne fût venu lui-même,
En vrai désespéré, rompre ton stratagème :
Je ne saurais souffrir, a-t-il dit hautement,
Qu’un honnête homme soit traîné honteusement ;
J’en réponds sur sa mine, et je le cautionne :
Et, comme on résistait à lâcher sa personne,
D’abord il a chargé si bien sur les recors,
Qui sont gens d’ordinaire à craindre pour leur corps,
Qu’à l’heure que je parle ils sont encore en fuite,
Et pensent tous avoir un Lélie à leur suite.
Mascarille
Le traître ne sait pas que cet Egyptien
Est déjà là-dedans pour lui ravir son bien.
Ergaste
Adieu. Certaine affaire à te quitter m’oblige.
Scène II
Mascarille.
Mascarille
Oui, je suis stupéfait de ce dernier prodige.
On dirait (et pour moi j’en suis persuadé)
Que ce démon brouillon dont il est possédé
Se plaise à me braver, et me l’aille conduire
Partout où sa présence est capable de nuire.
Pourtant je veux poursuivre, et, malgré tous ces coups,
Voir qui l’emportera de ce diable ou de nous.
Célie est quelque peu de notre intelligence,
Et ne voit son départ qu’avecque répugnance.
Je tâche à profiter de cette occasion.
Mais ils viennent ; songeons à l’exécution.
Cette maison meublée est en ma bienséance,
Je puis en disposer avec grande licence ;
Si le sort nous en dit, tout sera bien réglé ;
Nul que moi ne s’y tient, et j’en garde la clé.
O Dieu ! qu’en peu de temps on a vu d’aventures,
Et qu’un fourbe est contraint de prendre de figures !
Scène III
Célie, Andrès.
Andrès
Vous le savez, Célie, il n’est rien que mon coeur
N’ait fait pour vous prouver l’excès de son ardeur.
Chez les Vénitiens, dès un assez jeune âge,
La guerre en quelque estime avait mis mon courage,
Et j’y pouvais un jour, sans trop croire de moi,
Prétendre, en les servant, un honorable emploi ;
Lorsqu’on me vit pour vous oublier toute chose,
Et que le prompt effet d’une métamorphose,
Qui suivit de mon coeur le soudain changement,
Parmi vos compagnons sut ranger votre amant,
Sans que mille accidents, ni votre indifférence,
Aient pu me détacher de ma persévérance.
Depuis, par un hasard, d’avec vous séparé
Pour beaucoup plus de temps que je n’eusse auguré,
Je n’ai, pour vous rejoindre, épargné temps ni peine ;
Enfin, ayant trouvé la vieille Egyptienne,
Et plein d’impatience, apprenant votre sort,
Que pour certain argent qui leur importait fort,
Et qui de tous vos gens détourne le naufrage,
Vous aviez en ces lieux été mise en otage,
J’accours vite y briser ces chaînes d’intérêt,
Et recevoir de vous les ordres qu’il vous plaît :
Cependant on vous voit une morne tristesse,
Alors que dans vos yeux doit briller l’allégresse.
Si pour vous la retraite avait quelques appas,
Venise, du butin fait parmi les combats,
Me garde pour tous deux de quoi pouvoir y vivre ;
Que si, comme devant, il vous faut encor suivre,
J’y consens, et mon coeur n’ambitionnera
Que d’être auprès de vous tout ce qu’il vous plaira.
Célie
Votre zèle pour moi visiblement éclate :
Pour en paraître triste, il faudrait être ingrate,
et mon visage aussi, par son émotion,
N’explique point mon coeur en cette occasion.
Une douleur de tête y peint sa violence ;
Et si j’avais sur vous quelque peu de puissance,
Notre voyage, au moins pour trois ou quatre jours,
Attendrait que ce mal eût pris un autre cours.
Andrès
Autant que vous voudrez, faites qu’il se diffère.
Toutes mes volontés ne butent qu’à vous plaire.
Cherchons une maison à vous mettre en repos.
L’écriteau que voici s’offre tout à propos.
Scène IV
Célie, Andrès, Mascarille, déguisé en Suisse.
Andrès
Seigneur Suisse, êtes-vous de ce logis le maître ?
Mascarille
Moi pour serfir à fous.
Andrès
Pourrons-nous y bien être !
Mascarille
Oui ; moi pour détrancher chafons champre carni.
Mais che non point locher te chans te méchant vi.
Andrès
Je crois votre maison franche de tout ombrage.
Mascarille
Fous noufeau dans sti fil, moi foir à la fissage.
Andrès
Oui.
Mascarille
La matame est-il mariage al monsieur ?
Andrès
Quoi ?
Mascarille
S’il être son fame, ou s’il être son soeur ?
