Kitabı oku: «La Fabrique Magique », sayfa 3
À ce moment-là, il remarqua que madame Belfry le regardait, dans l’expectative. Elle pouvait probablement voir à son visage qu’il savait précisément qui était la personne sur la photo. Mais après ses expériences de la journée, il avait peur de dire quoi que ce soit à voix haute. Sa classe finirait par comprendre un jour qu’il était un intello ; Oliver ne voulait pas précipiter le processus.
Mais madame Belfry hocha la tête, passionnée et encourageante. Contre ce qui lui semblait être le mieux pour son bien, Oliver prit la parole.
— C’est Katharine Blodgett, dit-il finalement.
Le sourire de madame Belfry éclata sur son visage, apportant avec lui ses ravissantes fossettes.
— C’est correct, Oliver. Pouvez-vous dire à la classe qui elle est ? Qu’est-ce qu’elle a inventé ?
Derrière lui, Oliver pouvait entendre des gloussements. Les enfants saisissaient déjà son statut d’intello.
— C’était une inventrice pendant la Seconde Guerre mondiale, dit-il. Elle a créé de nombreuses inventions utiles et importantes pour la guerre, telles que des périscopes pour sous-marins. Et les masques à gaz, qui ont sauvé la vie de nombreuses personnes.
Madame Belfry semblait extrêmement contente d’Oliver.
— TORDU ! cria quelqu’un de derrière.
— Non, merci Paul, dit sévèrement madame Belfry au garçon qui avait crié. Elle se tourna vers le tableau et commença à écrire sur Katharine Blodgett.
En son for intérieur, Oliver sourit. Après le bibliothécaire qui lui avait offert le livre sur les inventeurs, madame Belfry était l’adulte la plus gentille qu’il ait jamais rencontré. Son enthousiasme ressemblait à un bouclier pare-balles qu’Oliver pouvait enrouler autour de ses épaules, faisant dévier le reste des mots cruels de ses camarades. Il se glissa dans le cours, plus à l’aise qu’il ne l’avait été depuis des jours.
*
Plus tôt que ce à quoi il s’attendait, la cloche sonna pour signaler la fin de la journée. Tout le monde se précipita dehors en courant et en criant. Oliver ramassa ses affaires et se dirigea vers la sortie.
— Oliver, je suis très impressionnée par vos connaissances, dit madame Belfry quand il la croisa dans le couloir. Où avez-vous appris tant de choses sur tous ces gens ?
— J’ai un livre, expliqua-t-il. J’aime les inventeurs. Je veux en être un.
— Créez-vous vos propres inventions ? demanda-t-elle, l’air enthousiaste.
Il acquiesça mais ne lui parla pas du manteau d’invisibilité. Et si elle pensait que c’était idiot ? Il ne pourrait pas supporter de voir quoi que ce soit qui ressemble à de la moquerie sur son visage.
— Je pense que c’est fantastique, Oliver, dit-elle en hochant la tête. C’est très important d’avoir des rêves. Qui est votre inventeur préféré ?
Oliver se rappela le visage d’Armando Illstrom sur la photo fanée de son livre.
— Armando Illstrom, dit-il. Il n’est pas très célèbre mais il a inventé beaucoup de super choses. Il a même essayé de fabriquer une machine à remonter dans le temps.
— Une machine à remonter dans le temps ? dit madame Belfry en haussant les sourcils. C’est excitant.
Oliver acquiesça Il se sentait plus à même de s’ouvrir grâce à ses encouragements.
— Sa fabrique est près d’ici. Je pensais aller lui rendre visite.
— Vous devez le faire, dit madame Belfry avec son sourire chaleureux. Vous voyez, quand j’avais votre âge, j’adorais la physique. Tous les autres enfants se moquaient de moi, ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais fabriquer des circuits au lieu de jouer avec des poupées. Mais un jour, mon physicien préféré est venu en ville pour enregistrer un épisode de son émission télévisée. Je suis allé le voir et je lui ai parlé ensuite. Il m’a dit de ne jamais abandonner ma passion. Même si d’autres personnes me disaient que j’étais bizarre de m’y intéresser, j’avais un rêve, et je devais le suivre. Je ne serais pas ici aujourd’hui sans cette conversation. Ne sous-estimez jamais à quel point il est important de recevoir des encouragements de la part de quelqu’un qui vous comprend, surtout quand il semble que personne d’autre ne le fait.
