Kitabı oku: «Le Poids de l’Honneur », sayfa 2

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Kavos examinait les cadavres, respirant avec difficulté lui aussi.

“Voilà ce que j'appelle un plan de sortie”, dit-il.

Duncan le vit sourire en examinant les cadavres ennemis et en regardant leurs hommes dépouiller les morts de leurs armes.

Duncan fit oui de la tête.

“Et c'était une belle sortie”, répondit-il.

Duncan se tourna et regarda vers l'ouest, au-delà du fort, où il aperçut du mouvement dans le soleil couchant. Il plissa les yeux et ce qu'il vit lui donna chaud au cœur, même s'il s'y était attendu d'une façon ou d'une autre. Là-bas, à l'horizon, son destrier se tenait fièrement devant le troupeau, suivi par des centaines de destriers. Comme d'habitude, il avait senti où Duncan se trouverait et il était là, en train de l'attendre avec loyauté. Duncan eut chaud au cœur, car il savait que son vieil ami emmènerait son armée jusqu'à la capitale.

Duncan siffla et, quand il le fit, son cheval se tourna et courut vers lui. Les autres chevaux le suivirent et on entendit un grand grondement dans le crépuscule quand le troupeau traversa la plaine enneigée au galop en se dirigeant droit sur eux.

A côté de Duncan, Kavos signifia son approbation d'un hochement de tête.

“Des chevaux”, remarqua Kavos en les regardant approcher. “Je serais allé à Andros à pied, moi.”

Duncan sourit.

“J'en suis sûr, mon ami.”

Quand son cheval approcha, Duncan s'avança et caressa la crinière à son vieil ami. Il le monta et, quand il le fit, tous ses hommes montèrent en même temps que lui. Les milliers qu'ils étaient formaient une armée à cheval. Ils restèrent là, entièrement armés, et regardèrent le crépuscule. Maintenant, devant eux, il ne restait que les plaines enneigées qui menaient à la capitale.

Duncan eut une poussée d'excitation en sentant qu'ils étaient finalement sur le point de réussir. Il le sentait, sentait l'odeur de la victoire dans l'air. Kavos leur avait permis de descendre de la montagne; maintenant, c'était à son tour de faire ses preuves.

Duncan leva son épée et sentit que tous les hommes, toutes les armées, le regardaient.

“SOLDATS !” cria-t-il. “Direction Andros !”

Ils poussèrent tous un grand cri de guerre et chargèrent avec lui dans la nuit, traversant les plaines enneigées. Rien ne les empêcherait d'atteindre la capitale et de mener la guerre la plus importante de leur vie.

CHAPITRE QUATRE

Kyra leva les yeux vers le jour naissant et vit une silhouette se tenir au-dessus d'elle sur fond de soleil levant. C'était un homme et elle savait que ce ne pouvait être que son oncle. Elle cligna des yeux, incrédule, en le voyant approcher. Elle voyait finalement l'homme pour lequel elle avait traversé Escalon, l'homme qui lui révélerait sa destinée, l'homme qui l'entraînerait. C'était le frère de sa mère, son unique lien avec la mère qu'elle n'avait jamais connue.

Le cœur de Kyra battait fort et impatiemment. L'homme s'avança en dehors de la lumière et elle vit son visage.

Kyra fut étonnée : il lui ressemblait étrangement. Elle n'avait jamais rencontré personne qui lui ressemble, même pas son père, malgré tous ses espoirs. Elle s'était toujours sentie étrangère à ce monde, déconnectée de toute véritable lignée mais, maintenant, en voyant le visage de cet homme, ses pommettes hautes et ciselées, ses yeux gris étincelants, cet homme grand et fier aux larges épaules, musclé, vêtu d'une armure en cotte de mailles d'or étincelant, avec des cheveux marrons clair qui lui tombaient jusqu'au menton, barbu, peut-être âgé d'une quarantaine d'années, elle se rendit compte qu'il était spécial et que, par extension, cela la rendait spéciale. Pour la première fois de sa vie, elle en avait vraiment l'impression. Pour la première fois, elle se sentait liée à quelqu'un, à une lignée puissante, à quelque chose de plus grand qu'elle-même. Elle avait la sensation d'appartenir au monde.

