Kitabı oku: «Le Réveil Du Vaillant», sayfa 3

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Puis, soudain, Kyra sentit un frisson lui parcourir l'échine, comme un éclair la traversant. Cela vint sous forme d'un son aigu retentissant dans les écuries, un son qui lui disait que cela était son cheval. Le son ne ressemblait pas à celui fait par un cheval – mais à celui émit par quelque chose de beaucoup plus sombre, plus puissant. Il coupa à travers le bruit et s'éleva au-dessus de tous les autres sons, comme un lion sauvage essayant de se libérer de sa cage. Le son la terrifiait – et l'attirait en même.

Kyra se tourna vers la source, à l'autre bout de l'écurie, et comme elle le faisait il y eut un fracas soudain de bois. Elle vit la stalle éclater en morceaux, le bois volant partout, et une commotion s'en suivit pendant que plusieurs hommes se précipitaient, en essayant de fermer la porte en bois brisée. Un cheval continuant à la briser avec ses sabots.

Kyra se précipita vers la commotion.

« Où vas-tu? » demanda Baylor. « Les beaux chevaux sont ici. »

Mais Kyra l'ignora, prenant de la vitesse, son cœur battant plus vite, comme elle s'approchait. Elle savait qu'il l'appelait.

Baylor et les autres se précipitèrent pour la rattraper alors qu'elle approchait du bout de l'allée, tourna et eut le souffle coupé à la vue devant elle. Il y avait là ce qui semblait être un cheval, mais deux fois la taille des autres, des jambes grosses comme des troncs d'arbres. Il y avait deux petites cornes acérées, à peine visibles derrière ses oreilles. Son pelage n'était pas brun ou noir comme les autres, mais d'un écarlate profond et ses yeux, contrairement aux autres, brillaient en vert. Ils la regardèrent directement, et l'intensité de son regard la frappa dans la poitrine, lui enlevant son souffle. Elle ne pouvait pas bouger.

La créature, qui la dominait, fit un bruit comme un grognement et révéla des crocs.

« Quel est ce cheval? » demanda-t-elle à Baylor, sa voix à peine plus qu'un murmure.

Il secoua la tête de désapprobation.

« Ce n'est pas un cheval », il fronça les sourcils, « mais une bête sauvage. Un monstre. Très rare. C'est un solzor. Importé des coins les plus reculés de Pandesia. Le Seigneur gouverneur doit l'avoir gardé comme un trophée à montrer. Il ne pouvait pas monter la créature – personne ne le pourrait. Les solzors sont des créatures sauvages, qui ne peuvent pas être apprivoisées. Viens – tu perds un temps précieux. Retournons aux chevaux. »

Mais Kyra se tint là, enracinée sur place, incapable de détourner le regard. Son cœur battait comme elle savait ce que cela signifiait pour elle.

« Je choisis celui-ci », dit-elle à Baylor.

Baylor et les autres en eurent le souffle coupé, tous la dévisageant comme si elle était folle. Un silence stupéfait suivi.

« Kyra », commença Anvin, « ton père ne permettrait jamais – »

« C'est mon choix, n'est-ce pas? » répondit-elle.

Il fronça les sourcils et mit les mains sur ses hanches.

« Ce n'est pas un cheval! » insista-t-il. « C'est une créature sauvage.»

« Il te tuerait plutôt », ajouta Baylor.

Kyra se tourna vers lui.

« N'était-ce pas toi qui m'a dit faire confiance à mes instincts? » demanda-t-elle. « Eh bien, c'est là où ils m'ont conduite. Cet animal et moi allons de pair. »

Le solzor leva soudainement ses immenses jambes, fracassa une autre porte en bois et envoyant des éclats partout et des hommes se recroqueviller. Kyra était émerveillée. Il était sauvage et indompté et magnifique, un animal trop grand pour ce lieu, trop grand pour la captivité, et de loin supérieur aux autres.