Les paroles de madame Belfry frappèrent Oliver avec force. Pour la première fois de la journée, il se sentit plein d’entrain. Il était maintenant entièrement déterminé à trouver l’usine et à rencontrer son héros face à face.
— Merci, madame Belfry, dit-il en lui souriant. On se voit au prochain cours !
Et comme il s’éloignait à toute vitesse, le pas bondissant, il entendit madame Belfry crier :
— Suivez toujours vos rêves !
CHAPITRE TROIS
Oliver se dirigea vers l’arrêt de bus d’un pas lourd, luttant contre les vents violents. Son esprit était concentré sur sa seule consolation, sur le seul rayon de lumière dans ce sombre chapitre de sa nouvelle vie : Armando Illstrom. S’il pouvait trouver l’inventeur et sa fabrique, la vie serait au moins supportable. Peut-être Armando Illstrom pourrait-il être son allié ? Ce genre d’homme, qui avait autrefois essayé d’inventer une machine à remonter le temps, s’entendrait sûrement bien avec un garçon qui essayait de devenir invisible. Assurément lui, parmi tous, pourrait supporter certaines des manies d’Oliver. Au moins, il serait un plus grand érudit que lui !
Oliver fouilla dans sa poche et sortit le bout de papier sur lequel il avait gribouillé l’adresse de la fabrique. C’était plus éloigné de son école qu’il ne l’avait pensé à l’origine. Il devrait prendre un bus. Il fouilla dans sa poche pour chercher de la monnaie et découvrit qu’il lui restait juste assez du déjeuner pour payer le trajet. Soulagé et plein d’anticipation, il se dirigea vers l’arrêt de bus.
Alors qu’il attendait, le vent rugit autour de lui. Si cela empirait, il ne pourrait plus se tenir droit. En fait, les personnes qui le dépassaient luttait pour rester debout. S’il n’avait pas été aussi épuisé par son premier jour d’école, il aurait peut-être trouvé la vue amusante. Mais sa concentration était uniquement tournée vers la fabrique.
Finalement, le bus arriva. C’était une vieille machine cahotante qui avait connu des jours meilleurs.
Oliver monta à bord et paya son billet, puis s’assit à l’arrière. Des odeurs huileuses de frites et d’oignon flottaient dans le bus. L’estomac d’Oliver gronda, lui rappelant qu’il manquerait probablement le dîner qui l’attendrait à la maison. Peut-être que dépenser de l’argent dans un trajet en bus plutôt que de la nourriture était une décision insensée. Mais trouver la fabrique d’Armando était le seul rayon de soleil de l’existence si morne d’Oliver. S’il ne le faisait pas, alors à quoi bon ?
Le bus crachotait et tremblait le long de la route. Oliver regarda mélancoliquement les rues qui passaient. Des poubelles avaient été renversées, et certaines roulaient même le long des rues, poussées par les rafales de vent. Les nuages au-dessus étaient si sombres qu’ils en étaient presque noirs.
Le nombre de maisons commença à décliner et la vue depuis sa fenêtre devint encore plus déserte et décrépie. L’autobus s’arrêta, laissant descendre quelques passagers, puis s’arrêta encore, cette fois pour dire au revoir à une mère épuisée et à son bébé en pleurs. Après plusieurs arrêts, Oliver réalisa qu’il était le seul à bord. Le silence était étrange.
Finalement, le bus dépassa un arrêt avec un panneau rouillé et défraichi. Oliver réalisa qu’il s’agissait du sien. Il se leva et se précipita vers l’avant du bus.
— Puis-je descendre s’il vous plaît ? dit-il.
Le chauffeur le regarda avec des yeux tristes et paresseux.
— Sonnez la cloche.
— Je suis désolé, vous voulez que je –
— Sonnez la cloche, répéta le chauffeur d’un ton monotone. Si vous voulez descendre du bus, vous devez sonner la cloche.
Oliver laissa échapper un soupir d’exaspération. Il appuya sur le bouton. Il fit ding. Il se retourna vers le chauffeur, les sourcils levés dans l’expectative. Maintenant, je peux descendre ?
— Au prochain arrêt, dit le conducteur.
Oliver était excédé. Je voulais cet arrêt !