Cet homme était visiblement différent. C'était visiblement un guerrier fier et noble, et pourtant, il ne portait pas d'épée, de bouclier, d'arme de quelque sorte que ce soit. A sa grande surprise et à son grand ravissement, il ne portait qu'un seul objet : un bâton doré. Un bâton. Il était exactement comme elle.

“Kyra”, dit-il.

Sa voix résonna en elle. C'était une voix très familière, très semblable à la sienne. En l'entendant parler, elle se sentit liée non seulement à lui mais aussi, ce qui la troublait encore plus, à sa mère. C'était le frère de sa mère. C'était l'homme qui savait qui était sa mère. Finalement, elle allait connaître la vérité et il n'y aurait plus de secrets dans sa vie. Bientôt, elle allait tout savoir sur la femme qu'elle avait toujours ardemment voulu connaître.

Il baissa une main. Elle leva le bras et la prit, debout, les jambes raidies par la longue nuit qu'elle avait passée à attendre devant la tour. C'était une main forte, musclée, et pourtant étonnamment lisse, et il l'aida à se relever. Leo et Andor s'approchèrent de lui et Kyra fut surprise qu'ils ne grognent pas comme d'habitude. Au lieu de ça, ils avancèrent et léchèrent la main à l'homme comme s'ils le connaissaient depuis toujours.

Puis, à la grande surprise de Kyra, Leo et Andor se mirent au garde-à-vous comme si l'homme le leur avait silencieusement ordonné. Kyra n'avait jamais rien vu de semblable. Quels pouvoirs cet homme avait-il ?

Kyra n'avait même pas besoin de demander s'il était son oncle : elle le sentait de tout son être. Il était puissant, fier, tout ce qu'elle avait espéré qu'il serait. Il avait aussi autre chose, une chose qui lui échappait. C'était une énergie mystique qui émanait de lui, une aura de calme mais aussi de force.

“Mon oncle”, dit-elle. Elle aimait le son de ce mot.

“Tu peux m'appeler Kolva”, répondit-il.

Kolva. D'une façon ou d'une autre, c'était un nom qui avait l'air familier.

“J'ai traversé Escalon pour te voir”, dit-elle, mal à l'aise, ne sachant pas quoi dire d'autre. Le silence matinal engloutit ses paroles alors que, dans les plaines désolées, on n'entendait que le bruit du ressac. “Mon père m'a envoyée.”

Il lui rendit son sourire. C'était un sourire chaleureux et les rides de son visage se regroupèrent comme s'il vivait depuis mille ans.

“Ce n'est pas ton père qui t'a envoyée”, répondit-il, “mais quelque chose de bien plus grand.”

Soudain, sans avertissement, il se tourna et commença à s'éloigner de la tour à l'aide de son bâton.

Kyra le regarda partir, sidérée. Elle ne comprenait pas : l'avait elle offensé ?

Elle se dépêcha de le rattraper, suivie par Leo et Andor.

“La tour”, dit-elle, perplexe. “On n'y entre pas ?”

Il sourit.

“Une autre fois, peut-être”, répondit-il.

“Mais je croyais qu'il fallait que j'arrive jusqu'à la tour.”

“Tu l'as fait”, répondit-il. “Mais ta mission n'était pas d'y entrer.”

Elle se creusa la cervelle pour comprendre mais il marchait rapidement, entrait dans la forêt et elle se dépêcha de le rattraper. Son bâton claquait sur la terre et les feuilles, comme le sien.

“Dans ce cas, où allons-nous nous entraîner ?” demanda-t-elle.

“Tu t'entraîneras là où s'entraînent tous les grands guerriers”, répondit-il. Il regarda vers l'avant. “Dans les bois qui se trouvent au-delà de la tour.”