« Pourquoi devrait-elle l'avoir? » Brandon demanda, faisant un pas en avant et poussant les autres hors de son chemin. « Je suis plus vieux, après tout. Je le veux. »

Avant qu'elle ne puisse répondre, Brandon se précipita en avant comme pour le réclamer. Il se prépara à sauter sur son dos et le solzor résista sauvagement et le jeta par terre. Il vola à travers les écuries et s'écrasa contre le mur.

Braxton se précipita alors, comme s'il allait le revendiquer, lui aussi, et à ce moment la créature fit pivoter sa tête et trancha le bras de Brandon avec ses crocs.

Saignant, Brandon hurla et s'enfuit des écuries, serrant son bras. Braxton se remit sur ses pieds et le suivit, le solzor le manqunt juste comme il tentait de le mordre.

Kyra se tint, subjuguée, et pourtant sans peur. Elle savait que, pour elle, ce serait différent. Elle sentait une connexion avec cette bête, de la même manière qu'elle avait senti une connexion avec Théos.

Kyra s'avança tout à coup, hardiment, debout juste en face de lui, à portée de ses crocs meurtriers. Elle voulait montrer au solzor qu'elle lui faisait confiance.

« Kyra! » cria Anvin, sa voix pleine d'inquiétude. « Éloigne-toi! »

Mais Kyra l'ignora. Elle se tint là, à regarder la bête dans les yeux.

La bête la regarda en retour, un faible grognement venant de sa gorge, comme si elle débattait de ce qu'il fallait faire. Kyra tremblait de peur, mais elle ne voulait pas que les autres le voient.

Elle se força à montrer son courage. Elle leva une main lentement, fit un pas en avant, et toucha sa peau écarlate. Il gronda plus fort, montrant ses crocs, et elle pouvait sentir sa colère et frustration.

« Déverrouillez ses chaînes», commanda-t-elle aux autres.

« Quoi? » s'exclama l'un d'entre eux.

« Cela n'est pas sage », s'exclama Baylor, la peur dans sa voix.

« Faites ce que je dis! » insista-t-elle, sentant une force se lever en elle, comme si la volonté de cette bête affluait à travers elle.

Derrière elle, des soldats se précipitèrent avec des clés, déverrouillant ses chaînes. Pendant tout ce temps, les yeux en colère de la bête ne l'avaient jamais quittée, grondant, comme si elle la mesurait, la mettait au défi.

Dès que les chaînes lui furent enlevées, la bête piétina, comme si elle menaçait d'attaquer.

Mais, curieusement, elle ne le fit pas. Au lieu de cela, elle fixa Kyra, fixant ses yeux sur elle, et lentement son regard de colère sembla se transformer en un de tolérance. Peut-être même de gratitude.

Imperceptiblement, la bête sembla baisser la tête; c'était un geste subtile, presque imperceptible, mais un qu'elle pouvait déchiffrer.

Kyra s'avança, tint sa crinière, et dans un mouvement rapide monta l'animal.

Un hoquet de surprise remplit la salle.

Tout d'abord, la bête frissonna et commença à ruer. Mais Kyra sentit que c'était pour la galerie. Il n'avait pas vraiment envie de la désarçonner, il voulait juste établir sa défiance, montrer qui était en contrôle, la garder sur la pointe des pieds. Il voulait lui faire savoir qu'il était une créature de la nature, une créature à être apprivoisée par personne.

Je ne veux pas t'apprivoiser, dit-elle à elle dans son esprit. Je souhaite seulement être ta partenaire dans la bataille.

Le solzor se calma, caracolant toujours, mais pas aussi follement, comme s'il l'avait entendue. Bientôt, il cessa de bouger, parfaitement immobile sous elle, grognant en direction des autres, comme pour la protéger.

Kyra, assise sur le solzor, maintenant calme, regarda les autres. Une mer de visages choqués la regardaient, bouche bée.

Kyra sourit lentement, un large sourire, ressentant un grand sentiment de triomphe.