— Z’auriez dû sonner la cloche plus tôt, répondit le chauffeur d’une voix trainante.
Oliver serra les poings, exaspéré. Mais finalement, il sentit que le bus commençait à ralentir. Il s’arrêta à côté d’une enseigne si vieille que ce n’était guère plus qu’un carré de rouille. La porte s’ouvrit lentement en grinçant.
— Merci, marmonna Oliver au chauffeur peu serviable.
Il se dépêcha de descendre les marches et sauta sur le trottoir fissuré. Il leva les yeux vers le panneau, mais il était trop rouillé pour lire quoi que ce soit. Il pouvait à peine en déchiffrer les lettres, écrites dans cette vieille police des années 1940 qui était populaire pendant la guerre.
Alors que le bus s’éloignait en crachant un nuage de gaz d’échappement, le sentiment de solitude d’Oliver commença à s’intensifier. Mais alors que les vapeurs se dissipaient, un bâtiment à l’aspect très familier apparut devant lui. C’était la fabrique du livre ! La véritable fabrique d’Armando Illstrom ! Il l’aurait reconnue n’importe où. L’ancien arrêt de bus avait dû desservir l’usine à son apogée. L’entêtement du chauffeur de bus avait en fait rendu service à Oliver, le déposant à l’endroit exact où il avait besoin d’aller.
Mais Oliver se rendit compte, en regardant la fabrique, qu’elle était dans un sale état. Le grand édifice rectangulaire arborait plusieurs fenêtres fissurées. À travers elles, Oliver pouvait voir que l’intérieur était complètement noir. Il semblait que personne ne se trouvait à l’intérieur.
La peur s’empara d’Oliver. Et si Armando était mort ? Un inventeur ayant travaillé pendant la Seconde Guerre Mondiale devait être très vieux à présent et les chances qu’il soit décédé étaient très grandes. Si son héros avait vraiment disparu, vers quoi pourrait-il se tourner dans la vie ?
Le désespoir envahit Oliver tandis qu’il se dirigeait vers l’entrepôt délabré. Plus il se rapprochait, plus il pouvait le voir. Toutes les fenêtres du rez-de-chaussée avaient été barricadées. Une énorme porte en acier était placée sur ce qu’il se rappelait être la grande entrée principale de la photo. Comment était-il censé entrer ?
Oliver commença à contourner l’extérieur du bâtiment, se frayant un chemin dans l’enchevêtrement d’orties et de lierre poussant dans le périmètre. Il trouva une petite fissure dans l’une des fenêtres fermées et jeta un œil à l’intérieur, mais il faisait trop sombre pour voir quoi que ce soit. Il continua d’avancer en parcourant les environs de l’édifice.
Une fois à l’arrière, Oliver trouva une autre porte. Contrairement aux autres, celle-ci n’avait pas été condamnée. En fait, elle était partiellement entrouverte.
Le cœur battant la chamade, Oliver poussa le battant. Il le sentit résister à sa force, et il laissa échapper le bruit distinctif et grinçant du métal rouillé. Ce n’était pas bon signe, pensa Oliver, alors que le son désagréable le faisait grimacer. Si la porte avait été utilisée même de temps à autre, elle ne devrait pas être tant bloquée par la rouille, ni produire un tel son.
Lorsque la porte fut suffisamment ouverte pour qu’il puisse se faufiler, Oliver poussa son corps dans le trou et déboucha dans l’usine. Ses pas résonnèrent alors qu’il était propulsé en avant après avoir forcé pour passer à travers la petite ouverture.
À l’intérieur de l’entrepôt, il faisait nuit noire et les yeux d’Oliver ne s’étaient pas encore adaptés au changement soudain de lumière. Pratiquement aveuglé par l’obscurité, Oliver sentit son odorat s’affiner pour compenser. Il prit conscience des odeurs de poussière et de métal, ainsi que de l’odeur distinctive d’un bâtiment abandonné.
Il attendit en retenant son souffle que ses yeux s’adaptent enfin à la lumière. Quand ils le firent, cependant, ce fut juste suffisant pour voir quelques mètres devant lui. Il commença à marcher prudemment dans l’usine.