Il entra dans les bois. Bien qu'il ait l'air de marcher lentement, il se déplaçait si rapidement que Kyra avait presque besoin de courir pour ne pas se laisser distancer. Le mystère qui entourait cet homme s’épaississait et mille questions lui passaient par la tête.

“Est-ce que ma mère est en vie ?” demanda-t-elle précipitamment, incapable de retenir sa curiosité. “Est-ce qu'elle est ici ? L'avez-vous rencontrée ?”

L'homme se contenta de sourire et secoua la tête en continuant à marcher.

“Tant de questions”, répondit-il. Il marcha longtemps. La forêt bruissait du son de créatures étranges. Finalement, il ajouta : “Tu finiras par comprendre que les questions ont peu de sens ici. Quant aux réponses, elles en ont encore moins. Tu dois apprendre à trouver tes propres réponses, la source de tes réponses et, encore mieux, la source de tes questions.”

Kyra en resta perplexe. Ils marchèrent dans la forêt. Dans cet endroit mystérieux, les arbres étaient d'un vert vif et semblaient luire tout autour d'elle. Bientôt, elle ne vit plus la tour et le bruit du ressac s'apaisa. Elle fit de son mieux pour ne pas se laisser distancer sur cette piste qui serpentait dans tous les sens.

Elle brûlait d'envie de poser des questions et, finalement, elle ne put plus rester silencieuse.

“Où m'emmenez-vous ?” demanda-t-elle. “Là où vous allez m'entraîner ?”

L'homme continua à marcher, passa au-dessus d'un ruisseau qui coulait et serpentait entre de vieux arbres dont l'écorce dégageait un éclat vert luminescent, et Kyra continua à le suivre.

“Je ne t'entraînerai pas”, dit-il. “C'est ton oncle qui le fera.”

Kyra était abasourdie.

“Mon oncle ?” demanda-t-elle. “Je croyais que c'était vous, mon oncle.”

“Je le suis”, répondit-il, “et tu en as un autre.”

“Un autre ?” demanda-t-elle.

Finalement, il entra brusquement dans une clairière dans les bois, s'arrêta à son bord et Kyra, essoufflée, s'arrêta à côté de lui. Elle regarda devant elle et fut sidérée par ce qu'elle vit.

De l'autre côté de la clairière se dressait un arbre immense. C'était le plus grand arbre qu'elle ait jamais vu. Il était ancien, avait des branches qui s'étendaient partout avec des feuilles violettes qui chatoyaient. Son tronc faisait neuf mètres de circonférence. Les branches tordues se croisaient les unes les autres en formant, à peut-être trois mètres du sol, une petite cabane qui semblait avoir toujours été là. Une petite lumière venait de l'intérieur des branches et, quand Kyra leva les yeux, elle vit une silhouette solitaire assise au bord des branches et qui, apparemment en pleine méditation, les regardait d'en haut.

“Lui aussi, c'est ton oncle”, dit Kolva.

Le cœur de Kyra battait la chamade dans sa poitrine. Elle n'y comprenait rien. Elle leva les yeux vers l'homme qui, selon Kolva, était son oncle et se demanda s'il était en train de lui jouer un tour. Son deuxième oncle avait l'air d'être un garçon de peut-être dix ans. Il était assis parfaitement droit, comme s'il était en pleine méditation. Il regardait droit devant sans vraiment la regarder. Il avait les yeux bleu brillant. Son visage de garçon était ridé comme s'il avait mille ans. Il avait la peau marron foncé et couverte de taches de vieillissement. Il semblait mesurer à peine plus d'un mètre vingt. On aurait dit un garçon avec une maladie du vieillissement.

Kyra ne comprenait pas ce qu'elle voyait.

“Kyra”, dit Kolva, “je te présente Alva.”

CHAPITRE CINQ

Merk entra dans la Tour de Ur par les grandes portes dorées qu'il avait cru ne jamais passer. A l'intérieur, la lumière brillait avec un tel éclat qu'elle l'aveuglait presque. Il leva une main pour se protéger les yeux et, quand il le fit, ce qu'il vit devant lui lui inspira un respect mêlé d'admiration.