« Ceci », dit-elle, « est mon choix. Et son nom est Andor. »

*

Kyra montait Andor durant une promenade au centre de la cour d'Argos, et tous les hommes de son père, des soldats endurcis, s'arrêtèrent et la regardèrent dans la crainte tandis qu'elle passait. De toute évidence, ils n'avaient jamais vu quelque chose comme ça.

Kyra tenait sa crinière doucement, essayant de le calmer comme il grondait doucement à tous les hommes, les fusillant du regard, comme s'il menait une vendetta pour avoir été mis en cage. Kyra ajusta son équilibre, Baylor ayant mis une nouvelle selle de cuir sur l'animal, et essaya de s'habituer à chevaucher si haut. Elle se sentait plus puissante avec cette bête sous elle qu'elle ne l'avait jamais été.

À côté d'elle, Dierdre montait une belle jument que Baylor avait choisie pour elle, et elles continuèrent à travers la neige jusqu'à ce que Kyra repère son père au loin, debout près de la porte, qui l'attendait. Il se tenait avec ses hommes, attendant tous de la voir partir, et eux aussi, la regardaient avec peur et émerveillement, stupéfaits qu'elle puisse monter cet animal. Elle vit de l'admiration dans leurs yeux, et cela l'enhardit pour le voyage à venir. Si Théos ne lui revenait pas, au moins, elle avait cette magnifique créature sous elle.

Kyra démonta lorsqu'elle a atteint son père, guidant Andor par sa crinière et voyant l'étincelle d'inquiétude dans les yeux de son père. Elle ne savait pas si c'était à cause de cette bête ou du voyage à venir. Son regard d'inquiétude la rassura, lui fit comprendre qu'elle n'était pas la seule à craindre ce qui les attendait, et qu'il se souciait d'elle après tout. Pour un bref instant, il laissa tomber sa garde et lui lança un regard qu'elle seule pouvait reconnaître: l'amour d'un père. Elle pouvait dire qu'il se débattait avec sa décision de l'envoyer sur cette quête.

Elle s'arrêta à quelques pieds, en face de lui, et tout devint silencieux comme les hommes se rassemblaient autour d'eux pour observer l'échange.

Elle lui sourit.

« Ne t'inquiète pas, Père », dit-elle. « Tu m'as élevée pour être forte. »

Il hocha la tête en réponse, faisant semblant d'être rassuré et pourtant elle pouvait voir qu'il ne l'était pas. Il était encore et surtout, un père.

Il leva les yeux, cherchant le ciel.

« Si seulement ton dragon venait te voir maintenant », dit-il. « Tu pourrais traverser Escalon en quelques minutes. Ou mieux encore, il pourrait se joindre à toi dans ton voyage et incinérer tous ceux qui se mettraient dans ton chemin. »

Kyra sourit tristement.

« Théos est parti maintenant, Père. »

Il la regarda, les yeux émerveillés

« À jamais? » demanda-t-il, la question d'un chef de guerre menant ses hommes dans la bataille, ayant besoin de savoir, mais ayant peur de poser la question.

Kyra ferma les yeux et essaya de se mettre à l'écoute, d'obtenir une réponse. Elle voulait que Théos lui réponde.

Pourtant, il y avait un silence engourdissant. Cela lui fit se demander si elle avait jamais eu une connexion avec Théos pour commencer, ou si elle l'avait imaginée.

« Je ne sais pas, mon père », répondit-elle honnêtement.

Il hocha la tête, acceptant, le regard d'un homme qui avait appris à accepter les choses comme elles étaient et à compter sur lui-même.

« Rappelle-toi ce que je – » commença son père.

« KYRA! » un cri excité coupa à travers l'air.

Kyra se retourna tandis que les hommes se séparaient et son cœur se souleva de plaisir en voyant Aidan courir à travers les portes de la ville, Léo à ses côtés, sautant d'un chariot conduit par les hommes de son père. Il courut droit vers elle, trébuchant dans la neige, Léo encore plus vite, loin devant lui, et bondissant déjà dans les bras de Kyra.