Oliver poussa une exclamation émerveillée lorsqu’il tomba sur un énorme engin en bois et en métal, comme une marmite surdimensionnée. Il toucha le côté et le bol commença à se balancer comme un pendule dans son cadre en métal. Il tournait également, faisant penser à Oliver que cela avait quelque chose à voir avec la cartographie du système solaire et le mouvement des planètes autour de lui, tournant sur plusieurs axes. Mais à quoi servait cet objet, Oliver n’en avait aucune idée.
Il s’avança plus loin et trouva un autre engin à l’aspect étrange. Il était constitué d’une colonne de métal, mais avec une sorte de bras actionné mécaniquement sortant du haut et une griffe en forme de main au bout. Oliver essaya d’actionner le volant et le bras se mit à bouger.
Tout comme un jeu d’arcade, pensa Oliver.
Il bougeait comme ceux avec des bras motorisés et une griffe avec laquelle on ne parvenait jamais attraper la peluche. C’était beaucoup plus grand, cependant, comme si cela avait été conçu pour bien plus que simplement ramasser des objets.
Oliver toucha chacun des doigts de la main en forme de griffe. Chacun avait le nombre exact de jointures qu’avait une vraie main et chaque partie bougeait quand il la poussait. Oliver se demandait si Armando Illstrom avait essayé de fabriquer son propre robot, mais décida qu’il était plus logique que ce soit sa tentative de créer un automate. Il avait tout lu à leur sujet ; il s’agissait de machines mécaniques à forme humaine pouvant effectuer des actions spécifiques planifiées, comme écrire ou dactylographier.
Oliver poursuivit son exploration. Tout autour de lui, de grandes machines se tenaient immobiles et imposantes, comme des bêtes géantes figées dans le temps. Elles étaient composées d’un mélange de matériaux tels que le bois et le métal et comportaient de nombreuses pièces différentes, telles que des rouages et des ressorts, des leviers et des poulies. Des toiles d’araignée y étaient suspendues. Oliver testa certains des mécanismes, dérangeant une variété d’insectes qui s’étaient installés dans les crevasses ténébreuses des engins.
Mais le sentiment d’émerveillement s’estompa progressivement lorsqu’il commença à apparaître à Oliver, avec un horrible sentiment de désespoir, que l’usine était vraiment tombée en ruine. Et pas récemment. Cela devait faire plusieurs décennies, vu l’épaisseur de la couche de poussière et l’accumulation de toiles d’araignées, le grincement des mécanismes et le grand nombre d’insectes qui y avaient élu domicile.
Avec une détresse croissante, Oliver se dépêcha de faire le tour du reste de l’usine, jetant des coups d’œil avec de moins en moins d’espoir dans les pièces annexes et dans les couloirs assombris. Il n’y avait aucun signe de vie.
Il se tenait là, dans le sombre entrepôt vide, entouré des reliques d’un homme dont il savait maintenant qu’il ne le rencontrerait jamais. Il avait eu besoin d’Armando Illstrom. Il avait eu besoin d’un sauveur capable de le tirer de sa tristesse morose. Mais cela n’avait été qu’un rêve. Et maintenant, ce rêve était brisé.
*
Oliver passa tout le trajet du retour en bus blessé et découragé. Il était même trop malheureux pour lire son livre.
Il atteignit son arrêt de bus et sortit dans le soir pluvieux. La pluie s’abattit sur sa tête et le trempa. Il remarqua à peine, tant il était consumé par son malheur.
Quand il atteignit sa nouvelle maison, Oliver se souvint qu’il n’avait pas encore sa propre clef. Entrer semblait être un coup supplémentaire porté à une journée déjà désespérément triste. Mais il n’avait pas le choix. Il frappa à la porte et se prépara mentalement.
La porte s’ouvrit d’un geste rapide. Chris se tenait là devant lui, avec un sourire diabolique.
— Tu es en retard pour le dîner, dit-il, le regard mauvais et une lueur de joie dans ses yeux. Maman et Papa sont en train paniquer.
Derrière Chris, Oliver pouvait entendre la voix aiguë de sa mère.
— Est-ce que c’est lui ? Est-ce que c’est Oliver ?
Chris cria par-dessus son épaule.
— Ouais. Et il est trempé comme une soupe.
Il se retourna vers Oliver, l’air ravi à l’idée de la dispute imminente. Oliver se fraya un chemin à l’intérieur, repoussant le grand corps charnu de Chris. Une traînée de gouttes tomba de ses vêtements détrempés, formant une flaque sous ses pieds.