Là, debout en face de lui, se tenait un authentique Gardien qui fixait Merk du regard jaune perçant de ses yeux. C'étaient les mêmes yeux qui avaient hanté Merk de derrière la fente qui s'était ouverte dans la porte. Il portait une robe jaune et ample qui lui cachait les bras et les jambes, et le peu de chair qu'il montrait était pâle. Il était étonnamment petit, avait la mâchoire allongée, les joues creuses et, alors qu'il fixait Merk, ce dernier se sentait mal à l'aise. Le bâton court et doré qu'il tenait devant lui diffusait de la lumière.

Le Gardien examina Merk en silence. Merk sentit un courant d'air souffler derrière lui et les portes se refermèrent soudain avec un claquement, le piégeant dans la tour. Le son résonna sur les murs et Merk tressaillit involontairement. Il se rendit compte que, comme il ne dormait plus depuis de nombreux jours, avait des rêves troublés et ne pensait qu'à entrer ici, il était sur les nerfs. Maintenant qu'il se tenait à l'intérieur, il avait une étrange sensation d'appartenance, comme s'il avait finalement pénétré dans sa nouvelle maison.

Merk s'attendait à ce que le Gardien l'accueille, lui explique où il était. Cependant, au lieu de ça, le Gardien se tourna sans dire mot et partit, laissant Merk à ses questions, tout seul en ce lieu. Merk ne savait pas s'il fallait qu'il le suive.

Le Gardien alla jusqu'à un escalier en colimaçon en ivoire de l'autre côté de la salle et, à la grande surprise de Merk, il descendit au lieu de monter. Il descendit rapidement et disparut.

Merk resta là, dans le silence, déconcerté, sans savoir ce qu'on attendait de lui.

“Dois-je vous suivre ?” cria-t-il finalement.

La voix de Merk résonna et lui fut renvoyée par les murs, comme pour se moquer de lui.

Merk regarda autour de lui et examina l'intérieur de la tour. Il vit que les murs brillants étaient en or massif et que le sol était en vieux marbre noir veiné d'or. L'endroit était sombre et uniquement éclairé par la lueur mystérieuse qui émanait de ses murs. Il leva les yeux et vit le vieil escalier sculpté en ivoire; il s'avança, tordit le cou et, tout en haut, à au moins trente mètres de haut, repéra un dôme doré par lequel filtrait la lumière du soleil. Il vit tous les niveaux qui se trouvaient au-dessus, tous les paliers et étages différents, et se demanda ce qui se trouvait là-haut.

Il regarda vers le bas et, encore plus étrange, vit que les marches continuaient au-dessous, vers des étages souterrains, vers l'endroit où était parti le Gardien, et il s'interrogea. Pareil à une œuvre d'art, le bel escalier en ivoire serpentait mystérieusement dans les deux directions, comme s'il montait jusqu'au ciel et descendait jusqu'aux tréfonds de l'enfer. Merk se demandait surtout si la légendaire Épée de Flammes, l'épée qui gardait tout Escalon, reposait en ces murs. Il se sentit excité rien qu'en y pensant. Où pouvait-elle être ? En haut ou en bas ? Quelles autres reliques et quels autres trésors étaient conservés ici ?

Soudain, une porte secrète s'ouvrit dans le mur latéral. Merk se retourna et vit un guerrier à l'air sévère. C'était un homme d'à peu près la même taille que Merk. Il portait une cotte de mailles et avait la peau pâle car cela faisait trop d'années qu'il n'avait pas vu la lumière du soleil. Il marcha vers Merk. C'était un humain. Il portait à la taille une épée avec un insigne proéminent. C'était le même symbole que celui que Merk avait vu gravé sur les murs extérieurs de la tour : un escalier en ivoire qui montait jusqu'au ciel.