Kyra rit comme Léo la renversait, debout sur sa poitrine et léchant encore et encore son visage. Derrière elle, Andor gronda, la protégeant déjà, et Léo se leva et lui fit face, grondant en retour. Ils étaient deux créatures intrépides, voulant la protéger autant l'un que l'autre et Kyra se sentait honorée.

Elle se leva et se tint entre eux, retenant Léo.

« Ça va, Léo », dit-elle. « Andor est mon ami. Et Andor », dit-elle, se retournant, « Léo est à moi, aussi. »

Léo recula à contrecœur, tandis Andor continuait à gronder, quoique moins fort.

« Kyra! »

Kyra se retourna comme Aidan courait dans ses bras. Elle se pencha et le serra fort contre elle tandis que ses petites mains l'agrippaient. Il était si bon d'embrasser son petit frère, qu'elle, elle était certaine, ne reverrait jamais. C'était tout ce qui restait de normalité dans le tourbillon que sa vie était devenue, la seule chose qui n'avait pas changé.

« J'ai entendu dire que tu étais ici », dit-il rapidement, « et j'ai convaincu quelqu'un de m'emmener avec eux pour te voir. Je suis tellement heureux que tu sois de retour. »

Elle sourit tristement.

« Je crains que ce ne soit pas pour longtemps, mon frère », dit-elle.

Un éclair d'inquiétude passa sur son visage.

« Tu t'en vas? » demanda-t-il, déçu.

Son père intervint.

« Elle se prépare à aller voir son oncle », expliqua-t-il. « Laisse-la partir maintenant. »

Kyra nota que son père avait dit son oncle et non votre oncle et elle se demanda pourquoi.

« Alors je vais me joindre à elle! » insista Aidan fièrement.

Son père secoua la tête.

« Non, tu ne le feras pas », répondit-il.

Kyra sourit à son petit frère, si brave, comme toujours.

« Père a besoin de toi ailleurs », dit-elle.

« Le champ de bataille? » demanda Aidan en se tournant vers leur père avec espoir. « Vous partez vers Esephus », ajouta-t-il rapidement. « Je l'ai entendu dire! Je veux me joindre à vous! »

Mais il secoua la tête.

« C'est Volis pour toi », répondit-il. « Tu vas rester là, protégé par les hommes que je laisse derrière. Le champ de bataille n'est pas un endroit pour toi maintenant. Un jour. »

Aidan rougit de déception.

« Mais je veux me battre, Père! » protesta-t-il. « Je n'ai pas besoin de rester barricadé dans une forteresse vide avec les femmes et les enfants! »

Ses hommes ricanèrent, mais son père avait l'air grave.

« Ma décision est prise », répondit-il sèchement.

Aidan fronça les sourcils.

« Si je ne peux pas me joindre à Kyra et je ne peux pas vous rejoindre », dit-il, refusant d'abandonner, « alors à quoi sert d'en apprendre plus sur les batailles, d'apprendre à utiliser les armes? À quoi sert tout mon entraînement? »

« Attends d'abord que les poils te poussent sur la poitrine, petit frère », rit Braxton, faisant un pas en avant, Brandon à côté de lui.

Un rire éclata parmi les hommes et Aidan rougit, clairement embarrassé devant les autres.

Kyra, se sentant mal à l'aise, se mit à genoux devant lui et le regarda, plaçant une main sur sa joue.

« Tu seras un bien meilleur guerrier que chacun d'eux », le rassura-t-elle doucement, de sorte que lui seul pouvait l'entendre. « Soit patient. Pendant ce temps, veille sur Volis. Elle a besoin de toi, aussi. Rends-moi fier. Je reviendrai, je te le promets, et un jour nous combattrons ensemble dans de grandes batailles. »

Aidan sembla se radoucir un peu, comme il se penchait en avant et l'étreignait à nouveau.

« Je ne veux pas que tu partes », dit-il doucement. « J'ai rêvé de toi. J'ai rêvé … » Il la regarda à contrecœur, les yeux remplis de peur. «… Que tu mourrais là-bas. »

Kyra ressentit un choc à ses mots, surtout quand elle vit le regard dans ses yeux. Cela la hanta. Elle ne savait pas quoi dire.