Sa mère se précipita dans le couloir et se tint à l’autre bout, tout en le dévisageant. Oliver ne pouvait pas déterminer si son expression était soulagée ou furieuse.
— Bonjour maman, dit-il doucement.
— Regarde-toi ! s’exclama-t-elle. Où étais-tu ?
Si elle était soulagée de voir son fils rentrer à a maison, ses paroles ne furent pas suivies d’un câlin ou de quoi que ce soit de ce genre. La mère d’Oliver ne donnait pas de câlins.
— J’avais quelque chose à faire après l’école, répondit Oliver, évasif. Il ôta son chandail détrempé.
— Classe d’intellos ? dit Chris. Puis il se mit à rire bruyamment à sa propre blague.
Sa mère tendit la main pour prendre le pull d’Oliver.
— Donne-moi ça là. Je vais devoir le laver. Elle soupira bruyamment. Maintenant rentre. Ton dîner refroidit.
Elle poussa Oliver dans le salon. Immédiatement, Oliver remarqua que les choses dans son alcôve avaient été dérangées, déplacées. Au début, il pensa que c’était parce qu’un matelas avait été trainé là et que tout avait été posé dessus, mais ensuite il vit la fronde étalée sur sa couverture. À côté se trouvait sa valise, les serrures cassées, le couvercle entrebâillé. Puis il vit, horrifié, que toutes les bobines de son manteau d’invisibilité avaient été éparpillées par terre, déformées comme si elles avaient été piétinées.
Oliver sut aussitôt que cela avait été fait par Chris. Il lui jeta un regard noir. Son frère l’observait et attendait sa réaction.
— Est-ce que tu as fait ça ? demanda Oliver.
Chris enfonça les mains dans ses poches et se balança sur ses talons, feignant l’innocence. Il haussa les épaules. Je ne sais pas de quoi tu parles, dit-il avec un sourire narquois.
C’était la goutte qui faisait déborder le vase. Après tout ce qui s’était passé au cours des deux derniers jours, le déménagement, son horrible expérience à l’école et la perte de son héros, Oliver n’avait tout simplement pas les ressources nécessaires pour faire face à cette situation. La fureur explosa en lui. Avant même d’avoir pu réfléchir, Oliver se jeta sur Chris.
Il percuta durement son frère. L’impact fit à peine chanceler Chris tant il était gros, et il s’attendait clairement à ce qu’Oliver s’attaque à lui. Et il savourait manifestement les tentatives d’Oliver de se battre contre lui, parce qu’il riait machiavéliquement. Il était tellement plus grand qu’Oliver qu’il lui suffit de poser une main sur sa tête pour le repousser en arrière. Oliver agitait ses bras en vain, impuissant, aucun de ses gestes ne parvenait à toucher Chris.
Depuis la table de la cuisine, son père cria :
— LES GARÇONS ! ARRÊTEZ DE VOUS BATTRE !
— C’est Oliver, cria Chris en retour. Il m’a attaqué sans raison.
— Tu sais exactement quelle est la raison ! cria Oliver, dont les poings volaient dans les airs, incapable d’atteindre le corps de Chris.
— Le fait que j’ai piétiné tes étranges petites bobines ? siffla Chris, assez bas pour qu’aucun de ses parents ne l’entende. Ou le fait que j’ai cassé cette stupide fronde ? Tu es vraiment bizarre, Oliver !
Oliver s’était épuisé à combattre Chris. Il recula, pantelant.
— Je DÉTESTE cette famille ! s’écria Oliver.
Il se précipita dans son alcôve, ramassa toutes les bobines endommagées et les bouts de fil cassés, les leviers brisés et le métal plié, et les jeta dans sa valise.
Ses parents tonnèrent.
— Comment oses-tu ! cria son père.
— Retires ça ! cria sa mère.
— Maintenant, tu l’as vraiment fait, dit Chris en souriant méchamment.
Alors qu’ils lui criaient tous dessus, Oliver sut qu’il n’y avait qu’un seul endroit où il pourrait s’échapper. Son monde fantastique, cet endroit dans son imagination.
Il ferma les yeux et fit taire leurs voix.