Andrès
Non.
Mascarille
Mon foi, pien choli ; fenir pour marchantisse,
Ou pien pour temanter à la palais choustice ?
La procès il faut rien, il coûter tant t’archant !
La procurair larron, l’afocat pien méchant.
Andrès
Ce n’est pas pour cela.
Mascarille
Fous tonc mener sti file
Pour fenir pourmener et recarter la file ?
Andrès (A Célie.)
Il n’importe. Je suis à vous dans un moment.
Je vais faire venir la vieille promptement,
Contremander aussi notre voiture prête.
Mascarille
Li ne porte pas pien.
Andrès
Elle a mal à la tête.
Mascarille
Moi chafoir te pon fin, et te fromage pon.
Entre fous, entre fous tans mon petit maisson.
(Célie, Andrès et Mascarille entrent dans la maison.)
Scène V
Lélie.
Lélie
Quel que soit le transport d’une âme impatiente,
La parole m’engage à rester en attente,
A laisser faire un autre, et voir sans rien oser,
Comme de mes destins le ciel veut disposer.
Scène VI
Andrès, Lélie.
Lélie (A Andrès, qui sort de la maison.)
Demandiez-vous quelqu’un dedans cette demeure ?
Andrès
C’est un logis garni que j’ai pris tout à l’heure.
Lélie
A mon père pourtant la maison appartient,
Et mon valet, la nuit pour la garder s’y tient.
Andrès
Je ne sais ; l’écriteau marque au moins qu’on la loue ;
Lisez.
Lélie
Certes, ceci me surprend, je l’avoue.
Qui diantre l’aurait mis ? et par quel intérêt… ?
Ah ! ma foi, je devine à peu près ce que c’est !
Cela ne peut venir que de ce que j’augure.
Andrès
Peut-on vous demander quelle est cette aventure ?
Lélie
Je voudrais à tout autre en faire un grand secret ;
Mais pour vous il n’importe, et vous serez discret.
Sans doute l’écriteau que vous voyez paraître,
Comme je conjecture, au moins, ne saurait être
Que quelque invention du valet que je di,
Que quelque noeud subtil qu’il doit avoir ourdi
Pour mettre en mon pouvoir certaine Egyptienne
Dont j’ai l’âme piquée, et qu’il faut que j’obtienne.
Je l’ai déjà manquée, et même plusieurs coups.
Andrès
Vous l’appelez ?
Lélie
Célie.
Andrès
Eh ! que ne disiez-vous ?
Vous n’avez qu’à parler, je vous aurais sans doute
Epargné tous les soins que ce projet vous coûte.
Lélie
Quoi ? vous la connaissez ?
Andrès
C’est moi qui maintenant
Viens de la racheter.
Lélie
O discours surprenant !
Andrès
Sa santé de partir ne nous pouvant permettre,
Au logis que voilà je venais de la mettre ;
Et je suis très ravi, dans cette occasion,
Que vous m’ayez instruit de votre invention.
Lélie
Quoi ? j’obtiendrais de vous le bonheur que j’espère ?
Vous pourriez… ?
Andrès (allant frapper à la porte.)
Tout à l’heure on va vous satisfaire.
Lélie
Que pourrai-je vous dire ? Et quel remerciement… ?
Andrès
Non, ne m’en faites point, je n’en veux nullement.
Scène VII
Lélie, Andrès, Mascarille.
Mascarille (à part.)
Eh bien ! Ne voilà pas mon enragé de maître !
Il nous va faire encor quelque nouveau bissêtre[28].
Lélie
Sous ce grotesque habit qui l’aurait reconnu ?
Approche, Mascarille, et sois le bienvenu.
Mascarille
Moi souis ein chant t’honneur, moi non point Maquerille.
Chai point fentre chamais le fame ni le fille.
Lélie
Le plaisant baragouin ! il est bon, sur ma foi !
Mascarille
Alez fous pourmener, sans toi rire te moi.
Lélie
Va, va, lève le masque, et reconnais ton maître.
Mascarille
Partié ! tiable, mon foi chamais toi chai connaître.
Lélie
Tout est accommodé, ne te déguise point.
Mascarille
Si toi point t’en aller, che paille ein coup te poing.
Lélie
Ton jargon allemant est superflu, te dis-je ;
Car nous sommes d’accord ; et sa bonté m’oblige.
J’ai tout ce que mes voeux lui pouvaient demander,
Et tu n’as pas sujet de rien appréhender.
Mascarille
Si vous êtes d’accord par un bonheur extrême,
Je me dessuisse donc, et redeviens moi-même.
Andrès
Ce valet vous servait avec beaucoup de feu.
Mais je reviens à vous, demeurez quelque peu.