Anvin s'avança et drapa sur ses épaules d'épaisses fourrures, lourdes, la réchauffant; elle se sentit plus lourdes de 10 livres, mais elles bloquaient e vent et faisaient disparaitre les frissons le long de son dos. Il sourit en retour.

« Tes nuits seront longues, et les feux seront loin », dit-il, et il lui donna une étreinte rapide.

Son père s'avança rapidement et l'étreint, la forte étreinte d'un chef de guerre. Elle l'étreignit en retour, perdue dans ses muscles, se sentant en sécurité.

« Tu es ma fille », dit-il fermement, « ne l'oublie pas.» Il baissa alors la voix pour que les autres ne puissent pas l’entendre, et ajouta: « Je t'aime. »

Elle était submergée par les émotions, mais avant qu'elle ne puisse répondre, il se retourna et s'éloigna rapidement et au même moment Léo gémit et sauta sur elle, poussant son nez dans sa poitrine.

« Il veut aller avec toi », observa Aidan. « Emmène-le – tu auras besoin de lui beaucoup plus que moi, enfermé à Volis. Il est à toi de toute façon. »

Kyra étreint Léo, incapable de refuser, comme il ne la quittait pas. Elle se sentait réconfortée par l'idée qu'il se joignait à elle, il lui avait beaucoup manqué. Elle pouvait utiliser une autre paire d'yeux et d’oreilles, aussi, et il n'y avait personne de plus loyal que Léo.

Prête, Kyra monta Andor tandis que les hommes de son père se séparaient. Ils tirent des torches de respect pour elle tout le long du pont, éloignant la nuit, éclairant un chemin pour elle. Elle regarda par-delà d'eux et vit le ciel assombri, le désert devant elle. Elle sentait de l'excitation, de la peur, et surtout, un sens du devoir. Un objectif. Devant elle était la quête la plus importante de sa vie, une quête qui avait en jeu non seulement son identité, mais le sort de tout Escalon. Les enjeux ne pouvaient être plus élevés.

Son bâton attaché sur une épaule, son arc sur l'autre, Léo et Dierdre à ses côtés, Andor sous elle, et tous les hommes de son père la regardant, Kyra commença à faire avancer Andor au pas vers les portes de la ville. Elle alla d'abord lentement, à travers les torches, passant les hommes, se sentant comme si elle marchait dans un rêve, marchait vers son destin. Elle ne regarda pas en arrière, ne voulant pas perdre sa détermination. Le son faible d'un cor sonné par les hommes de son père se fit entendre, un cor sonnant le départ, le son du respect.

Elle était prête à donner un coup de talon Andor, mais il l'avait déjà anticipé. Il commença à courir, d'abord au trot, puis au galop.

En quelques instants Kyra se retrouva à galoper dans la neige, à travers les portes d'Argos, sur le pont, dans les champs, le vent froid dans ses cheveux et rien devant elle, mais une longue route, des créatures sauvages et la noirceur de la nuit tombante.

CHAPITRE QUATRE

Merk courait à travers le bois, trébuchant sur la pente terreuse, se faufilant entre les arbres, les feuilles de Whitewood craquant sous lui comme il courait avec la dernière énergie. Il regardait devant lui et conservait dans son champs de vision les panaches de fumée au loin, remplissant l'horizon, bloquant le coucher de soleil rouge sang, et il avait un sentiment croissant d'urgence. Il savait que la jeune fille était là-bas, quelque part, peut-être assassinée en ce moment même, et il ne pouvait pas faire courir ses jambes assez vite.

Meurtre semblait le trouver; il le rencontrait à chaque détour, apparemment tous les jours, de la façon dont les autres hommes étaient convoqués à la maison pour le dîner. Il avait un rendez-vous avec la mort, sa mère avait l'habitude de dire. Ces mots résonnaient dans sa tête, l'avaient hanté pour la plus grande partie de sa vie. Est-ce que les mots de sa mère devenaient vrais d'eux-mêmes? Ou était-il né avec une étoile noire au-dessus de sa tête?