Puis tout à coup il se trouva là, dans la fabrique. Pas celle pleine de toiles d’araignées qu’il avait visitée plus tôt, mais une version propre où toutes les machines brillaient sous une lumière vive.
Oliver resta bouche bée devant la fabrique rayonnante de toute sa splendeur passée. Mais comme dans la vraie vie, il n’y avait pas d’Armando pour le saluer. Aucun allié. Aucun d’ami. Même dans son imagination, il était complètement seul.
*
Une fois tout le monde couché et la maison plongée dans l’obscurité totale, Oliver sentit qu’il avait la possibilité de réparer ses inventions. Tout en triturant les pièces, il voulait être optimiste. Il essaya de les remettre ensemble. Mais c’était vain. L’ensemble avait été détruit. Toutes ses bobines et ses fils avaient été endommagés au-delà de tout espoir de réparation. Il devrait tout recommencer.
Il jeta les morceaux dans sa valise et la referma brusquement. Les deux serrures étant maintenant brisées, le couvercle rebondit avant de retomber et de rester entrouvert. Oliver soupira lourdement et se laissa tomber sur son matelas. Il tira la couverture jusqu’au-dessus de sa tête.
Ce ne dut être que par pure fatigue qu’Oliver parvint s’endormir cette nuit-là. Mais il dormit. Et alors qu’il dérivait dans ses rêves, Oliver se retrouva à regarder par la fenêtre l’arbre grêle de l’autre côté de la route. L’homme et la femme qu’il avait vus la nuit dernière se tenaient là, main dans la main.
Oliver frappa à la fenêtre.
— Qui êtes-vous ? cria-t-il.
La femme sourit d’un air entendu. Son sourire était chaleureux ; plus gentil même que celui de madame Belfry.
Mais aucun d’eux ne parla. Ils se contenaient seulement de le dévisager, en souriant.
Oliver ouvrit la fenêtre.
— Qui êtes-vous ? cria-t-il encore, mais cette fois, sa voix fut emportée par le vent.
L’homme et la femme se tenaient là, muets, les mains jointes, leurs sourires chaleureux et engageants.
Oliver se mit à escalader la fenêtre. Mais ce faisant, les silhouettes vacillèrent et tremblèrent, comme s’il s’agissait d’hologrammes et que les ampoules s’éteignaient. Ils commençaient à disparaître.
— Attendez ! cria-t-il. Ne partez pas !
Il tomba de la fenêtre et s’élança dans la rue. Ils s’effaçaient de plus en plus à chaque pas qu’il faisait.
Lorsqu’il arriva devant eux, ils étaient à peine visibles. Il tendit la main vers celle de la femme, mais elle traversa la sienne, comme si elle était un fantôme.
— S’il vous plaît dites-moi qui vous êtes ! supplia-t-il.
L’homme ouvrit la bouche pour parler, mais sa voix était noyée par le vent rugissant. Oliver était gagné par le désespoir.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il encore, criant pour être entendu par-dessus le vent. Pourquoi est-ce que vous m’observez ?
L’homme et la femme disparaissaient rapidement. L’homme parla à nouveau et cette fois, Oliver entendit un petit murmure.
— Tu as un destin…
— Quoi ? bégaya Oliver. Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas.
Mais avant que l’un d’eux n’ait eu la chance de parler à nouveau, ils s’évanouirent complètement. Ils étaient partis.
— Revenez ! cria Oliver dans le vide.
Puis, comme si elle parlait dans son oreille, il entendit la voix vaporeuse de la femme dire : Tu sauveras l’humanité.
Les yeux d’Oliver s’ouvrirent. Il était de retour dans son lit dans l’alcôve, baigné dans la pâle lumière bleue qui entrait par la fenêtre. C’était le matin. Il pouvait sentir son cœur battre la chamade.
Le rêve l’avait profondément secoué. Qu’avaient-ils voulu dire à propos de son destin ? À propos du fait qu’il sauverait l’humanité ? Et qui étaient cet homme et cette femme de toute façon ? Le fruit de son imagination ou autre chose ? C’étaient bien trop de choses à comprendre.
Alors que le choc initial du rêve commençait à s’estomper, Oliver sentit une nouvelle sensation prendre le dessus. L’espoir. Quelque part, au plus profond de lui, il sentit qu’il était sur le point de vivre une journée mémorable, que tout était sur le point de changer.