“Seuls les Gardiens peuvent descendre”, dit l'homme d'une voix sombre et rude. “Et toi, mon ami, tu n'es pas Gardien. Ou du moins pas encore.”

L'homme s'arrêta devant Merk et le toisa, les mains sur les hanches.

“Bon”, poursuivit-il, “je suppose que s'ils t'ont laissé entrer, c'est qu'il y a une raison.”

Il soupira.

“Suis-moi.”

Sur ces mots, le guerrier abrupt se détourna et monta l'escalier. Le cœur de Merk battait la chamade. Il se dépêcha de le rattraper, la tête pleine de questions. Le mystère de cet endroit s'approfondissait à chaque pas.

“Si tu fais bien ton travail”, dit l'homme d'une voix grave qui résonnait sur les murs, le dos tourné vers Merk, “on te permettra de servir ici. Garder la tour est la vocation la plus élevée qu'Escalon ait à offrir. Il faut que tu sois plus qu'un simple guerrier.”

Ils s'arrêtèrent au niveau suivant. L'homme s'arrêta et regarda Merk dans les yeux, comme s'il lisait une vérité profonde en lui. Cela mit Merk mal à l'aise.

“Nous avons tous un passé obscur”, dit l'homme. “C'est ce qui nous amène ici. Quelle vertu réside dans ton obscurité ? Es-tu prêt à renaître ?”

Il attendit la réponse de Merk, qui resta figé en essayant de comprendre les paroles du guerrier, sans savoir comment y répondre.

“Le respect est dur à gagner, ici”, continua-t-il. “Nous sommes tous ici ce qu'Escalon a de mieux à offrir. Gagne ce respect et, un jour, nous t'accepterons peut-être dans notre confrérie. Sinon, nous te demanderons de partir. Souviens-toi : ces portes qui se sont ouvertes pour te laisser entrer peuvent tout aussi facilement se refermer pour t'empêcher de revenir.”

Merk eut le cœur serré à une telle idée.

“Comment puis-je servir ?” demanda Merk en ressentant la motivation qu'il avait toujours ardemment souhaité ressentir.

Le guerrier resta longtemps muet, puis, finalement, il se retourna et commença à monter vers l'étage suivant. Quand Merk le regarda s'en aller, il comprit qu'ici, dans cette tour, il y avait beaucoup de choses interdites, beaucoup de secrets qu'il ne connaîtrait peut-être jamais.

Merk allait suivre le guerrier mais, soudain, une grande main musclée vint se plaquer sur sa poitrine et l'arrêta. Il vit apparaître un autre guerrier qui venait d'une autre porte secrète, pendant que le premier guerrier poursuivait sa route et disparaissait dans les niveaux supérieurs. Le nouveau guerrier était bien plus grand que Merk et portait la même cotte de mailles en or.

“Tu serviras avec les autres à ce niveau”, dit-il d'un ton bourru. “Je suis ton commandant. Vicor.”

Son nouveau commandant, un homme mince au visage dur comme la pierre, était du style qu'il valait mieux ne pas contrarier. Vicor se tourna et désigna une porte ouverte dans le mur. Merk y entra avec précaution. Il serpenta dans d'étroits halls de pierre et se demanda ce qu'était cet endroit. Marchant en silence, ils passèrent par des arches ouvertes sculptées dans la pierre. Le hall les mena dans une salle de grande taille avec un haut plafond conique, au sol et aux murs en pierre et éclairée par la lumière du soleil qui filtrait par des fenêtres étroites et effilées. Merk eut la surprise de voir des dizaines de visages le regarder fixement, des visages de guerrier, certains minces, d'autres musclés, tous avec des yeux durs et inébranlables, tous éclairés par le sens du devoir, de la motivation. Ils étaient répandus dans toute la salle, chacun posté à une fenêtre, et ils portaient tous la cotte de mailles en or. Quand l'étranger entra dans leur salle, ils se tournèrent tous pour le regarder.

Merk se sentit mal à l'aise et fixa lui aussi les hommes dans le silence gênant.