Tuer pour Merk était un élément naturel de sa vie, comme respirer ou avoir à déjeuner, peu importe pour qui il le faisait, ou comment. Plus il réfléchissait, plus il ressentait un grand sentiment de dégoût, comme s'il voulait vomir toute sa vie. Mais alors que tout à l'intérieur de lui criait de faire demi-tour, pour commencer une nouvelle vie, de continuer son pèlerinage vers la Tour de Ur, il ne pouvait pas le faire. La violence, une fois de plus, le convoquait, et maintenant n'était pas le temps d'ignorer son appel.

Merk courait, les nuages de fumée flottant au vent se rapprochant, rendant sa respiration plus difficile, l'odeur de fumée nauséabonde dans ses narines, et un sentiment familier commença à l'envahir. Ce n'était pas la peur ou même, après toutes ces années, l'excitation. C'était un sentiment de familiarité. De la machine à tuer qu'il était sur le point de devenir. C'était toujours ce qui arrivait quand il entrait dans la bataille – sa propre bataille privée. Dans sa version de la bataille, il tuait son adversaire face à face; il n'avait pas à se cacher derrière une visière ou armure ou les applaudissements de la foule comme ces chevaliers de fantaisie. À son avis, la sienne était la bataille la plus courageuse de tous, réservée aux vrais guerriers comme lui.

Et pourtant, comme il courait, quelque chose semblait différent pour Merk. Habituellement, Merk ne se souciait pas de qui vivait ou mourait; c'était juste le travail. Cela le laissait libre de raisonner, libre d'être assombri émotionnellement. Pourtant, cette fois, c'était différent. Pour la première fois, d’aussi loin qu'il pouvait se souvenir, on ne le payait pour faire cela. Il procédait de sa propre volonté, pour aucune autre raison que parce qu'il plaignait la jeune fille et voulait redresser les torts. Cela le rendait investi et il n'aimait pas ce sentiment. Il regrettait maintenant de ne pas avoir agi plus tôt et de l'avoir repoussée.

Merk courait à un rythme soutenu, ne portant pas d'armes – et n'en avait pas besoin. Il avait seulement à sa ceinture son poignard, et cela suffisait. En effet, il ne l’utiliserait peut-être même pas. Il préférait entrer en bataille sans armes: prenant ses adversaires au dépourvu. En outre, il pouvait toujours dépouiller ses ennemis de leurs armes et les utiliser contre eux. Cela le laissait avec un arsenal instantané partout où il allait.

Merk surgit brusquement de Whitewood, les arbres faisant place à des plaines ouvertes et des collines, fut accueilli par l'énorme soleil rouge, bas sur l'horizon. La vallée s'étalait devant lui, le ciel au-dessus noir, comme en colère, rempli de fumée, et là, en feu, ce qui ne pouvait qu'être les vestiges de la ferme de la jeune fille. Merk pouvait l'entendre d'ici, les cris joyeux des hommes, des criminels, leurs voix remplies de plaisir, de soif de sang. D'un œil professionnel, il balaya la scène du crime et les repéra immédiatement, une douzaine d'hommes, leurs visages éclairés par les torches qu'ils tenaient comme ils couraient de çà et là, mettant le feu à tout. Certains couraient de l'écurie à la maison, approchant leurs torches de la paille des toits, tandis que d'autres abattaient des bovins innocents, les frappant avec des haches. L'un d'eux, il vit, traînait un corps par les cheveux sur le sol boueux.

Une femme.

Le cœur de Merk accéléra comme il se demandait si c'était la fille et si elle était morte ou vivante. Il la traînait vers ce qui semblait être la famille de la jeune fille, tous attachés à la grange par des cordes. Il y avait son père et sa mère, et à côté d'eux, probablement ses sœurs, plus petites, plus jeunes. Comme une brise déplaçait un nuage de fumée noire, Merk eut un aperçu de longs cheveux blonds couverts avec de la saleté, et il savait que c'était elle.

Merk sentit une montée d'adrénaline comme il descendait la colline à un sprint. Il se précipita dans le camp boueux, courant au milieu des flammes et de la fumée, et il pouvait enfin voir ce qui se passait: la famille de la jeune fille, contre le mur, était déjà morte, égorgée, leurs corps suspendus mollement contre le mur. Il ressentit une vague de soulagement en voyant que la jeune fille était encore en vie, résistant comme ils la traînaient pour rejoindre sa famille. Il vit une des brutes attendant son arrivée avec un poignard, et il savait qu'elle serait la prochaine. Il était arrivé trop tard pour sauver sa famille, mais pas trop tard pour la sauver.

Merk savait qu'il devait prendre ces hommes au dépourvu. Il ralentit son allure et marcha tranquillement dans le centre du camp, comme s'il avait tout le temps dans le monde, attendant qu'ils le remarquent, voulant les désorienter.

Bientôt, l'un d'entre eux le remarqua. La brute se retourna immédiatement, choqué à la vue d'un homme marchant tranquillement à travers tout le carnage, et il lança un cri à ses amis.

Merk sentait tous les yeux confus sur lui comme il procédait, marchant nonchalamment vers la jeune fille. La brute la traînant regarda par-dessus son épaule, et à la vue de Merk, il s'arrêta aussi, desserrant son emprise et la laissant tomber dans la boue. Il se retourna et s'approcha de Merk avec les autres, le groupe se refermant sur lui, prêt à se battre.

« Qu'avons-nous ici? » s’exclama l'homme qui semblait être leur chef. Il était celui qui avait laissé tomber la jeune fille, et comme il s'approchait de Merk, il sortit une épée de sa ceinture et s'approcha, comme les autres l'encerclaient.

Merk ne regardait que la jeune fille, vérifiant qu'elle était saine et sauve. Il fut soulagé de la voir se tortiller dans la boue, reprenant lentement ses esprits, levant la tête et le regardant, hébétée et confuse. Merk était soulagé qu'il ne fût pas, au moins, trop tard pour la sauver. Peut-être que cela était la première étape sur ce qui serait un très long chemin vers la rédemption. Peut-être, se rendit-il compte, cela ne commençait pas dans la tour, mais ici.

Comme la jeune fille se retournait dans la boue, se soulevant sur ses coudes, leurs yeux se rencontrèrent et il les vit se remplir d'espoir.

« Tue-les! » hurla-t-elle.

Merk resta calme, marchant toujours avec désinvolture vers elle, comme s'il ne remarquait même pas les hommes autour de lui.

« Tu connais la fille », lança le leader.

« Son oncle? » dit l'un d'entre eux sur un ton moqueur.

« Un frère perdu depuis longtemps? » rit un autre.

« Tu viens la protéger, vieil homme? » se moqua un autre.

Les autres éclatèrent de rire comme ils se rapprochaient de plus en plus.

Bien qu'il ne le montrât pas, Merk évaluait silencieusement ses adversaires, en les jaugeant du coin de l'œil, évaluant leur nombre, leur taille, la vitesse à laquelle ils se déplaçaient, les armes qu'ils transportaient. Il analysa leurs muscles versus leur graisse, ce qu'ils portaient, leur flexibilité dans ces vêtements, à quelle vitesse ils pouvaient pivoter dans leurs bottes. Il nota les armes qu'ils tenaient – des couteaux grossiers, des poignards tirés, des épées mal aiguisées – et il analysa la façon dont ils les tenaient, à leurs côtés ou en face, et dans quelle main.

La plupart étaient des amateurs, réalisa-t-il, et aucun d'entre eux n'était vraiment inquiet de sa présence. Sauf un. Celui avec l'arbalète. Merk prit mentalement note de le tuer en premier.