A côté de lui, Vicor se racla la gorge.

“Les frères ne te font pas confiance”, dit-il à Merk. “Ils ne te feront peut-être jamais confiance et tu ne leur feras peut-être jamais confiance. Ici, le respect se gagne et il n'y a pas de deuxième chance.”

“Que suis-je supposé faire ?” demanda Merk, abasourdi.

“La même chose que ces hommes”, répondit Vicor d'un ton bourru. “Tu vas monter la garde.”

Merk examina la salle de pierre arrondie et, à l'autre bout, à peut-être quinze mètres, il vit une fenêtre ouverte sans guerrier devant. Vicor marcha lentement vers elle et Merk le suivit en passant près des guerriers, qui le regardèrent chacun passer avant de se retourner vers leur fenêtre. C'était étrange de se retrouver parmi ces hommes sans en faire encore partie. Merk avait toujours combattu tout seul et ne savait pas ce que c'était que d'appartenir à un groupe.

Quand il passa près d'eux, il les examina et sentit que, comme lui, ils étaient tous des hommes brisés, des hommes sans autre but dans la vie et qui n'avaient aucun autre endroit où aller, des hommes qui avaient fait de cette tour en pierre leur maison. Des hommes comme lui.

Quand il s'approcha de son poste, Merk remarqua que le dernier homme près duquel il était passé avait l'air différent des autres. Il avait l'air d'être un garçon de peut-être dix-huit ans, avec la peau la plus douce et la plus claire que Merk ait jamais vue et avec des cheveux longs, fins et blonds qui lui tombaient jusqu'à la taille. Il était plus mince que les autres, était peu musclé et on aurait dit qu'il n'était jamais allé à la guerre. Pourtant, malgré ça, il avait l'air fier et Merk eut la surprise de le voir le fixer avec des yeux jaunes et féroces qui rappelaient ceux du Gardien. Ce garçon avait l'air presque trop fragile pour être ici, trop sensible, et pourtant, en même temps, il avait dans le regard quelque chose qui inquiétait Merk.

“Ne sous-estime pas Kyle”, dit Vicor en regardant Kyle se retourner vers sa fenêtre. “C'est le plus fort de nous tous et le seul vrai Gardien ici. Ils l'ont envoyé ici pour nous protéger.”

Merk avait du mal à le croire.

Merk atteint son poste, s'assit à côté de la grande fenêtre et regarda à l'extérieur. Il y avait un rebord en pierre sur lequel s'asseoir et, quand il se pencha en avant et regarda par la fenêtre, il jouit d'une vue étendue du paysage qui se situait au-dessous. Il vit la péninsule désolée de Ur, la canopée de la forêt lointaine et, au-delà de ça, l'océan et le ciel. Il avait l'impression de voir tout Escalon depuis ce point d'observation.

“C'est tout ?” demanda Merk, surpris. “Je reste assis ici et je regarde ?”

Vicor sourit.

“Ton service n'a même pas encore commencé.”

Merk fronça les sourcils, déçu.

“Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rester assis dans une tour”, dit Merk en s'attirant les regards de quelques autres. “Comment pourrais-je défendre la tour d'ici ? Ne puis-je pas patrouiller au niveau du sol ?”

Vicor sourit d'un air suffisant.

“Tu vois beaucoup plus loin ici que tu ne le peux en bas”, répondit-il.

“Et si je vois quelque chose ?” demanda Merk.

“Sonne la cloche”, dit-il.

Il hocha la tête et Merk vit une cloche perchée à côté de la fenêtre.

“Au cours des siècles, il y a eu beaucoup d'attaques contre notre tour”, poursuivit Vicor. “Elles ont toutes échoué à cause de nous. Nous sommes les Gardiens, la dernière ligne de défense. Tout Escalon a besoin de nous et il y a beaucoup de moyens de défendre une tour.”

Merk le regarda partir et, en s'installant à son poste dans le silence ambiant, il se demanda dans quoi il s'était engagé.