Merk entra une zone différente, une façon de penser, d'être différente, celle qui le saisissait toujours naturellement quand il était dans une confrontation. Il devint immergé dans son propre monde, un monde sur lequel il avait peu de contrôle, un monde auquel il abandonnait son corps. C'était un monde qui lui dictait combien d'hommes il pouvait tuer rapidement, avec quelle efficacité. Comment infliger le maximum de dégâts avec le moins d'efforts possible.

Il était désolé pour ces hommes; ils ne savaient pas à quoi ils s'apprêtaient à faire face.

« Hé, je te parle! » lança leur chef, à peine à dix pieds de distance, tenant son épée avec un ricanement et se rapprochant rapidement.

Merk maintint le cap, cependant, et continua à marcher, calme et impassible. Il restait concentré, écoutant à peine les mots de leur chef, maintenant en sourdine dans son esprit. Il ne courrait pas ou ne montrerait pas des signes d'agressivité, jusqu'à ce que cela lui convienne, et il pouvait sentir que ces hommes étaient intrigués par son manque d'actions.

« Hé, sais-tu que tu es sur le point de mourir? » insista le leader. « Tu m'écoutes? »

Merk continua à marcher calmement tandis que leur chef, furieux, en avait assez d'attendre. Il cria dans un excès de rage, leva son épée, et chargea, l'abaissant vers l'épaule de Merk.

Merk prit son temps, ne réagit pas. Il marcha tranquillement vers son agresseur, attendant jusqu'à la dernière seconde, veillant à ne pas se crisper, à ne pas montrer des signes de résistance.

Il attendit que l'épée de son adversaire ait atteint son point le plus élevé, au-dessus de la tête de l'homme, le moment crucial de vulnérabilité pour tout homme, il l'avait appris il y avait longtemps. Et puis, plus rapide que son adversaire aurait pu le prévoir, Merk se précipita en avant comme un serpent, utilisant deux doigts pour frapper un point de pression en dessous de l'aisselle de l'homme.

Son agresseur, les yeux exorbités de douleur et surprise, laissa immédiatement tomber l'épée.

Merk s'approcha, passa un bras autour du bras de l'homme et resserra son emprise. Dans le même mouvement, il saisit l'homme par l'arrière de sa tête et le retourna, se servant de lui comme d'un bouclier. Car ce n'était cet homme qui avait inquiété Merk, mais l'attaquant derrière lui avec l'arbalète. Merk avait choisi d'attaquer ce lourdaud en premier simplement pour gagner un bouclier.

Merk se retourna et fit face à l'homme avec l'arbalète, qui, comme il l'avait prévu, le visait déjà avec son arc. Un instant plus tard Merk entendit le bruit révélateur d'une flèche étant libérée de l'arbalète, et il la regarda voler à travers les airs directement vers lui. Merk tint son bouclier humain serré.

Il y eut un hoquet et Merk sentit le tressaillement du lourdaud dans ses bras. Le chef cria de douleur et Merk sentit soudainement une secousse de douleur lui aussi, comme un couteau pénétrant dans son estomac. Tout d'abord, il fut confus et il comprit ensuite que la flèche avait traversé l'estomac du bouclier et que la tête de celle-ci avait à peine pénétré le ventre de Merk, également. Elle avait pénétré peut-être d'un pouce – pas suffisamment pour le blesser grièvement – mais assez pour faire mal comme l'enfer.

Calculant le temps qu'il faudrait pour recharger l'arbalète, Merk laissant tomber le corps mou du leader, arracha l'épée de sa main, et la jeta. Elle pivota dans les airs vers le voyou avec l'arbalète et l'homme hurla, les yeux écarquillés sous le choc, comme l'épée perçait sa poitrine. Il laissa tomber son arc et tomba mollement sur le sol.

Merk se retourna et regarda les autres voyous, tous clairement en état de choc, deux de leurs meilleurs hommes morts, tous semblaient désormais incertains. Ils se firent face dans un silence inconfortable.

« Qui es-tu? » demanda finalement l'un d'eux, de la nervosité plein sa voix.

Merk sourit largement et fit craquer ses jointures, savourant le combat à venir.

« Je », répondit-il, « suis ce qui vous empêche de dormir la nuit. »